Née en Algérie, Bariza Khiari a accédé aux plus hautes fonctions politiques. Première sénatrice musulmane de France, ex-vice-présidente du Sénat, juge à la Haute-Cour de justice de la République, chevalier de l'Ordre national du mérite, un parcours exemplaire qui a piqué notre curiosité. Dans son bureau, à l'Elysée, où elle nous reçoit chaleureusement, elle évoque, pour les lecteurs du Quotidien d'Oran, son itinéraire et ses combats et ses projets. Entretien
Le quotidien d'oran : Comment, sur une période d'une trentaine d'années, jugez-vous du processus d'intégration des populations d'origine immigrée en France ?
Bariza Khiari : Sur une trentaine d'années, je peux dire que le bilan de l'intégration des populations issues de l'immigration est plutôt positif même s'il faut parfois pondérer cet avis à cause des discriminations. Mais, il est vrai qu'est apparue une classe moyenne, issue de ces populations, il y a des cadors, nous avons donc des jeunes qui se construisent individuellement. Sur le plan individuel, il y a des réussites exceptionnelles. A titre personnel, lorsque j'ai été élue sénatrice, au début il y avait envers moi une certaine méfiance, parce qu'on ne me connaissait pas, mais lorsque vous faites valoir des compétences, on vote pour vous. J'ai été élue première vice-présidente du Sénat, poste que j'ai occupé trois ans durant, et la droite et la gauche ont voté unanimement pour moi. Lorsque j'ai quitté la vice-présidence du Sénat, les sénateurs de droite, qui sont censés être mes adversaires en politique, m'ont demandé d'être candidate à la Cour de justice de la République. Lorsque j'ai demandé la raison, on m'a expliqué qu'ils étaient assurés que je jugerais les faits, non les personnes. Les jeunes peuvent réussir en faisant valoir leur savoir-faire, à condition bien entendu qu'ils respectent les règles et les lois de la République. J'ai toujours été persuadée que les compétences effaçaient dans le regard de l'Autre l'appartenance. Ces réussites, comme je l'ai déjà dit, restent individuelles. Mais, sur le plan collectif, c'est beaucoup moins brillant. En somme, les succès personnels et l'émergence d'une classe moyenne sont les signes d'une réelle intégration en dépit de toutes les discriminations qui sont à l'œuvre. Discriminations qui représentent un vrai fléau auquel il faudra bien qu'on s'attaque. Les discriminations sont des morts sociales. C'est, en effet, beaucoup plus difficile quand on est fils ou petit-fils d'immigré de décrocher un poste à diplôme égal. Cependant la prise en compte de cette diversité est visible, elle est du reste tellement visible qu'on se préoccupe de s'adresser à ces générations-là pendant les périodes électorales. C'est un signe évident que ça commence à compter.
Q. O.: Vous avez été une militante anti-raciste, que pensez-vous du malaise latent, parfois ouvert comme durant les émeutes de 2005 dans les banlieues, de ces jeunes qui sont parfois tentés par des engagements djihadistes ?
B. K.: Cela est tout à fait regrettable. Il est possible que la République n'ait pas été suffisamment à l'écoute de cette frange de la population. En tout cas, certains ont agi de telle sorte qu'on en arrive à cette situation. Et qu'ont fait ces obscurantistes, ces intégristes ? Ils ont fait en sorte que l'islam se réduise à des types d'oppositions binaires : ceci est permis, cela est défendu ; ceci est licite, cela est illicite ; ceci est haram ; ceci est halal. C'est devenu le critère moyennant quoi nos textes scripturaires sont devenus un code pénal, et, du coup, ces intégristes ont fait perdre à la religion musulmane toute la dimension verticale et spirituelle. Car la spiritualité est le cœur de l'islam et, à partir du moment où vous asséchez la religion, car c'est à cela que nous avons assisté, les théoriciens du salut peuvent surgir, ces analphabètes bilingues qui promettent un billet premium pour le paradis et qui trouvent des personnalités faibles pour les croire.
Q. O.: Ce serait là la faille ?
B.K.: La meilleure façon de lutter contre l'islamisme radical, c'est de promouvoir l'islam et ses valeurs, de mettre l'accent sur la spiritualité de cette religion. Or, on n'a pas fait ce qu'il aurait fallu faire pour transmettre les savoirs fondamentaux de l'islam. A l'Institut des cultures d'islam que j'ai l'honneur de présider, j'ai pu me rendre compte que cette transmission des valeurs spirituelles de l'islam ne s'est pas faite dans les familles. Il y a des manques graves dans la passation de ces valeurs, car si elles avaient été inculquées aux jeunes, on n'en serait pas arrivé à une situation aussi dramatique.
Q. O.: N'y aurait-il pas aussi un manque grave du côté de l'école, les valeurs républicaines non plus n'ont pas été transmises, on ne peut que le constater
B. K.: Si l'école républicaine n'a peut être pas rempli sa mission, les familles pas davantage. Du coup, n'importe quel démagogue, agitateur, prédicateur islamiste peut leur « bourrer le crâne ». Et voilà comment on parvient par glissements successifs à un phénomène de radicalisation, lequel aboutit à légitimer l'action terroriste.
Q. O.: Comment avez-vous vécu les attentats de 2015 ?
B. K.: Très mal. Ces actes terroristes rejaillissent malheureusement sur l'ensemble des musulmans. Ce que ces radicalisés font est gravissime.
Q. O.: En quoi précisément est-ce gravissime ?
B. K.: A titre d'exemple et pour battre en brèche, l'argument agité par certains, qui se plaisent à répéter qu'en Islam écouter ou pratiquer de la musique relève du haram, j'ai dû « monter » une exposition d'arts contemporains, organiser des conférences et des concerts pour expliquer que rien de tout cela n'est, au regard de l'islam illicite. C'est en effet une forme de chant que de psalmodier le Coran. On ne sait pas assez qui, en Europe médiévale, a fondé le premier conservatoire est un musulman du nom de Ziryâb1. C'est le philosophe Al-Kindî2 qui a créé une forme de solfège où l'on reconnaissait les notes à l'aide de chiffres, sans oublier les chants spécifiquement religieux, et le très important patrimoine de la musique andalouse qui irrigue toute la culture musulmane. Dans ces circonstances, décréter que la musique est illicite, ce serait vouloir interdire à des oiseaux de chanter.
Q. O.: Après les attentats de 2015, certains se sont hâtés de dire que ces actes criminels n'avaient rien à voir avec l'Islam, d'autres ont défendu l'idée qu'il devait y avoir malgré tout un rapport, quel est votre sentiment ?
B. K.: Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Ce que je peux vous dire, c'est que les Musulmans dans ce pays n'ont pas à s'excuser pour les actes commis par une « bande de cinglés ». Pas plus que les autres communautés du reste. Mais il faut avouer que ces actes commis au nom de l'Islam nous atteignent vraiment.
Q. O.: La gauche de gouvernement a répondu aux attentats, notamment par le projet de la « déchéance de nationalité », quelle a été votre réaction ?
B. K.: C'est sur ce projet que s'est faite ma rupture avec le Parti socialiste. Les prémices de la rupture, ce fut lorsque Manuel Valls, alors premier ministre, est allé rendre visite à Angela Merkel pour lui faire la leçon au sujet des migrants. Cette femme, de droite, a été, dans ces circonstances, l'honneur et la conscience de l'Europe. Franchement, si l'Europe n'est pas aussi un corpus de valeurs, alors qu'on veuille bien nous le dire. C'est moi qui avec d'autres, au Sénat, ait fait capoter ce projet, car j'ai réussi à fédérer une majorité de sénateurs socialistes en leur disant : « N'avez-vous pas honte ? Nous avons adhéré à ce parti sur la question des valeurs et aujourd'hui on en est là ! ». Du coup, l'exécutif,qui n'avait pas de majorité dans ses rangs pour faire adopter le texte, a été contraint de le retirer. Si j'ai quitté le PS, c'est aussi à cause de cette forme hystérique de laïcité dans laquelle je ne me reconnaissais pas.
Q.O.: N'y aurait-il pas une alternative possible à cette laïcité hystérique que vous évoquez ?
B.K.: Pour le président Emmanuel Macron la laïcité est un espace de liberté, liberté de croire ou de ne pas croire. Il ne se sert pas de la laïcité ou de questions sur l'identité française pour diviser les français car contrairement à d'autres il cherche lui à les rassembler.
Q. O.: On voit bien en effet la réaction très vive d'une certaine gauche contre le fait que le président Macron tende la main aux catholiques et qu'il fera de même sans doute avec les musulmans
B. K.: Mais le président Macron a tendu la main aux Musulmans, en plusieurs occasions, je peux vous l'assurer. Partisan du rassemblement des français, le Président est pour une laïcité qui ne crée pas de rupture entre les citoyens. Ça change tout. La laïcité est définie par une loi qui interdit certaines choses, mais qui en permet d'autres et qui doit être respectée. Si l'État est laïc, les gens ne le sont pas. La laïcité est un espace de liberté qui nous permet de vivre ensemble, tout en étant différents. Le président Macron l'a très bien compris. Parce qu'il possède cette culture philosophique et historique dont étaient dépourvus ses prédécesseurs immédiats, il a compris que le premier terrain à investir, c'était celui de l'éducation et son maître mot est l'émancipation. À titre d'exemple, lorsqu'on divise le nombre des élèves par deux dans les petites classes, c'est pour permettre à ces enfants de savoir lire, écrire et compter. Car lorsqu'un gamin ne dispose que de trois cents mots, il a tendance à faire usage de la violence pour s'exprimer. Vous le savez comme moi, l'éducation est une cause absolument fondamentale.
Q. O.: Est-ce qu'une partie du problème ne vient pas du fait que la gauche socialiste n'a pas pris au sérieux la question religieuse ?
B. K.: Avant d'évoquer la question religieuse, permettez-moi de vous dire que la bonne conscience de la gauche, ça a été l'antiracisme. Quand on mène une lutte contre le racisme, à un moment donné, il faut l'évaluer, en dresser le bilan, et pointer du doigt les insuffisances. Or, pendant que la gauche à travers une organisation luttait contre le racisme en organisant des concerts, Jean-Marie Le Pen est parvenu à se hisser au second tour de l'élection présidentielle !
Q. O.: Ça n'a pas fonctionné
B. K.: Parce que la lutte menée n'a pas porté sur la promotion de l'égalité ou la lutte contre les discriminations. Pour cela, il aurait fallu concevoir d'autres outils. Car c'est un travail précis, sur le long terme, un travail de terrain qui dépasse le temps d'un quinquennat. Il aurait fallu s'attaquer en profondeur aux inégalités et ça n'a pas été fait.
Le quotidien d'oran : Comment, sur une période d'une trentaine d'années, jugez-vous du processus d'intégration des populations d'origine immigrée en France ?
Bariza Khiari : Sur une trentaine d'années, je peux dire que le bilan de l'intégration des populations issues de l'immigration est plutôt positif même s'il faut parfois pondérer cet avis à cause des discriminations. Mais, il est vrai qu'est apparue une classe moyenne, issue de ces populations, il y a des cadors, nous avons donc des jeunes qui se construisent individuellement. Sur le plan individuel, il y a des réussites exceptionnelles. A titre personnel, lorsque j'ai été élue sénatrice, au début il y avait envers moi une certaine méfiance, parce qu'on ne me connaissait pas, mais lorsque vous faites valoir des compétences, on vote pour vous. J'ai été élue première vice-présidente du Sénat, poste que j'ai occupé trois ans durant, et la droite et la gauche ont voté unanimement pour moi. Lorsque j'ai quitté la vice-présidence du Sénat, les sénateurs de droite, qui sont censés être mes adversaires en politique, m'ont demandé d'être candidate à la Cour de justice de la République. Lorsque j'ai demandé la raison, on m'a expliqué qu'ils étaient assurés que je jugerais les faits, non les personnes. Les jeunes peuvent réussir en faisant valoir leur savoir-faire, à condition bien entendu qu'ils respectent les règles et les lois de la République. J'ai toujours été persuadée que les compétences effaçaient dans le regard de l'Autre l'appartenance. Ces réussites, comme je l'ai déjà dit, restent individuelles. Mais, sur le plan collectif, c'est beaucoup moins brillant. En somme, les succès personnels et l'émergence d'une classe moyenne sont les signes d'une réelle intégration en dépit de toutes les discriminations qui sont à l'œuvre. Discriminations qui représentent un vrai fléau auquel il faudra bien qu'on s'attaque. Les discriminations sont des morts sociales. C'est, en effet, beaucoup plus difficile quand on est fils ou petit-fils d'immigré de décrocher un poste à diplôme égal. Cependant la prise en compte de cette diversité est visible, elle est du reste tellement visible qu'on se préoccupe de s'adresser à ces générations-là pendant les périodes électorales. C'est un signe évident que ça commence à compter.
Q. O.: Vous avez été une militante anti-raciste, que pensez-vous du malaise latent, parfois ouvert comme durant les émeutes de 2005 dans les banlieues, de ces jeunes qui sont parfois tentés par des engagements djihadistes ?
B. K.: Cela est tout à fait regrettable. Il est possible que la République n'ait pas été suffisamment à l'écoute de cette frange de la population. En tout cas, certains ont agi de telle sorte qu'on en arrive à cette situation. Et qu'ont fait ces obscurantistes, ces intégristes ? Ils ont fait en sorte que l'islam se réduise à des types d'oppositions binaires : ceci est permis, cela est défendu ; ceci est licite, cela est illicite ; ceci est haram ; ceci est halal. C'est devenu le critère moyennant quoi nos textes scripturaires sont devenus un code pénal, et, du coup, ces intégristes ont fait perdre à la religion musulmane toute la dimension verticale et spirituelle. Car la spiritualité est le cœur de l'islam et, à partir du moment où vous asséchez la religion, car c'est à cela que nous avons assisté, les théoriciens du salut peuvent surgir, ces analphabètes bilingues qui promettent un billet premium pour le paradis et qui trouvent des personnalités faibles pour les croire.
Q. O.: Ce serait là la faille ?
B.K.: La meilleure façon de lutter contre l'islamisme radical, c'est de promouvoir l'islam et ses valeurs, de mettre l'accent sur la spiritualité de cette religion. Or, on n'a pas fait ce qu'il aurait fallu faire pour transmettre les savoirs fondamentaux de l'islam. A l'Institut des cultures d'islam que j'ai l'honneur de présider, j'ai pu me rendre compte que cette transmission des valeurs spirituelles de l'islam ne s'est pas faite dans les familles. Il y a des manques graves dans la passation de ces valeurs, car si elles avaient été inculquées aux jeunes, on n'en serait pas arrivé à une situation aussi dramatique.
Q. O.: N'y aurait-il pas aussi un manque grave du côté de l'école, les valeurs républicaines non plus n'ont pas été transmises, on ne peut que le constater
B. K.: Si l'école républicaine n'a peut être pas rempli sa mission, les familles pas davantage. Du coup, n'importe quel démagogue, agitateur, prédicateur islamiste peut leur « bourrer le crâne ». Et voilà comment on parvient par glissements successifs à un phénomène de radicalisation, lequel aboutit à légitimer l'action terroriste.
Q. O.: Comment avez-vous vécu les attentats de 2015 ?
B. K.: Très mal. Ces actes terroristes rejaillissent malheureusement sur l'ensemble des musulmans. Ce que ces radicalisés font est gravissime.
Q. O.: En quoi précisément est-ce gravissime ?
B. K.: A titre d'exemple et pour battre en brèche, l'argument agité par certains, qui se plaisent à répéter qu'en Islam écouter ou pratiquer de la musique relève du haram, j'ai dû « monter » une exposition d'arts contemporains, organiser des conférences et des concerts pour expliquer que rien de tout cela n'est, au regard de l'islam illicite. C'est en effet une forme de chant que de psalmodier le Coran. On ne sait pas assez qui, en Europe médiévale, a fondé le premier conservatoire est un musulman du nom de Ziryâb1. C'est le philosophe Al-Kindî2 qui a créé une forme de solfège où l'on reconnaissait les notes à l'aide de chiffres, sans oublier les chants spécifiquement religieux, et le très important patrimoine de la musique andalouse qui irrigue toute la culture musulmane. Dans ces circonstances, décréter que la musique est illicite, ce serait vouloir interdire à des oiseaux de chanter.
Q. O.: Après les attentats de 2015, certains se sont hâtés de dire que ces actes criminels n'avaient rien à voir avec l'Islam, d'autres ont défendu l'idée qu'il devait y avoir malgré tout un rapport, quel est votre sentiment ?
B. K.: Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Ce que je peux vous dire, c'est que les Musulmans dans ce pays n'ont pas à s'excuser pour les actes commis par une « bande de cinglés ». Pas plus que les autres communautés du reste. Mais il faut avouer que ces actes commis au nom de l'Islam nous atteignent vraiment.
Q. O.: La gauche de gouvernement a répondu aux attentats, notamment par le projet de la « déchéance de nationalité », quelle a été votre réaction ?
B. K.: C'est sur ce projet que s'est faite ma rupture avec le Parti socialiste. Les prémices de la rupture, ce fut lorsque Manuel Valls, alors premier ministre, est allé rendre visite à Angela Merkel pour lui faire la leçon au sujet des migrants. Cette femme, de droite, a été, dans ces circonstances, l'honneur et la conscience de l'Europe. Franchement, si l'Europe n'est pas aussi un corpus de valeurs, alors qu'on veuille bien nous le dire. C'est moi qui avec d'autres, au Sénat, ait fait capoter ce projet, car j'ai réussi à fédérer une majorité de sénateurs socialistes en leur disant : « N'avez-vous pas honte ? Nous avons adhéré à ce parti sur la question des valeurs et aujourd'hui on en est là ! ». Du coup, l'exécutif,qui n'avait pas de majorité dans ses rangs pour faire adopter le texte, a été contraint de le retirer. Si j'ai quitté le PS, c'est aussi à cause de cette forme hystérique de laïcité dans laquelle je ne me reconnaissais pas.
Q.O.: N'y aurait-il pas une alternative possible à cette laïcité hystérique que vous évoquez ?
B.K.: Pour le président Emmanuel Macron la laïcité est un espace de liberté, liberté de croire ou de ne pas croire. Il ne se sert pas de la laïcité ou de questions sur l'identité française pour diviser les français car contrairement à d'autres il cherche lui à les rassembler.
Q. O.: On voit bien en effet la réaction très vive d'une certaine gauche contre le fait que le président Macron tende la main aux catholiques et qu'il fera de même sans doute avec les musulmans
B. K.: Mais le président Macron a tendu la main aux Musulmans, en plusieurs occasions, je peux vous l'assurer. Partisan du rassemblement des français, le Président est pour une laïcité qui ne crée pas de rupture entre les citoyens. Ça change tout. La laïcité est définie par une loi qui interdit certaines choses, mais qui en permet d'autres et qui doit être respectée. Si l'État est laïc, les gens ne le sont pas. La laïcité est un espace de liberté qui nous permet de vivre ensemble, tout en étant différents. Le président Macron l'a très bien compris. Parce qu'il possède cette culture philosophique et historique dont étaient dépourvus ses prédécesseurs immédiats, il a compris que le premier terrain à investir, c'était celui de l'éducation et son maître mot est l'émancipation. À titre d'exemple, lorsqu'on divise le nombre des élèves par deux dans les petites classes, c'est pour permettre à ces enfants de savoir lire, écrire et compter. Car lorsqu'un gamin ne dispose que de trois cents mots, il a tendance à faire usage de la violence pour s'exprimer. Vous le savez comme moi, l'éducation est une cause absolument fondamentale.
Q. O.: Est-ce qu'une partie du problème ne vient pas du fait que la gauche socialiste n'a pas pris au sérieux la question religieuse ?
B. K.: Avant d'évoquer la question religieuse, permettez-moi de vous dire que la bonne conscience de la gauche, ça a été l'antiracisme. Quand on mène une lutte contre le racisme, à un moment donné, il faut l'évaluer, en dresser le bilan, et pointer du doigt les insuffisances. Or, pendant que la gauche à travers une organisation luttait contre le racisme en organisant des concerts, Jean-Marie Le Pen est parvenu à se hisser au second tour de l'élection présidentielle !
Q. O.: Ça n'a pas fonctionné
B. K.: Parce que la lutte menée n'a pas porté sur la promotion de l'égalité ou la lutte contre les discriminations. Pour cela, il aurait fallu concevoir d'autres outils. Car c'est un travail précis, sur le long terme, un travail de terrain qui dépasse le temps d'un quinquennat. Il aurait fallu s'attaquer en profondeur aux inégalités et ça n'a pas été fait.
Propos Recueillis Par Omar Merzoug
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