A L'AVENTURE! — AUTHENTICITÉ ET MAJESTÉ DES THERMES.
— EFFET PITTORESQUE.
Vers 1900
« Ne ferez-vous point votre sieste ? » me dit le
Nemrod en tirant sa montre. C'était l'heure propice,
et la fatigue du voyage semblait devoir m'y
convier; mais le moyen de rentrer, de s'enfermer,
de dormir, quand tant d'objets nouveaux
m'appelaient, m'attiraient dehors ! Prenant donc
sous mon bras l'album et le pliant, qui ne m'ont
plus quitté durant tout mon séjour, je m'élançai
dans la campagne.
J'étais seul ; ainsi l'avais-je voulu, déclinant
l'offre de guides dont l'expérience m'eût sans
doute fait connaître en peu d'heures ce qui me
demanda des semaines d'exploration et d'étude ;
mais quel bonheur aussi d'aller à sa fantaisie,
sans indication, sans itinéraire, et de s'imaginer
un peu (l'illusion est si facile!) avoir découvert
Berbrugger et les Mac Carthy ont déjà, depuis
plus de vingt ans sans doute, signalé l'existence
et relevé les plans. L'attention d'ailleurs a, comme
l'estomac, ses caprices; elle ne s'assimile bien que
les aliments de son choix et pris à une heure
opportune. Voir mal à propos, c'est mal voir.
Autant vaudrait s'abstenir.
Point de stations imposées, point d'admiration
de commande; je ne m'arrêtais qu'aux lieux d'un
intérêt en rapport avec mes goûts, avec mes connaissances,
et là, tout yeux, ému, transporté, je
scrutais, analysais, commentais, j'osais même parfois
conclure, et le soir, dans le salon hospitalier
de la villa Trémaux, l'avis suprême de l'archéologue
ou consacrait ou condamnait les théories
hasardées le matin. Qu'il se sentait heureux, le
profane, lorsque d'aventure il avait approché de
la vérité !
La ruine qui, par la singularité de ses lignes,
sa hauteur et son étendue, appelle d'abord l'attention,
c'est le massif des thermes. La route qui
mène à l'hôtel passe au milieu, on les traverser
chaque instant, on en aperçoit de partout les
quatre principaux débris qui, jaunâtres, bossués,
surplombants, difformes et couronnés de verdure,
ressemblent plus à des rochers qu'à des construc—
tions. De certains points cependant, symétriques
dans leur désordre, ils rappellent vaguement les
propylées de Memphis et de Thèbes.
L'ancienne destination de ce monument ne peut
souffrir aucun doute. Des conduites d'eau, des
bassins, des étuves et autres installations hydrauliques
montrent jusqu'à l'évidence que c'étaient
bien là des thermes. Quant à leur masse énorme,
elle s'explique aisément par ce détail connu que
les bains n'étaient point jadis de simples établissements
de propreté et d'hygiène, mais qu'il s'y
joignait de vastes salles destinées à servir de
bibliothèque, à donner des concerts, à former la
jeunesse aux exercices du corps. On y passait,
comme à présent dans certains cercles, la plus
grande partie du jour. Peut-être y mangeait-on,
peut-être même y couchait-on la nuit. Les auteurs
anciens ne nous ayant laissé aucune description
des thermes, toutes les suppositions sont permises
en présence de la grandeur de leurs débris. A
Rome, les thermes de Dioclétien sont si vastes
qu'on dirait une ville dans la ville.
Ceux de Tipasa confinent au musée. Plusieurs
pans même y sont enclavés et ne contribuent pas
peu, sous le réseau de vigne qui les couvre, à
l'agrément du coup d'oeil. L'un d'eux, profondé—
ment excavé, et dans lequel on peut entrer, paraît
avoir servi d'étuve. On ne devra toutefois rien
décider à cet égard qu'après le déblaiement complet
des terres et des matériaux qui le comblent
encore en grande partie.
Le seul groupe des thermes fournit au dessinateur
des points de vue nombreux et variés. Pris
de jour, en plein soleil, avec l'ocre de ses ciments
et l'azur de ses perspectives s' étendant au choix
sur la mer ou sur les flancs de la montagne, il tenterait
le pinceau d'un Marilhat, d'un Luminais.
Joseph Vernet, Corot, l'aimeraient mieux le soir
quand ses blocs assombris, percés de trous où passent
les étoiles, profilent sur le ciel leur silhouette
géante.
.
LES THERMES
Tipasa en possède au moins quatre :
les grands Thermes, en bordure du Parc Trémaux,
les petits Thermes, au bord de la mer, à l'ouest de la crique,
d'autres encore, en arrière du 'bâtiment industriel aux quatre cuves,
Le dernier enfin, à côté du baptistère chrétien.
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