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Dimanche 17 octobre : rassemblement là où tant de victimes furent jetées à la Seine
49 ans après le massacre d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, alors que la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées, le président de la République continue à manifester une volonté de réhabilitation de l'entreprise coloniale. Les discours – rappelez-vous celui de Toulon en 2007 –, les projets muséaux et mémoriaux, et bientôt une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie ... pour entretenir le négationnisme colonial [1] .
Dimanche 17 octobre à 17h, Place St Michel à Paris.
Communiqué commun (12 octobre 2010)
Massacre du 17 octobre 61
49ème Anniversaire – Vérité et Justice
Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d'Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, Préfet de police de Paris. Ils défendaient leur droit à l'égalité, leur droit à l'indépendance et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou, pour nombre d'entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d'une violence et d'une brutalité extrêmes des forces de police.
49 ans après, la Vérité est en marche. Cependant, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées, – en particulier la Guerre d'Algérie – non plus que dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elle a entraînés ou dans ce crime d'Etat que constitue le 17 octobre 1961. Certains osent encore aujourd'hui continuer à parler des « bienfaits de la colonisation » et le pouvoir encourage les nostalgiques de l'Algérie Française et de l'OAS, comme dans les tentatives pour empêcher la projection du film Hors la Loi. Malgré un discours, parfois ambigu et contradictoire, sur le passé colonial de la France, la politique menée par le Président de la République témoigne d'une réelle volonté de sa réhabilitation.
Depuis sa nomination, Hubert Falco, le Secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants multiplie les actes d'allégeance à ces nostalgiques. Le 19 0ctobre prochain, il installera la Fondation pour la mémoire de la Guerre d'Algérie, dotée de plus de 7 millions d'euros, en application de l'article 3 de la loi du 23 février 2005. Même si un alinéa de l'article 4 qui voulait initialement inciter les enseignants à présenter les « aspects positifs de la colonisation » a aujourd'hui disparu, cette Fondation semble être sous la coupe d'associations nostalgiques qui voudraient pouvoir exiger des historiens qu'ils se plient à la mémoire de « certains » témoins. Pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs homologues, entre les deux rives de la Méditerranée. Or, la loi sur les archives, votée en 2008, fixe des délais de consultation aux dossiers judiciaires qui retardera en particulier les recherches sur l'organisation criminelle de l'OAS que certains, au sein même du parti du Président de la République, cherchent à réhabiliter. La recherche de la vérité s'impose pour cette période sombre de notre histoire comme elle s'est imposée pour la collaboration vichyste avec l'Allemagne nazie. Ce n'est qu'à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d'Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyens ou de ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières parfois meurtrières.
Pour exiger :
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- la reconnaissance officielle du crime commis par l'Etat français les 17 et 18 octobre 1961
- la liberté d'accès effective aux archives pour tous, historiens et citoyens
- le développement de la recherche historique sur ces questions dans un cadre franco-algérien et international
Rassemblement
Dimanche 17 octobre à 17 h,
place Saint Michel
Là où tant de victimes furent
jetées à la Seine il y a 49 ans
Organisations signataires : (13 octobre 2010 à 13h30)
17 octobre 1961 contre l'oubli, 93 au coeur de la république, ACCA (Agir Contre le Colonialisme Aujourd'hui), AFASPA (Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique), Les Alternatifs, AFAPREDESA‐FRANCE (Association des Familles et des Prisonniers et Disparus Sahraouis), AL (Alternative Libertaire), AMF (Association des Marocains en France), Association les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, ANPROMEVO (Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l'OAS), APCV (Agence de promotion des cultures et du voyage), Au Nom de la Mémoire, ARAC, ASDHOM (Association de Défense des Droits de l'Homme au Maroc), ASF ( Association des Sahraouis en France), ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins en France), ATTAC, CEDETIM(Centre d'Etudes et d'Initiatives de solidarités internationale), Cercle Frantz Fanon Paris, CORELSO ( Comité pour les Respect des Libertés et des Droits de l'Homme au Sahara Occidental), FASE (Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique), FTCR (Fédération des Tunisiens Pour Une Citoyenneté Des Deux Rives), IJAN (International Jewish Antizionist network, réseau international juif antisioniste), LDH (Ligue des Droits de l'Homme), Mouvement de la Paix, MOUVEMENT DES OBJECTEURS DE CROISSANCE, MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples), NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), PCF (Parti Communiste Français), PCOF (Parti Communiste Ouvrier de France), PG (Parti de Gauche), Respaix Conscience Musulmane, Réveil des Consciences, Ruptures, Sortir du Colonialisme, Survie, Les Verts/Europe Ecologie,
Manifestation contre le film Hors la loi, Festival de Cannes, mai 2010. (DAVID SILPA/UPI/MAXPPP)
Notes
[1] Lire « Pourquoi la droite réhabilite-t-elle le colonialisme » de Thierry Leclère, Télérama n°3167, 22 septembre 2010 :
http://www.telerama.fr/idees/pourqu....
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4086
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UN ESPRIT NON DECOLONISE
Quarante-neuf ans après, la date du 17 octobre 1961 continue à poser problème pour la France officielle, alors que pour les Algériens, elle marque une date importante dans le combat pour l'indépendance.
Encore une fois, et à la veille du cinquantenaire de la manifestation des Algériens partie des bidonvilles à l'appel du FLN et du carnage ordonné par le préfet de Paris, Maurice Papon, l'évènement n'est marqué, côté français, que par des associations de droits de l'homme et par l'engagement de quelques municipalités communistes. Comme celle de Bobigny, ou celle de Nanterre, dont les dirigeants n'oublient pas que la grande manifestation des Algériens a été entamée à partir des bidonvilles érigés dans la commune.
A ces exceptions dignes d'être signalées car porteuses d'une approche plus sereine de l'avenir, la tendance en France reste à l'occultation, quand ce n'est pas au déni. Au niveau d'une France officielle sous la houlette d'un courant de droite qui a cru qu'il pouvait solder le passif par une loi glorifiant le colonialisme, on continue de ne pas voir. Cela vaut pratiquement pour tous les «bienfaits» du colonialisme en Algérie que la France officielle veut effacer des mémoires. De tout ces «bienfaits», le carnage répressif organisé par l'Etat français contre les manifestants algériens en France fait partie de ceux qui ont le plus longtemps résisté au dévoilement.
Celui-ci se fait, bien entendu, grâce au travail patient des historiens, malgré des archives encore inaccessibles. Il n'est pas inutile de se souvenir que bien avant que l'Etat algérien ne réagisse, ce sont les historiens et les professeurs d'histoire en France qui ont organisé la contestation. Ils ont mené la résistance contre la prétention d'une droite coloniale décomplexée cherchant à imposer que les programmes scolaires et universitaires enseignent le «rôle positif» de la colonisation et accordent «la place qu'elle mérite» à la «présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord».
Il est clair qu'une droite en voie de lepénisation avancée, qui a cherché à créer une histoire officielle idyllique, farfelue, n'est guère disposée à avancer dans le domaine de la reconnaissance. Elle est bien le contraire des Américains, qui démontrent une capacité remarquable à appréhender sans les farder les faits historiques impliquant leur pays.
Il existe une mentalité de haute suffisance chez la droite française qui explique que les sherpas de Nicolas Sarkozy ont pu lui faire commettre, sans se rendre compte de son énormité, le discours de Dakar sur l'Africain qui «tourne en rond». Cela avait suscité l'indignation générale en Afrique.
Mais le discours correspond bien à un pathos du colonialiste impitoyablement disséqué par le moudjahid Frantz Fanon. Près de cinquante ans avant le discours de Dakar, Fanon notait que le «peuple colonisé est idéologiquement présenté comme un peuple arrêté dans son évolution, imperméable à la raison, incapable de diriger ses propres affaires, exigeant la présence permanente d'une direction. L'histoire des peuples colonisés est transformée en agitation sans aucune signification, et, de ce fait, on a bien l'impression que pour ces peuples, l'humanité a commencé avec l'arrivée de ces valeureux colons».
C'est saisissant ! Cette France qui a voté la loi du 23 février n'a pas encore décolonisé son esprit. Elle continuera de faire semblant de nier que les agents chargés de préserver l'ordre public dans la ville des droits de l'homme ont jeté de l'Algérien à tour de bras dans la Seine. Les historiens, tout comme les militants français des droits de l'homme, ont encore du pain sur la planche.
par K. Selim
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17 octobre 1961, ici on noie les Algériens...
Crédit Photo: Photothèque Rouge/JMB
Il y a près de 50 ans, la police parisienne réprimait et assassinait près de 200 Algériens qui manifestaient contre le couvre-feu dont ils étaient victimes, en pleine guerre d'Algérie.
«Ici on noie les Algériens » : l'inscription, tracée à la peinture noire sur les quais de Seine dans les semaines qui ont suivi la manifestation du 17 octobre 1961, a été choisie comme emblème par le collectif « 17 octobre contre l'oubli », qui a obtenu de la mairie de Paris la pose d'une plaque commémorative du massacre par la police française de près de 200 Algériens. Ce terrible événement, qui a été l'objet de travaux historiques et de luttes pour la mémoire, est aujourd'hui bien connu. Il est d'autant plus regrettable qu'il soit présenté de manière fausse, dans Hors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb, comme une manœuvre délibérée de la part du FLN afin d'entraîner la répression de la part de la police française. C'est une des raisons pour lesquelles les historiennes Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, spécialistes de la guerre d'Algérie, expliquent, dans une interview filmée croisée publiée sur le site Mediapart, qu'il s'agit d'un mauvais film, avec de nombreuses erreurs historiques, même s'il faut le défendre contre les attaques aux relents colonialistes de la droite.
Manifester contre les humiliations
Le 17 octobre 1961 s'inscrit dans un contexte d'impopularité croissante de la guerre d'Algérie. En 1960, le procès des « porteurs de valises » du réseau Janson, soutenus par les intellectuels et artistes du Manifeste des 121, la manifestation pour la paix organisée en octobre par l'Unef, sont des preuves du rejet croissant de la guerre. Les ultras de l'Algérie française sentent que la situation leur échappe, savent que le pouvoir négocie avec le FLN, et se radicalisent de façon violente. Si négociations il y a, la répression contre le FLN ne cesse pas pour autant. En région parisienne, où vivent de nombreux travailleurs algériens, le préfet Maurice Papon, celui-là même qui avait organisé les rafles de Juifs sous Vichy, donne carte blanche à la police pour harceler les Algériens. Des groupes para-policiers, composés de partisans de l'Algérie française, enlèvent, frappent et assassinent des Algériens. L'anti-communisme est un critère de recrutement pour entrer dans la police parisienne et l'influence de l'extrême droite s'y fait largement sentir.
Le 5 octobre 1961, Papon met en place une législation spéciale imposant un couvre-feu pour les « travailleurs algériens musulmans » qui doivent « s'abstenir de circuler » en région parisienne entre 20h30 et 5h30. Cette décision réactive un couvre-feu déjà instauré en 1958, mais qui n'est plus appliqué. Alors que de manière choquante, dans Hors-la-loi, cette phrase est mise dans la bouche d'un dirigeant du FLN, c'est bien Papon qui prononce le célèbre : « Pour un coup reçu nous en rendrons dix ». La situation devient intenable pour les Algériens à Paris : contrôles d'identité incessants, brimades, arrestations et perquisitions. Poussés par leur base, excédée par ces humiliations, les responsables locaux du FLN demandent au Comité fédéral l'autorisation d'organiser une manifestation afin de défier le couvre-feu en défilant après 20h30. L'objectif est ainsi d'en démontrer l'inanité. Le Comité fédéral accepte mais, dans une période où l'opinion publique française est un enjeu, veut éviter tout risque de débordement. Les manifestants, dont beaucoup viennent des bidonvilles de la région parisienne, sont fouillés au départ afin d'éviter tout port d'armes. Ils ont revêtu leurs plus beaux habits, par souci de dignité. La présence des femmes, gage d'esprit pacifique, est autorisée, et des militants français, membres des réseaux de solidarité, sont présents comme observateurs.
Un massacre organisé
Les manifestants sont très nombreux, plus de 20 000, et ils empruntent plusieurs parcours : des Champs-Élysées vers Concorde, de la place de la République et Saint-Lazare vers Opéra, dans le quartier latin. Ce chiffre témoigne d'un succès qui dépasse les simples consignes d'un FLN qui « tiendrait » la population algérienne. Mais la police reçoit l'ordre d'empêcher la manifestation par tous les moyens. Les arrestations sont massives : plus de 11 500 selon la préfecture, avec des autobus réquisitionnés. Les charges policières sont violentes, les agents tirent sur la foule, notamment dans le boulevard de Bonne-Nouvelle. Les Algériens, victimes d'une véritable chasse au faciès, sont entassés dans des gymnases dans des conditions déplorables. Nombre d'entre eux décèdent des suites de leurs blessures, des cadavres sont encore charriés par la Seine plusieurs jours après la manifestation. Le signal a été donné et les violences et les meurtres continuent après cette date.
La presse et la gauche déplorent cette violente répression. Mais, dans la mémoire de la gauche, la répression de la guerre d'Algérie est longtemps symbolisée par les huit morts communistes du métro Charonne, tués lors d'une manifestation anti-OAS le 8 février 1962. Dans les années 1980, ce sont les associations qui réactivent la mémoire de ce crime, témoignage des pratiques d'un État colonial en guerre, du mépris dans lequel les Algériens étaient tenus par le pouvoir et par la police.
Sylvain Pattieu
À lire : Jean-Luc Einaudi, Octobre 1961. Un massacre à Paris, Fayard, 2001.
Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d'indépendance algérienne, Flammarion, 2005
http://www.npa2009.org/content/17-octobre-1961-ici-noie-les-algeriens
Une des victimes du 17 octobre 1961 (Paris Jour / Sipa Press)
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TEMOIGNAGES D'OCTOBRE - Massacre d'Etat
La Seine était rouge
http://www.dailymotion.com/video/xmflp_tem...t=22#from=embed
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