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Finalement,
les calculs politiques de Oussama Ben Laden et consorts, aussi
rationnels que détestables, ont bien servi le président George W. Bush.
En frappant l'Amérique en plein coeur et en affolant l'Occident, le
leader charismatique d'Al-Qaïda a réussi à déstabiliser
«l'establishment», au point de le précipiter dans une suite d'erreurs
fatales. Faux pas sur faux pas, le shérif planétaire a fini par creuser
sa tombe.
Aucun zapping ne peut dissiper les désastres, qui
chaque jour s'exposent sur nos écrans. Les drames perdurent: enlisement
total en Afghanistan, chaos en Irak, regain de terreurs en Palestine,
bain de sang ici, attentats là... Sept terribles années de malheur, de
peur et d'angoisse ont succédé au 11 septembre 2001*. Sept années
durant lesquelles les attentats se sont multipliés sous la houlette de
la plus inquiétante nébuleuse du monde. Et que nous racontent ces
désastres ? Ils nous disent tout d'abord que Ben Laden et ses affidés
n'ont rien à envier à Bush dans le domaine de la férocité. Ils nous
disent également qu'en dépit des mensonges éhontés de ses dirigeants et
de tous les échecs militaires et diplomatiques, l'Amérique impériale se
veut toujours être la garante de la sécurité dans le monde. Ils nous
disent enfin que nous sommes loin d'être sortis de l'auberge. Les
années passent, la haine s'accroît dans le monde. Les attentats à
répétition, les violences exacerbées en tout point et dans tout pays et
l'idéologie moribonde qui semble avoir le vent en poupe, sont la
confirmation supplémentaire de cette marche inexorable vers le chaos.
L'Histoire nous a appris que les velléités d'émancipation des peuples
débouchent souvent sur des servitudes pires que celles auxquelles ils
croient avoir échappé. Ceux qui s'échinent à écarter l'esprit
malfaisant de Charybde (Ben Laden) ne doivent pas ignorer que le
cerveau de Scylla (G.W. Bush) est tout autant pollué. Trempons encore
une fois notre plume dans l'encrier du désespoir et essayons de voir
clair dans cet imbroglio politique.
Questions: sept années
après, la thèse du complot est-elle encore recevable ? Ben Laden a-t-il
vraiment émargé à la CIA ? Sa famille a-t-elle été protégée ? Les
attentats du 11 septembre ont-ils, oui ou non, été manigancés par la
Maison Blanche ou par des puissances obscures ? Le 24 juillet 2003, un
rapport publié par le Congrès des Etats-Unis (Commission spéciale
d'enquête sur ces attentats) précise que l'enquête a été expurgée de
vingt-huit pages dans lesquelles, d'après un sénateur, seraient mis en
cause certains hauts ressortissants saoudiens. Depuis septembre 2001,
de nombreuses thèses ont été formulées, réfutant la version dite
officielle des événements. D'autres affirment l'implication passive ou
active du gouvernement américain. Toutes ces données parfaitement mises
en scène (de plus en plus présentes dans l'opinion américaine) sont
rarement évoquées ou analysées par les médias traditionnels
(audiovisuel et presse écrite).
Les adeptes du complot, à
court d'arguments, oublient ou font mine d'oublier que le G.W. Bush et
ses sbires étaient incapables de mener une opération aussi
sophistiquée. L'autre idée tout aussi absurde est celle qui a rendu
Thierry Meyssan célèbre et riche, à la suite du succès de son
best-seller «L'effroyable imposture», traduit en 27 langues.
Contrairement à Michael Moore qui dans «Fahrenheit 9/11» décrit les
manoeuvres électorales frauduleuses qui ont amené Bush au pouvoir, en
expliquant les véritables raisons de la guerre d'Irak et en montrant
comment les familles Bush et Ben Laden entretenaient d'excellentes
relations, Meyssan lui prétendait qu'aucun avion ne s'était écrasé sur
le Pentagone. L'idée était tellement farfelue qu'elle en est arrivée à
détourner l'attention de l'opinion publique des réels complots ourdis
par l'administration américaine et la CIA.
Longtemps crédité
d'une bonne note, le shérif planétaire, qui n'a pas hésité à entraîner
son pays et le monde dans le bourbier irakien après avoir rasé
l'Afghanistan et qui a été réélu à la Maison Blanche au terme d'un
bilan désastreux, a montré ses limites. Au terme de son second mandat
très controversé, il tentera en vain de susciter de nouvelles peurs et
de nouvelles crises internationales afin de redorer son blason de plus
en plus terni. Après avoir diabolisé à outrance Ben Laden puis Saddam,
considérés comme les principaux ennemis mondiaux, il s'en prend depuis
quelques années au leader iranien. L'Amérique a besoin d'un ennemi
permanent pour couvrir ses immorales boucheries. Saddam Hussein était
tout trouvé même si ce dernier n'avait rien à voir dans les attentats
du 11 septembre et qu'il n'avait aucune accointance avec Al-Qaïda.
Accusé de détenir un terrifiant arsenal d'armes de destruction massive
mettant en péril la sécurité des Etats-Unis, il sera physiquement
éliminé après que son pays soit envahi par la soldatesque yankee.
Aujourd'hui, c'est Mahmoud Ahmadinejad, qui incarne le mal absolu aux
yeux des Etats-Unis, qui est en point de mire.
Les médiocres
calculs politiciens du président américain donnent lieu à de piètres
manoeuvres. Les preuves de comportements irrationnels s'accumulent.
Crise d'excès de passion, de pouvoir ? Crise de gouvernance, de
moralité et d'honnêteté ? Crise de confiance, de psychose paranoïaque ?
Démence, délire, orgueil démesuré... Le journal entier ne suffirait pas
à en faire un relevé exhaustif. Avec de pareils illuminés, le monde
libre est en danger. En agitant de manière permanente le spectre de la
peur, Bush espère masquer ses frasques criminelles. Ses discours
enflammés, tour à tour alarmistes, menaçants, patriotiques jusqu'au
délire ou imprégnés d'une religiosité exacerbée, témoigneront d'une
indigence crasse et d'une mégalomanie certaine. Mais, il n'est pas seul
à souffrir de ces symptômes. Les protagonistes des drames actuels qui
s'alignent à ses côtés, souffrent du même délire paranoïaque et de la
même soif de violence. Derrière sa rhétorique guerrière et ses
arguments fallacieux, «Citizen Bush», toute honte bue, dévoile son
inconsistance, son illogisme et ses mensonges.
Bush n'est pas
le seul à mettre en cause. Washington a toujours pratiqué une politique
odieuse de déstabilisation des Etats, nouant si nécessaire des
alliances avec des gouvernants peu respectueux des droits de l'homme.
Tout comme les vétérans du Vietnam, en 1971, les anciens d'Irak qui se
manifestent aujourd'hui témoignent des atrocités qu'ils ont perpétrées
dans les pays qu'ils envahissent. Le résultat est que, face aux coups
de boutoir et aux injonctions atlantistes, le monde est en alerte
permanente, le Moyen-Orient tétanisé et les gouvernants figés. On
aurait tort cependant de faire silence sur les dysfonctionnements et
les anachronismes commis par les nantis grassement nourris aux pompes
du pétrole du Moyen-Orient. On aurait tort de ne pas se soucier des
flagrants délits de tricheries et de malversations de ceux qui, obsédés
par leur image et dévorés par des ambitions démesurées, ont fini par
croire que les peuples du monde sont à leur disposition. Certes, les
critiques sont nombreuses contre l'hégémonisme et l'administration
américaine, mais les résistances demeurent faibles.
Sept
années après la chute des tours, l'embrouille est totale et le destin
des peuples ne cesse de virer au cauchemar. Les meurtres et
assassinats, dont la presse fait ses choux gras, s'accompagnent d'une
dégradation dramatique du climat politique, économique et social.
L'exaspération profonde que suscite l'actualité nauséeuse a atteint la
cote d'alerte, si elle ne l'a pas déjà dépassée.
D'aucuns ont
pensé que le séisme du 11 septembre 2001 allait mettre définitivement
fin à l'arrogance et à l'opportunisme dévastateur de ceux qui ont
squatté le monde. Or, rien n'a changé, ou plutôt si, les choses ont
empiré. Sept années ont suffi pour que tout soit pulvérisé. Le poids
des censures a fini par annihiler toute velléité de liberté
d'expression. L'une des conséquences des attentats du 11 septembre les
plus immédiates, mais aussi les plus cachées, fut la révision du
système juridique. Avec l'USA Patriot Act et l'arsenal du Homeland
Security, les droits civiques ont été profondément fragilisés.
Tout cela ne fait que renforcer le sentiment grandissant que le monde
actuel va à vau-l'eau. Après avoir passé sept années d'errance, nous
sommes invités aujourd'hui à contempler le piètre spectacle de
l'égotisme démesuré des «ténors» de la planète. Ça va mal. On l'a dit
et redit. Le mouvement semble irréversible. Nous glissons sur la
mauvaise pente. Les hurlements des laissés-pour-compte sont devenus
inaudibles alors que les discours de John McCain et Barack Obama
inondent la planète. Les bruissements en coulisses des loups-garous qui
se bousculent au portillon ne présagent rien de bon. Combien de larmes,
de deuils et de désespoir restent à endurer ?
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par Mohamed Bensalah
11-09-2008
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- Le 11 septembre 2001, 19 terroristes d'Al-Qaïda avaient détourné quatre avions pour frapper les tours du World Trade Center à New York et le Pentagone près de Washington. Les tours jumelles du World Trade Center, les plus hauts gratte-ciels de New York, avaient été percutées à quelques minutes d'intervalle avant de s'écrouler. Un avion s'était ensuite encastré dans le Pentagone. Un quatrième appareil s'était écrasé dans un champ en Pennsylvanie (est) après une lutte entre les passagers et les pirates de l'air.
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Raïna Raïkoum
11/9: Pas perdus d'un Arabe dans un aéroport de Blancs
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Depuis le déclenchement de la guerre entre nous les Arabes, gens à la négritude floue et l'homme blanc, tout le monde savait que l'endroit le plus inquiétant pour un Arabe, le lieu exact où il perd ses vêtements et exhibe la petitesse de ses testicules était justement l'aéroport, ce pays où tout le monde est exempté de sa nationalité, sauf nous. L'aéroport, parce qu'il n'en existe qu'un seul, gigantesque, installé entre les deux bords de la terre, fabriqué pour lancer dans les airs des milliers d'avions, en recevoir la descente lourde et parfaite de milliers d'autres, mais aussi pour humilier l'Arabe et fouiller son pantalon jusqu'à atteindre les parties intimes de ses propres ancêtres. C'est dans cet espace que l'Arabe prend conscience de son corps autrement que comme un sabre ou un mal nécessaire à la conservation de l'âme et cherche à s'en débarrasser le plus vite possible pour échapper à l'indécence et les soupçons qui vont avec. Vingt ans d'ablutions et de sexualité clandestine y trouvent leur échec par un simple déshabillage dû à notre incapacité à tisser nous-mêmes les pantalons et à les défendre. Et pour ceux qui croyaient qu'il est difficile de voir un Arabe nu même après sa mort, il suffit de se promener dans l'aéroport pour en voir des dizaines alignés face aux fours purificateurs des scanners, obligés d'enlever leurs chaussures comme face à Dieu, sommés de déplier jusqu'à leur peau et de déposer leurs os dans de petites caisses en plastique qui seront transportées sous scellées dans les soutes de l'appareil. Un Arabe ne peut même plus, aujourd'hui, prendre un avion sans déposer ses dents à la police des frontières : de vraies scènes de jour de jugement, serrés de près par un dieu à tête de chacal, forcés de répondre à ses propres membres venus témoigner contre le reste du corps, convoqués devant le miroir des actes et soumis au pesage des intentions et des souvenirs face à un chien énorme et à une divinité stricte munie d'un seul oeil bleu. C'est donc nu que j'ai déambulé dans l'aéroport pendant les heures creuses que m'imposaient les deux vols entre ma race d'origine et Paris puis entre Paris et l'Amérique, jouant des épaules pour faire passer le poids des regards d'une épaule à l'autre, hésitant à choisir un coin pour m'asseoir en pensant à ce que devait penser le Blanc en uniforme s'il me voyait dans un endroit trop discret comme si je voulais passer inaperçu ou trop fréquenté comme si je voulais faire le maximum de victimes. Reclus, je fis presque le tour du monde en parcourant l'aéroport d'un bout à l'autre, fixant les vitrines hors de prix qui exposaient des bijoux qui justifiaient rétrospectivement les conquêtes sanguinaires d'autrefois, lorgnant vers les magazines de femelles nues et lascives et hésitant à m'asseoir trop près des hommes qui n'étaient pas, comme nous, tout le temps en colère et des belles femmes blanches que je regardais avec envie et méchanceté par-delà la vitre ou le rideau qui sépare l'Arabe de la féminité.
Je déambulais donc le temps qu'il faut avant de monter au ciel, évitant de croiser les regards à qui je rappelais, peut-être, le tic-tac du siècle et gêné d'avoir perdu ce naturel qui aurait pu me faire passer pour un simple voyageur ordinaire. Simple voyageur ! Je ne pouvais l'être: aucun Arabe ne l'est plus depuis le 11 septembre 2001 ! »
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par Kamel Daoud
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