Communication de l’historien Benjamin Stora à l’Institut français d’Alger
C’est sous le signe de l’amitié algéro-francaise que la communication intitulée justement «France-Algérie : Benjamin Stora, un historien des deux rives» a été donnée, samedi dernier, a l’Institut français d’Alger.
C’était plutôt une rencontre avec Benjamin Stora, qu’on ne présente plus, animée avec fluidité et brillamment par Sandra Alfonsi, journaliste et directrice de publication du magazine Aria.
Et cette conférence a drainé de monde. Un aréopage comptant des universitaires, forcément des historiens, des étudiants, des écrivains, des ambassadeurs, tels que MmeUlrike Maria Knotz, des anonymes, des curieux venus découvrir le personnage et l’illustre historien, l’enfant de Constantine.
C’est dire l’importance du thème. Et ce, en présence, de Gregor Turmel, conseiller à la coopération et à l’action culturelle à l’ambassade de France, le directeur de l’Institut français d’Alger, Jean-Jacques Beucler… La modératrice, Sandra Alfonsi, tout juste arrivée de Corse, ouvrira son questionnaire avec l’importance géostratégique de l’Algérie.
Benjamin Stora, très en verve, étrennera la communication : «L’Algérie représente une situation géostratégique très importante, ayant le plus grand désert du monde, de grandes et longues frontières méditerranéennes et subsahariennes. Un aspect décisif. Une population de plus de 40 millions d’habitants.
Une grande et importante diaspora en Europe, notamment en France. L’Algérie est au carrefour de toutes les civilisations. L’Algérie a du pétrole, du gaz… Un immense partenaire pour l’Europe, l’Afrique et celle subsaharienne et le Maghreb… L’Algérie est un très grand pays francophone entre les deux rives de la Méditerranée…»
L’Algérie, un attachement natal et familial
Sur le plan personnel, Benjamin Stora confie : «L’Algérie est le pays de ma naissance, Constantine, un attachement sentimental, personnel et familial. Avec cette volonté de comprendre, s’inscrire dans le présent, dans les enjeux démocratiques…»
Revenant sur son parcours de soixante-huitard ( 8 mai 1968), il se souviendra : «J’étais dans un engagement très à gauche. C’est cela le déclic. Mon retour en Algérie. A l’époque des questions portant sur le tiers-mondisme, la guerre au Vietnam (l’impérialisme), la Palestine, les conflits en Amérique latine.
J’étais engagé dans un mouvement trotskiste ayant soutenu le mouvement national algérien. Tout en m’intéressant à l’histoire… En découvrant les Mémoires de Messali Hadj, rédigés à la main, que m’avait confiés sa fille Djanina qui m’a fait confiance.
La genèse et la généalogie du nationalisme.» Benjamin Stora remerciera les historiens, les figures de proue du nationalisme, les révolutionnaires l’ayant soutenu et aidé dans sa quête historique. Tels que Mohamed Harbi, Abdelmadjid Merdaci, Ali Haroun, Hocine Aït Ahmed, ou encore Mohamed Boudiaf, pour ne citer que ceux-là. Tous ces contacts l’ont beaucoup aidé.
A propos de l’élément biographique mis en emphase par la journaliste Sandra Alfonsi, l’historien indique : «Il fallait descendre le plus bas possible dans la société, du mouvement national. Les déchirements intérieurs. Le FLN et le MNA. Une incompréhension, puisque c’est la même cause.
Comment admirer Messali et l’avoir combattu les armes à la main ? Quelles étaient les trajectoires ?» D’où un long labeur de 8 ans ayant abouti à un dictionnaire de 600 biographies. Avec la précieuse aide de Abdelmadjid Merdaci. «Il fallait comprendre les motivations de chacun, des deux côtés.
Même les pro-colons, les appelés d’Algérie, ils étaient 1,5 million, dont certains y ont passé 30 mois, les juifs d’Algérie ayant appartenu au monde indigène, le décret Crémieux, l’antisémitisme européen. Comprendre l’histoire des croisements. Je ne crois pas à l’Algérie-France, c’est une affaire de famille. Quand l’un est dominant…»
Larbi Ben M’hidi, un cas de conscience pour la France
Abordant la reconnaissance de la responsabilité de la torture et l’assassinat, par l’armée française en 1957, de Maurice Audin, militant communiste et pour la cause algérienne, par le président de la République française, Emmanuel Macron, récemment, Benjamin Stora déclarera : «Ce geste est important, l’affaire Maurice Audin.
Un précédent. Un aveu de la torture, les assassinats et disparitions en pleine Bataille d’Alger. Ce geste accompli, condamnant cela par le président de la République (Emmanuel Macron), ouvre d’autres possibilités. Il y a d’autres cas. Comme celui de Larbi Ben M’hidi qui se pose à la conscience française.
Un grand dirigeant politique assassiné. C’est un cas emblématique. Ces gestes, ces initiatives politiques et symboliques sont nécessaires. S’il n’y a pas de gestes politiques de l’Etat, la mémoire en pâtit. Ne pas faire dans l’histoire définitive, terminée. C’est mortel ! Sinon, elle devient officielle.
Il s’agit de saignement de la mémoire, de transmission de la mémoire entre les générations.»Entre deux décryptages, il confie que le 2 décembre était son anniversaire, 68 ans, et qu’il le célébrait en Algérie. Ainsi, s’est-il vu souhaiter un excellent et chaleureux anniversaire collectif.
https://www.elwatan.com/edition/culture/laffaire-maurice-audin-ouvre-dautres-possibilites-gestes-politiques-04-12-2018
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