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Le commandant « O » tient absolument à vider son disque dur avant de rejoindre l’au-delà. Ce tortionnaire impénitent et vaniteux n’aura même pas suffisamment de courage pour avouer ses multiples crimes qui se comptent par milliers. N’est-ce pas lui qui dans ses mémoires, racontent comment il se proclamera grand défenseur de la république en exécutant de ses propres mains des prisonniers algériens dont le seul tort était de se trouver sur son passage. Ses premières victimes, furent de paisibles ouvriers et des habitants du village minier d’El Alia, le soir du 20 août 1955.
C’est lui qui rapporte comment il se substituera à la justice pour exécuter les 72 prisonniers que son subalterne avait ramené d’El Alia où 37 pieds noirs venaient d’être tués par les assaillants du FLN, qui avaient pris d’assaut le village. Les insurgés s’étant retirés dans les montagnes environnantes, ce sont de paisibles civils qui seront arrêtés puis transférés à la caserne, où, le sanguinaire Aussaresses les mitraillera de sang froid. Pour l’exemple. C’est lui encore qui organisera la terrible répression qui fera « au moins 12.000 victimes » selon Benjamin Stora. Après l’insurrection sur Skikda (Philippeville, à l’époque coloniale). De son vivant, Saout El Arab ( Salah Boubnider, alors adjoint de Ziroud Youcef, chef historique de la wilaya 2) avait affirmé que suite à cette répression sans discernement par l’armée française mais également par une partie de la population pieds noirs, le FLN avait établit un inventaire de toutes les personnes disparues, en vue expliquait-il dans les colonnes d’El Watan (Voir entretien de Boukhalfa Amazigh avec le Colonel Salah Boubnider El Watan n° 4124 du 17 juin 2004), d’aider les familles qui avaient perdus les leurs du fait de la répression. Cette volonté du FLN/ALN est par ailleurs affirmée par l’un des prestigieux successeurs de Ziroud à la tête de la wilaya 2, le colonel Lakhdar Ben Tobbal. A Mahfoud Bennoune qui l’interrogeait, Ben Tobbal soutenait que « le prix que nous avons payé était très lourd. Après le 20 août pas moins de 12 000 morts ont été inscrits sur nos registres avec le nom et l’adresse de chacun d’eux, car leur famille devait recevoir une allocation. C’est la raison pour laquelle nous avons insisté pour que le recensement soit exact ». Ces statistiques n’ont jamais été publiées à ma connaissance. Il serait même très curieux qu’elles le soient un jour. C’est à se demander si elles existent encore ou si une main trop farfouilleuse ne les a pas définitivement subtilisées. Pour les enfouir à jamais. Pourtant, ces morts civils, des hommes, beaucoup d’hommes, des femmes et parfois des adolescents, voire des enfants, auront été sacrifiés pour que la voix de l’Algérie combattante se fasse enfin entendre par la communauté internationale. Et elle sera entendue, puisque la question algérienne figurera en bonne place et pour la première fois au menu de l’Organisation des Nations Unies, à New York. Cette incursion sur la scène internationale aura un prix : pas moins de 12.000 morts, dont certains n’ont pas encore été portés sur les registres de l’Etat civil de Skikda. Car une fois l’indépendance acquise, plus personne ne se penchera sur cette question. Hormis l’institution de la journée du Moudjahid et la baptisation du stade de Belcourt, l’insurrection du 20 août qui embrasa le quadrilatère Aïn Abid, Collo, El Harrouch, Skikda, est à peine évoquée lors de cette date fondatrice de la guerre de libération. Quant aux familles des 12.000 victimes, elles seront dans leur grande majorité totalement oubliées. Par les criminels de la soldatesque coloniale, mais malheureusement par nos frères d’armes du FLN/ALN. S’il est vrai que quelques centaines de sépultures furent regroupées en un cimetière – il se trouve entre El Hadaiek et Ramdane Djamel, au bord d’une ancienne RN désaffectée que plus personne n’emprunte-, pour toutes les autres victimes, il y a une véritable chape de plomb qui s’est confortablement installé sur le boulevard Ziroud Youcef, siège de l’austère assemblée nationale.
Alors que chez les peuples meurtris par la seconde guerre mondiale, la célébration des morts fait partie intégrante de la vie, voire de la survie de la mémoire collective, chez nous on semble privilégier l’amnésie sur ces pages de bravoure et de gloire. Lorsque des officiels abordent la question, ils préfèrent axer leurs discours sur les indemnités et autres pensions que l’état algérien continue de distribuer sans compter à une ribambelle de pseudo combattants, dont le nombre, depuis la fin de la guerre, suit une courbe ascendante. Cette curiosité toute nationale de permettre aux survivants de se multiplier par tacite reconnaissance, en devient exécrable lorsqu’elle alimente un faux débat sur des indemnités qui ne sont que chimère. Jeter en pâture les enfants de chouhada, comme le fait le ministère des moudjahidine, c’est ajouter une autre couche sur les fosses communes où gisent leurs parents. En ce qui concerne le sinistre Aussaresses, au lieu de continuer à entretenir l’illusion de la repentance, il serait bien inspiré de cracher le morceau une bonne fois pour toutes. Qu’il nous dise où il a jeté les corps mutilés de nos pères. Au lieu de réclamer la restitution de la légion d’honneur, qui n’a jamais autant déshonorée la république Française que sur son veston encore éclaboussé ad vitam du sang des innocents. S’il tente aujourd’hui de donner l’image de quelqu'un qui ose enfin se donner bonne conscience, qu’il sache qu’il s’en ira sans notre pardon ni celui des 12.000 victimes innocentes qu’il aura exécutées sans scrupules. Qu’il parte avec ses remords bien tardifs. Qu’il garde à jamais dans sa mémoire l’image des ces alignements dignes que sa mitrailleuse fauchera sans discernement. Que le torrent du sang versé se transforme en fleuve incandescent où il baignera pour l’éternité. Qu’il saches enfin que les milliers d’orphelins et de veuves le poursuivront jusqu’en enfer pour empêcher qu’il parvienne au sommeil éternel. Si sa vie ici-bas a été un véritable cauchemar, on ne peut que lui souhaiter qu’il en soit ainsi pour toujours. Un criminel de cette envergure ne pouvait mieux finir. Sa longévité fait partie intégrante de son supplice. Aussaresses est, et demeure un exemple à méditer pour tous les criminels. Car les tortionnaires ne meurent jamais ; ils survivent pour expier les innombrables crimes qu’aucune amnistie ne peut occulter.
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Aziz Mouats, Université de Mostaganem
5-5-2008
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