Le film « Troufions »
Cinquante-six ans après la signature des accords d’Évian en mars 1962, le documentaire Troufions donne la parole à cinq soldats français qui ont fait la guerre d’Algérie comme simples appelés. Ces hommes âgés aujourd’hui de 75 ans et plus se sont tus obstinément durant toutes ces années, sans rien confier à leurs parents, leurs femmes ou leurs enfants. Ils décident de parler pour la première fois, avant qu’il ne soit trop tard.
Troufions permet de faire remonter à la surface la parole enfouie de ces vétérans, car leur mutisme intime n’est pas une amnésie. Au contraire, le conflit algérien est encore pour eux une plaie ouverte.
Ce film délie ces hommes de leur silence et récolte une parole juste sur leurs souffrances secrètes et leurs blessures invisibles. Il interroge les séquelles et les stigmates d’une guerre si peu racontée. Ces hommes mémoires sont paysans, ouvriers, ou fonctionnaires, ils avaient vingt ans et n’étaient que de simples troufions.
Algérie : des "troufions" bouleversants
Ils avaient 20 ans pendant la guerre d'Algérie. Ils étaient simples soldats et sortent aujourd'hui du silence dans un documentaire poignant.
Il paraît que les hommes qui pleurent ont du charme. Alors vous en aurez en regardant « Troufions » Avec cinq hommes, qui avaient 20 ans quand on les a arrachés à leurs vaches, à leur chantier naval et à leur fiancée, pour aller "pacifier" l’Algérie, puisqu'on ne disait pas "guerre". Cinq hommes qui n'ont jamais parlé et qui parlent. On regarde leurs belles mains qui tremblent, les larmes qui s'allument au fond de leurs yeux. On les écoute raconter le voyage à fond de cale, leur arrivée dans ce pays inconnu où ils prennent les femmes voilées pour des bonnes soeurs et leur candeur vitrifiée par le conflit. Un film de plus sur l'Algérie ? Non, un film sur les hommes et la guerre, sur les choix qu'on fait ou qu'on ne fait pas et qui vous gangrènent la vie. Il est question de "gégène" et de "faire son travail", de "12.7" et de "baignoire", mais surtout des "copains", de la foi en Dieu, de la "trouille" et de l'orgueil, d'un petit garçon qui refuse le bonbon que vous lui tendez et qui vous dit pourquoi : "Vous avez tué mon père hier." Ces hommes sont beaux et brisés. Filmés devant leur établi, sur leur petit bateau, avec leur bétail ou avec le cahier où, d'une écriture fine, ils ont consigné l'horreur, ils disent des phrases simples et superbes sur l'enfer qu'est la guerre à 20 ans et ce à quoi se résume une vie d'homme. On s'excuse, on ne les a pas notés parce qu'on pleurait. Comme eux.
Par Christophe Ono-dit-Biot LE POINT
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