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Grands reportages - Québec
Camus, journaliste engagé
RDI, jeudi 7 novembre à 20h
Albert Camus est né le 7 novembre 1913, il y a donc tout juste 100 ans. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1957 pour avoir «mis en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes», selon l’élogieuse formule du comité suédois. Il n’avait alors que 44 ans, soit à peu près la moitié de l’âge de la plus récente lauréate, la Canadienne Alice Munro.
Albert Camus est mort dans un tragique accident de voiture en 1960. Mettons que cet homme-là, surchargé d’ombre et de lumière, n’aura vraiment pas perdu son temps ici-bas. Il a écrit: «L’enfer est ici, à vivre. Seuls y échappent ceux qui s’extraient de la vie.»
Il parlait aussi du «silence déraisonnable du monde». Il répétait qu’«il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre». Dans ses dernières années, son humanisme le portait vers une forme renouvelée de la conscience malheureuse. «Il importe moins d’être heureux que d’être conscient... à ras terre», disait-il.
L’écriture
Son style exigeant et généreux, d’une précision maniaque, d’une neutralité maximale, cet écrivain profond, sublime et génial le maîtrisait dans toutes les formes, le roman comme l’écriture dramatique, l’essai comme les articles de revue. Dans le journalisme aussi.
En fait, comme le montre le documentaire diffusé dans le cadre des Grands reportages, tout a commencé là. À ses débuts dans l’écriture, il hésite à se présenter comme écrivain et se dit plutôt «journaliste professionnel», ajoutant que c’est «une des plus belles professions». Reste que, comme le note le spécialiste Jeanyves Guérin dans Camus journaliste (Synergie, no 5, 2010), «s’il n’avait pas écrit L’étranger, Caligula et La peste, qui hormis de rares historiens connaîtrait l’obscur reporter d’Alger républicain? L’éditorialiste de Combat n’aurait pas plus de notoriété que son confrère Marcel Gimont. L’Express enfin n’aurait pas cherché à obtenir sa signature».
Ces trois publications marquent trois moments de sa carrière de reporter et de commentateur de l’actualité et autant d’étapes du documentaire. Camus s’engage d’abord comme rédacteur dans un journal parce qu’on lui refuse l’agrégation à cause de sa tuberculose. Né pauvre, un petit temps communiste, il choisit la publication de gauche d’Alger.
Son enquête de 1939 en Kabylie fait date par son engagement et son intensité.
Sa maladie l’empêche d’intégrer l’armée au déclenchement des hostilités. Pacifiste, antimilitariste (son père est mort très tôt pendant la Première Guerre mondiale), il joue du second degré pour contourner la censure. Mais rapidement le journal ferme et Camus quitte Alger pour Paris.
Après avoir publié L’étranger et Le mythe de Sisyphe, il intègre et dirige le journal clandestin Combat en 1943. Les extraits de ses éditoriaux lus dans le documentaire sur fond de film d’archives suscitent encore autant d’émotion que d’admiration.
Un journaliste?
«Qu’est-ce qu’un journaliste? demande-t-il. C’est un homme qui d’abord est censé avoir des idées. C’est ensuite un historien au jour le jour et son premier souci doit être de vérité. Peut-on dire aujourd’hui que notre presse ne se soucie que de vérités? On crie avec le lecteur, on cherche à lui plaire quand il faudrait seulement l’éclairer.
À vrai dire on donne toutes les preuves qu’on le méprise.»
On apprend aussi qu’il est le seul dans la presse française à prendre la mesure métaphysique de l’invention de la bombe atomique, dans un texte publier trois jours après le largage sur Hiroshima. «La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie», écrit-il.
Les «affaires d’Algérie» vont finalement l’occuper à L’Express, où il livre 35 chroniques à partir de 1955. Il plaide pour la trêve de manière de plus en plus littéraire, alors que sa terre natale entre en révolution. Les métaphores récurrentes parlent de fossé, de feu, de sang et de prison. Mais Camus est seul, ou presque, et son influence ne porte pas.
Le documentaire emploie une narration qui peut agacer avec son texte qui interpelle directement Camus. Ce qui donne des phrases du genre: «Vos positions, jamais banales, n’auront qu’un seul credo: l’humanisme.» On dirait un hommage rendu par un académicien à un autre. Mais bon, passons, c’est là un moindre défaut pour un passionnant travail documentaire qui souligne le centenaire de l’apparition d’un phare pour «la conscience des hommes».
Grands reportages / Camus, journaliste engagé RDI, jeudi 7 novembre à 20h
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