Les fléaux accablent la Mitidja
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L’invasion des sauterelles
Le 16 avril 1866, une invasion de sauterelles s’abat sur la plaine ; la partie occidentale est envahie au début de mai, en plein développement des cultures Julien Franc cite un texte de Burzet, de l’Histoire des désastres de l’Algérie" : "Les colons contemplaient désespérés les évolutions de ces insectes si redoutables par leur nombre prodigieux. Ils les voyaient arriver, arriver toujours, se succédant sans interruption, volant dans les champs, s’élevant ou se posant à des intervalles très rapprochés, soit pour manger, soit pour réparer leurs forces épuisées. A cinq heures du soir, on les vit se réunir en tas dans les champs non cultivés; le sol présentait en certains endroits une couche de ces insectes de plusieurs centimètres d’épaisseur, Les broussailles ne laissaient apercevoir aucune feuille et les arbres en étaient tellement surchargés que souvent les branches d’oliviers cassèrent sous leur poids. Dans les cultures d’où elles n’avaient pas été chassées, elles grimpaient sur les tiges de blé, le long des plants de maïs, sur les feuilles de pommes de terre et les dévoraient avec une effrayante rapidité. J’ai compté, atteste Burzet, jusqu’à 200 sauterelles sur une seule tige de colza''.
La chasse, à laquelle participa l’armée, dura une quinzaine de jours. Les dégâts furent importants. Un mois après l’éclosion des criquets, encore plus voraces et plus nombreux, va aggraver les dégâts. Qui n’a jamais vu une invasion de sauterelles puis de criquets ne peut se représenter la puissance destructrice de ces insectes, capables de raser un jardin en quelques dizaines de minutes, de dévorer jusqu’aux écorces, aux palmes de dattiers, d’arrêter par patinage les trains lorsqu’ils sont écrasés sur les rails ! La lutte est difficile, même avec les moyens modernes. Alors, pensez, à cette époque...
Julien Franc rapporte que dans l’arrondissement de Blida, "les soldats et les colons en détruisaient en moyenne de 50 à 60 quintaux par jour"(de criquets). Toute la campagne, notamment les vignes et les arbres fruitiers présentaient un spectacle de désolation. Une souscription fut ouverte dans la colonie et la métropole pour venir en aide aux colons sinistrés, mais la disette se fit sentir, et bientôt la famine.
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Tremblements de terre
Début 1867, la région fut ébranlée par un terrible tremblement de terre. Les séismes sont fréquents et souvent dévastateurs sur un grand axe Maroc-Vallée du Chéliff- Sicile. Que de centres devaient en souffrir plus tard, St-Cyprien-des-Attafs, Boufarik, Bou-Medfa, Orléansville, pour ne citer que ceux-là, et Agadir au Maroc.
Voilà comment ce séisme est rapporté (Trumelet et « Moniteur algérien") : "Le 2 janvier 1867, à 7h15, la ville de Blida est ébranlée par un tremblement de terre. Une grande partie des maisons sont détruites ou lézardées. De nouvelles secousses se font sentir jusqu’à 9h30. A 9h35, une violente secousse, qui aggrave les dégâts. Toute la population est dans la rue. Accalmie dans la nuit et la journée suivante. Dans la nuit du 3 au 4, à 1h45 du matin, nouvelle secousse, nouvelle panique. Une pluie torrentielle pousse les habitants à regagner les maisons encore debout, mais ils en sont vite chassés par une très violente secousse, à 3h45, malgré la pluie toujours aussi violente",
Mais toute la région, sur plus de 30 km, a souffert" : A Mouzaïaville, toutes les maisons sont détruites, 40 victimes; Au Bou-Roumi, 4 morts, 12 blessés et la presque totalité des maisons détruites; A El-Affroun, 12 morts, 50 blessés, toutes les maisons détruites, sauf une; à la Chiffa, malgré de nombreuses maisons endommagées, pas de victimes; à Chatterbach, toutes les maisons furent renversées.
Bien entendu, la séisme fut ressenti jusqu’à l’extrémité ouest de la plaine, mais n’y causa pas de dégâts appréciables. Souscriptions, secours, 700 soldats chargés de réparer les dégâts.
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Choléra, famine
Avec l’été, un autre fléau allait s’abattre sur la plaine : le choléra. Plus de 300 victimes chez les Européen, et un nombre beaucoup plus grand chez les indigènes.
Fin 1867 et l’année suivante furent marqués par une terrible famine, consécutive à la sécheresse et aux ravages causés par les sauterelles, et par une épidémie de typhus sinistre compagnon habituel de la misère.
"Le Tell fut bientôt couvert de squelettes ambulants. Ces affamés en guenilles mangeaient tout ce qui leur tombait sous la main... Les secours organisés par le gouvernement et la charité publique arrivèrent malheureusement trop tard ; les routes étaient déjà jonchées de cadavres'' (julien Franc).
Ceux qui vivaient à Marengo en 1919-20 où, à la suite d’une récolte désastreuse de céréales, les meskines du Sud avaient envahi le Tell, peuvent imaginer ce que devait être une famine en Algérie au 19° siècle.
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