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Inas Halabi: l'humiliation dans la chair
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"C'est
vous sur la photo?" Inas Halabi est un peu gênée de répondre que oui,
c'est bien elle qui dévoile son ventre sur le grand format noir et
blanc. Dans la société palestinienne, les femmes ne sont pas censées
montrer cette partie du corps. Alors lorsque les visiteurs de
l'exposition collective à laquelle elle participe à Jérusalem Est lui
posent cette question, elle se sent "embarrassée et d'une certaine
façon humiliée" de répondre par l'affirmative. Mais pour elle, cette
humiliation est celle de tous les Palestiniens: "C'est ce que les
Israéliens nous font ressentir".
L'artiste de 19 ans explique avoir été inspirée par une fouille qu'elle
a dû subir au point de passage de Qalandia, entre Ramallah et
Jérusalem, ainsi que par le poème "Identité" où Mahmoud Darwich psalmodie "Inscris: je suis arabe". C'est précisément ce vers qu'elle a écrit sur son ventre nu.
L
Inas
Halabi habite à Shuafat (Jérusalem Est) et étudie à l'académie des arts
Bezalel, l'une des plus anciennes institutions israéliennes. Elle est
la seule Arabe du département de céramique. A Bezalel, elle a de "très
bons amis" mais elle évite de parler politique avec eux. Elle garde ses
opinions pour ses oeuvres. "J'ai l'impression de pouvoir envoyer un
message plus fort sans parler".
Lorsque son professeur de
sculpture lui a demandé de reproduire en terre glaise un objet de son
quotidien, elle a choisi sa carte d'identité israélienne. Elle en a
fabriqué plusieurs exemplaires, sans les cuire, les laissant ainsi
fragiles, cassables. Et elle a finalement présenté une série de
documents d'argile de plus en plus effrités. "J'ai bien une identité
mais ce n'est pas cette carte qui me donne une identité, que ce soit en
tant que Palestinienne ou en tant qu'être humain", souligne-t-elle.
Accroc
au Coca, Inas Halabi parle à 100 à l'heure et en anglais, langue dans
laquelle elle a suivi toute sa scolarité. Elle confie qu'elle est
parfois maladroite avec ses travaux mais que les cassures donnent
souvent des résultats intéressants. Par exemple, sa glaise intitulée "Honneur" représente un ventre de femme qu'une bulle d'air a fait exploser à la cuisson. "Mes
premiers travaux parlent beaucoup de la façon dont les femmes
palestiniennes sont traitées, du problème des crimes d'honneur et de la
société patriarcale". La jeune artiste explique s'être aussi
penchée sur les diktats esthétiques et leurs conséquences, comme la
boulimie et l'anorexie. Lors d'une précédente exposition, les visiteurs
pouvaient piocher dans un pot rempli de confiseries avant de se rendre
compte que le récipient était en fait un buste creux aux côtes
apparentes.
Ainsi, sa série photographique "My Palestine"
a été très remarquée lors de l'exposition collective, fin mai, au
Théâtre national palestinien, à Jérusalem Est. Il s'agit de 11
autoportraits en noir et blanc où elle brandit les 11 mots d'une
citation en arabe : "Tout le monde a un pays où habiter, sauf nous qui avons un pays qui nous habite".
Au moment de prendre chaque cliché, elle a prononcé le bout de phrase
qu'elle tenait entre ses mains. Elle a instinctivement baissé le regard
lorsqu'elle a dit le dernier mot, "en nous". Comme si elle regardait à
l'intérieur d'elle-même pour voir la Palestine.
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Marie Medina
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