Gérard Depardieu et Catherine Frot à nouveau réunis au cinéma
Catherine Frot (photo Christelle Besseyre) et Gérard Depardieu (photo Georges Biard) vont tourner dans le Morvan.
Pour son prochain film, le réalisateur Lucas Belvaux a porté son choix sur Gérard Depardieu et Catherine Frot, ce qui marquera la troisième collaboration des deux acteurs.
Après "Mon oncle d'Amérique" d'Alain Resnais en 1980 et "Boudu" de Gérard Jugnot en 2005, c'est pour Lucas Belvaux ("Chez Nous", "38 témoins") que Gérard Depardieuet Catherine Frot se retrouveront au cinéma. Basé sur le roman "Des Hommes" de Laurent Mauvignier, ce film du même nom s'intéressera au destin d'hommes ayant été appelés pour servir pendant la Guerre d'Algérie, revenus en France brisés par leurs expériences là-bas.
Un homme marqué
Comme le rapporte le site américain ScreenDaily, Gérard Depardieu, que l'on retrouvera bientôt dans "Convoi exceptionnel" au côté de Christian Clavier, incarnera Bernard, un homme hanté par son enfance difficile et son service militaire en Algérie. Rongé par l'alcool, il est surnommé Feu de Bois car il ne manque jamais une occasion de créer des tensions au sein du village de Bourgogne dans lequel il habite.
Lors du 60e anniversaire de sa soeur Solange, interprétée par Catherine Frot, fête à laquelle sont conviés famille, amis et connaissances du frère et de la soeur, Bernard va d'ailleurs se lancer dans une tirade raciste à l'encontre de l'un des invités, un homme originaire d'Afrique du Nord.
Solène Filly, publié le 7 mars
https://cineday.orange.fr/actu-cine/gerard-depardieu-et-catherine-frot-a-nouveau-reunis-au-cinema-CNT000001dx049.html
Des enfants recherchés pour tourner à Château-Chinon avec Gérard Depardieu et Catherine Frot
Pour le prochain film du réalisateur belge Lucas Belvaux dont quelques scènes seront tournées en juin, en Morvan, et en particulier à Château-Chinon, le chargé de casting recherche des enfants pour tenir de petits rôles.
Les deux grands acteurs Gérard Depardieu et Catherine Frot seront à l’affiche de ce film (titre provisoire : Des hommes) qui évoque la guerre d’Algérie. Il a pour synopsis : « Jeunes paysans, ils sont partis en 1960 se battre en Algérie et sont revenus, brisés pour toujours. »
- deux garçons âgés de 6 à 12 ans d’origine algérienne ;
- une adolescente âgée environ de 16 ans également d’origine algérienne ;
- une jeune fille âgée environ de 10 à 12 ans.
Les enfants doivent impérativement être à l’aise avec le jeu. S’ils font du théâtre c’est un vrai plus. Le casting sera organisé d’ici quelques jours.
Les candidatures sont à adresser dès maintenant par courriel ([email protected]) avec photos récentes obligatoires (portrait et en pied) avec coordonnées complètes (nom, prénom, adresse postale et numéro de téléphone), et en mettant en objet : "Enfant".
https://www.lejdc.fr/chateau-chinon-ville/loisirs/scene-musique/2019/03/06/des-enfants-recherches-pour-tourner-a-chateau-chinon-avec-gerard-depardieu-et-catherine-frot_13510740.html#refresh
Le roman
"Des hommes" : les blessures assassines de Laurent Mauvignier
De jeunes hommes ordinaires pris en tenaille pour le restant de leur vie
“Des hommes” raconte les trajectoires brisées de ceux qui ne peuvent pas mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu. C’est aussi l’histoire d’une amnésie implicitement exigée socialement. C’est surtout l’histoire de jeunes appelés, de trop jeunes appelés, envoyés en Algérie pour défendre la patrie.
Là-bas ils assistent, souvent de façon impuissante mais néanmoins participante, à des scènes qui les marqueront à jamais. Pris dans un collectif militaire où on ne leur demande pas leur avis, ils obéissent à des ordres, commettent des exactions contre des villageois démunis dans le but de soutirer des informations sur les rebelles. Il y a la peur, bien sûr, mais aussi l’ennui qui est d’une violence inouïe, qui renforce encore davantage l’angoisse de la perte de ce qui a été jadis, et du futur tant espéré : rentrer chez soi vivre une vie ordinaire.
On garde des positions géographiques stratégiques dans des baraquements miteux, on vit dans des chambrées collectives où la promiscuité est de rigueur. L’amitié est de circonstance, le temps semble arrêté, éternel. L’attente force à réfléchir à l’inutilité de sa présence, au bien fondé de celle-ci. L’ennemi, toujours invisible, mais présent dans ses mises en scènes jugées barbares, sape le moral : on se demande alors si ce sont “des hommes”. Puis on réfléchit alors à ses propres actes.
De temps en temps une permission égaye ce quotidien. On part alors à Oran. Mireille, fille de colons, est le rayon de soleil de Bernard. Mais, cet équilibre est instable, tant Bernard à l’impression de ne pas être à la hauteur, lui l’anodin villageois d’un coin perdu en France. Alors il esquive déjà certaines conversations, pour ne pas se retrouver en porte-à-faux. C’est que Bernard a une histoire familiale difficile : une fratrie nombreuse, une mère veuve, une enfance difficile, des maladresses, des rancoeurs, des non-dits... ni victime, ni coupable. Mais l’entaille qui ne sera pas soignée avant le départ en Algérie se transformera en plaie béante au retour.
Le retour en France sera donc difficile pour Bernard, Février, Rabut et tant d’autres. D’autant plus que pour “les anciens de Verdun”, la guerre d’Algérie n’en était pas une. Certains essayeront alors de se retrouver parfois avec les anciens de l’Afrique du Nord, mais le dialogue semble superficiel, tant ce que l’on ressent vraiment reste terré au fond des hommes, les travaillant comme une lame de fond.
Le narrateur est Rabut, cousin de Bernard. Rabut parle de Bernard, mais leur histoire s’entremêle, avec celle des autres aussi, dont Février. Si Rabut raconte l’histoire de Bernard c’est qu’il n’arrive pas à raconter la sienne ; il fait tiers, pour parler de lui-même. On ne sait d’ailleurs plus toujours qui raconte dans ce livre ; le lecteur étant lui-même égaré par mille voix lâchant des fragments identitaires éparses et douloureux. Si Rabut ne supporte pas Bernard, c'est parce qu'il ne semble pas mieux vivre que ce dernier, pourtant clochard, ivrogne, que l’on affuble du sobriquet "Feu-de-bois" ; mais c'est surtout parce qu'il a l'impression de s'être menti en tentant de reprendre une vie ordinaire, à l'inverse de Bernard. Rabut voudrait désormais rester immobile dans sa vie, pour ne pas prendre le risque de se fabriquer des souvenirs : sans passé, pas de souffrance.
Et tout s’embrase par un cadeau, un geste public lourd de conséquences, faute à ne s’être jamais parlé. Derrière chaque histoire il y a une histoire, et quand tout explose, on remonte loin en arrière.
Très beau livre qui n’est pas un roman sur la guerre d’Algérie, mais qui se servira de cette période historique pour mettre en évidence toutes les difficultés de faire rejoindre, de faire coexister, la mémoire individuelle et la mémoire collective. Sans cela, l’individu ne semble pas pouvoir trouver une paix intérieure, car la guerre continue toujours dans sa tête, l’oppressant jusqu’à étouffement.
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21144
Jeunes paysans, ils sont partis en 1960 se battre en Algérie et sont revenus brisés pour toujours. Ils parlent dans ce livre polyphonique et magistral.
Il se prénomme Bernard. Dans le pays, on l'appelle Feu-de-Bois. Ça lui va bien. Il est brûlé de l'intérieur, noir de crasse et d'alcool, inflammable. Il se consume lentement, dans un mutisme et une misère à faire peur. Il a 63 ans, le visage bouffi, les cheveux jaunes, de grosses moustaches et un nez grêlé. Il vit seul, dans un gourbi. La nuit, il arpente la forêt, un fusil sous le bras; le jour, il traverse la campagne sur sa vieille Mobylette pour aller s'échouer sur le zinc des bars. C'est, dit de lui Laurent Mauvignier, «un bloc de silence qui s'est rétracté».
Feu-de-Bois sent mauvais. Il pue la mauvaise gnôle, la cendre froide et la haine. Pour tout le village, et pour les siens en particulier. Pour lui-même, aussi. Autrefois, il a insulté l'une de ses soeurs sur son lit de mort; il a accusé sa mère de lui avoir volé un chèque; il a abandonné, dans la banlieue parisienne, sa femme et ses deux gosses. Seule sa soeur Solange trouve encore grâce à ses yeux.
Le jour de son anniversaire, dans la salle des fêtes où tous les amis sont réunis, en titubant il lui offre une broche en or nacré avec l'argent qu'il a dérobé à sa mère après son départ pour la maison de retraite. Solange la refuse. Fou de colère et d'humiliation, il part alors casser du «bougnoule», pénètre dans la maison de Saïd, le seul Arabe du canton, tente de violer sa femme, terrorise leurs enfants et s'en retourne chez lui, ivre mort. Il vomit son passé. Il se vomit.
C'est la guerre d'Algérie qui l'a brisé, qui a fait de lui une épave. Parti avec un FM et un missel, il ne s'en est jamais remis. Une jeunesse en enfer. Les camarades abattus. Le médecin du bataillon martyrisé. Les fellagas torturés. Les filles violées. Les corps carbonisés par les bombardements au napalm. Les villages détruits. Les harkis qui trahissent et ceux que la France a trahis. Là-bas, pourtant, il a rencontré Mireille, il rêvait de fonder une famille et d'ouvrir un garage en France. Mais il a fini à la chaîne des usines Renault de Billancourt, habité une HLM, et finalement tout largué pour revenir croupir, en 1973, dans son village natal, broyer du noir et se battre avec ses fantômes.
D'autres, comme son cousin et voisin Rabut, ont aussi été appelés en 1960, et ont connu l'horreur. En apparence, ils s'en sont sortis. Ils mènent aujourd'hui de petites vies respectables. Ils ne se vautrent pas dans l'abjection comme Feu-de-Bois. Mais ils sont pareillement hantés, malgré les lourdes doses d'anxiolytiques. Ils se cachent toujours pour souffrir. Ces mots, par exemple, Rabut n'a jamais osé les dire à sa femme: «Nicole, tu sais, on pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même.»
« Des hommes », magnifique et bouleversant lamento collectif, n'est pas un roman sur la guerre d'Algérie, c'est un livre où parlent tous ceux qui ne trouveront jamais la paix. C'est un livre sur la guerre qui continue après la guerre. Aussi violente, sanglante, et injuste, elle est désormais intérieure, comme une hémorragie interne dont on ne guérit pas.
Même si Laurent Mauvignier raconte, avec une force et une précision incroyables, les derniers combats entre l'armée française et le Flin, le traumatisme qu'il décrit est le même que celui dont ont souffert, à en devenir fous, à en mourir, les rescapés du Chemin des Dames ou les vétérans du Vietnam.
C'est le septième livre de Laurent Mauvignier. Le plus accompli, le plus torrentiel, le plus étourdissant, celui qui les rassemble tous : «Loin d'eux», «Apprendre à finir», «Ceux d'à côté», «Seuls», «le Lien» et «Dans la foule».
Car depuis dix ans ce jeune et singulier romancier, qui tient de l'écrivain public et du psychothérapeute, n'a de cesse, en s'effaçant toujours plus, de rendre la parole aux sans-voix, d'arracher des aveux aux taiseux, de ressouder les destins brisés, de nommer l'innommable, d'écouter les survivants de désastres intimes - un suicide, un viol - ou de drames qui ont marqué les consciences, comme celui du stade du Heysel, en 1985. Sa prose, étonnante, organique et polyphonique, mêle les récits de tous ces anonymes pour n'en faire qu'un.
Ici, dans cette tragédie en quatre actes («après-midi», «soir», «nuit», «matin»), Feu-de-Bois, Rabut, Février et les autres, qu'ils l'exhibent ou la dissimulent, qu'ils la fassent saigner ou la pansent, portent la même blessure et semblent charger Laurent Mauvignier d'en mesurer la largeur et la profondeur. Ils ont raison de lui faire confiance : ce grand écrivain ne les trompera jamais, et sa main ne tremble pas.
Jérôme Garcin
https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20090827.BIB3898/des-hommes-les-blessures-assassines-de-laurent-mauvignier.html
Des hommes, par Laurent Mauvignier,
Minuit, 286 p., 17,50 euros (en librairie le 3 septembre).
Né à Tours en 1967, Laurent Mauvignier vit à Toulouse. Il est l’auteur d’«Apprendre à en finir», prix du Livre Inter 2001, et de «Dans la foule», (coll. «Double», 9,50 euros).
Source: "le Nouvel Observateur" du 27 août 2009.
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