Dans un hôpital de Gaza, il ne reste à cette petite fille de 4 ans que sa poupée. Sa mère et ses deux frères et sœurs ont été tués dans le même raid israélien qui l’a blessée. Mohammed Salem/Reuters
à Gaza
le sommeil
l’air
les prières
l’eau
le pain
les corps
sont déchiquetés massacrés
et ensevelis dans le même linceul
celui de la démocratie complice
d’un crime délibéré
par
Israël La mort
Israël le boucher
le fossoyeur au phosphore blanc
massacreur de Cana
de Jenine et Naplouse
et le Liban
Une humanité de ce qui a pu ressembler à un miracle
Gaza
ce peu de terre
des damnés
dépouillés
et dénudés
de l’amour impossible
de la liberté
de l'azur et du poème
où aucune couleur ni oiseau
Ne révèlent les horizons
n’écrivent aucun chant pour la vie
une marée de sang
Gaza
décombres et cendre
le rougeoiement de la chair
les cris
des foetus
des utérus
et chaque jour
indigné
vous buvez
mangez
un cadavre de plus
mais la Palestine
est votre humanité
qui vit dans la foret de ciment
bois de l'eau dans une bouteille en plastique
mange dans des boites en carton
respire l'air confisqué
la Palestine
est en vous
le corps infini
silence
cortège funèbre
d’une mort insomniaque
qui respire
marche
dans votre chambre à coucher
AHMED BEN DHIAB
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HUMANITE
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Nous vous demandons pardon. Pardon des nouvelles qui vous arrivent de France, de son président, de son gouvernement, des dirigeants du parti politique majoritaire et de responsables de la droite. Sachez que leur soutien inconditionnel à la folle politique de guerre de Benjamin Netanyahu n’est pas partagée par les progressistes et pacifistes français.
Ils soutiennent la guerre, nous voulons la paix. Ils acceptent le vol de vos terres, nous le dénonçons. Ils évoquent une symétrie entre les morts alors que les massacres vous visent directement. Ils parlent des droits de l’homme et ne s’offusquent pas que plus de 6000 d’entre vous parmi lesquels de nombreux enfants sont en prison. Ils ont versé des larmes à la mort de Mandela mais refusent d’exiger la libération de Marwan Bargouti, votre Mandela. Ils ne prennent aucune mesure pour interdire à des ressortissants français d’incorporer l’armée israélienne.
Croyez-nous : nous avons honte des prises de position des autorités françaises. Nous vous demandons pardon, même si nous ne sommes pas responsables de cet alignement sur une politique colonialiste, répressive et raciste.
Nous demandons pardon à toutes les familles endeuillées, pardon aux pacifistes israéliens oubliés, pardon à vous tous là-bas sous les bombes. Sachez qu’ici en France, en Europe, d’autres voix tentent de se faire entendre. Ce sont celles de vos amis, de vos frères.
SERGE GROSSVAK
2009
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Silence pour Gaza, poème de Mahmoud Darwich
Mahmoud Darwich parle dans ce poème de la résistance de la population de Gaza, dans les premières années de l’occupation (1967-1974).
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Elle s’est ceinte d’explosifs et elle éclate ! Va-t-elle mourir ? S’est-elle suicidée ? Non, non. C’est la manière de Gaza d’annoncer son imprescriptible droit à la Vie.
Voilà quatre ans que la chair de Gaza vole en éclats. Sorcellerie, magie ? Non, non. C’est l’arme avec laquelle Gaza s’acharne à défendre à l’usure son existence !
Voilà quatre ans que l’ennemi, épaté dans ses rêves, béat dans sa passion d’amoureux, fait sa cour au temps… Seulement, à Gaza, impossible ! Elle lui est si peu apparentée, et elle colle à ses adversaires ! Elle est une île, cette Gaza ! A chaque explosion – et elles n’arrêtent pas- le visage d l’ennemi est lacéré, ses rêves se fissurent, et le voici inquiet du temps qui passe, car à Gaza le temps est un autre temps. Le temps de Gaza n’est pas neutre, il n’envoûte pas le monde de froide impassibilité, mais contre le réel il se heurte et il explose ! Le temps là-bas ne transporte pas les enfants de l’enfance à la vieillesse, mais d’un bond, dès leur premier choc avec l’ennemi, il en fait des hommes.
A Gaza, voyez-vous, le Temps n’est pas à la détente, mais à l’affrontement. En plein midi on y brûle. Car à Gaza les valeurs sont tout autres, tout autres, tout à fait autres que les nôtres. Au fait, la seule valeur de l’homme réduit par une conquête, n’est-elle pas sa force de résistance à l’occupation ? Or c’est à cela seul que l’on s’exerce, là-bas à Gaza ! Elle s’est accoutumée à cette seule et grande et dure valeur, point apprise dans des livres ou dans des cours accélérés ni aux trompettes et aux grosses caisses des propagandes ni au son des hymnes patriotiques ! Toute seule, par sa propre expérience et par son labeur, pas pour la « montre », pas pour la parade ! Non, Gaza n’a pas de quoi se vanter de ses Armées, ou de sa Révolution, ou de son Budget. Elle n’a pas à exposer ses chaires puantes et volontairement elle répand son sang. Gaza, savez-vous, n’est pas douée pour les discours, son pharynx ne vaut rien, c’est par les pores de la peau qu’elle crie sang, et eau et feu !
Aussi, l’ennemi la hait-il, tant et tant d’elle il a peut qu’il ira bien jusqu’au meurtre, jusqu’au crime par noyades sous la mer, et sous les sables e dans les baquets de sang !
Aussi ses proches et ses amis l’aiment-ils, avec jalousie, avec effroi ! Car Gaza c’est la leçon sauvage, c’est l’étentard levé devant tous, indistinctement, ennemis ou amis !
Elle n’est point, Gaza, la plus belle des cités…
Elles ne sont point, ses plages, les plus riantes des plages arabes.
Elles ne sont point meilleures, ses oranges, que toutes celles du Bassin méditerranéen.
Elle n’est pas la plus cossue d’entre les villes, Gaza ! (Du poisson, des oranges, du sable, des tentes frémissantes sous le vent, des denrées de contrebande, et des bras, des bras à vendre à qui veut en acheter !).
Elle n’est pas non plus la plus délicate ni la plus imposante, mais elle vaut le poids d’or de l’histoire d’une nation entière – parce que c’est elle la plus laide aux yeux de l’ennemi, et la plus miséreuse, la plus loqueteuse, et la plus méchante ! Et parce qu’elle est parmi nous, celle qui a su troubler toute euphorie et toute quiétude ! et parce qu’elle est un cauchemar et que ses oranges sont piégées, ses enfants sans enfance, ses vieillards sans vieillissement, ses femmes sans plaisirs ! Telle est Gaza, la plus belle, la plus sereine, la plus cossue, la plus digne, parmi nous, d’être aimée à la folie !
Comme nous serions méchants si nous cherchions chez elle des poèmes ! Gaza de grande beauté, ne la déparons pas, elle qui n’a point eu de poètes à l’heure où nous, nous croyions, fichtre, et avec quelle joie quand l’ennemi nous permettait de chanter contre lui comme des vainqueurs !...puis les poèmes ont séché sur nos babines tandis que sous nos yeux l’ennemi achevait de construire ses villes, ses fortifications, ses routes !...
Comme nous serions méchants pour Gaza si nous en faisions une ville mythique ! Nous la haïrions trop quand nous la verrions, si petite ville et si pauvre ! (Et si résistante, non ?)
Furieux contre toute la fabrique des mythes, nous briserions nos derniers miroirs dan un long gémissement monté de notre ultime réserve de fierté ! C’est alors elle que nous maudirions, refusant d nous révulser contre notre propre image !
Comme nous serions méchants pour Gaza si nous la portions aux nues. Nous nous prendrions pour elle d’une passion et passionnément nous serions à l’attendre. Or Gaza ne viendra pas à nous… Gaza ne nous sauvera pas, elle n’a ni cavalerie, ni avions, ni baguette magique, ni bureaux dans les capitales. Elle se libère elle-même tout à la fois de nos beaux langages… et de ses conquérants. Et si, au coin d’un rêve, un instant nous la rencontrons, peut-être ne nous reconnaît-elle pas, puisqu’elle est née du feu, et nous d'attente et de pleurs.
Pas d’énigme dans le secret de la résistance. Elle est populaire, voilà tout. (Ce qu’elle veut, c’est expulser l’ennemi hors de ses propres habits.) Et la résistance adhère à la population comme la peau aux os. Nul n’y est l’élève et l’autre le maître.
La résistance ne s’est pas, à Gaza, institutionnalisée !
La résistance, à Gaza, n’a pas pris pignon sur rue.
Elle n’est parrainée par personne, ni ne lie son destin à des listes de signatures ou des empreintes digitales.
Que lui importent son nom, ses traits, sa voix ? Elle ne se prend pas pour l’inévitable sujet des bulletins d’information. Elle n’est pas photogénique, elle ne se farde pas pour les photographes, elle n’a pas en travers de sa figure le sourire « Colgate ».
Elle n’en veut pas. Nous non plus.
Les plaies de Gaza ne serviront pas de chaires de prédication ! Sa beauté veut que nous parlions pas trop d’elle, que nous ne jetions pas dans la fumée de ses rêves l’encens d nos chansons de femmes !
Donc, quelle mauvaise affaire pour nos courtiers et nos croupiers, mais quel trésor de l’esprit, quelle inestimable farce morale pour tous les Arabes !
Et nos exclamations sur la splendeur de Gaza ne l’effleurent même pas, rien ne la distrait, rien ne détourne son poing de boxer l’ennemi en plein visage !
Comment sera le gouvernement de l'état palestinien que, tout prochainement, nous établirons sur la côte orientale de … la planète Mars (aussitôt terminée son exploration !), comment on répartira les sièges du Conseil national palestinien, rien de tout ça ne la préoccupe, mais de toutes ses forces elle s’arc-boute dans son refus. Affamée, elle refuse, dispersée, elle refuse, embarbelée, elle refuse, mise à mort, elle refuse.
Peut-être – une mer tumultueuse peut bien engloutir une ile minuscule – l’ennemi vaincra-t-il Gaza. Peut-être la décapiteront-ils de tous ses arbres…
Peut-être sèmeront-ils de leurs roquettes les ventres des enfants et des femmes, à Gaza. Et peut-être l’asphyxieront-ils sous la mer et sous le sables et dans les baquets de sang !
Pourtant :
Jamais elle ne se gargarisera de mensonges.
Ni ne dira aux conquérants : Oui !
Ni ne cessera d’exploser.
Va-t-elle mourir ?
S’est-elle suicidée ? Non, non. C’est la manière de Gaza d’annoncer son imprescriptible droit à la vie…
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MAHMOUD DARWICH
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