- Nous aussi, nous marchions
Pierre Tisserand – Yves Branellec
1. Nous aussi, nous marchions
Pierre Tisserand – Yves Branellec
C'était un beau pays que je ne nomm'rai pas,
On y passait trente mois ou de vie à trépas
C'était un beau pays près de la Tunisie
Mais à cause des ciseaux de Dame Anastasie
Je ne peux le nommer. Apprenez toutefois
Qu'on y perdait son temps en même temps que la foi
Qu'il y avait du sable, des pitons et des rocs
Et que ça n'était pas non plus loin du Maroc
Nous aussi nous marchions et toujours ventre à terre,
On dit crapahuter en langage militaire
Nous aussi nous marchions profondément humains
Des beaux mots plein la gueule, des fusils plein les mains
Seul 'ment à cette époque, et les temps ont changé
On disait d'un chanteur qu' il était engagé
Quand vêtu d'un treillis et de chaussures à clous
Il était comme nous, dans la merd' jusqu'au cou.
Que faisaient en ce temps les rythmeurs condottieres
Qui crient "Paix au Viet Nam!' à l'abri d'leurs frontières
On n'entendait alors qu'un sinistre silence
Aucune chansonnette pour faire des turbulences
Car eux aussi marchaient, et parfois ventr'à terre,
On dit crapahuter en langage militaire
Oui, eux aussi marchaient, profondément humains,
Des beaux mots plein la gueule, des fusils plein les mains…
2. Bien, l' bonjour...
René Vautier / Bernard Ramel / Yves Branellec - Yves Branellec
Bien l'bonjour, mon lieutenant,
Vos petites guéguerres,
Vos petites guéguerres,
Bien l'bonjour, mon lieutenant,
Vos petites guéguerres
Ont fait leur temps…
L'Indochine est à Ho Chi Minh,
Au Laos tu l'as eu dans l'os,
La Guinée tu l'as eu dans l'nez,
Côte-d’Ivoire tu t'es fait avoir,
A Suez y a Nasser qui t'baise,
Dien Bien Phu tu l'as eu dans l'cul,
Et les Aurès, tu l'as dans les fesses!
Bien l'bonjour, mon lieutenant,
Vos petites guéguerres,
Vos petites guéguerres,
Bien l'bonjour, mon lieutenant,
Vos petites guéguerres
Ont fait leur temps.
3. Le pied dans la merde
René Vautier / Bernard Ramel / Yves Branellec - Yves Branellec
Fous pas ton pied dans cette merde,
C'est une vraie histoire de fous,
Pas ton pied dans cette merde
Ou bien t'y passeras jusqu'au cou !
On t'amènera dans une vieille caserne,
Tu entreras par la petite poterne,
A c'moment-là, mets ton drapeau en berne,
T'auras déjà l'bâton dans ta giberne,
Fous pas…
On t'offrira une paire de godasses,
De godillots ou bien de pataugas,
Il suffira que ton p'tit doigt y passe,
Tu s'ras déjà un début de bidasse !
Fous pas…
On te collera une veste militaire,
Un bout d'treillis pour cacher ton derrière,
Et derrière toi on claquera la portière,
A c'moment-là, plus de machine arrière,
Fous pas…
On t'apprendra à faire le pantin,
On te mettra un fusil dans les mains,
Et même si tu t'crois le plus malin,
On t'obligera à tuer les copains,
Comme si c'étaient de vulgaires lapins !
4. Avoir vingt ans dans les Aurès
René Vautier / Bernard Ramel / Yves Branellec - Yves Branellec
Avoir vingt ans dans les Aurès,
Ou à Verdun ou au Gabon,
Avoir vingt ans bien loin de Brest,
C'est naturel pour un Breton…
Pleurez pas, M'sieur dame,
Même si l'on pleure aux enterrements.
S'il vivait en Bretagne
Il y crèverait lentement...
Si tu n'as pas l'âme fonctionnaire,
Si tu n'es pas né commerçant,
Si tu n'veux pas être militaire,
Pour ne pas tuer pour de l'argent,
Qu'allais-tu faire en cette vie
Avant que d'être retraité,
Toi qui es né dans cette ville
Moitié béton, moitié armée…
https://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=58615&lang=fr
Album "Quarante ans de chansons (1963-2003) par Claude Vinci"
C'est celle où je suis allé un été
Dans un pays de soleil, outremer
Que certains désiraient conserver
Celle que je n'aurais pas voulu faire
C'est celle où l'on m'a emmené
Pour m'obliger à taper sur des frères
Qu'au contraire j'aurais préféré aider
Celle que je n'aurais pas voulu faire
C'est celle où l'on voulait me forcer
A incendier un douar, Porte de Fer
A tuer femmes et gosses apeurés
Celle que je n'aurais pas voulu faire
C'est celle où l'on voulait me fusiller
Car je refusais d'être tortionnaire
Au nom du pays de la Liberté
Celle que je n'aurais pas voulu faire
C'est celle où j'étais du mauvais côté
Du côté des gros marchands de misère
Pas du bon côté des opprimés
Celle que je n'aurais pas voulu faire
Vous comprendrez pourquoi... j'ai déserté
La déchirure
Se sont conduits comme des nazis
C'est tout un peuple sacrifié
Un crime contre l'humanité
A 17 ans je n'ai pas envie
D'aller crever pour ton drapeau
Aux temps pourris des colonies
J' préfère ma vie dans le caniveau.
Ce sont des hommes que l'on torture
L'haleine fétide de la guerre
Il restera cette blessure
Une souffrance nécessaire.
Des femmes violées, des enfants morts
Au nom de la patrie Gaulliste
Au nom d'un drapeau tricolore
Acte barbare, acte tachiste
La liberté que l'on enchaîne
Le monde arabe en esclavage
Ton hexagone dégueule sa haine
Métro Charonne c'est le carnage
J'irai mourir sur d'autres terres
Car j'ai choisi de déserter
Les Algériens sont tous mes frères
Je vomis sur l'Etat français.
Portrait de Djamila Boupacha dessiné par Pablo Picasso.
C´est comme une vision divine, radieuse
Une surimpression qui s´ajoute au tableau
Ta silhouette est là, embrumée d´un halo
Comme on voyait jadis sur les images pieuses
Paraît que Djamila, ça signifie “La Belle”
Limpide traduction, pléonasme élégant!
Le thème ou la version, ça te va comme un gant
La belle, Djamila, Djamila, la rebelle
Aux sous-sols d´El-Biar, ils traînaient leurs captures
On surnommait aussi l´endroit "centre de tri"
Quelques soldats chantaient pour étouffer les cris
De ceux qu´on remontait, meurtris par la torture
Ceux qui t´ont abîmée de manière indicible
Tu les reconnaîtrais sur la moindre photo
Mais le juge impartial te demande plutôt
De délivrer leurs noms, la Cour est impassible
Djamila
On fait taire les voix, on censure les lignes
De Sagan, Signoret, Halimi, de Beauvoir
Ou Germaine Tillion, dont le crime est d´avoir
Dénoncé haut et fort ces pratiques indignes
On t´éloigne d´Alger, on se voile la face
Au-delà de la mer, loin du cœur, loin des yeux
De Barberousse à Pau, et de Fresnes à Lisieux
Croit-on qu´en voyageant le souvenir s´efface?
On te relâche enfin, au seuil de la victoire
Mais, dès le lendemain du grand référendum
Les hommes te prieront de quitter le forum
Comme s´ils étaient seuls à écrire l´histoire
Djamila
Madame à la maison, monsieur gagne la guerre
Tout sera comme avant, selon l´ordre établi
Elle aura des petits, dans l´ombre et dans l´oubli
Qu´importent les combats qu´elle entreprit naguère
Que sont ils devenus, bourreaux et tortionnaires?
Joyeux drilles? Artisans? Notables? Intelligents?
Médecins réputés? Arbitres intransigeants?
Ou grand-père idéal? Amnésiques ordinaires?
Je pense à leurs enfants; le mal que je leur souhaite
C´est d´avoir dans l´esprit, loin de ces philistins
Plein d´espoir et d´envie de changer le destin
La soif de devenir utopistes, poètes
Djamila
Que leur chant jusqu´à toi déchire le silence
Pour apaiser un peu l´inusable douleur
Que mon chant jusqu´à toi déchire le silence
Pour apaiser un peu l´inusable douleur
C´est comme une vision divine, radieuse
Une surimpression qui s´ajoute au tableau
Ta silhouette est là, embrumée d´un halo
Comme on voyait jadis sur les images pieuses
Djamila
https://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=42926&lang=en
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