55 ans après sa mort...
Le natif de Khemis Miliana (Ain-Defla), Si M’hamed Bougara est mort au champ d’honneur les armes à la main lors de la bataille d’Ouled Bouachra (Médéa) le 05 mai 1959.
Le cadavre du chahid demeure toujours introuvable. Le moudjahid Ghebalou Ahmimed reste marqué à ce jour par la personnalité de son Chef, en l’occurrence Si M’hamed Bougara. Ghebalou Ahmimed fait partie de cette poignée d’étudiants qui avaient rejoint les maquis bien avant l’appel du 19 mai 1956.
Le moudjahid Gaid Tahar était à la tête des 5 cellules qui regroupaient 21 étudiants dont Amara Rachid, Ghebalou Ahmimed et bien d’autres. Leur dernière rencontre clandestine avait eu lieu le 23 octobre 1954 à la Casbah (Alger), avant de se disperser dans les maquis du centre du pays, de la Kabylie et de l’oranie. Quand il nous évoquait Si M’hamed Bougara, Ghebalou Ahmimed parlait avec ses tripes avec son regard qui en dit long.
« Je vous dirai d’abord que la date du 5 mai en ce qui me concerne est intimement liée à Si M’hamed Bougara », dit-il. Mais comment notre interlocuteur a pu rencontrer Si M’hamed ? « Il avait participé au Congrès de la Soummam nous précise-t-il, mais dès son retour il nous avait réuni, et c’est là où je l’ai vu pour la 1ère fois. Nous étions une vingtaine de cadres de la wilaya IV. Le but de cette réunion consistait à nous expliquer les manières avec lesquelles nous devons appliquer sur nos terrains respectifs les résolutions du Congrès de la Soummam, on s’est réuni pas loin de Beni Misra, dans un lieu dit Sbaghnia à proximité de Hammam Méloune. Lors de cette réunion, il y avait aussi le Colonel Ouamrane qui venait d’être promu commissaire politico-militaire de la wilaya IV qui présidait la réunion, il y avait le Colonel Si Sadek Dehilès qui était le Chef militaire et Si Salah Zâamoum, le responsable des renseignements et des liaisons de la wilaya IV », nous indique Ghebalou Ahmimed.
Notre interlocuteur avait fait donc la connaissance de Si M’hamed Bougara lors de cette réunion qui s’était tenue au mois d’octobre 1956. Deux évènements avaient rompu la sérénité qui avait caractérisé cette réunion et avaient obligé l’ensemble des combattants de l’ALN à se disperser vers les maquis, afin de permettre à chacun de rejoindre ses bases dans les maquis.
Le 1er évènement, c’était d’abord la mort du chahid, Ali Khodja qui était le Chef du Commando, tandis que le second évènement était lié au détournement de l’avion qui transportait les 5 responsables historiques, par l’armée coloniale française. Le responsable de la wilaya IV, Si M’hamed Bougara réunissait ses cadres chaque trimestre au niveau des montagnes situées entre Blida et Médéa, afin de coordonner toutes les actions à entreprendre au niveau des zones de la wilaya IV.
« Indépendamment de ces réunions trimestrielles enchaîne Ghebalou Ahmimed, Si M’hamed Bougara effectuait des visites d’inspection dans les différentes bases de la wilaya IV déclare-t-il, des occasions où j’avais pu le revoir à maintes reprises nous explique-t-il, d’ailleurs c’est au cours de l’une de ses inspections fortuites qu’il avait rencontré Lakhdar Bouchema qui était en instance d’affectation, alors qu’il se trouvait dans un P.C à Hayouna (Gouraya) en compagnie de si Mustapha Sâadoun », ajoute-t-il.
Si M’hamed Bougara avait un don en matière de communication, non seulement il était jeune, sportif, brave et intelligent, « c’est un responsable qui inspirait la confiance auprès des djounouds car il était respecté et écouté indique Ghebalou Ahmimed, mais surtout, il nous mettait à l’aise afin de lui transmettre toutes nos préoccupations et pouvoir s’enquérir de la situation dans les maquis ajoute-t-il, Si M’hamed Bougara avait un très fort penchant vers les jeunes et les intellectuels qui avaient rejoint les rangs de l’ALN, je dirai qu’il était une idole et le confident de l’ensemble des combattants », explique notre interlocuteur.
Si M’hamed Bougara ne pouvait pas se séparer de sa carabine US. Au mois de décembre 1956, il s’était rendu dans l’arrière pays de la région de Cherchell, pour rencontrer une nouvelle fois le responsable politique de la zone désigné par le Commandement de la wilaya IV. Ghebalou Ahmimed vient de perdre lors d’un combat Si Larbi Oudaï, mais il avait réussi à s’échapper d’un encerclement tendu par des militaires français.
« Je lui avais fait un exposé sur le découpage de la zone 2 de la wilaya IV et les moyens mis en place pour faciliter nos communications explique notre interlocuteur, notre rencontre secrète avait eu lieu à Beni Bouyacoub (Menaceur, ndlr) ajoute-t-il, mais laissez moi s.v.p vous révéler un fait de Si M’hamed qui s’était déroulé à Adouiya, pas loin de Beni Mileuk. Devant un groupe d’élèves des familles rurales algériennes qui fréquentaient l’une des écoles qui relèvent de la wilaya IV, Si M’hamed ôte sa kachaba et avait commencé à donner une leçon en exercices physiques aux enfants de cette école, incroyable, car c’était lui le Chef de la wilaya IV et ne pouvait pas passer sans discuter avec les enfants en pleines montagnes », enchaine notre interlocuteur.
Pour ce 55ème anniversaire de la mort de ce héros, Ahmimed Ghebalou nous rappelle les mots prémonitoires de Si M’hamed Bougara. « Je vous assure que ses phrases résonnent à ce jour dans mes oreilles, explique notre interlocuteur, il nous disait, avec nous ou sans nous, l’Algérie vaincra la France, se libèrera et arrachera son Indépendance déclarait Si M’hamed Bougara, mais il y a une chose qui m’inquiète cependant, c’est que notre pays l’Algérie une fois indépendant sera peut-être confronté à de grands problèmes et notre pays devra les affronter, ce dont j’ai peur et je vous le dis aujourd’hui, je crains que les responsables qui prendront les destinées de notre pays seront petits et n’auront pas la même dimension de notre pays pour trouver les solutions aux difficultés de notre pays après l’Indépendance », conclut Ghebalou Ahmimed, qui nous précise que Si M’hamed Bougara n’a pas mis dans sa tête qu’il survivra après l’Indépendance, car il affrontait la mort à chaque instant et donnait le meilleur exemple.
Notre interlocuteur a tenu à témoigner pour la 1ère fois sur son Chef durant la guerre de libération nationale. Il ne trouve pas les mots pour le qualifier. Si M’hamed Bougara restera dans les cœurs du peuple algérien, en attendant une reconnaissance officielle à la hauteur de son engagement pour l’indépendance et l’épanouissement de son pays, l’Algérie.
M'hamed Houaoura
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