De nombreuses victimes civiles algériennes durant la Guerre de libération nationale et leurs ayants droit veulent réclamer des indemnisations à l’Etat français. Et ce, en application de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963, modifié le 8 février 2018 sur décision du Conseil constitutionnel français.
Considérant qu’elle était «contraire à la Constitution», les membres du Conseil constitutionnel ont en effet censuré la condition de nationalité française que ce texte législatif exigeait de chaque personne souhaitant bénéficier d’une pension en guise d’indemnisation des «dommages physiques» qu’elle-même ou un membre de sa famille a subis en Algérie, du 31 octobre 1954 au 29 septembre 1962, du «fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire».
A l’origine de ce changement significatif au profit des victimes civiles algériennes, se trouve un certain Abdelkader K., ressortissant algérien résidant à Bordeaux (sud-ouest de la France), qui avait entamé en 2015 des démarches auprès du ministère français de la Défense pour l’obtention d’une pension en tant que «victime civile de la guerre d’Algérie, ayant subi des violences liées à ce conflit».
En 2016, alors que sa demande a été rejetée sous le motif qu’il n’était pas Français au moment des faits, son avocate Jennifer Cambla a déposée une question prioritaire de constitutionnalité. C’est celle-ci qui a finalement abouti à la «déclaration d’inconstitutionnalité» de l’article de loi, prononcée par le conseil des «sages».
Abdelkader a eu non seulement gain de cause, mais il a créé un cas de jurisprudence ouvrant à d’autres Algériens la possibilité de bénéficier des mêmes dispositions. L’article 9 de la déclaration d’inconstitutionnalité précise : «En principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.»
Jurisprudence
Néanmoins, chaque postulant doit suivre une démarche individuelle car les dossiers de demande d’indemnisation sont étudiés au cas par cas par l’administration française qui garde, selon l’article 13 de la loi de 1963, un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice de ladite législation.
Quoi qu’il en soit, la même loi stipule que les requêtes susceptibles d’être acceptées doivent concerner des infirmités ou des décès «résultant de blessures reçues ou d’accidents subis du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements d’Algérie mentionnés à l’alinéa premier ; de maladies contractées du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements précités ; de maladies contractées ou aggravées du fait de mauvais traitement ou de privations subis en captivité en relation avec les mêmes événements.
Sont réputés causés par les faits prévus à l’alinéa précédent les décès, même par suite de maladie, s’ils sont survenus pendant la captivité». Le texte souligne cependant que «lorsque la blessure, l’accident, la maladie ou la mort sont dus à une faute inexcusable de la victime, ils ne donnent droit à aucune indemnité». Dans le même sillage, sont exclues également toutes les personnes qui ont « participé directement ou indirectement à l’organisation ou à l’exécution d’attentats ou autres actes de violence en relation avec les événements».
En somme, un Algérien qui veut constituer un dossier de demande d’indemnisation, en son nom ou celui d’un parent, doit satisfaire à trois conditions principales : justifier que la victime résidait sur le territoire algérien au moment des faits, c’est-à-dire entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 ; apporter une preuve irréfutable que le préjudice physique constaté (maladie, blessure ou décès) a été vraiment subi à cause de la guerre d’Algérie et durant la période déterminée ; établir son statut de «civil», autrement dit la non-appartenance à l’une des parties antagonistes algériennes (FLN-ALN et leurs réseaux de soutien) et françaises (armée régulière, harkis, membres de l’OAS, etc.).
Une fois son dossier complété, le postulant peut l’envoyer directement au ministère français de la Défense (sous-direction des pensions militaires à La Rochelle), à titre personnel ou avec l’assistance d’un avocat (algérien ou français, voire les deux), en mentionnant dans sa demande la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, pourtant sur la censure des mots «de nationalité française» qui figuraient au premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963. En cas de refus, un recours auprès de la justice française reste possible.
Si la réponse est positive, l’administration compétente déterminera les dispositions nécessaires à l’application dudit article, notamment les règles relatives au mode de calcul de la pension, à la date de son entrée en jouissance, ainsi qu’à l’attribution des allocations et avantages accessoires susceptibles d’y être rattachés.
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