Pourquoi l'histoire a failli oublier le massacre des Algériens du 17 octobre 1961
Ce 17 octobre 1961 marque un triste anniversaire, celui d'un des épisodes les plus honteux de la seconde moitié du XXe siècle en France. Au soir du 17 octobre 1961, une répression sanglante d'une manifestation d'Algériens, sur le pont de Neuilly mais aussi sur le pont Saint-Michel, fait des dizaines de morts ainsi que des centaines de blessés.
Or cet événement est passé aux oubliettes de l'histoire pendant de nombreuses années. On vous explique.
Un contexte explosif
1961, la guerre d'Algérie dure depuis 1954. Les tensions entre policiers français et Algériens à Paris comme dans toute la France sont à leur comble : alors que le Front de libération nationale (FLN) a appelé depuis 1958 à la lutte armée en France métropolitaine, les forces de l'ordre sont de plus en plus régulièrement visées par des attentats meurtriers.
Pour donner le change et empêcher que les agents se sentent lâchés par leur hiérarchie, le préfet de police de Paris, un certain Maurice Papon, laisse entendre qu'il "[couvrirait] les excès qui pouvaient se produire" dans le cadre d'arrestations de "Français musulmans d'Algérie" (FMA) comme on les appelle alors, d'après l'historien Jean-Paul Brunet qui raconte ces faits dans son ouvrage Police contre FLN (éd. Flammarion, 1999). Une phrase interprétée par de nombreux fonctionnaires comme un permis de tabasser.
La police exerce alors des violences sur de nombreux suspects algériens appréhendés pour de simples contrôles d'identité. Les plaintes auprès de l'Inspection générale des services (IGS, la "police des polices") se montent alors à plus d'une centaine.
Couvre-feu raciste
Devant cette recrudescence de violences de part et d'autre, le ministre de l'Intérieur Roger Frey et le préfet de Paris décident d'un couvre-feu adressé aux Algériens, et eux seuls, "dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes algériens". Voilà ce qu'il dit :
"Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin."
La manifestation pacifique dégénère
À l'appel du FLN, qui compte envoyer une réponse pacifique contre ce couvre-feu raciste, des dizaines de milliers de manifestants se réunissent le 17 octobre. Ils sont vingt, trente, quarante mille... certains parlent même de 50 000 personnes qui auraient défilé ce soir-là. La plupart sont vêtus d'habits du dimanche, rasés de près, afin de montrer qu'ils manifestent pour leur dignité. Il y a des hommes, mais aussi des femmes et des enfants.
Alors que les manifestations sont prévues dans trois endroits distincts de Paris, près de 10 000 personnes en provenance des bidonvilles et des quartiers populaires de la banlieue ouest (Nanterre, Bezons, Courbevoie, Colombes et Puteaux) s'engagent sur le pont de Neuilly afin de gagner la place de l'Étoile et faire jonction avec d'autres colonnes de manifestants. Les policiers les arrêtent et, chauffés à blanc par des rumeurs inquiétantes (manifestants armés de couteaux, morts parmi les rangs de la police ailleurs dans Paris...), cédant à la pression, frappent la foule avec leurs "bidules" (longue matraque de près d'un mètre) et les premiers coups de feu sont tirés. Il n'est pas encore 19 heures.
Plus d'une dizaine de milliers d'Algériens internés
Plus d'une dizaine de milliers de manifestants sont emmenés par la police dans des centres d'internement, à Coubertin, Beaujon, au palais des Sports et à Vincennes. Ils sont nombreux à subir des sévices de la part de la police, certains plusieurs jours durant, du 17 au 20 octobre, mais ils ne seront jamais racontés dans les journaux : les journalistes subissent une censure qui les interdit de se rendre dans ces lieux de détention.
Ce qu'on nomme aujourd'hui le massacre du 17 octobre 1961 est également "la répression d'État la plus violente qu'ait jamais provoquée une manifestation en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine", d'après deux historiens britanniques, Jim House et Neil MacMaster, auteurs du livre Les Algériens, la terreur d'État et la mémoire (éd. Taillandier). Or personne n'en a alors conscience en France.
Dans les journaux du lendemain, on reproduit la version de la préfecture de police de Paris, qui évoque deux morts parmi les manifestants et fait part de rassemblement "violents" et d'"attaques de commandos" contre la police. En substance, les journaux écrivent presque que les Algériens n'ont que ce qu'ils méritent.
Il n'y a que L'Humanité et Libération pour dénoncer les violences policières sur les manifestants et s'inquiéter du sort des détenus. Libération (journal homonyme du quotidien qu'on connaît aujourd'hui, d'inspiration anarchiste et fondé en 1927) titre "6 300 Algériens parqués comme des bêtes". En vérité, la police arrête 11 730 Algériens sur environ 20 000 manifestants.
Un bilan final impossible à établir
Bien loin des deux morts évoqués par la préfecture de Paris au lendemain des événements, les historiens évaluent aujourd'hui le bilan humain du massacre entre 150 et 200 morts chez les manifestants, un chiffre qui fait encore débat aujourd'hui, tant les bilans officiels oscillent entre une trentaine d'Algériens tués et plus de 200. Signe d'autant plus révélateur de la tentative d'étouffement par l'État de ce massacre.
Le lendemain de la manifestation fleurit un graffiti resté célèbre et immortalisé par le photographe Jean Texier : "Ici on noie les Algériens". Touché.
Aucun responsable n'est jamais désigné par la justice. Une soixantaine d'instructions judiciaires sont menées auprès de policiers ayant participé aux violences de la nuit du 17 octobre, mais toutes aboutissent à des non-lieux. Dans Le Monde, en 2011, l'historien Gilles Manceron explique :
"Une volonté d'oubli judiciaire, qui s'est combinée avec les décrets d'amnistie, qui couvraient les faits de maintien de l'ordre en France, une difficulté à accéder aux archives, l'épuration d'un certain nombre de fonds... tout cela a contribué à ce phénomène d'occultation jusqu'à la fin des années 1970."
Côté responsabilité politique, il y a pourtant de quoi faire. Mais ni Maurice Papon, préfet de police de Paris, ni Roger Frey, ministre de l'Intérieur, ni Michel Debré, Premier ministre, ni même Charles de Gaulle, président de la République, ne sont jamais inquiétés. La version officielle est que tout s'est passé dans les règles et qu'aucun débordement n'a entaché la répression de cette manifestation – qui d'ailleurs n'était pas autorisée.
Mathilde Larrère rappelle qu'interrogé le 27 octobre par le Conseil de Paris au sujet du massacre, M. Papon répond : "La police parisienne a fait ce qu'elle devait faire."
D'après Jean-Paul Brunet, le 19 octobre, Roger Frey prend la parole devant l'Assemblée nationale et fait valoir qu'on "aurait pu liquider l'affaire en moins de deux heures de temps. Un régiment de paras aurait en effet flanqué 500 musulmans par terre. C'est pourquoi on n'a pas fait venir les paras pour ne pas avoir 500 musulmans tués". Malgré les protestations de certains parlementaires qui jugent que la lumière n'a pas été faite sur les violences, notamment Eugène Claudius-Petit (centriste) qui déclare dans l'hémicycle "la bête hideuse du racisme est lâchée", l'événement sera finalement oublié bien vite.
Redécouverte de l'événement à la fin des années 1980
Comme la professeure d’histoire-géo en lycée et docteure en sciences de l’éducation Laurence De Cock l'explique à la suite de Mathilde Larrère, "la mémoire du 17 octobre est longtemps restée cantonnée à la sphère militante de gauche", et il faut attendre de longues années pour qu'un travail de mémoire soit fait. Elle ajoute que si la guerre d'Algérie est depuis longtemps présente dans les manuels d'histoire-géographie, "le massacre du 17 octobre y est très peu présent" mais "Nathan se distingue en 1989 : 'Les forces de l’ordre tuent à Paris plus d’un centaine d’Algériens'".
Il faut attendre le 17 octobre 2001 pour que la ville de Paris et son maire Bertrand Delanoë apposent une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel.
La confusion avec l'affaire de "Charonne"
En fait, la mémoire du 17 octobre 1961 est souvent occultée, voire même confondue avec un autres événement tragique : les violences qui ont eu lieu à l'issue d'une manifestation des organisations de gauche contre la guerre et les violences de l'OAS. Le 8 février 1962, neuf personnes acculées dans le métro Charonne sont mortes des causes de violences policières, étouffées ou tabassées, certaines avec des grilles d'arbre en fer arrachées par les policiers eux-mêmes pour s'en servir de projectiles contre les manifestants.
Fruit de l'émotion suscitée par cette choquante répression, une gigantesque manifestation rend hommage aux victimes dès le lendemain. La préfecture compte 125 à 150 000 manifestants, Le Monde300 000, le Times 400 000. D'après Laurence De Cock, les manuels d'histoire du lycée des années 1980 citent souvent les événements de "Charonne", mais pas ceux du 17 octobre 1961. De fait, les dizaines de morts algériens du 17 octobre n'ont pas déclenché l'émotion suscitée par les neuf décès du métro Charonne.
La dichotomie entre les deux événements se remarque particulièrement dans ce mini-documentaire de Robinson Stévenin pour l'Ina :
51 ans après, l'Etat reconnaît officiellement le massacre
"La République reconnaît avec lucidité" la "sanglante répression" de la manifestation d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961, c'est en ces termes que le président François Hollande a reconnu le massacre. Un communiqué de l'Elysée publié le 17 octobre 2012 déclare :
"Des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes."
Il a donc fallu plus d'un demi-siècle pour que la République française retrouve la mémoire. Comme le dit la légende accolée à cette photo d'un Algérien embarqué ce 17 octobre 1961 :
"Il est possible que l'on apprenne davantage sur une société en considérant ce qu'elle ne commémore pas que ce qu'elle commémore."
par Théo Chapuis
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/lhistoire-a-failli-oublier-massacre-algeriens-17-octobre-1961/
♪ 17 Octobre ♪
Les pieds-noirs quittent le navire, les colons dératisent
1961, période estivale, c'est la guerre d'Algérie et son festival
Et son lot de discrimination, de tortures, d'exactions tout un ramassis d'ordures
Quelques degrés au Nord de l'équateur
Je quitte l'Algérie française, un pincement dans le coeur
Voici mon parcours Ahmed, fils de Mohamed
Gangrené du corps par la misère du Maghreb
Par les meurtres les soirs de couvre-feu, par la peur du soldat français qui ouvre le feu
Ouvre les voiles petit paquebot libérateur
Emmènes moi au pays des employeurs
Loin de l'inactivité beur algéroise
Loin de ceux qui transforment nos mosquées en paroisses
Basilique de Notre-Dame d'Afrique s'éloigne de mon regard lorsque les mouchoirs s'agitent
Verse une larme dans la méditerranée
Une goutte d'eau dans la mer contient la peine de ma terre damnée .
Accoste a Marseille, port autonome, Citée Phocéenne un étranger parmi les autochtones
Direction Saint Charles gare ferroviaire embarquement quai 7, voiture 6, wagon fourrière
Croise le regard des îlotiers me foudroyant le coeur comme un tir de mortier
Reçoit la flèche de la haine par les appelés du « Contingent »
"Tes papiers!
- Je suis français missié l'agent "
Chemin de fer, terminus Paris Gare de Lyon
La métropole et son peuple par million
Quelques dizaines de francs serrés dans un poing
Serviront de premier contact au café du coin
Moi qui cherchait de la chaleur j'eu le sang glacé
Quand mes yeux rencontrèrent les leurs couleur iceberg bleuté
Bluffé par leur manque d'hospitalité ainsi sont-ils?
Moralisateurs sans moralité
Démoralisé je reprends le chemin lequel me conduira dans les quartiers maghrébins
Nanterre, monticule de bidonvilles habitation précaire pour mon entrée en vie civile
"Je ne laisserais pas les coeurs du FLN faire la loi dans Paris!
A partir de maintenant pour un coup reçu vous en rendrez 10! "
Ici rien de bon pour les ratons m'a dit le commissaire sanguinaire de mon canton
Après m'avoir uriné sur les mains, le gardien de la paix casse du cru au quotidien
17eme jour du mois d'octobre, le FLN a décidé de mettre fin a l'eau propre
En effet, le journal de la veille titrait:
"COUVRE-FEU RECOMMANDÉ POUR LES IMMIGRÉS"
Non! La réaction ne s'est pas faite attendre
Algériens de France dans les rues nous allons descendre
Protester contre leurs lois discriminatoires
Investissons leurs ponts et leurs centres giratoires
Embarqué dans un cortège pacifique, nous réclamons justice pour nos droits civiques
Mais la police ne l'entend pas de cette oreille
En cette période nous sommes un tas de rats rebelles
Marchons en direction du pont Saint-michel
Nous verrons bien quelle sera l'issue de cette querelle
Une fois sur la berge j'aperçois le cortège d'accueil
Qui souhaite faire de ce pont notre cercueil
Les camps s'observent et se dévisagent
Un silence de mort s'installe entre les deux rivages
Puis une voix se lève, scande " A bas le couvre-feu " et ouvre le feu
La première ligne s'écroule et commence la chasse à l'homme
Je prends mes jambes à mon cou, comme un pur-sang je galope
Mais le pont est cerné, nous sommes bernés
Dans une prison sur pilotis nous sommes enfermés
Pas une, pas deux mais une dizaine de matraques viennent me défoncer le crâne
Et mes os craquent sous mon anorak
Ma bouche s'éclate bien sur le trottoir
Leurs bouches s'esclaffent bien grandes de nous voir
" Nous allons voir si les rats savent nager
Au fond de la Seine vous ne pourrez plus vous venger "
Inconscient, gisant dans mon propre sang
Les brigadiers en chef par tous les membres me saisissant
Amorce ma descente là où passent les péniches
S'assurent de ma mort frappant ma tête sur la corniche
Je tombe comme un déchet au vide-ordure
Dans la chute violemment ma nuque a touché la bordure
Liquide poignardant tout mes orifices, le fleuve glacial un
bûcher chaud pour mon sacrifice
Monsieur Papon a jugé bon de nous noyer
Aucun pompier pour étouffer le foyer
On n'éteint pas des braises avec un verre de GASOLE
Sans penser aux tirailleurs et combattants zouaves
Mon cadavre emporté pas le courant
Seras repêché dans les environs de Rouen.
D'étranges nénuphars flottent sur la Seine
Séquence long métrage les yeux plongés dans la seine
Dégât des eaux pour les gens des humans-zoo
Déshumanisés les basanés ne font pas de vieux os
D'étranges nénuphars flottent sur la Seine
Séquence long métrage les yeux plongés dans la seine
Dégât des eaux pour les gens des humans-zoo
Déshumanisés les basanés ne font pas de vieux os
Un sceau de pisse dans lequel on nois des rats
Octobre noir, ratonnade sur les boulevards
Ici rien de bon pour les ratons m'as dit le commissaire Maurice Papon 4 mois plus tard on ratonne a Sharon
Les "crouilles" et les "cocos" qui aident les "bougnoules"
132 ans d'occupation française ont servis à remplacer nos
coeurs par des braises
Algérie en vert et blanc, étoile et croissant
Devoir de mémoire grandissant.
Jezzaïre.
Dieu est mort selon Nietzsche
« Nietzsche est mort » signé Dieu
On parlera laïcité ente l'Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du Livre
Face aux évangélistes d'Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j'suis de mauvais poil
Porte le voile t'es dans de beaux draps
Crucifions les laïcards comme à Golgotha
Le polygame vaut bien mieux que l'ami Strauss-Kahn
Cherche pas de viande Halal dans tes lasagnes c'est que du cheval
Au croisement entre le voyou et le révérend
Si j'te flingue dans mes rêves j'te demande pardon en me réveillant
En me référant toujours dans le Saint-Coran
Si j'applique la Charia les voleurs pourront plus faire de main courante
Ils connaissent la loi, on connait la juge
Pas de signe ostentatoire, pas même la croix de Jésus
J'suis une Djellaba à la journée de la jupe
Islamo-caillera, c'est ma prière de rue
Ta barbe, rebeu, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c'est Don't Laïk
Ta foi nigga dans ce pays c'est Don't Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don't Laïk
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, tous au paradis incha'Allah
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, enfin seulement ceux qui y croient
[Couplet 2]
Ils n'ont ni Dieu ni maître à part Maître Kanter
Je scie l'arbre de leur laïcité avant qu'on le mette en terre
Marianne est une femen tatouée "Fuck God" sur les mamelles
Où était-elle dans l'affaire d'la crèche ?
Séquestrée chez Madame Fourest
Pour repousser les nazislamistes, on
Ferme les portes de l'éducation
Ah bon ? Pardon patron, moi y'a bon
Vas-y Youss', balances le billet
J'mets des fatwas sur la tête des cons
Religion pour les francs-maçons, catéchisme pour les athées
La laïcité n'est plus qu'une ombre entre l'éclairé et l’illuminé
Nous sommes épouvantail de la République
Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs
Je me suffis d'Allah, pas besoin qu'on me laïcise
Ma pièce de boeuf Halal, je la mange sans l'étourdir
À la journée de la femme, j'porte un Burquini
Islamo-racaille c'est l'appel du muezzin
[Outro]
Que le mal qui habite le corps de Dame Laïcité prononce son nom
Je vous le demande en tant qu'homme de foi
Quelle entité a élu domicile dans cette enfant vieille de 110 ans ?
Pour la dernière fois ô démons, annoncez-vous ou disparaissez de notre chère valeur
Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen et tous les autres, je vous chasse de ce corps et vous condamne à l'exil pour l'éternité
Vade retro satana
Dieu est mort selon Nietzsche
«Nietzsche est mort» signé Dieu
On parlera laïcité ente l’Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du Livre
Face aux évangélistes d’Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j’suis de mauvais poil
Porte le voile t’es dans de beaux draps
Crucifions les laïcards comme à Golgotha».
Sur le morceau lui-même, «Dont Laïk», jeu de mot qui fait référence au titre «Dont Like» du rappeur américain Chief Keef, Médine s’est déjà exprimé à plusieurs reprises. Aux Inrocks, en janvier 2015, il disait :
«Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd’hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que dans son esprit et sa lettre, la laïcité est faite pour réunir les gens». Il prend l’exemple de la journaliste et essayiste Caroline Fourest, qui selon lui, fait partie des gens qui «prennent en otage la laïcité pour diaboliser l’islam».
Sur le «Crucifions les laïcards comme à Golgotha», en particulier, qui fait référence au lieu où Jésus a été condamné à mort selon les Évangiles, Médine s’était aussi longuement justifié sur le plateau d’Arrêt sur images en janvier 2016 :
«Crucifions les laïcards comme à Golgotha, c’est clairement un oxymore, dans ce qui est proposé comme image. On ne crucifiait pas les laïcards à Golgotha. Et d’ailleurs, il ne s’agit pas de crucifier à proprement dit les laïcards. Il y a un déroulé d’absurdités, d’oxymores jusqu’à la fin du morceau, qui amène vers l’exorcisme de la laïcité. Et c’est ça qui est le plus important. Parce qu’à la fin, je rappelle que la laïcité est possédée par un certain nombre de gargouilles de la République».
Dans le dernier couplet de la chanson, on peut en effet entendre :
«Que le mal qui habite le corps de Dame Laïcité prononce son nom
Je vous le demande en tant qu’homme de foi
Quelle entité a élu domicile dans cette enfant vieille de 110 ans ?
Pour la dernière fois ô démons, annoncez-vous ou disparaissez de notre chère valeur
Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen et tous les autres, je vous chasse de ce corps et vous condamne à l’exil pour l’éternité».
Les paroles de «Dont Laïk» avaient déjà fait polémique en janvier 2015, le clip de la chanson ayant été publiée six jours avant la tuerie de Charlie Hebdo, obligeant le chanteur à se justifier. Libé l’avait rencontré à l’époque. Il déplorait alors que «les débats actuels aillent dans le sens d’une propagande laïque complètement antireligieuse». Pour en parler, il utilisait l’expression «laïcisme», et assurait le combattre au même titre que tous les extrémismes.
En mars 2017, lors d’une conférence à l’École normale supérieure de Paris, Médine, venu expliquer ses textes et ses références, avait reconnu «être allé trop loin» avec son le clip de «Dont Laïk» :
«La provocation n’a d’utilité que quand elle suscite un débat, pas quand elle déclenche un rideau de fer. Avec Dont laik, c’était inaudible, et le clip a accentué la polémique. J’ai eu la sensation d’être allé trop loin».
Retour d'une autre (fausse) polémique
D’autres paroles du rappeur ont été exhumés depuis ce week-end sur Twitter. Elles concernent le morceau «Angle de tir (Acte 1)», tiré de l’album collectif Table d’écoute volume 2 (2011). Où l’on peut entendre :
«Ces porcs blancs vont loin
Passe moi une arme de poing
J’vais faire un pédophile de moins»
En 2014, la chanson avait déjà fait polémique, certains internautes accusant le rappeur de racisme anti-blanc. Mais comme l’avait expliqué Francetvinfo à l'époque, le morceau est découpé en trois actes (et autant de chansons), qui racontent tous la découverte d’un corps calciné dans le coffre d’une voiture au Havre.
Dans le premier, Médine interprète un jeune noir qui accuse violemment les blancs d’être les auteurs du meurtre. Dans le second, un autre rappeur, Brav, incarne un homme blanc, persuadé que «c’est des bougnoules qui l’ont tué». Enfin, dans le troisième acte d’Angle mort, on apprend que que la victime avait un père noir et une mère blanche.
Sur sa page Facebook, le chanteur s'était justifié ainsi :
«Ils n’ont pas réussi à me faire passer pour un anti-sémite, ils ne réussiront pas à me faire passer pour un anti-blanc, moi petit-fils de Marcelle et de Mohammed».
Sur son compte Twitter, ce 11 juin en fin de journée, l'artiste a réagi à cette nouvelle polémique. En ces termes :
«Avant tout, afin de lever toutes ambiguïtés, je renouvelle mes condamnations passées à l’égard des abjects attentats du 13 novembre 2015 et de toutes les attaques terroristes (...) Voilà 15 ans que je combats toutes formes de radicalisme dans mes albums».
Il conclut son communiqué en posant la question suivante : «Allons-nous laisser l’extrême droite dicter la programmation de nos salles de concerts voire plus généralement limiter notre liberté d’expression ?».
Cordialement
Edit du 11/06 à 14h55 : ajout de la partie sur «Angle de tir (Acte 1)»
Edit du 11/06 à 19h : ajout de la réaction de Médine
Médine au Bataclan : "Jihad", "Don't Laïk"... les clés pour comprendre la polémique
Dans un texte de 2015, le rappeur s'en prend très violemment aux "laïcards". Un goût pour la provocation qui trouble son discours.
Il y a au moins un ruissellement qui fonctionne en France. Dans la chronologie désormais immuable des polémiques touchant à l'islam, les élus de droite ont emboîté le pas dimanche à ceux de l'extrême droite, qui réagissaient eux-mêmes à des informations émergées via la fachosphère en fin de semaine dernière. En cause : deux concerts, prévus les 19 et 20 octobre prochain au Bataclan, ceux du rappeur havrais Médine.
Les archives étaient prêtes : début 2015, une semaine avant l'attentat de "Charlie Hebdo", Médine avait déjà suscité la polémique avec son titre "Don't Laïk", notamment pour les mots "crucifions les laïcards comme à Golgotha" (il s'en était expliqué sur Le Plus).
Ce lundi soir, le rappeur accuse l'extrême droite de vouloir "dicter la programmation de nos salles de concerts" et "plus généralement limiter notre liberté d'expression". "Je renouvelle mes condamnations passées à l'égard des abjects attentats du 13 novembre 2015", écrit également le chanteur dans un message publié sur Twitter.
Pour que chacun se fasse son opinion, dressons ici quelques éléments de compréhension sur la trajectoire du rappeur.
De "Jihad" à "Nous sommes unis"
Souvent catégorisé sous une étiquette qu'il réfute, celle du "rap conscient", Médine Zaouiche est en tout cas un rappeur politique, voire "géopolitique" comme le présente un reportage de France 3. Ce Normand à la voix rauque de 35 ans entend s'inscrire dans une tradition du rap français qui n'est "pas une machine à sous, mais une machine à penser". Dans ses textes souvent fleuves et protestataires, il multiplie les références à la mythologie grecque, à la Bible, aux personnages historiques, mêle littérature et culture pop. Voyant le rap comme "un moyen d'éducation populaire", il chante "Heureusement que j'ai connu l'Histoire avant de connaître Fernand Nathan". Ironie du sort, le texte de sa chanson "17 octobre" figure dans le chapitre sur la guerre d'Algériedu dernier manuel d'histoire de terminale ES... Fernand Nathan.
"La spiritualité a sa place dans le rap. [...] Dire que Médine est un rappeur musulman, c'est faux. Je parle du fait religieux, de la situation des musulmans dans un contexte", déclare-t-il dans une interview à Clique TV début 2017. Certes, le rappeur a longtemps affiché une barbe imposante. Médine (son vrai prénom) est une des villes saintes de l'islam. Son premier album (2004) évoque le 11-Septembre, son second (2005) s'intitule "Jihad" : malgré des textes qui dénoncent régulièrement le prosélytisme religieux, il n'en fallait guère plus pour en faire un prêcheur islamiste aux yeux de certains. Venir chanter "Jihad" sur une scène ensanglantée par des djihadistes ? A première vue, la démarche pourrait ressembler à une provocation énorme.
"Il faut tenir compte de la psyché générale d’une nation, résiliente, mais meurtrie par le terrorisme", observe l'islamologue Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, auprès de "l'Opinion". "Le mot 'djihad' a pris une tournure nouvelle : il est désormais synonyme de barbarie, d'épouvante et de tuerie. Le sens premier du djihad semble perdu à jamais. [...] En réalité, ce mot ne signifie rien d’autre qu''effort'. Dans le champ sémantique de la langue arabe et dans le Coran, il n’a pas d’autre sens."
Pieux effort de maîtrise de soi, de ses vices et de ses désirs, que Médine illustre via le sous-titre "Le plus grand combat est contre soi-même". L'album paraît dix ans avant les attentats de "Charlie Hebdo" et du 13-Novembre, dans un contexte différent. Néanmoins, le glissement sémantique avait déjà commencé à s'opérer, dès les années 1990, sous l'impulsion d'Oussama Ben Laden et de l'idéologue Ayman al-Zawahiri. Au milieu des années 2000, "djihad" est déjà, pour une grande partie de l'opinion, un synonyme de guerre sainte.
Le titre de l'album de Médine peut être "une réponse aux terroristes d'Al-Qaida qui réduisaient le vocable au seul champ guerrier", note Ghaleb Bencheikh. Dans la chanson-titre "Jihad", Médine écrit d'ailleurs, sans référence à l'islam : "Aucun combat exercé de l'intérieur, aucune leçon tirée de toutes les erreurs antérieures [...] Ceux qui choisissent la solution militaire / n'ont-ils pas vu qu'elle nous dessert beaucoup plus qu'elle nous sert [...] Ma richesse est culturelle, mon combat est éternel / C'est celui de l'intérieur contre mon mauvais moi-même."
Un autre élément d'ambiguïté subsiste : le sabre qui tient lieu de majuscule au mot "Jihad" sur la pochette de l'album, et sur le t-shirt avec lequel Médine se met en scène sur l'affiche de promotion. "C'était en 2005, dans un autre contexte. Dix ans en arrière, je vois les discours changer dans mon quartier, une espèce de fascination qui est en train de s'opérer autour d'un phénomène qui n'est pas du tout compris", s'explique Médine auprès de Clique TV. "Mon message, à ce moment-là, s’adresse à ceux qui seraient tentés de partir combattre et en même temps à ceux qui ont une définition de ce terme complètement galvaudée. Aujourd’hui, sortir un album avec ce titre-là, c’est impossible."
Une seule autre chanson de Médine, sortie quelques années plus tard, comporte le mot dans son titre. "Entre les lignes / ma part de Jihad" ("Don't Panik Tape") ressemble plus à un hymne au vivre-ensemble qu'à la violence religieuse :
"Ecoute ! Mon combat c'est les autres
Vivre ensemble de l'Aïd à la Pentecôte
Qu'on arrive à s'comprendre sans se piéger
Je sais que c'est un rêve et que beaucoup l'ont déjà fait [...]
C'est mon djihad à moi et à mes frères
C'est mon conflit contre moi-même et ma guerre"
De "Don't panik" à "Don't laïk"
A plusieurs reprises, Médine, qui se présente comme un "démineur qu'on prend pour un poseur de bombes", brouille les pistes sur son positionnement. En octobre 2012, il publie un ouvrage sur la situation des musulmans en France, fruit d'un dialogue avec le géopolitologue spécialiste du monde arabe Pascal Boniface, "Don't panik : n'ayez pas peur !", (éd. Desclée De Brouwer). "Ce bouquin, c’est l’histoire d’un dialogue entre un rappeur musulman, et un géopolitologue athée, préfacé par une juive [Esther Benbassa, NDLR], et édité par une maison d’édition chrétienne", décrit Médine.
"Don't panik" ? Le credo du rappeur, à la fois le nom d'un de ses opus, d'une de ses chansons et de l'association qu'il a fondée au Havre en 2009 et qu'il préside, avec un club de boxe à succès à la clé. N’ayez pas peur : "des jeunes de banlieues, même s’ils sont musulmans, même s’ils sont d’origine arabe, même si leurs mots, leurs musiques ou leurs vêtements dérangent", résume la quatrième de couverture. "Bien sûr que je me sens patriote", dit Médine à France 3. "Mais quand la République n'assure pas ma protection sur tous les terrains, j'ai le droit de la critiquer. C'est parce que je suis patriote que j'ai le droit de reprocher à la République ses manquements."
Mais deux ans plus tard, Pascal Boniface apprend avec stupeur que Médine a assisté à une conférence du suprémaciste noir multi-condamné Kémi Séba, au Théâtre de la Main d'Or, alors fief de Dieudonné. "Au beau milieu de sa conférence, Kémi himself demandera à son public de faire un tonnerre d’applaudissements pour 'son ami' Médine", raconte StreetPress. "Incompréhension et désarroi", tweete Pascal Boniface. Médine rétorque dans une tribune : "Voilà dix ans que j’étudie la question du communautarisme, de la radicalisation au sein de nos quartiers, non pas de façon traditionnelle mais avec une méthode qui semble avoir disparue : LE TERRAIN. Etre sur le terrain, c’est être amené à comprendre les problèmes de l’intérieur", argue-t-il.
"Un chercheur qui l’après-midi assiste à une conférence de Kémi Séba et le soir emmène son équipe assister à celle de Lilian Thuram sur l’égalité. Etre dans le dialogue, c’est avant tout ne pas en avoir peur. Voilà tout le sens de 'Don’t Panik', n’ayons pas peur de dialoguer."
Autre gros malentendu : à la même époque, en septembre 2014, Médine chante "Angle de tir" à la Fête de l'Huma. Une chanson où on peut entendre ces mots : "Ces porcs de Blancs vont loin, passe-moi une arme de poing, j'vais faire un pédophile de moins" / "Je hais les Blancs depuis Rodney King, j'ai besoin d'une carabine." Aussitôt, un billet intitulé "Médine chante sa haine de la France" éclot sur un blog d'extrême droite.
Sauf que la chanson est issue d'une trilogie narrant un fait divers survenu au Havre (la découverte d’un corps calciné dans le coffre d’une voiture). Dans le premier titre, Médine interprète un jeune Noir qui accuse violemment les Blancs d’être les auteurs du meurtre. Dans le second, un autre rappeur, Brav, incarne un homme blanc, persuadé que "c’est des bougnoules qui l’ont tué". Dans le troisième acte, on apprend que la victime avait un père noir et une mère blanche.
"Je suis Franco-Algérien, petit-fils de Marcelle, profondément enraciné dans ma Normandie natale", écrit Médine en réaction à la polémique.
"Mes derniers mots sur la grande scène de la Fête de l’Huma étaient : Ne vous radicalisez jamais !"
Auprès de la revue "Ballast", il met en avant le rôle du prédicateur musulman Tariq Ramadan dans son parcours : "Ramadan m’a permis de ne pas sombrer dans le radicalisme", affirme-t-il. "On ne cesse, en France, de le diaboliser, mais il faut bien entendre que sans lui, et d’autres, on serait sur une vraie poudrière dans tous les quartiers. Ils seraient à l’heure qu’il est en proie à l’islam le plus radical et le plus rigoriste." Celui qui se dit à mi-chemin entre "Georges Brassens, Edgar Morin et Edwy Plenel" renvoie aujourd'hui dos à dos Caroline Fourest et Alain Soral, pour prôner une troisième voie :
"Ils surfent tous sur les frustrations des gens. C’est un business lucratif, la peur. L’un de mes combats, c’est justement de la refuser."
Au cœur de l'ambiguïté de son positionnement, un goût assumé pour la provocation et un certain hiatus entre la modération de son discours et la violence de certains de ses textes. Auprès de Clique TV, il résume :
"Il y a des sujets tellement sensibles qu'aujourd'hui le simple fait de dire qu'on va les évoquer crispe tout le monde. [...] La provocation, ça marche dans une temporalité, et surtout ça ne sert qu'à provoquer le débat derrière. Si la provocation fait en sorte qu'on reste dans des postures et qu'on perd le dialogue, elle ne sert plus."
"J'ai volontairement joué avec des représentations, avec des iconographies, dans le but de tendre un piège à ceux qui s'arrêtent à une image, à un style de musique, et qui sont sûrement ceux qui vont aussi s'arrêter dans la rue à une origine, à une confession", ajoute-t-il. "Il y avait quelque chose de l'ordre du piège positif, et j'ai calculé les risques sur le fait que certaines personnes pouvaient être rebutées par ma musique."
En termes de provocation, la chanson "Don't Laïk" (jeu de mots qui fait référence à Don't Panik et au titre "I Don't Like" du rappeur américain Chief Keef) va très loin :
"Dieu est mort selon Nietzsche
'Nietzsche est mort' signé Dieu
On parlera laïcité ente l’Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du Livre
Face aux évangélistes d’Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j’suis de mauvais poil
Porte le voile t’es dans de beaux draps
Crucifions les laïcards comme à Golgotha"
Pour autant, la cible de Médine ne serait pas la laïcité mais ce qu'il appelle le "laïcisme", "version dévoyée de la laïcité, qui se drape dans la notion d’égalité en stigmatisant le religieux". Dans une interview aux "Inrocks" en 2015, il fait l'exégèse de son propre texte :
"Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd’hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que dans
"Crucifions les laïcards comme à Golgotha, c’est clairement un oxymore, dans ce qui est proposé comme image", se justifie-t-il sur le plateau d'Arrêt sur images en 2016. "On ne crucifiait pas les laïcards à Golgotha. Et d’ailleurs, il ne s’agit pas de crucifier à proprement dit les laïcards. Il y a un déroulé d’absurdités, d’oxymores jusqu’à la fin du morceau, qui amène vers l’exorcisme de la laïcité. Et c’est ça qui est le plus important. Parce qu’à la fin, je rappelle que la laïcité est possédée par un certain nombre de gargouilles de la République".
Lesdites "gargouilles" le lui rendent bien : Alain Finkielkraut l’accuse de faire l’apologie d’Oussama Ben Laden, l'hebdomadaire "Marianne" de faire le "marketing du djihadisme", Caroline Fourest d'être "ultra-réac" et "intégriste". Quant au magazine conservateur "Causeur", il l'accuse carrément de vouloir instaurer la charia en France.
En mars 2017, lors d’une conférence à l’Ecole normale supérieure de Paris, Médine, venu expliquer ses textes et ses références, reconnaît de nouveau "être allé trop loin" avec le clip de "Don't Laïk" :
"La provocation n’a d’utilité que quand elle suscite un débat, pas quand elle déclenche un rideau de fer. Avec 'Don't Laïk', c’était inaudible, et le clip a accentué la polémique. J’ai eu la sensation d’être allé trop loin."
Pourquoi le Bataclan ?
Le choix du Bataclan, où 90 personnes avaient péri sous les balles de djihadistes le 13 novembre 2015, est l'élément qui choque le plus ceux qui appellent à l'annulation des concerts. Cette salle est réputée pour sa programmation rock mais aussi rap, ce que rappelle Médine dans la chanson "Bataclan" de son dernier album :
"Quand j'connaissais pas le statut d'intermittent
Que ma pauvreté, c'était mon taf à plein temps
Y'avait qu'une seule chose qui changeait le mal en patience
Tout ce que je voulais faire, c'était le Bataclan"
Des scènes du clip ont d'ailleurs été tournées dans le Bataclan, signe que le rappeur et la direction de la salle étaient déjà en contact. Médine donne plus de détails sur sa page Facebook :
"En 1999, mon frère Alassane, dit Sals’a, rappait justement 'Mon but, c’est de faire le Bataclan, pas d’voir les clans s’battre'. 19 ans plus tard, on sort le clip 'Bataclan', tourné en partie dans cette salle parisienne emblématique. Tout un symbole pour nous et pour les artistes qui voyons la scène comme le meilleur endroit où exercer notre passion."
Le rappeur est néanmoins critiqué pour ne jamais évoquer l'attentat du 13-Novembre dans le texte de la chanson. Lorsqu'il fait référence à un attentat, c'est en rapprochant le 11-Septembre et l'incendie qui a ravagé la salle de L'Elysée-Montmartre en 2011 : "Une salle qui brûle, c'est une époque qui meurt / Quand l'Elysée-Montmartre est parti en feu / J'crois que j'ai vécu mon World Trade Center / La Mecque des rappeurs, 72, boulevard Rochechouart."
Deux jours après le 13 novembre 2015, Médine avait cosigné une tribune dans "Libération" intitulée "Nous sommes unis", aux côtés de 80 personnalités associatives, politiques, juives, catholiques, musulmanes. Un texte qui appelait à "ne pas tomber dans le premier piège tendu par le terrorisme : la division". La tribune, au texte très consensuel, s'était pourtant attirée les foudres du Premier ministre Manuel Valls qui reprochait au président de l’Observatoire de la laïcité Jean-Louis Bianco de l'avoir paraphée. En cause : la présence parmi les signataires de militants supposés proches des Frères musulmans.
Comment réagissent les victimes ?
Au lendemain de l'éclatement de la polémique, les réactions du monde politique sont aussi diverses que celles des associations de survivants du 13-Novembre. "Nous sommes deux fois victimes", estime ainsi sur RMCle président de l'association 13 Onze 15 Fraternité et Vérité Philippe Duperron, qui espère une annulation des deux concerts.
"Nous avons pris contact avec la direction de la salle du Bataclan pour comprendre comment cette programmation avait pu être organisée. [...] Le personnage est éminemment contestable, probablement y a-t-il des paroles discutables, qu'on pourrait ne pas entendre. Respect des victimes, respect de la mémoire."
Mais cette ligne ne fait pas l'unanimité parmi les survivants du Bataclan. L'ex-vice-président de l'association Emmanuel Domenach a ainsi vertement interpellé Marine Le Pen et Laurent Wauquiez sur Twitter. "Je n'ai pas d'avis sur la polémique, je n'ai jamais écouté ce rappeur. Mais ces élus n'ont que faire des victimes 99% de l'année et là on monte une affaire en épingle pour apparaître dans les médias", dénonce-t-il auprès de LCI. "Qu'on laisse les victimes là où elles sont. Elles n'ont rien demandé."
Une autre survivante du Bataclan, Sophie, a dû temporairement suspendre son compte Twitter après avoir elle aussi critiqué les récupérations politiques et reçu des injures. "Ça va très loin, je reçois des messages du genre 'dommage que tu n'aies pas crevé', 'tu as le syndrome de Stockholm'", raconte-t-elle à LCI.
L'association de victimes Life for Paris estime de son côté dans un communiqué que le Bataclan "est complètement libre de sa programmation, sous contrôle de la préfecture de police de Paris".
"Notre association n'est pas un organe de censure, elle est et restera apolitique et ne laissera personne instrumentaliser la mémoire des victimes des attentats à des fins politiciennes, comme c'est le cas dans cette affaire."
Le président de Life for Paris Arthur Dénouveaux a par ailleurs indiqué à l'AFP que sur les pages de discussion internes à l'association (notamment sur Facebook), "il n'y a pas ou peu de discussion, de commentaire ou d'émotion" autour de la programmation de Médine.
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