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Des Français et Algériens ont décidé d'aller ensemble sur les traces de l'écrivain Albert Camus dans sa chère Algérie natale où il suscite fierté et incompréhension politique, 50 ans après sa mort."Camus, c'est un patrimoine national qu'il faut redécouvrir: le talent, la générosité d'un génie", a déclaré à l'AFP le romancier Yasmina Khadra, directeur du Centre culturel algérien à Paris.
Des artistes et intellectuels des deux pays mèneront en avril une "caravane Albert Camus" dans 14 villes, d'Algérie (9) et de France (5): des journées de lectures, conférences, représentations théatrales, se tiendront notamment sur des lieux illustrés par l'écrivain comme Tipaza et Oran, indique Guillaume Luchelli, animateur du club Camus Méditerranée.
Il relève son "amour charnel pour cette terre d'Algérie, cet amour pour la vie au dessus de tout".
Le maire d'Oran Saddek Benkaa, "historien de la période que Camus passa dans la ville", précise que l'auteur de L'Etranger y sera célébré dès le 21 janvier. "On a notamment essayé de décrypter les personnages" de La Peste, roman célèbre, se passant à Oran: par exemple derrière le héros, Dr Rieux, se cachait un Dr Cohen, qui soigna Camus du typhus", précise-t-il à l'AFP
Dans un ouvrage, "Camus une passion algérienne" (Editions Koutoubia), Stéphane Babey relève que dans le peuple en Algérie aujourd'hui, "la plupart n'ont pas lu Camus", contrairement aux intellectuels, "mais ils ressentent une immense fierté pour l'écrivain prix Nobel", un Nobel de littérature obtenu en 1957 à seulement 44 ans.
Le chef des éboueurs du quartier algérois de Belcourt, où Camus grandit avec sa mère pauvre et illettrée, se surnomme même "Mohammed Camus"!, rapporte cet écrivain français de père algérien inconnu.
M. Babey relève aussi, comme chez Camus, la passion pour le football des Algériens, alors que les islamistes avaient banni ce sport pendant "les années noires terroristes".
Mort d'un accident le 4 janvier 1960, Albert Camus demeure une figure mythique de la littérature française, tant par son goût de la justice que par son itinéraire exceptionnel, depuis les quartiers populaires d'Alger au prix Nobel.
Une incompréhension subsiste pourtant sur son silence à propos du combat pour l'indépendance de l'Algérie (1962), contrairement à Jean-Paul Sartre.
Certains lui reprochent notamment son propos "je crois à la justice mais je défendrai ma mère avant la justice" -- une phrase de 1957 pour condamner les attentats aveugles qui fut sortie de son contexte, selon le philosophe Michel Onfray .
"Il y a toujours un malentendu (...) mais je ne peux en vouloir à ce grand écrivain", un "homme de l'été" et "du courage", répond Yasmina Khadra.
Saddek Benkaa met plutôt en avant l'amitié de Camus pour des militants arabes. "On oublie aussi les reportages sur la +Misère en Kabylie+ du jeune Camus journaliste en 1939, dénonçant les souffrances et la famine de la population musulmane", souligne le maire d'Oran.
Dans une récente tribune pour le journal Le Monde, l'ex-avocate Wasssyla Tamzali, directrice des droits de la femme à l'Unesco, indique qu'elle fut un temps choquée : "Ces hommes qu'il nomme Arabes pourquoi refuse-t-il de les appeler Algériens ?". Mais, ajoute-t-elle, dans les années 1990, "quand mon pays se réveilla en proie à une guerre fratricide, alors je suis retournée vers Camus", le moraliste qui refusait "la violence injustifiable
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