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Et si c’était le livre qu’on attendait sur la guerre d’indépendance ? Mieux, sur l’histoire franco-algérienne, une relation imbriquée ? Les auteurs (ils sont nombreux) se sont attaqués à 132 ans de passé commun l Pour le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, des centaines de livres ont été publiés en France, beaucoup moins de l’autre côté de la Méditerranée, rares sont ceux qui ont entrepris une œuvre aussi titanesque.
Algérie-France, France-Algérie, l’histoire n’en finit pas de réclamer son dû. Les éditions La Découverte (Paris) et les éditions Barzakh (Alger) publient conjointement et simultanément cet ouvrage collectif destiné à un large public sur l’histoire de l’Algérie pendant la période coloniale (1830-1962). Une heureuse initiative qui a réuni des historiens des deux rives et d’autres nationalités. «Cet ouvrage replace ainsi la guerre d’indépendance dans le temps long de la période coloniale, car c’est bien dans cette longue durée que le conflit s’enracine. Il permet ainsi de rendre compte des résultats des nombreux travaux de recherches novateurs conduits sur la période comprise entre la conquête et le début de cette guerre. Dans ce cadre historique, l’ouvrage entend questionner comment l’histoire de ces deux pays et de leurs populations s’est nouée dans des rapports complexes de domination et de violence, mais aussi d’échanges, dans les contextes de la colonisation puis de la décolonisation.
Il s’agit enfin d’interroger les héritages de ces cent trente-deux ans de colonisation qui marquent encore les sociétés algérienne et française», expliquent dans leur introduction Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault. Le livre, l’encyclopédie plutôt, s’intéresse à plusieurs facettes. Au-delà de l’aspect militaire, nécessairement très présent, de nombreux auteurs (ils sont plus d’une soixantaine) se sont attachés à narrer l’Histoire par des histoires captivantes. Michel Levallois nous fait (re)découvrir Ismaÿl Urbain, né en Guyane sous le nom de Thomas Appoline, d’un négociant marseillais et de la petite-fille d’une esclave noire. Français converti à l’Islam (1812-1884), il est décrit par Charles-Robert Ageron comme «le premier et plus grand des indigènes», «un homme de couleur», saint-simonien et musulman. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec Frantz Fanon, même si les deux démarches sont très différentes.
L’aménagement de l’espace peut être aussi une occasion de mise en scène idéologique. L’architecte paysagiste, Ghanem Laribi, et l’écrivain et éditeur, Sofiane Hadjadj, attaquent fort : «L’histoire du Jardin d’essai du Hamma à Alger, considéré comme un des plus importants jardins d’acclimatation au monde, célébré jusque dans les écrits de Karl Marx, André Gide, Albert Camus ou Jacques Derrida, se confond précisément avec celle de la colonisation ?» Et de démontrer qu’il a été pensé comme une mise en scène de l’appropriation et de la réussite coloniales. Objectif du livre : «mettre à disposition des lecteurs une histoire partagée et critique de cette période historique, qui tienne compte des interrogations actuelles des sociétés sur ce passé». Objectif dépassé. Un livre indispensable.
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