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10-11 et 12 décembre 1960
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Au point où en étaient arrivées les choses, la vie était devenue une sorte de labyrinthe où il y avait des passages secrets pour éviter les barrages et les problèmes de toutes sortes que créent les forces d’occupation coloniale.
La résistance par le louvoiement était devenue une seconde nature, un état d’âme qui vous imprégnait dès que l’on était en dehors de son territoire. Et ce n’est qu’en entrant dans son secteur, son quartier, et en ces lieux communs où l’on retrouvait les personnes de confiance avec lesquelles on pouvait se lâcher, le naturel revenait, pour dire franc et fort, le fond de sa pensée, et ainsi donner libre cours à ses sentiments réels. Alors c’est comme si la peur n’existait plus, qu’elle avait été vaincue et qu’apprivoisée, elle n’avait plus d’effets, on vivait avec, elle ne faisait plus peur. Et ainsi dans chaque coin de ce vaste Clos Salembier, où j’habitais, des petits groupes de personnes, les vieux à l’écart, les jeunes plus en vue, tenaient leurs conciliabules et leurs débats en plain air ; l’ordre du jour étant partout et toujours le même : Les «événements d’Algérie». Là s’échangeaient les informations que chacun avait, à sa façon, collecté ou déduit à travers la rumeur ou su lire entre les lignes des journaux, et surtout entendu la veille, à l’heure du couvre-feu qui oblige à s’enfermer chez soi. L’heure où le «roumi» dort et que les «indigènes» veillent, tendant l’oreille à l’écoute de «Radio Algérie libre – Soute El Arabe» et à l’écoute du passage des patrouilles militaires qui pouvaient vous tomber dessus en entrant par les terrasses, et/ou en défonçant les portes, qu’il ne servait à rien de renforcer et de barricader, car cela pourrait signifier avoir quelque chose à cacher. A l’intérieur des maisons indigènes, tels des chats qui vivaient dans le noir, les habitants hommes, femmes et enfants étaient tous branchés, n’ayant d’oreille que pour l’émission radio (chaîne brouillée) de l’Algérie libre et indépendante qui émettait tard dans la nuit, pour rapporter les faits d’armes des moudjahidine. Et dans le lourd silence de la nuit, seuls ceux qui savaient écouter, avaient raison de croire en la liberté. Et pour l’instant, de l’époque, la liberté traversait les ondes et pénétrait dans les foyers, pour y apporter les directives du FLN/ALN. Armant ainsi les patriotes de mots d’ordres qui allaient se transmettre dès le matin par l’autre chaîne de transmission «radio trottoir», qui allait quant à elle, prendre la relève, alimentant les relais d’opinion éparpillés à travers la ville. Et ces relais groupés au coin des rues transmettaient à leur tour les échos de la guerre comme eux seuls savaient le faire. Moteurs de sensibilisation en puissance, ils faisaient de nouvelles recrues pour l’action directe, et chacun aiguisait encore mieux son coutelas, fignolait un peu plus son programme d’action, projetant de rejoindre le maquis, après un coup d’éclat, après une action terroriste, liquider un ennemi dont il avait évalué la nuisance. On en était là. A ce niveau d’engagement. Après le congrès de la Soummam la situation dans les villes a évolué si vite que les autorités françaises elles-mêmes avaient perdu le contrôle de la société indigène. La situation était arrivée à ce niveau de maturité révolutionnaire, prédit par les précurseurs du 1er Novembre, que l’on pouvait constater dans les faits leurs prédictions, ils avaient dit : «Mettez la révolution entre les mains du peuple il s’en saisira». En effet, de plus en plus de jeunes patriotes la prenait à bras le corps et ne pouvait que la mener à la victoire.
En effet, la Révolution algérienne avait fait mûrir la société algérienne qui avait dépassé les maîtres à penser français. Cette révolution en était arrivée à engendrer sa propre dynamique, dont l’énergique rotation était à son rythme de croisière. La révolution était parvenue à procréer ses propres militants en cours de marche. Elle avait donc atteint son point culminant de non-retour. Elle était donc devenue invulnérable et plus rien ne pouvait ni l’arrêter ni empêcher la victoire du peuple algérien, même si la guerre devait durer encore vingt ans. La victoire est inéluctable.
C’est ainsi que dans et sur le tas, des jeunes hors du commun sortaient du lot. Des érudits toutes les sociétés en possèdent, mais en temps de guerre les érudits, les géniaux, ce sont ceux qui savent reconnaître la mort, et allaient jouer avec elle, sans la craindre, au point que dans leur hardiesse croire qu’elle les aime, au point de ne pas les tuer. C’est ainsi que de très jeunes garçons et filles, adultes avant l’âge, prirent les armes pour aller à leur tour combattre pour la libération de leur pays. Et comme les papillons qui étaient seuls à croire qu’ils étaient aimés des fleurs, beaucoup de ces jeunes ne s’étaient pas trompés en croyant que la mort les aimait ! Oui elle les aimait tellement qu’ils ont pris beaucoup plus qu’il ne fallait pour une cause aussi juste. L’Algérie étant devenue un vaste champ de bataille et puisque les morts, les blessés et les disparus ne pouvaient plus s’y compter, du fait que presque toutes les familles indigènes, comme elles étaient surnommées, avaient quelqu’un, si ce n’est quelques-uns de leurs membres touchés et broyés par cette machine de guerre ; il n’en fallait pas plus aux jeunes de ces nombreuses familles pour pencher vers la cause nationale et désirer venger les leurs en intégrant les rangs des combattants de la libération.
D’autant plus que le djihad est un rite religieux auquel étaient soumis les musulmans. En plus, le désir de vengeance aidant, ces jeunes ne rêvaient que d’en découdre avec ces soldats français qui les prenaient pour des moins que rien. Même les gamins étaient dans la désobéissance civile et avaient leur code de conduite face aux soldats de l’armée française :
A) Si les soldats demandent où il y a des Fatma, leur cracher au visage, et dire: «Il n’y a pas de Fatma ici».
b) Si les soldats envoient acheter quelque chose : «Fuir avec l’argent».
C) Si l’on peut crever les pneus des voitures militaires : «Le faire».
E) Ecrire sur les murs des slogans favorables à l’indépendance.
Cet A.B.C.D. du petit combattant était connu de la plupart des gamins, et il n’en fallait pas plus, là aussi, pour que les plus courageux parmi eux osent chaparder des chargeurs et des grenades et parfois même des armes laissées par inadvertance sur le fauteuil d’une jeep, à portée de main de ces gamins combattants.
Le plus étonnant est que l’on n’a jamais su qui avait donné à ces gamins pareilles instructions, ni comment ils ont fait pour savoir à qui ils devaient remet-tre les munitions et parfois les armes qu’ils avaient prises aux soldats négligents. Et encore ce qu’ils devaient écrire sur les murs. Il va de soi que parmi les adultes qui observent les jeunes de leurs quartiers, il se trouve toujours un homme du FLN chargé du recrutement et qui, remarquant parmi les gamins le plus dynamique et le plus dégourdi, l’approchait et petit à petit gagnait sa confiance jusqu’à l’intégrer dans l’organisation pour en faire un guetteur, un messager, un agent du renseignement. Et après plusieurs mises à l’épreuve, il pouvait devenir un transporteur d’armes et un guetteur durant les actions armées. Il devenait alors un militant à part entière, prêt aux tâches plus importantes.
C’est là un véritable parcours du combattant qui faisait de ces gamins de futurs «fidaïs». Les fidayîn sont les membres des groupes de choc chargés des missions dangereuses et principalement les exécutions physiques. Une fois identifiés par l’ennemi ces «fidayîn» rejoignaient les combattants de l’ALN dans les maquis.
Les jeunes étaient politisés très tôt. Ayant autour d’eux et dans leurs propres familles la vision des méfaits de l’armée coloniale, il ne leur en fallait pas beaucoup pour vouloir monter aux charbons. Pour eux, seul le temps était plus fort qu’eux, car il leur imposait d’attendre, qu’il daigne les grandir, pour avoir droit à l’action armée et avec un petit peu de «malchance, qui devenait (pour eux), la chance à l’état pur» pour aboutir au maquis et avoir le suprême honneur d’intégrer l’armée de Libération nationale. Etre un combattant du peuple un «moudjahed». C’était le rêve, le souhait et l’espoir de tout un chacun. Telle était la forme mentale et physique des gamins de cette époque de lutte de Libération algérienne contre la guerre d’occupation française, où seuls les plus intelligents devaient être plus malins que les autres, pour savoir grandir et s’élever au niveau des événements, pour y accéder. Et ainsi sortir du lot de l’ordinaire, pour se situer dans le quota des hommes extraordinaires, les seuls sélectionnés pour servir le peuple et son pays comme s’ils en étaient «les authentiques propriétaires privilégiés». C’est ainsi qu’il en fut en ce glorieux Clos Salembier, qui comme partout ailleurs dans la capitale, le peuple dans son ensemble, nageant dans une forêt de drapeaux vert et blanc, pris le grand tournant de l’indépendance, et ce, durant les manifestations des 10-11 et 12 décembre 1960, qui finirent par lever le voile de l’action à force ouverte. C’est durant ces manifestations en effet que le peuple verra au grand jour les fidaïs du FLN/ALN pour la première fois, en armes circulant dans les rues, encadrant cette historique manifestation populaire qui donnera un second souffle à la Révolution algérienne. Et même les femmes qui, traditionnellement se voilaient pour se cacher à la vue des hommes, sortirent manifester ouvertement leurs exigences de liberté, de souveraineté et d’indépendance pour leur pays l’Algérie. Elles sortirent à découvert, le visage nu, sans haïk, pour crier au monde entier: «Non à la colonisation, non à l’Algérie française, vive l’Algérie libre et indépendante». Ces hommes, femmes et enfants sortirent dans les rues se confronter aux forces étrangères de l’Algérie française, dans une manifestation grandiose, digne de celle du 8 mai 1945. Et puis ce fut la rencontre historique du peuple algérien authentique avec lui-même. Ce sera alors le bras de fer entre le juste et l’injuste, c’est dans un élan d’ensemble que ce peuple, étouffé, décida de la confrontation «du 11 décembre 1960, pour une Algérie, une et indivisible», dont les échos se répercutèrent jusqu’aux ghettos et gratte-ciel de Manhattan, aux Etats-Unis.
Cependant qu’en est-il «au plan officiel de la politique française». Depuis le discours de De Gaulle sur l’autodétermination, les dirigeants algériens ont noté «l’accroissement de l’effort de guerre des militaires français» dont le but proclamé est de «gagner la guerre». Le général De Gaulle, président de la République française, a confirmé ce qui n’a pas cessé d’être dit depuis qu’il a prononcé, du bout des lèvres et sans conviction, le mot autodétermination : «Sa seule politique en Algérie est d’abord la poursuite de la guerre en vue de la destruction et de l’extermination de l’armée de Libération nationale du peuple algérien. Le principal instrument de sa politique est le corps expéditionnaire français en Algérie qui a pour mission de perpétuer la domination colonialiste à travers un statut unilatéralement décidé par la France». Quant aux ultras de la colonisation, de leur côté, ils ont décidé qu’il était temps d’agir résolument contre l’homme en qui ils avaient mis tous leurs espoirs et qui, proclament-ils, les a trahis pour incarner désormais la «politique d’abandon». A Melun, en juin 1960, ils ont mis sur pied le FAF, un mouvement, «Front de l’Algérie française», qui rassemble, prétendent-ils sans crainte de la démesure, plus d’un million de membres dont 120 000 «Français musulmans». Quoi qu’il en soit, leur force réelle est ailleurs. Dans les multiples complicités et alliances qu’ils ont dans l’administration et la hiérarchie militaire.
Une fois de plus, à l’annonce du voyage du président de la République (De Gaulle), ils croient leur moment venu. Les fils d’un nouveau complot se nouent donc à Alger alors qu’à Paris se déroule le «procès des barricades». A Alger, Bab El Oued, on s’esclaffera bientôt du bon tour joué par Pierre Lagaillarde à ses juges, lequel ayant été mis en liberté provisoire par des magistrats particulièrement compréhensifs, a préféré filer à Madrid plutôt que d’attendre la sentence d’un tribunal pourtant si bien disposé à son égard et à l’égard des autres inculpés. Ortiz en fuite depuis l’échec des barricades est toujours installé en Espagne.
De cet épisode, les activistes ont tiré quelques enseignements : la tentative a échoué parce qu’ils n’ont pu faire «basculer» l’armée de leur côté, ce n’étaient pas des hommes aussi peu représentatifs que Lagaillarde ou Joseph Ortiz qui étaient capables de déclencher un tel mouvement. Cette fois, la «tête» du complot c’est un militaire, et quel militaire ? C’est le général d’aviation Jouhaud, en retraite et fixé en Algérie où il est né et où il a des attaches profondes parmi les pieds-noirs partisans de l’Algérie française. Avec lui, estiment les chefs du Front de l’Algérie française (FAF), plus d’hésitations, les militaires prendront leurs responsabilités et choisiront leur camp. Le scénario qu’ils ont bâti est simple : «Des manifestations de rues, déclenchées dès l’arrivée du général De Gaulle, tournent à l’émeute».
Les parachutistes, comme en janvier, refuseront de tirer sur des Français, et l’insurrection s’étendra ; De Gaulle sera virtuellement prisonnier. L’armée se saisira de lui et prendra en charge l’Algérie tandis que dans le désordre qui s’ensuivra, les défenseurs de l’Algérie française aidés par les généraux, prendront le pouvoir à Paris. Déjà, on discute entre les chefs des mouvements «nationaux Algérie française» sur le point de savoir si De Gaulle devra être abattu, jugé en cour martiale et fusillé, ou bien gardé en prison pour être renvoyé plus tard en métropole et dégradé sous l’Arc de Triomphe par un sous-officier musulman (et ce, d’après Vianson Pierre Ponté), si l’on comprend bien : suprême humiliation, De Gaule devait être déculotté par un «bicot».
Reste alors à savoir avec qui négocier ...
Les autorités françaises avaient à met-tre en place les «commissions d’élus» créées par le décret du 18 juillet 1960 et qui doivent comprendre des députés et sénateurs, des présidents de conseils généraux, des maires et des personnalités diverses parmi lesquelles ils avaient espéré encore découvrir des interlocuteurs comme en avait souhaité le général De Gaulle, écrit Bernard Tricot (1) : «Venant après l’échec de Melun, cette décision parut à certains révélatrice de la volonté du pouvoir de construire l’Algérie algérienne, sans et contre le FLN». Dans son livre, Bernard Tricot, nous révèle qu’au début d’octobre 1960, étant à nouveau en Algérie, il constate «chez les musulmans, une extrême lassitude et une profonde déception depuis qu’ils avaient mieux mesurer la gravité du désaccord de Melun». Une hostilité fréquente envers les Européens d’Algérie et la volonté très générale de voir l’Algérie prendre elle-même son sort en main (…). Bernard Tricot recevant une à une les personnes qui répondent à l’invitation du préfet, la conscience de n’avoir qu’un seul intermédiaire entre le président de la République, le général De Gaulle et lui, incitant l’invité à surmonter prudence et réserve et à dire ce qu’il avait sur le cœur, fit que les opinions qu’ils recevaient devaient avoir de la valeur.
«Je crains qu’il y ait une contradiction dans la position du général De Gaulle, me dit le magistrat Cadi, de tendance nationaliste, modéré dans son comportement et très respecté de la population. On ne peut à la fois vouloir un référendum d’autodétermination qui soit libre et maintenir la situation actuelle avec les regroupements, les intervenants et la présence d’une armée qui intervient dans toutes les affaires publiques. Cette contradiction doit être levée et ne peut l’être que par la voie de négociations avec le GPRA portant sur les garanties de l’autodétermination». «Mais nous sommes bien d’accord pour discuter de ces garanties», répond B. Tricot. «Excusez-moi, lui dit le caïd, mais il me semble que ce n’est pas assez clair, vous parlez seulement du cessez-le-feu, il faut aussi négocier au sujet de ce qui se passera après». (2). En effet, la France n’avait pas tiré les véritables leçons de l’histoire, puisqu’en Indochine, ayant refusé une véritable négociation avec Ho Chi Min, elle trouva un «interlocuteur valable» en Bao Dai, la suite est connue. Au Maroc, elle récidiva avec le Glaoui, cela se termina par le retour triomphal du sultan Mohamed V. En Algérie, elle cherche des Bao Dai et des Glaoui individuels ou collectifs. Elle n’en trouvera pas, c’est dans l’ALN et le GPRA que le peuple algérien se retrouve. Il faudra bien en prendre acte, hors de cette voie, pas d’issue ou en est-on vraiment ???
Les champions de l’Algérie française se retrouvent à Vincennes, Paris, les 3 et 4 novembre 1960 à l’Hôtel de Ville de Vincennes où les accueille pour leur deuxième colloque le député-maire Quinson. Après avoir entendu les rapporteurs, les participants adoptent la motion suivante : «La perte de l’Algérie signifierait l’Europe investie par le Sud, est un danger de mort. Ce serait non pas la paix, mais la guerre subversive généralisée sur le continent européen» (3). Par contre et d’autre part, souffle et s’accélère le puissant courant de la paix : le 27 octobre 1960, des centaines de milliers de Français sont appelés à manifester dans une «grande journée nationale d’action» leur volonté commune d’en terminer avec cette guerre. Ensemble la CGT, la DFDT, la FEN et l’UNEF ont défini les mots d’ordre : «Pour la paix par la négociation en Algérie» , «Pour les garanties mutuelles de l’application loyale de l’autodétermination», «Pour la sauvegarde de la démocratie et ses principes fondamentaux».
Mais aussi large que puisse être le consensus dégagé sur l’objectif de la paix en Algérie, il subsiste de multiples divergences sur les modalités de l’action à mener…
A Paris, interdiction d’une manifestation des communistes : la raison avancée est que ces manifestations pourraient «entraîner des réactions passionnelles de sens opposé» qui viendraient «troubler l’indispensable sérénité de la cohésion nationale». Le gouvernement français a pourtant autorisé la manifestation «Algérie française» du 3 octobre 1960 qui s’est déroulée à la place de l’Etoile à Paris. En dépit des heurts et des divisions, les manifestations ont imposé un fait désormais admis par tous les observateurs et jugé irréversible : la majorité des Français veut la paix en Algérie par l’ouverture de négociations. C’est la grande leçon de la journée du 27 octobre 1960.
Le 4 novembre 1960, discours radiotélévisé du général De Gaulle : il parle de la «République algérienne laquelle existera un jour, mais n’a encore jamais existé». Dans cette phrase, les ultras voient une confirmation de leurs craintes et comme le signe avant- coureur de l’abandon. A l’Elysée aussi il y a des remous. Pour De Gaulle, «l’Algérie future est une Algérie émancipée, dans laquelle les Algériens eux-mêmes décideront et auront l’entière responsabilité de leur destin, une Algérie qui aura son gouvernement, ses institutions et ses lois, mais l’essentiel est de savoir avec qui sera bâti cette «Algérie émancipée ?»
La vaine recherche d’une troisième force
Le Président De Gaulle n’a pas modifié son attitude vis-à-vis du GPRA. Il exige toujours le préalable du cessez-le-feu d’abord, la discussion ensuite. Ce que le GPRA continue de refuser. Alors qu’en France même, le courant pour la paix se développe, grandit et s’accélère. Charles De Gaulle décide donc de contourner l’obstacle et déploie son plan consistant à réorganiser les pouvoirs publics en Algérie en attendant l’autodétermination. Il espère certainement que cette réorganisation qu’il va soumettre à référendum favorisera l’émergence des autres tendances et que du même coup, les conditions seront créées pour forcer la main au GPRA.
A cette nouvelle situation qui allait commencer le 22 novembre 1960, il fallait de nouveaux exécutants. A Paris, Louis Joxe est nommé ministre d’Etat chargé des affaires algériennes. Pour Alger, un haut fonctionnaire d’autorité, Jean Morin qui appliquera la politique définie par Paris et ce, jusqu’en 1962. Le président de la République française, De Gaulle, voulant faire avancer ses solutions, a cette fois-ci décidé de s’entretenir avec les dirigeants des partis politiques français pour obtenir leur adhésion et conforter encore sa position avant son départ pur l’Algérie.
Ce voyage qu’il prépara avec un grand soin est fixé du 9 au 12 décembre 1960. Pourquoi tant de soin à s’assurer des appuis d’hommes dont il négligeait ordinairement les critiques et les avis ?
Il entamait une étape qu’il estimait capitale, et sans attendre la fin des combats, il décida de mettre en place en Algérie des structures nouvelles sur lesquelles travaillaient déjà les commissions d’élus ; le Parlement et l’exécutif algérien une fois installé détermineront en temps utile la date et les modalités du référendum d’autodétermination. Dans cette perspective, le général demandera par une consultation de l’approuver et de lui laisser les mains libres pour prendre toute initiative nécessaire à bâtir les nouvelles institutions à venir.
Le matin du vendredi 9 décembre 1960 :
L’Algérie algérienne : Vive De Gaulle
L’Algérie française : A bas De Gaulle.
Alors que le général De Gaulle était à Aït Temouchent, le soir du vendredi 9 décembre 1960; il a été publié par les journaux du 9.12.1960 le texte référendaire de la question à laquelle les électeurs seront appelés à répondre par «oui» ou par «non» et qui est le suivant : «approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination»? Ce texte soulève la polémique puisqu’il confond dans une interrogation unique deux questions différentes : - Approuve-t-on les réformes – désirait-on maintenir le régime ? Par cette question, on demande en fait aux citoyens de se prononcer à la fois sur l’autodétermination et sur un projet de loi qui en est sur le principe de la négation puisqu’il doit permettre de fixer par décret le statut qui préfigurera celui de l’Algérie future et ce, sans négociations préalables avec les représentants de cette Algérie future et le cadre où devra s’exercer le libre choix des populations. Ce qui se fera sous le contrôle de l’autorité française, précisera Michel Debré.
Le général De Gaulle expliquera à ses interlocuteurs que la voie qu’il a choisie est la seule qui soit à la fois française et réponde aux réalités modernes du monde. Ainsi, il s’acheminera donc vers une République algérienne étroitement liée à la France .
L’intégration réclamée par les partisans de l’Algérie française étant impossible et la cessation inacceptable, ce sera donc «l’indépendance de l’Algérie dans l’interdépendance de la France».
L’idée n’est pas admise par le général De Gaulle que c’est avec le FLN qu’il faudra discuter et pas seulement du cessez-le-feu, comme ce fut le cas aux pourparlers de Melun.
Vendredi 9 décembre 1960, De Gaulle entreprit son voyage présidentiel en Algérie.
L’accueil est significatif. A Alger, tous les commerçants de la ville européenne ont gardé les rideaux de leur magasin baissés répondant ainsi, de gré ou de force, au mot d’ordre de grève générale décrétée par le FAF (Front de l’Algérie française) et ce, pour manifester «leur hostilité à l’égard de la présence du général De Gaule en Algérie et à sa politique d’abandon». Ouvriers, employés des usines et bureaux, chauffeurs et wattmen des trolleys et autobus chôment aussi. Des gardes-mobiles et des soldats stationnent au carrefour, tandis que de jeunes européens, membres des commandos de choc du FAF arborent l’insigne de «Jeune Nation» les observe alors que petit à petit se forment des attroupements, et comme prévu par les organisateurs, dès que la foule atteint une densité, alors furent lancés les mots d’ordre : «De Gaulle au poteau», «L’Algérie française» et puis ce fut l’action directe ; ils s’attaquèrent aux autobus et les placèrent en travers de la rue Michelet (actuelle Didouche-Mourad). Les CRS qui se mirent en marche furent repoussés à coups de pierres et de bouteilles, les vitrines volèrent en éclats pendant presque deux heures ; manifestants et policiers s’affrontèrent, enveloppés dans la fumée lacrymogène.
Les ultras du FAF s’attaquèrent avec violence aux CRS et gendarmes ; dans le centre-ville d’Alger, les manifestations se poursuivent jusqu’à la nuit tombante aux cris de l’Algérie française, scandés sur tous les temps et rythmés par les klaxons. D’autres villes connaîtront le même sort ; Oran principalement, alors qu’ailleurs le mot d’ordre n’a été que peu suivi ; à Constantine, échec total.
Le FAF diffusa d’autres tracts appelant à la poursuite de la grève pour le lendemain samedi 10 décembre, menaçant les commerçants qui ne fermeront pas boutique. En ce vendredi 9 décembre 1960 au matin à Aïn Témounchent, où le général Crépin, encadré par le service de sécurité, sur la place de la ville, le président De Gaulle est accueilli par un brouhaha dont les voix discordantes se répondent et s’insultent.
En première rangée bloquée par le service d’ordre, des européens avançaient en criant : «A bas De Gaulle», «L’Algérie française», à l’arrière-plan, d’autres manifestants, des Algériens ceux-là, agitaient des banderoles sur lesquelles était écrit ce que le générale De Gaulle est venu entendre : «Vive De Gaulle», «l’Algérie algérienne»; le général sans s’arrêter à ceux qui l’insultaient se fraya un chemin et se dirigea vers ceux qui l’acclamaient et serra les mains qui lui étaient tendues.
Tout cela semble être dans la logique de ce que le général est venu faire : montrer qu’il ne craint pas de s’appuyer sur les Algériens et que ceux-ci sont derrière lui.
Tandis que le président De Gaulle évitant Alger et Oran continuait sa tournée par Cherchell, Blida, Tizi Ouzou, Orléansville (El-Asnam) Akbou (Bougie), Télerghma et Batna, les mêmes démonstrations se répétaient ; il tient le même langage : que les musulmans s’associent à sa tâche et que les rebelles comprennent qu’il offre «loyalement et sincèrement la paix», «que les Européens sachent qu’ils ne seront pas abandonnés et qu’ils admettent que l’œuvre de la France vis-à-vis de l’Algérie ne peut se poursuivre dans les conditions d’hier». L’imprévisible triomphe : le peuple tranche. En cet après-midi du vendredi 9 décembre 1960, brusquement, à la surprise de tous et à l’étonnement du général et de son entourage, ministres et chefs de l’armée, gaullistes ou non, un événement imprévu sans précédent et qui va avoir des conséquences immenses éclate sans crier gare…
La sortie en masse dans les rues d’Alger, d’Oran, de Constantine et d’autres villes, faisant front contres les ultras de l’Algérie française et contre l’armée soutenant et exécutant le plan de De Gaulle, ni pour l’Algérie française, ni pour l’Algérie algérienne de De Gaulle, le peuple s’était réveillé pour trancher et dire le mot de la fin : le peuple manifestait pour l’indépendance totale, pour l’ouverture de négociations avec le GPRA. Ce GPRA, interlocuteur oublié, que ne soupçonnaient plus les états-majors militaires et politiques qu’il puisse un jour encore se faire entendre avec une telle unanimité et une telle puissance.
Les voix françaises les plus autorisées n’avaient-elles pas affirmé que l’armée avait gagné la bataille des villes ?
Comme depuis longtemps déjà, toute la population française était basée sur la doctrine selon laquelle une fois libérés de l’emprise FLN, les populations reviendraient vers la France parce qu’elle aurait démontré qu’elle était la plus forte.
Les stratèges avaient démontré que la population urbaine «cassée et neutralisée ne bougeait plus». Sur cette analyse, du côté français, De Gaulle et les ultras diffèrent peu ; pour les gaullistes, il faut profiter de ces succès pour faire avancer une solution politique afin d’empêcher que ne mûrissent de nouveaux ferments d’interactions ; pour les ultras, des conclusions inverses ; puisqu’on est si près de la victoire, il ne faut rien changer fondamentalement. Ces appréciations sur l’état d’esprit réel des masses algériennes urbaines vont se révéler complètement erronées.
A la décharge des spécialistes des services psychologiques, il faut noter que le peuple algérien peut croire en cette fin d’année 1960 que les algériens aussi sont en train de gagner leur «bataille». Le climat, dans les quartiers algérois de Belcourt, la Casbah et du clos Salembier, d’Oran, de Constantine et d’ailleurs s’est profondément modifié par rapport aux années 1956 et 1957.
Les coups terribles portés par les forces de répression, s’ils n’ont pu briser les convictions intimes, ont cependant éteint l’expression publique de cette confiance téméraire, à la fois imprudente et extraordinairement coûteuse, qui était souvent la marque des nouveaux militants du FLN.
En dépit des «gestes» gaulliens la répression continue avec moins d’éclat qu’avec Massu sans doute, mais, quant au fond, sans modifications fondamentales. Assez symbolique de la volonté du général d’affirmer sa détermination alors que, par ailleurs, il peut aussi prendre des mesures de libération à l’égard de certains prisonniers et sa décision de refuser la grâce de 3 patriotes algériens condamnés à mort et exécutés la veille même de son départ d’Algérie (Hamou Boucetta et Belhadj Abdelkader, guillotinés à la prison de la santé, Belmokhtar Slimane à la prison d’Alger).
Cela c’est le côté bâton. Côté «carotte» on construit, comme jamais auparavant, des écoles et des logements où de nombreuses familles s’installent. On bâtit aussi beaucoup de gendarmeries et de locaux de SAS puisque l’Algérie ne doit jamais plus être «sous-administrée».
Parallèlement, il est fait un gros effort de «promotion musulmane» dans l’encadrement administratif et plus spécialement dans les services d’inspection de la santé et de l’enseignement.
N’est-ce pas dans ces couches sociales nouvelles qu’on se promet de trouver l’indispensable «troisième force».
Le désir de paix est immense. L’ennemi spécule sur une certaine lassitude dans divers milieux. C’est cet immense désir de paix, cette certaine lassitude qui peut laisser croire que dans les masses urbaines, le ressort est brisé entre elles et la rébellion. Entre elles et les moudjahidine, le lien est définitivement rompu, erreur grossière.
Le sentiment le plus fort est qu’il faut tenir. Il faut remarquer aussi que c’est dans les milieux qui ont le plus souffert de la guerre qu’on entend généralement dire «il faut tenir après tous les sacrifices et après cinq années de souffrance, ce n’est pas maintenant que nous céderons». Mais cela, les spécialistes de la guerre psychologique ne l’avaient pas compris, l’Algérie vaincra ; un seul héros, le peuple, a dit Abane Ramdane.
Une assemblée constituante est élue le 20 septembre 1962. Ahmed Ben Bella, devenu secrétaire général du FLN, sera élu président de la République.
Le premier gouvernement de l’Etat algérien est formé.
Revenant de loin, un Etat vient au monde le 8 octobre 1962, il prendra sa place parmi les nations unies.
La guerre française d’Algérie, guerre de répression contre la lutte de libération algérienne entre dans le passé. Une autre page s’ouvre sur une autre histoire.
C’est désormais et à jamais, l’histoire de l’Algérie libre et indépendante.
La prédétermination ou l’autodétermination
Le 11 décembre 1960, s’il fut le mouvement ayant tranché sur toutes les questions, il n’en restera pas moins que c’est l’événement qui de la guerre est celui de la confrontation entre le Front de l’Algérie française et le Front de l’Algérie algérienne.
Cependant, il ne suffit pas d’évoquer à chaque occasion les événements historiques de notre pays, pour se suffire de leur éloquence. Car lorsque tous les stratèges du général De Gaulle, pPrésident de la République française eurent établi leur plan de «paix en Algérie», ils s’avéraient n’être en réalité qu’un plan d’une prédétermination de l’autodétermination.
Et c’est ce même plan qui devait faire aboutir à l’indépendance de l’Algérie dans l’interdépendance de la France. Et c’est à cet effet que les manipulations des services spéciaux, sous le slogan de l’Algérie algérienne (vision du général) activèrent sans répit.
Par ailleurs, les stratèges du FAF (Front de l’Algérie française) tendaient à vouloir mobiliser pour des manifestations contre le général De Gaulle et poussaient les populations à manifester contre lui et pour l’Algérie française. Cependant que l’Algérie authentique observait ce qui se tramait contre elle, il y a eu ce qu’il est convenu d’appeler les vrais patriotes (les Algériens authentiques) qui, en ayant tout compris, firent d’une pierre deux coups et entraînèrent la quasi-majorité du peuple avec eux. Ceux-ci n’étant pas d’accord avec l’Algérie algérienne «vision De Gaulle», et encore moins «vision FAF» eurent alors le génie de recourir à la seule définition qui leur restait pour signifier leur désappointement avec l’un et l’autre camp, dans ce qu’ils suggèrent.
Ce peuple de patriotes authentiques pour se démarquer comme un seul homme cria : «Non» aux visions étriquées de l’Algérie française du FAF de l’Algérie algérienne du Général De Gaulle et dit «oui» à l’Algérie musulmane, une et indivisible.
C’est là le génie du vrai peuple algérien qui a su trouver la parade et les termes propres à la détermination qui mesurent tous les sacrifices pour la libération du pays. (Mais bien sûr, il ne faut pas comprendre dans «l’Algérie musulmane une Algérie intégriste.» Pour une réelle compréhension de cet état d’esprit, il faut se référer à la plateforme de la Soummam.)
Ceci étant et l’indépendance de notre pays ayant coûté plus de un millions de chouhadas, rappelons pour la bonne compréhension des choses qu’un soutien pour l’autodétermination de l’Algérie a eu lieu : 6 549 736 inscrits, 5 992 115 votants, 25 565 bulletins nuls ; 5 875 581 votant oui ; 16 534 votant non à l’indépendance de l’Algérie.
Donc, sur 6 549 736 inscrits, il y a eu 5 875 581 votants qui ont dit clairement «oui» à l’indépendance de leur pays l’Algérie, donc «oui» au FLN/ALN. D’un autre côté, il y a eu 674 155 personnes qui ont dit «non» à celle-ci, soit directement ou indirectement.
Sur cette base, on peut dire sans grand risque d’erreur que le FAF, mouvement du Front de l’Algérie française, s’il prétendait avoir dans ses rangs plus de un million de membres dont 120 000 français musulmans, avait certainement parlé de ces derniers 674 150 personnes dont il bénéficiait de la complicité et alliance dans l’administration française. Quant à la complicité militaire, elle a été établie et son nombre n’est plus à démonter.
Le FAF qui est issu de l’ex-front national français, présentait diverses faces : l’officiel accès sur la défense de «l’Algérie française» et de l’autre cachée, que dirige un état major avec ses diverses branches : «Renseignements, appuis, informations, finances et surtout action».
Le fait est là. Plus d’un million d’hommes et de femmes étaient les membres actifs d’une organisation dite FAF et OAS ensuite, et qui après l’indépendance de l’Algérie en 1962, sont restés nostalgiques de l’Algérie française et des gloires coloniales, et sur ce chapitre, beaucoup de faits et méfaits, depuis l’indépendance de l’Algérie, prouve nt qu’il serait abusif voire dangereux de prétendre que cette race est désormais race morte.
Et pour avoir une réelle idée sur l’ampleur des nuisances à l’Algérie libre et indépendante, par souci de vérité et non par envie de vengeance, posons la question de savoir combien de harkis avait recrutés l’armée française ?
Combien parmi eux sont restés en Algérie ? Et combien sont partis rejoindre leur patrie, la France ?. Combien de collaborateurs de l’armée coloniale sont restés dans l’administration de l’Algérie indépendante ?
Et qui plus est, ont été les premiers à gravir les échelons de la fonction publique dans laquelle ils étaient avant qu’elle ne devienne algérienne, accédant ainsi aux postes-clés du pays et ce, avec toute l’aide et la protection dont ils ont bénéficié.
Essayons aussi sans rancune et sans haine, de nous rappeler tous les cercueils d’Algériens émigrés, assassinés en France, qui nous revenaient dans leur emballage de bois durant les décennies passées. Le peuple algérien a beaucoup souffert du mal et des malfaiteurs, il faut le reconnaître et l’admettre, et malgré tout, il reste prêt à pardonner, mais il faut le lui demander. Il n’y a aucune honte à le faire.
C’est eu égard à toutes les souffrances engendrées par la guerre d’Algérie, c’est-à-dire la guerre faite par la France à l’Algérie, qu’il faut que les forces du bien continuent à expliquer la nécessité d’une demande de pardon officiel par la voix des autorités françaises, afin d’exciser le mal à la racine est enterrer une fois pour toutes et à jamais notre malheur commun. Car comment croire en des regrets non exprimés.
Comment pardonner à celui qui n’a pas eu le courage et la volonté de s’excuser. S’il n’y a pas cela, comment faire confiance.
Les conséquences de la guerre, des décennies après germent encore dans les banlieues françaises, allumant les feux de détresse, et en Algérie faisant la décennie noire. Alors instruisons-nous de l’expérience.
Il faut parler mais de «réconciliation», et la réconciliation commence entre les membres de la même famille même s’ils sont de «nationalités différentes» et même si leurs parents étaient dans des camps opposés.
La vérité n’a pas d’heure, elle est de tous les temps, précisément lorsqu’elle nous paraît inopportune. (Albert Schweitzer).
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Chabane Nordine
Ecrivain, ancien moudjahed, membre de l’ALN
Journal El Moudjahed du 8 septembre 1960
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(1 et 2) Bernard Tricot, «Les sentiers de la paix» Editions Plon Paris 1972
(3) Les cahiers du comité de Vincennes n°2. Mois de novembre 1960, P/n)111
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