Dans un élan d’adhésion à la culture de la citoyenneté dont notamment, le concept du savoir et de la préservation de l’histoire de la guerre de Libération nationale, ses valeurs, ses batailles, ses obstacles, ses progrès et ses organisations, le devoir de mémoire interpelle nos consciences pour contribuer, selon des témoignages crédibles et autres archives officielles, à révéler et éclairer aux jeunes générations, les grandes lignes de cette révolution armée, glorifiée par plus d’un million et demi de chahids et des autres moudjahidine. Leur victoire est synonyme de souveraineté nationale, fondatrice de l’Algérie indépendante. Parmi l’émergence de ces hommes qui ont marqué l’histoire révolutionnaire, nous évoquons succinctement, le parcours du défunt Mohamed Benahmed, commandant Moussa, un leader de l’ALN, intellectuel, politicien et stratège de guerre. Combien même faut-il rappeler, qu’il a participé ou pris part à tous les mouvements nationalistes jusqu’à la lutte armée.
Après l’indépendance, il se démarquera par son opposition à l’option politique confinée et calquée sur le modèle soviétique, par les «gouvernants» militaires autoproclamés dont l’histoire a été écrite au profit de ses auteurs. C’est toute la problématique de la réécriture de l’authentique histoire de la Révolution algérienne, notamment après les décès de la quasi majorité de ses véritables et incontestables acteurs. Dans ce même chapitre, nous retrouvons ainsi, le commandant Moussa qui a été mis aux oubliettes, par ceux là même qui n’avaient, aucunement, la légitimité de leader historique et encore moins de chef d’Etat. Le commandant Moussa a toujours rappelé qu’il avait rejoint les rangs de l’ALN, parce que c’était un combat pour la dignité, rappelant pour cela qu’à l’époque il vivait aisément, même riche par rapport au niveau de vie des autres concitoyens. Le nationalisme coulait dans ses vaines, refusant radicalement la démagogie, sous toutes ses formes. L’historique commandant Moussa, était un homme coriace et ferme, un résistant à toute épreuve, intraitable.
Oran, son berceau
Mohamed Ben Ahmed, le Commandant Moussa, comme pour mieux l’identifier, notamment dans sa ville natale, Oran, où il naquit le 02 juillet 1920, a été parmi les officiers supérieurs qui dirigeaient l’état major de l’Armée de Libération nationale durant la guerre de Libération nationale. Né dans une famille oranaise prospère, il poursuivit ses études jusqu’au secondaire, notamment au 1er lycée d’Oran, Ardaillon. Son père qui était fonctionnaire, assurait une vie décente à sa famille. Après la mort de son géniteur, Mohamed qui était enseignant, prit le relais de la responsabilité de famille. Il quittera l’enseignement pour se convertir en commerçant, en excellant dans cette activité.
«Djamiat El Oulama» de Abdelhamid Ibn Badis
Fervent nationaliste, il débuta dans les cercles politiques de l’avant-révolution, notamment au sein de Djamaïat El-Oulama dirigé par Cheikh Abdelhamid Ibn Badis, durant les tout débuts des années 40. Structuré, il activa dans diverses actions, à Oran et à travers d’autres régions. Il participa financièrement à la construction de «Madersat El Falah» qui sera dirigée par Said Said Zemmouchi, muté de Mascara, sur recommandation du Cheilh Ibn Badis. L’histoire retiendra que cette Medersa, outre sa vocation du savoir et de formation religieuse, symbolisait le rassemblement des nationalistes oranais.
L’UDMA de Ferhat Abbès puis le MTLD de Messali Hadj
Il adhéra, ensuite, durant ces mêmes années au parti de l’UDMA (Union Démocratique du Manifeste Algérien) de Ferhat Abbès qui était un allié à Djemaïat El Oulama. En 1947, il affirma ses évidences politiques au sein du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) de Messali Hadj. En 1952, sous l’étendard de ce parti, il dévoila ses ambitions politiques en optant pour les élections municipales, à Oran. Il fut logiquement élu, conseiller municipal. Intellectuel et politisé, ses approches et adhésions, aux différents mouvements nationalistes, corroboraient ses intentions pour la libération du pays.
Révolution armée, officier supérieur de l’ALN
A Oran, après le déclenchement de la lutte armée du 1er Novembre 1954, dans ses diverses actions nationalistes, Mohamed Ben Ahmed, favorisant l’option pacifique pour le règlement du conflit, s’associa à d’autres militants pour la création de ‘Fraternité Algérienne’. Ce mouvement qui rassemblait des Algériens d’origines arabe, française et juive, se dressait contre la guerre et ses conséquences dramatiques, prônant des négociations entre les gouvernants français et les moudjahidine qui ont préféré prendre les armes, ceux ayant choisi les maquis, notamment. Ainsi, le 6 février 1956, Mohamed Benahmed sera l’émissaire de ce mouvement pour présenter les revendications et les solutions recommandées, à Guy Mollet, qui était en réunion à Alger. Cependant ce dessein a été voué à l’échec, aussi bien du côté du FLN qui n’avait pas donné son accord que du côté des colonisateurs. Ce projet pacifique non accepté des deux parties du conflit, fera convaincre Mohamed Benahmed que la lutte armée restait la seule option pour l’indépendance de l’Algérie. Il rejoindra le FLN en 1955 puis les rangs de l’ALN en 1956.
Commandant Moussa, son nouveau nom de guerre
Ainsi commence la voie du maquis pour Mohamed Benahmed, au sein de l’ALN, dans l’accompagnement du jeune officier et futur colonel, Lotfi qui était adjoint de Boussouf. Une responsabilité lui sera attribuée dans la région d’El Bayadh, sous le nom de guerre de «Si Mourad». Le 02 octobre 1956, lors de la bataille de Djebel Amor, Mohamed Ben Ahmed s’est avéré un véritable stratège de guerre, et considéré comme le héros de ce combat. Ensuite, d’autres actions sont à mettre à son actif dont la réorganisation de la Wilaya VI historique. Il deviendra en 1959, le «Commandant Moussa». En 1960, il se verra confier la direction du Commandement des forces armées de l’ALN, à la frontière Est (Tunisie) puis à la base de Ghardimaou, avant de se déplacer à Tripoli, après le soulèvement d’un camp. Il cohabitera ainsi avec Boumédiène, au sein de l’Etat-major. Il évoluera, également, comme membre de la Commission militaire pour côtoyer le GPRA. En 1961, suite à un différend entre Boumédiène et le GPRA qui reprochait à ce dernier, une grave erreur selon des témoignages, le Commandant Moussa est nommé chef d’Etat-major. C’est sur ce fonds de crise que le Commandant Moussa franchit, le 15 juillet 1961, l’étape de la plus haute hiérarchie, au niveau de l’Etat-major, avec la mise à l’écart puis la démission de Boumédiène. La nomination du commandant Moussa, en qualité de chef d’Etat-major, a été signée par Benyoucef Ben-Khedda, président du GPRA. Malheureusement, cette décision ne sera pas admise par le «cercle» de Boumediene. Appliquant légalement et honorablement ses responsabilités, le commandant Moussa tentait même d’emprisonner Boumédiène. Nous voilà encore une fois, dans les zones d’ombre de l’histoire de la Révolution, avec une suite favorable à la réhabilitation de Boumédiène, en dépit de sa mise à l’écart, par le GPRA, pour faute grave mais sans plus de précision. Car l’histoire a été écrite au profit de ses auteurs.
C’est toute la problématique de la réécriture de l’authentique histoire de la Révolution algérienne, notamment après les décès de la quasi-majorité de ses véritables et incontestables acteurs. Dans ce même chapitre, nous retrouvons ainsi, le commandant Moussa qui a été mis aux oubliettes, par ceux-là même qui n’avaient aucunement la légitimité de leader historique et encore moins de chef d’Etat.
A l’indépendance, le commandant Moussa opposant au pouvoir
Insoumis et libre d’opinion, le commandant Moussa demeurait le rebelle indomptable, à l’indépendance, en 1962. Il afficha, clairement, son désaccord sur l’option politique du socialisme prônée par le pouvoir mis en place. Ses convictions politiques anti-socialisme, le guidèrent vers la continuité de son combat, devenant ainsi opposant au régime de Ben Bella, premier président de la République. Il fera partie d’un groupe d’opposants dont des hauts officiers de l’armée.
Défiant Ben Bella et Boumediène, le commandant Moussa sera incarcéré à la fin de l’année 1963, à la prison de Lambèse puis à El-Harrach avec un autre opposant, le défunt Hocine Aït Ahmed. Nous voilà dans la tyrannie prônée par le duo Benbella – Boumédiène, dans un paradoxe révélant les intentions d’un pouvoir illégitime qui décida de la condamnation à mort, en 1964, du commandant Moussa et d’Aït Ahmed.
Libéré après une grâce, en 1965, le commandant Moussa se retire de la vie politique pour se consacrer entièrement à sa famille. Après le soulèvement du 5 octobre 1988, mettant fin au système du socialisme et du parti unique, ouvrant la voie vers la démocratie, réaffirmée par une révision de la Constitution votée lors du référendum du 3 novembre 1988, le commandant Moussa, conforté dans ses idées, ne fera une brève réapparition dans le mouvement politique qu’après une dizaine d’années, en 1999, acceptant la main tendue par le candidat à la présidence, Abdelaziz Bouteflika, pour faire partie de son comité de soutien. Le 08 avril 2004, Mohamed Benahmed, commandant Moussa est décédé, dans sa ville natale, Oran, suite à une maladie.
par Mohamed Belaroui
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