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Ce
livre terrifiant est constitué d'une compilation de témoignages,
contextualisés, des très nombreux soldats professionnels et d'appelés
qui ont commis des exactions pendant la Guerre d'Algérie.
On ressort de la lecture de cette ouvrage anéanti. Une horreur toutes les dix lignes. L'armée française a commis cinquante Oradour-sur-Glane. Parmi les tortionnaires, d'anciens résistants, d'anciens torturés. Patrick Rotman historicise l'extrême violence de tous ces hommes qui sont devenus les victimes de leur propre " ennemi intime ".
Comment un gamin de 19 ans peut-il en arriver à arracher un bébé des
bras de sa mère et à lui fracasser la tête contre un mur ? Comment
peut-on assister au massacre d'une famille au napalm dans la plus
parfaite indifférence ? Comment peut-on achever des blessés ? Comment
peut-on s'accoutumer ? Un des acteurs de cette tragédie pense, après
William Golding dans Le Dieu des mouches, que la bête immonde est tapie au fond de l'être humain, réfrénée par l'éducation.
Tous les soldats n'ont pas été bourreaux, tueurs, tortionnaires. J'ai
ainsi la plus grande admiration pour mon beau-père qui est sorti de la
Guerre d'Algérie comme il y était entré : intègre physiquement, mais
surtout moralement. Jeune militant syndicaliste (CGT), il avait décidé
qu'il ne tirerait que pour se défendre et qu'en aucun cas il ne s'en
prendrait à des individus a priori innocents : vieillards, femmes,
enfants. Avec un peu de chance, mais surtout grâce à une conscience
politique très ferme, il réussit à tenir sa promesse. Il savait de manière absolue que la France était dans l'erreur et qu'une guerre sale ne pouvait être menée que salement.
Rares sont les hommes politiques, les responsables qui ont refusé l'ignominie. Il faut citer Paul Teitgen, secrétaire général de la police à Alger, lui-même torturé par la Gestapo : « je
refuse ce procédé qui humilie celui qui est torturé mais qui humilie
bien plus et réveille bien plus chez le tortionnaire le mal latent qui
est en chacun d'entre nous. Il ne faut pas gratter beaucoup. » Citons également Jacques Pâris de la Bollardière, le seul officier supérieur qui ait dit non : «
cette guerre révolutionnaire que je découvrais m'a montré très
rapidement qu'elle avait une logique absolument inéluctable qui pousse
l'armée qui se bat contre un peuple à glisser de plus en plus vers une
violence de moins en moins contrôlée parce que l'ennemi c'est le
peuple, c'est-à-dire des femmes, des enfants, des vieillards, la
population d'un village. » Face à un
mouvement de libération politique, les gouvernements français, celui de
Guy Mollet au premier chef, n'ont offert qu'une réponse militaire.
L'Algérie d'aujourd'hui en paye encore le prix...
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De : Bernard Gensane
mardi 15 avril 2008
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