Albert Camus
Extraits
de manuscrits d'Albert Camus, dont Noces, extrait de naissance, numéro
d'Alger Républicain. Source : Albert Camus, solidaire et solitaire, par
Catherine Camus. Le 4 janvier 1960, Albert Camus disparaissait dans un
accident de voiture.
Cinquante
ans plus tard, El Watan Week-end revient sur ce géant de la littérature
et sur les polémiques suscitées de son vivant jusqu'à aujourd'hui sur
sa relation avec l'Algérie.
« Albert Camus ?
C'est un acteur ? » En parcourant la rue Belouizdad (ex-rue de Lyon),
les Belcourtois interrogés vous regardent avec des yeux ronds. Dans
leur grande majorité, ils n'ont jamais entendu parler d'Albert Camus et
savent encore moins qu'il a grandi et vécu son adolescence chez sa
grand-mère maternelle, dans cette rue d'Alger. A la recherche de la
maison où il a grandi, nos questions laissent perplexes les habitants
du quartier. « Vous savez, les Algériens ne lisent pas, alors vous et
votre Camus... », lance l'un d'eux. Un autre poursuit : « Regardez là,
ce snack. Avant c'était une librairie. Le propriétaire écoulait un
livre en vingt jours, il a donc décidé de tout vendre. Le nouveau
propriétaire en a fait un snack. Il est toujours plein... » Belcourt
est un quartier populaire, à l'époque aussi.
«
C'est dans cette vie de pauvreté, parmi des gens humbles et vaniteux
que j'ai le plus sûrement touché à ce qui me paraît le sens de la vraie
vie », écrivait Camus.
Direction le 124, rue Belouizdad, l'adresse qui figure sur l'acte de
baptême d'Albert Camus, selon l'Archevêché d'Alger. Mustapha, le
propriétaire n'est pas surpris de nous voir. « Avant vous, des
Allemands, des Japonais sont venus. La dernière délégation était
coréenne. Tous des écrivains pour visiter ma maison, voir où vivait
Albert Camus. C'est un petit deux-pièces, vous voyez. J'ai dû renvoyer
ma femme et mes enfants chez la voisine », lâche Mustapha, dépité
devant nos questions. « Vous savez, ils me demandent tous des
informations sur Camus, mais moi je le connais pas. Mon père a racheté
l'appartement, mais je n'ai aucune trace de Camus et pour être clair,
avec la société algérienne d'aujourd'hui, les prix qui flambent et une
famille à nourrir, j'ai d'autres chats à fouetter.
Les gens
viennent ici les mains vides, ils boivent des cafés, prennent des
photos de la maison de Camus et me laissent ensuite, sans aucun
dédommagement. J'ai contacté le consulat de France pour qu'il rachète
la maison en y mettant une plaque commémorative, mais sans suite.
»Aucune preuve matérielle, à part ce baptême de l'Archevêché. En
inspectant la bâtisse, on remarque quand même de grandes similitudes
avec les souvenirs de l'écrivain. Dans L'Envers et l'endroit, Camus
écrit à la troisième personne : « Ce quartier, cette maison ! Il
n'y avait qu'un étage et les escaliers n'étaient pas éclairés.
Maintenant encore, après de longues années, il pourrait y retourner en
pleine nuit. Il sait qu'il grimperait l'escalier à toute vitesse sans
trébucher une seule fois. Son corps même est imprégné de cette maison.
Ses jambes conservent en elles la mesure exacte de la hauteur des
marches. Sa main, l'horreur instinctive, jamais vaincue, de la rampe
d'escalier. Et c'était à cause des cafards. »
La rampe
existe toujours, les cafards aussi. Au cercle du CRB, en face, quelques
anciens papotent. Albert Camus était gardien de but au Racing d'Alger,
l'occasion de demander à ces anciens footeux s'ils ont entendu parler
de l'écrivain footballeur. « Jamais, répond cheikh Slimane. Le Racing
d'Alger était un club universitaire et nous, à l'époque coloniale, on
ne pouvait espérer atteindre les bancs de la fac… » L'apostrophe est
cinglante. Entre Camus l'enfant de Belcourt et Camus le prix Nobel de littérature, une guerre d'indépendance se préparait.
Par Adlène Meddi, Ahmed Tazir
Les commentaires récents