Il y a 60 ans, à la veille de la Coupe du monde 1958 en Suède, deux footballeurs algériens font partie intégrante de l’Équipe de France qui s’apprête à s’envoler pour le mondial suédois : le libéro Mustapha Zitouni (29 ans à l’époque) et le prodige Rachid Mekhloufi (21 ans). L’onde de choc est immense dans la métropole française avec la naissance de l’équipe du FLN.
Aujourd’hui certains grands joueurs rêvent de disputer une Coupe du Monde quand à une autre époque des footballeurs ont refusé de participer à ce grand évènement planétaire. C’est le cas des footballeurs algériens de légende Rachid Mekhloufi (81 ans) et le regretté Mustapha Zitouni(décédé en 2014 à l’âge de 85 ans) qui ont marqué les esprits et l’Histoire en désertant l’équipe de France, au sommet de leur art, pour rejoindre la naissante équipe du FLN.
En 1958, un an après avoir remporté la Coupe du Monde militaire, où il inscrit deux buts en finale face à l’Argentine à Buenos Aires (5-0), le jeune Rachid Mekhloufi effectue son service militaire au bataillon de Joinville. À seulement 21 ans, il joue à Saint-Etienne et c’est l’un des grands espoirs du foot français. Déjà champion de France, il se prépare à jouer la Coupe du monde en Suède avec les Bleus au même titre que Mustapha Zitouni, le capitaine de l’AS Monaco et le patron de la défense tricolore qui a subjugué le Parc des Princes lors de sa dernière apparition face à l’Espagne de Di Stefano en mars 1958. Deux autres footballeurs algériens sont également dans les plans en tant que réservistes, l’attaquant de Toulouse Saïd Brahimi et le virevoltant ailier de Monaco Abdelaziz Bentifour (présent en Coupe du Monde 1954).
À cette époque, la guerre d’Algérie fait rage. À la mi-avril, neuf footballeurs algériens quittent clandestinement la France pour Tunis, renonçant à leur carrière, à la gloire et l’argent. L’appel du Front de libération nationale (FLN) s’est fait spontanément, sans véritable pression. « Il n’y a eu aucune menace, s’il y a un joueur qui vous dit qu’il a été menacé, c’est de la fumisterie » clame Mekhloufi dans un reportage réalisé par France 3. Ces défections en cascade pour rejoindre le mouvement clandestin à Tunis provoqueront une tempête dans l’opinion publique française ce qui contribua à médiatiser le conflit algérien, but ouvertement recherché par la direction du FLN. « Ce départ des meilleurs joueurs algériens évoluant en France n’était pas innocent. Peu de Français connaissaient ce qui se passait en Algérie. Les représentants du FLN en France étaient en avance dans la publicité. Vraiment en avance car un coup comme ça a permis au peuple français d’ouvrir les yeux » analyse encore Mekhloufi.
Pendant quatre ans, l’équipe du FLN va disputer plus de 80 matchs dans tout le monde arabe et les pays sympathisants de la cause indépendantiste, comme la Yougoslavie, la Chine, le Vietnam… Elle est devenue le porte-voix de la révolution algérienne. Le 5 juillet 1962, l’Algérie obtient son indépendance. L’équipe du FLN est dissoute. Devenu international algérien, Mekhloufi reviendra jouer à Saint-Étienne. Un retour gagnant avec trois titres de champion de France et une Coupe de France en 1968, dix ans après son départ où il avait décidé de tout lâcher y compris la Coupe du Monde. « Vous savez aujourd’hui les gens raisonnent en terme de carrière, de palmarès et de finance… La Coupe du Monde bien sûre j’y avais pensé mais ce n’était rien en regard de la lutte pour l’indépendance de mon pays » expliquera plus tard Mekhloufi concernant cet épisode de sa fabuleuse carrière.
Même son de cloche pour son ainé Mustapha Zitouni qui en tirera un certain orgueil dès lors qu’il considère cette étape comme l’une des plus importantes de sa vie même s’il a raté l’opportunité de rejoindre le Real Madrid. « Si c’était à refaire, je le referai sans l’ombre d’un doute, car lorsque Bentifour et Boumezrag m’avaient contacté à Monaco en pleine gloire, j’ai estimé que je devais accomplir mon devoir sans regarder le rétroviseur ». Lors de ce fameux Mondial suédois, la Francede Just Fontaine et Raymond Kopa s’inclinera en demi-finale (5-2) face au Brésil de Garrincha et du jeune Roi Pelé. De nombreux observateurs estiment qu’avec ses footballeurs algériens l’équipe de France aurait pu être sacrée bien avant celle de Zinédine Zidane en 1998…
Vidéo : Mekhloufi parle de son parcours
Yacine Berarbia
La Gazette du Fennec
Quand la légende Rachid Mekhloufi fustige le petit Nabil Fékir
Au stade Geoffroi Guichard de Saint-Etienne le légendaire Rachid Mekhloufi y a écrit les plus belles pages de sa fabuleuse carrière dans les années 50 et 60. Alors que l’Équipe de France vient de disputer dans le chaudron une joute amicale face au Danemark, l’occasion a été donnée à l’ancien stratège des Verts d’exprimer son point de vue sur le néo-international français Nabil Fékircopieusement sifflé par le public stéphanois. Forcément le glorieux Rachid qui a laissé tomber une Coupe du Monde avec les Bleus à l’âge de 22 ans n’y a pas été de main morte. L’occasion pour nous de faire un coup de projecteur sur l’immense footballeur qu’était Rachid Mekhloufi dont les Editions Al Bayazin viennent d’éditer un magnifique ouvrage en son honneur. Promo.
Ce que je ne comprends pas, c’est son hésitation. Un jour oui, un jour non. À partir du moment où il est né en France, y habite, a un vécu avec le foot français, ses hésitations n’ont été que marchandage et on ne peut pas marchander son pays. Ça m’a déplu. Il aurait dû être plus direct, franc, décidé ». C’est par ses mots que Rachid Mekhloufi s’est exprimé au sujet du jeune Nabil Fékir qui a opté pour les Bleus après avoir faussement hésité pour l’Algérie. Une histoire dont on a suffisamment palabrer mais qui permet de présenter aux jeunes générations la carrière internationale extraordinaire de Rachid Mekhloufi qui a laissé tombé l’Équipe de France avant l’indépendance algérienne.
La carrière en Bleu fulgurante du petit Rachid
Recruté par l’AS Saint-Etienne, le petit Rachid débarque d’Algérie à 18 ans et effectue ses débuts en Équipe de France A à l’âge de 20 ans seulement. Son ascension fulgurante défraie la chronique à l’époque comme le décrit le journal L’Équipe: « En 3 ans Rachid a gravi les échelons à la vitesse d’un avion supersonique, connaissez-vous révélation plus foudroyante ? Nous pas !« . En octobre 1954 Mekhloufi fait ses débuts en pro avec Saint-Étienne alors qu’il a tout juste 18 ans. Il enfile but sur but sous les ordres de son mentor Jean Snella et grâce à ses 25 buts en 35 matchs il permet à Saint-Etienne de remporter son premier titre de Champion de France lors de la saison 1956/1957.
Capitaine de l’Équipe de France B et des Espoirs, il est également le fer de lance de l’Équipe de France militaire qu’il aide à remporter la Coupe du Monde en Argentine en 1957 (doublé en finale). Au sommet de la gloire alors que ses frères se battent en Algérie en pleine guerre d’indépendance contre le colonisateur le prodige de Saint-Étienne a de plus en plus de mal à cacher son malaise.
A 21 ans Mekhloufi dit non à la Coupe du Monde !
Véritable attraction de championnat de France, le petit Rachid impressionne toute la France par ses qualités de buteur et sa finesse technique. Dans l’Équipe de France d’Albert Batteux, le jeune algérien prend rapidement ses marques face à l’URSS de Lev Yachine pour sa 1ère sélection. Après 4 sélections son destin bascule pourtant définitivement alors qu’il n’a pas encore fêté ses 22 ans.
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