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Appelé à tort « le tombeau de la chrétienne » - '' Kbar-Roumia ''
Il semblerait que le colonisation française a confondu Roumia, qui veut dire Romaine, avec Chrétienne.
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Des moulures en forme de croix au-dessus de fausses portes avait valu à ce mausolée de rois maures le nom de « tombeau de la chrétienne ».On a aussi pensé, faussement, qu’il aurait pu être le tombeau de Cléopâtre Séléné, épouse de Juba II. Il semblerait que cette sépulture monumentale et royale ait été édifiée entre les IIIe et Ier siècles avant J.C. Elle a suscité de nombreuses légendes, dont celle d’un trésor, non retrouvé, sauf sans doute par des voleurs car les salles internes ont été retrouvées vides et ce malgré les efforts de pachas d’Alger dont l’un particulièrement impatient fit tirer sur le revêtement à coups de canon, sans succès.
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L'édifice, un tumulus de pierre d'environ 80 000 m³, ressemble de loin à une énorme meule de foin. Il mesure 60,9 m de diamètre et 32,4 m de hauteur. Érigé non loin de Tipaza (près du village de Sidi Rached), sur une crête des collines du Sahel, il domine la plaine de la Mitidja à 261 m d'altitude.
Il comporte une partie cylindrique ornée sur son périmètre, dont le développement est de 185,5 m, de 60 colonnes engagées surmontées de chapiteaux ioniques et supportant une corniche. Cette partie présente quatre fausses portes situées aux points cardinaux. Ce sont des panneaux de pierre de 6,9 m de haut, encadrés dans un chambranle et partagés au centre par des moulures disposées en croix. C'est cet ornement qui a justifié le nom traditionnel de Tombeau de la Chrétienne.
Au-dessus, la partie conique est constituée de 33 assises de pierres, hautes de 58 cm, et se termine par une plate-forme. Elle est largement échancrée au-dessus de la porte Est, résultat des canonnades effectuées à la fin du XVIIIe siècle par Baba Mohammed Ben Othmane, pacha d'Alger![réf. nécessaire].
L'entrée véritable du monument, longtemps ignorée, se situe dans le soubassement, sous la fausse porte de l'Est. Elle a été découverte lors de la campagne de fouilles menée en 1865 par Adrien Berbrügger, inspecteur des Monuments historiques, à la demande de Napoléon III. C'est une porte basse, 1,1 m de haut, et étroite, qui donnait sur une dalle coulissante en grès, trouvée brisée. Ensuite un couloir d'accès très bas conduit au vestibule des lions. Il est ainsi appelé parce qu'on y voit un lion et une lionne sculptés en relief au-dessus de l'accès au couloir intérieur. Ce vestibule voûté mesure 5,33 m de long, 2,52 m de large et 3,20 m de haut.
Cette entrée est aujourd'hui condamnée et est inaccessible aux visiteurs.
De ce vestibule on accède en gravissant 7 marches à la galerie circulaire. Celle-ci suit un tracé circulaire horizontal formant un cercle presque complet, qui partant de la fausse porte Est passe successivement derrière les fausses portes du Nord, de l'ouest et du Sud, avant de tourner vers le centre du monument.
Au bout de la galerie, une porte munie d'une herse, brisée elle-aussi, ouvre sur un vestibule de 4,04 m de long, 1,58 m de large et 2,73 de haut. De ce vestibule, un couloir surbaissé mène à la chambre centrale située au cur du monument. Fermée par une porte à herse coulissante, trouvée aussi brisée, ce caveau voûté mesure 4,04 de long, 3,06 de large et 3,43 de haut. Orienté nord-sud, avec l'entrée à l'est, il comporte 3 niches sur chacune des parois nord, sud et ouest.
Le monument est entièrement vide de tout mobilier. Aucune chambre secrète n'a été trouvée, malgré de nombreuses recherches.
La date de construction et la fonction réelle de ce monument ne sont pas connues avec certitude. Sur la date, on sait qu'il est mentionné dans un texte d'un auteur romain, Pomponius Méla, daté des années 40 après Jésus-Christ, époque où le royaume de Maurétanie fut annexé par Rome. Certains historiens pensent qu'il s'agit d'un mausolée royal construit par le roi Juba II qui régna de 25 av. J.-C. à 23 ap. J.-C. et son épouse, la reine Cléopâtre Séléné.
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Historique du nom donné à ce tombeau
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Juba fut un des hommes les plus savants de son temps: Pline et Plutarque le citent souvent dans leurs ouvrages à titre de référence incontestable, notamment dans les domaines de l'histoire, de la géographie, de la grammaire, de 1' éducation, de la philosophie, de l'archéologie, de l'histoire naturelle, de la botanique, de l'art lyrique, de la peinture, etc...
Quant à son impériale épouse, si ses actes n'ont pas pris place dans les bibliothèques sous forme de livres, c'est qu'elle se dévouait sans compter pour le bien-être de son peuple dont elle était aimée, voire vénérée. C'est cette vénération qui s'est traduite, après la mort de Séléné, par un mausolée dénommé par les populations locales : Tombeau de la Romaine.
Malheureusement, le colonisation française a confondu Roumia, qui veut dire Romaine, avec Chrétien ou Chrétienne.
Une telle assimilation et un tel amalgame ne peuvent être que faux puisque, à cette époque, c'est-à-dire au début du Ier siècle de l'ère chrétienne, le christianisme n' avait pas encore dépassé les limites de la Palestine. Il n'atteindra ce pays berbère que plus tard... pour y être adopté et même pratiqué par ses indigènes.
Un monument analogue se trouve dans l'Est algérien, c'est le Medracen situé près de Batna. Il en diffère cependant par la taille, seulement 18,5 m de haut, la structure interne, et est certainement plus ancien.
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-----A l'ombre du bois de pins qui. venant d'Alger. précède, deux cents mètres avant la nécropole Sainte-Salsa, de celle-ci quelque peu retiré. On pique-nique là, en les parties de sous-bois non embarrassées de lentisques, cistes oit épineux.
De là se montre, entre le petit bois allongé le long et à droite de la route, un espace du plateau rocheux jusqu'à l'aplomb sur la mer, où, toutefois la descente vers cette dernière est rendue possible par une inclinaison, du sol, moins pentue.
-----Au pied de la pente un rocheux petit promontoire s'avance dans la mer qui fut gîte exploitable en pierre à tailler pour la construction en mer calme. S'y montre le procédé d'extraction d'antan, des blocs bruts destinés à la taille hors carrière.
-----De la forme en parallélépipède du bloc, en sont. d'abord. dans
une partie convenable de la masse rocheuse, ébauchées trois faces
dessus, de face en longueur, et de côté en retour à angle droit). Le
problème restant à détacher le bloc en ses trois autres faces
solidaires de la masse. En sont tracées les lignes d'adhérence, ces
dernières de surcroît précisées par piquetage à l'aiguille de sorte que
demeurées apparentes de nos jours. Tel l'ouvrage s'y trouvant toujours
en exécution suspendue.
-----Sur ce tracé sont apparents les trous forés à profondeur calculée
pour recevoir des chevilles de bois dur, sec, dont le gonflement
provoqué par mouillage soutenu provoque la séparation du bloc brut de
la masse rocheuse.
L'objet est alors roulé sur rondins de bois dur, sur le cheminement préalablement aménagé, dressé à dessein, pour aboutir au pied de la rampe préparée de même pour l'accès au plateau de niveau avec la R.N. A ce niveau d'aboutissement de la rampe, d'un même roulage, se pratique le prélèvement des blocs bruts de pierre, cordages et cabestan faisant.
-----Là se montre, sous une légère végétation de petits buissons, l'ouvrage des tailleurs de pierre en un vaste chantier fait d'un matelas de forte épaisseur, d'éclats de pierre résultant de la mise en forme finale de chacun des multiples ouvrages destinés à la construction ou objets divers s'y rapportant en la ville antique de Tipasa.
-----On suppose, par ailleurs, que des pierres taillées de l'habillage final du Tombeau de la Chrétienne proviennent des mêmes carrières dont les antiques emplacements apparaissent le long des pieds de falaises à pic des trois promontoires.
Leur transport jusqu'au tombeau, possible par chariots à boeufs,
depuis la crête final de la chaîne côtière, par chemin de crête
aboutissant à la porte principale, antique, de la cité. Le dit chemin
conduisant, tout droit, à 7 kilomètres, au Tombeau, lui, étant à
l'altitude de 260 mètres au-dessus du niveau de la mer ;
l'aboutissement se faisant devant la fausse porte Ouest du Mausolée. Le
même chemin de crête d'antan reliait alors Tipasa à Coléa. Pratiqué
principalement par moyen équestre lorsqu'eurent lieu les travaux
d'archéologie commencée au Tombeau en fin du XIXe siècle.
Cheminement allant selon l'axe d'est en ouest.
-----Or, se trouvent sur cet axe les portes (fausses) de l'est et de l'ouest, celles du nord et sud complétant la rigoureuse position des quatre points cardinaux de l'édifice.
-----Sur cet axe se trouvant l'entrée antique dans le monument sous la fausse porte Est, comme s'y trouvai t un accès plus ancien conduisant directement aux chambres centrales elles-mêmes, établies ensuite, sur le même axe.
-----Qu'en cela fut une première méprise d'antiques chercheurs de trésor, apparemment bien informés, alors, quant à la propriété de l'axe est-ouest, qui, à tort, d'entrée, pratiquèrent une première fouille au Tombeau, sous la fausse porte ouest, puis convaincus de leur erreur, où ne se montrait nulle entrée souterraine, allant en Est à coup sûr. en "leur esprit", y trouver la bonne entrée. Pénétrant dans le Tombeau, n'y trouvant aucune sépulture, hormis les deux chambres trouvées vides, l'accès auxquelles se faisant par portes de pierre brisées, par ces premiers chercheurs sans doute, mais leurs dimensions n'auraient en aucune manière permis l'introduction de sarcophages.
-----D'une promenade à Tipasa on pouvait, revenant vers Alger, s'arrêter près de la Ferme Beauséjour, pour y prendre le chemin carrossable, en lacets, par le flanc nord, côté mer, depuis la R.N2, montant au Tombeau.
-----On y allait, motivés par son mystère, ses légendes, par ces hypogées de souverains de la Mauritanie antique, qu'on n'avait pas encore décelés.
-----Nous nous reposions sur les assises de base de l'édifice, chacun se remettant en mémoire ce qu'il s'avait déjà sur la signification de cette antique construction, plaquettes diverses en mains, portant toutes l'indication "Documents pour servir à l'histoire de l'Afrique du Nord".
-----Or. nous cherchions toujours à propos de cette dernière, demeurée obscure en nos entendements, ce que de mieux et de vraisemblable nous pouvions apprendre de ces plaquettes, lesquelles se réfèrent, en général, aux travaux d'historiens, tels que Messieurs Stéphane GSELL et ESQUER.
-----Or, selon S. GSELL, c'est vraisemblablement là, le Mausolée, à la mémoire de Juba Il et de Cléopâtre Séléné, antiques souverains de la Mauritanie Césaréenne.
-----Il paraît, quant à la description du monument, convenable de dire que celle-ci n'était possible lorsque le bâtiment n'apparaissait que tel une colline boisée, le 20 octobre 1835 au Maréchal CLAUZEL, gouverneur général accompagné de son secrétaire particulier BERBRUGGER visite trop rapide toutefois, pour que d'utiles observations aient pu, alors, être faites.
-----C'était là, en fait, un monticule de blocs de pierre verdoyant parce que. des siècles durant, exposé aux quatre vents lui avait valu apport accumulé de poussières mêlées de graines méditerranéennes en tous genres dont résultèrent, entre autres, arbrisseaux de cistes aux blanches pâquerettes, courts épineux à fleurs jaunes et quelques petites touffes de lentisques, entre lesquels n'apparaissaient que quelques pierres du monument dont les éboulis sur le pourtour contribuaient à l'aspect d'une éminence naturelle du sol.
-----L'éboulement, de surcroît, autant dû aux intempéries qu'au fait de l'enlèvement, par les indigènes, du plomb, en mortaises en queue d'~ronde, qui réunissait les blocs. Adrien BERBRUGGER fut, vers 1855-1856, chargé par le Maréchal RANDQN, gouverneur général, de pratiquer les premières fouilles au Tombeau de la Chrétienne. Elles n'aboutirent qu'à l'en débarrasser de la petite brousse qui le masquait.
Les ressources financières furent défaut.
-----Ce n'est qu'en 1865, à l'occasion d'un passage de Napoléon III, près de ce que les indigènes appelaient "Kober Roumia", qu'une exploration sérieuse fut décidée. alimentée par des fonds que l'Empereur prélevait sur sa cassette personnelle, particulière.
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Une décision de juin 1865 désignait Adrien BERBRUGGER, archéologue et MAC CARTHY, architecte, comme chargés des travaux.
BERBRUGGER décrit alors le monument:
moellons et de gros blocs de tuf, recouvert extérieurement de belles pierres de taille de grand appareil; il a 60 m 90 de diamètre, 185 m 22 de circonférence et 32 m 40 d'élévation.Le cylindre de base comporte quatre fausses portes de 6 m 20 de hauteur.Le cône, au-dessus du cylindre, a 33 gradins de o m 58 chacune haut qui couronne le mausolée, et se termine, en haut, par une petite plate-forme où devait autrefois se dresser une statue... "Comme on le sait, plusieurs trous de sondage furent pratiqués, depuis le cône de couverture, au trépan à percussion;... l'un d'eux finissant par tomber dans le vide près de la fausse porte sud, malencontreusement détruite à l'explosif ouvrant une brèche de pénétration dans la galerie circulaire. Percée de mur de 6 m 75 d'épaisseur.Or, le plan dressé dès lors par MAC CARTHY représente cette galerie en forme de courbe d'un (?) se lovant vers le centre y montrant la suite des deux chambres centrales selon un axe d'alignement sud-ouest, nord-est.En fait n'était là que milieu d'un noyau central d'une construction qui avait été un premier mausolée de faible prétention, vraisemblablement édifié, plus modeste, de son vivant par Cléopâtre Séléné .... son royal époux, par la suite survivant, embellissant l'ouvrage par un doublage fait d'une galerie circulaire, comme l'imposait la forme cylindrique du premier bâtiment. De celui-ci en défaisant le couronnement pour y appuyer le pied de la courbe de plein-cintre constituant la voûte de la galerie de doublage. Laquelle a 2 m de largeur, 2 m 40 de hauteur sous voûte, et 150 m de longueur. Elle fait le tour du premier bâtiment construit mais, près de son point de départ au droit de l'entrée souterraine Est,.., décrit un coude brusque presque à angle droit vers le centre jusqu'à l'entrée de la première des deux chambres.
-----Ce qui démontre que le doublage nécessita ce qui fut qualifié de " loup " dans la construction du bâtiment que voyait être construit d'un seul et même " jet ", M. Christophe architecte, par la suite chargé de la reconstitution des façades écroulées du mausolée.Ce qui, comme on sait, ne fut pas l'avis de Stéphane GSELL convaincu d'un doublage d'après coup, du bâtiment initial, qui nécessita la création souterraine du caveau-vestibule de nouvelle entrée d'accès à la galerie par substitution à celle qui, à l'origine, se pratiquait directement sur l'extérieur.En témoignent d'ailleurs les pierres de la corniche à goutte d'eau du premier bâtiment. Pierres utilisées, très visibles dans le parement déjà partiellement reconstitué du bâtiment.
-----Par ailleurs, dans le fond du caveau-vestibule souterrain de la nouvelle entrée Est, se montre une fouille assez profonde qui ne saurait être que le fait de ces chercheurs antiques qui avaient, par erreur, cherché l'entrée sous la fausse porte ouest. La visite au Tombeau de la Chrétienne terminée, demeure toujours la question de la raison d'être de cet antique monument.
... Rien à retenir de toutes légendes, qui vont avec moults récits fantastiques, telles que celle qui fit, au XVJe siècle, le Pacha Sala Réis, canonner le tombeau avec l'espoir de mettre au jour des caisses d'or et de pierreries.Mais les boulets de ces bombardes ne réussirent qu'à ouvrir une brèche large mais superficielle au-dessus de la fausse port Est.
-----Demeure plausible la possibilité d'un hypogée établi, avant la construction du bâtiment dans le flanc sud de la colline où seraient les souverains de la Maurétanie Césaréenne.
-----Réalisation, dans le plus grand secret à l'abri des regards que favorisait la haute frondaisie d'une forêt de pins parasols, faîte du vivant de Juba et Cléopâtre. Leurs origines, quoique très différentes, sont convergentes dans une commune raison ancestrale de concevoir, pareillement, leurs sépultures.Quant à la rencontre de ces deux êtres en ce qui allait les unir un jour, souvenons-nous de Juba d'abord, qui, en l'an 60 av. notre ère, se trouvaient en triumvirat, maîtres de Rome, César, Pompée et Crassus. Or, le roi de Nurnédée Juba 1er, s'avisa de se dresser contre César alors politiquement opposé à Pompée. Guerre s'en suivit et Juba, battu à Thapsus en 46 av. J.C., de ce fait, se donna la mort. Ne pouvant paraître au triomphe de son fils, petit prince de 6 ans qui le remplaça mais récupéré ensuite à la cour de Rome dans les principes de laquelle il fut élevé et éduqué.
-----Par ailleurs, face au promontoire grec, à l'entrée du golfe d'Arta, eut lieu la bataille navale d'Actium où, en 3 1 av. J.C., fut la victoire d'Octavien sur Marc Antoine, lequel, pour même raison que Juba 1er, se donna la mort. De même se la donna la grande Cléopâtre VII, son épouse, dont il eut une fille Cléopâtre Séléné, fillette, comme le petit Juba, de même exposée au triomphe, mais finalement recueillie à Rome pour y être, de même, élevée et éduquée.
-----Par ce concours de circonstances, Juba et Cléopâtre Séléné, en l'an 20 av. J.C. s'épousèrent et devinrent les souverains du royaume de Maurétanie.
-----Stéphane GSELL, alors membre de l'Institut. professeur au Collège de France, Inspecteur général des Antiquités et des Musées de l'Algérie, dans sa plaquette : Cherchell antique Cœgarea, dit de Juba 2: " qu'à Rome il s'était pris de goût pour les lettres, les arts et les sciences, qu'il voulut se faire un grand nom littéraire. Que parmi les rois, dit Plutarque, nul ne fut meilleur historien. Qu'il fut aussi géographe, naturaliste, grammairien, critique d'art, et même quelquefois poète. Etc. "Cela dit, on imagine le trésor véritable d'une bibliothèque de ce temps-là que pourrait contenir l'hypogée, si, d'aventure, il était un jour découvert.
-----Mais le tombeau de la Chrétienne nous fait toujours rêver.
il nous remet en mémoire ces lieux perdus, merveilleux et leur environnement, que Berbrugger évoquait en ses lettres écrites à sa fille Eugénie qui demeurait alors à Alger.
-----Berbrugger, lui, campait près de la Ferme Beau Séjour, au bordj Ksob-el-Halou. De là, il grimpait, une fois par jour au Tombeau, dont il dirigeait les travaux d'exploration.
-----Du bordj il écrit à sa fille : (en vers comme en prose)... Par exemple:
" D'ici, le genre humain était alors absent; Et mon bordj dans les bois s'élevait solitaire. Près du désert de l'eau, sur un désert de terre... D'avoir trop travaillé, mon esprit aux abois S'est déjà rafraîchi dans le calme des bois. Pour l'amuser, d'ailleurs, j'ai d'agréables livres Son ami l'estomac n'est pas à court de vivres. Tout va donc pour le mieux; si tu n'y manquais pas, Beau séjour pour me plaire aurait tous les appâts, Si les puces manquaient! à la hâte j'ajoute, Et n'envahissaient tout, jusqu'à la grande route; Si bien qu'on peut ici, craindre le triste sort De l'âne qu'à Dellys elles ont mis à mort.
-----Depuis peu de jours; et là matin et soir, M'appelle un appétit qui fait plaisir à voir. Comment n 'avoir pas faim, lorsque dans les broussailles, On a marché longtemps en quête d'antiquailles; Qu'après avoir gravi des monts accidentés, Du rivage on parcourt les rocs déchiquetés? "Puis en prose:... entre autres: " Le temps est admirable au-delà de toute expression; Tu ne peux te figurer la splendeur du ciel, la fraîcheur de la verdure, l'éclat des fleurs printanières. J'en suis vraiment enivré, et, chaque jour, changeant de route, je me lance, par monts et par vaux, à travers les broussailles, au grand détriment de ma garde-robe, mais au plaisir de mes sens et de mon cœur. Je tourne décidément au bucolique. "En sa lettre à sa fille du 23 avril 1866...
-----" Il nous est arrivé, hier, du désert, d'innombrables nuées de voyageuses de ma fenêtre, je les vois planer dans l'air comme des nuages jaunâtres dorés par les rayons du soleil; les broussailles en sont couvertes le soir; tu comprendras que je veux parler d'une des grandes plaies de l'Égypte, les sauterelles.
-----Le nuage de sauterelles après avoir plané sur Aïn-el-Halouf (source du porc) depuis hier, descend en ce moment sur le bord de la mer et se répand à l'Est et à l'Ouest. Je crois qu'il y eut des troupes de renfort. C'est aussi fort qu'il y a 21 ans, lorsque nous avons eu la première visite de ces animaux destructeurs. C'est une triste chose pour les récoltes.
-----Pendant que j'écris ici, leur nombre augmente encore. Je suis obligé de fermer portes et fenêtres pour ne pas avoir leur visite; elles couvrent la terre et le gazon devant la maison. On ne voit plus qu'elles. Le pauvre champ de coton qui est derrière nous est fortement compromis chaque pied a une grappe de sauterelles tout autour.
-----Je me suis décidé à sortir malgré le fléau à chaque pas, j'en faisais lever des milliers qui me sautaient aux yeux, au nez, qui entraient par le bas du pantalon. Celles qui étaient en l'air se conduisaient encore plus mal; elles me couvraient de vilaines petites crottes qui prouvaient que leur dernier repas avait été bon. En rentrant, elles me suivaient dans ma chambre. Je pense avec dégoût que pour aller déjeuner il me faudra passer par les mêmes épreuves et pire, car le nombre de ces animaux augmente à vue d'œil et de minute en minute.
-----Je pars d'ici dimanche 29 avril et serai le soir même à Alger ; prends-en note. "Et puis : du Tombeau de la Chrétienne, le 15 mai 1866:
" Très chère enfant, Je t'écris ceci au pied de la sépulture royale des antiques
souverains de Maurétanie, à quelques mètres de la galerie qui a été découverte dimanche dernier dans le flanc sud du vieil édifice. M. Mac Carthy et moi, nous sommes venus camper ici, hier, afin d'être à la porter de tout ce qui peut surgir au moment suprême.
-----Car le dénouement définitif approche et quelques centimètres seulement nous séparent du caveau de galerie dont la sonde artésienne nous a donné connaissance. Le cœur me bat fort, je l'avoue, à ce moment suprême, et une multitude de questions se présentent en foule.
Par exemple - et d'abord - trouvera-t-on quelque chose dans le monument et n 'aurons-nous qu'à faire le plan dc salles et galeries vides que d'autres, venus là avant noli', auraient complètement dévalisées? Nous le saurons quelques heures, mais plus le dénouement approche, pli l'impatience s'accroît.
-----C'est au point que moi, l'ami de la nature, j'ai eu peine sensible, hier soir, par une soirée splendide, ombre gigantesque qui, avec les deux chênes encore en place, et qui font assez l'effet d'une paire de cornes ressemblant pas mal à une colossale tête de diable -nous faisait une grimace menaçante pour nous détourner de nos travaux sacrilèges.
-----Insensible presque à une magnifique aurore boréale qu'éclairait le côté Ouest du Kober Roumia d'autant mieux ressortir l'obscurité des autres faces. Insensible enfin à un magnifique lever de soleil qui m'a salué ce matin au sortir de la tente et éclairait richement les crêtes de l'Atlas et la belle plaine qui s'étend sous ses pieds.Ingrat et anti poétique, je n 'ai eu d'yeux que pour ce trou béant devant nous et au bout duquel est une grande réussite ou une quasi déception.Car le public ne tient compte que des réussites. Certes, s'il n'y a rien dans le Tombeau, cela ne diminue rien, au fond, le mérite de nos efforts, de notre persistance, etc., mais bien peu nous en tiendront compte.En tout cas, ma chère enfant, j'entrevois au bout de tout cela, une bonne compensation c'est que nous serons enfin réunis.Nous ne sommes donc plus séparés du résultat final que par l'épaisseur d'une pierre.
-----Mais on avance lentement, car on avance par la poudre, moyen énergique, mais qui oblige à de grandes précautions. "
-----Puis en lettre du mai 1866: "... La galerie aboutit de chaque côté à deux caveaux mortuaires, fermant par de grandes dalles qui étaient brisées. Cela, joint à d'autres signes non moins éloquents, signifie que d'autres nous avaient précédés là; par où? Comment? C'est ce que nous ignorons encore.
-----Pour moi, hier, j'étais si heureux, si étourdi de voir enfin obtenu ce dernier et grand résultat des travaux que je dirigeais, que je ne savais plus où j'en étais. "
-----Et le texte de conclure:C'est ce même jour, 4 heures du soir que, après 7 mois d'efforts, Berburgger allait pénétrer dans l'hypogée et parvenir aux salles centrales. Mais tout était vide.
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-----Quand ce mausolée a-t-il été construit ?
-----Cette sépulture royale est antérieure à la réduction de la Maurétanie en province romaine, c'est-à-dire à l'année 40 après J.-C. C'est vers le même temps qu'écrivait Pomponius Méla. Toutefois dans sa description du littoral africain, cet auteur a reproduit avec fort peu d'addition un ouvrage plus ancien qu'il y a quelques raisons d'attribuer à Varron mort en 27 avant notre ère.
-----D'autre part, le Tombeau de la Chrétienne est postérieur au Médracen (autre monument antique de l'Algérie qui s'élève non loin de Batna au milieu d'un vieux cimetière) puisqu'il en est certainement une copie. Mais il faudrait savoir de quand date le Médracen. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la forme de ses chapiteaux doriques l'apparente au mausolée de khroub construit vers 1.50 avant notre ère. D'où l'on conclura, sans vouloir trop préciser, que le Tombeau de la Chrétienne est tout au plus du second siècle.
-----Que cette ruine grandiose soit celle d'un tombeau, cela n'est pas douteux. Il faut évidemment
l'identifier avec le monumentum commune regiae gentis (le tombeau commun de la famille royale) qu'un géographe latin Pomponius Méla mentionne sur la côte Méditerranéenne entre Caesarea (Cherchell) et Icosium (Alger). Le Tombeau de la Chrétienne est un tumulus funéraire, semblable à des sépultures indigènes, d'ailleurs bien plus petites, qu'on rencontre par milliers dans toute la Berbérie et dans le Sahara.
-----Le tombeau de la Chrétienne est, au point de vue artistique, une oeuvre assez médiocre, mais ce mausolée est intéressant par les contradictions qu'il représente. Elevé, comme' dans les sépultures primitives des Africains, dans une solitude sauvage, il se montre cependant de très loin, comme un de ces sanctuaires que tant de religions ont dressés et dressent encore sur les hauts lieux. Construction de type indigène, il est couvert d'une chemise grecque.
-----A l'intérieur il est pourvu de voûtes appareillées, d'origine étrangère, de dalles-portes qui ressemblent aux herses en granit des pyramides d'Egypte et en dérivent peut-être par des intermédiaires inconnus. Tas de pierres destiné à emprisonner des êtres redoutables, il s'orne de portes purement décoratives il est vrai, mais rappelant celles par lesquelles les demeures des défunts s'ouvrent chez les Romains et chez les Grecs.
-----Le caveau central, qui n'est qu'un agrandissement de la caisse de pierre dans laquelle le mort était enfoui, est précédé de vestibules et d'une longue galerie, donnant accès à ceux qui viennent visiter ses hôtes et leur rendre hommage. La pratique nationale de l'inhumation a probablement été remplacée par l'incinération. Le tombeau de la Chrétienne est le symbole d'un peuple barbare qui, sans renoncer tout à fait à ses vieilles coutumes, ne repousse par les leçons d'une civilisation supérieure.
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SWilfrid Winum
dans visite du Tombeau de la Chrétienne
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Que savait-on du Tombeau de la Chrétienne au moment où commencèrent les fouilles. Signalé d’abord par Pomponius Mela, puis par l’Espagnol Marmol, qui avait été esclave à Alger, le monument appelé en arabe : Kober Roumia (mot à mot : Tombeau de la Romaine ou Tombeau de la Chrétienne) (1), a donné matière à de nombreuses. interprétations historiques ; interprétations de peu de valeur, à la vérité, puisque les anciens, à part les écrivains que nous venons de nommer, n’avaient pu voir le monument dont ils écrivaient, ni même la région où il était situé, et que les modernes manquent toujours de documents précis à son sujet. Il faut bien avouer qu’aujourd’hui, près d’un siècle après les fouilles de Berbrugger, nous ne sommes pas tellement mieux renseignés quant à la destination au Kober Roumia. Le texte de Pomponius Mela, le plus ancien que nous connaissons, demeure, malgré les gloses modernes et les commentateurs nombreux et distingués, d’une imprécision remarquable. Le voici : " Iol, sur le bord de la mer, jadis inconnu, illustre maintenant pour avoir été la Cité royale de Juba et parce qu’il se nomme Césarée. En deça, à l’Ouest les bourgs de Cartinna (Ténès) et d’Arsina ( ?), le château de Quiza ( ?) le golfe Laturus ( ?) et le fleuve Sardabale ( ?) ; au-delà, le Monument commun de la famille royale, ensuite Icosium (Alger)... " (De situ orbis, L. 1, chap. 6) (2).
Le Kober Roumia est donc le " monumentum commune regiae gentis ". Ces quatre mots vagues n’ont pas encore livré leur secret. Berbrugger et de nombreux historiens ultérieurs y ont vu un mausolée du roi Juba et de sa famille. Rien, semble-t-il, ne permet de l’affirmer. Quant à Marmol, il raconte, au livre 5, chapitre 34 de sa Description générale de l’Afrique que près de Cherchell, " sur une haute terre qui entre dans la mer, il y a deux anciens temples où l’on sacrifiait aux idoles, dans l’un desquels se trouve un dôme fort haut sous lequel les Maures prétendent qu’est enterrée la fille du Comte Julien. Et les autres hypothèses émises, si elles sont plus merveilleuses, n’en sont pas plus solides.
Situé sur une colline de 260 mètres d’altitude, près du littoral qui se creuse entre la Bouzaréa et le Chenoua, l’édifice apparaît, dit en substance Berbrugger dans son livre sur le Tombeau, comme un immense cylindre à facettes, coiffé d’un cône à gradins, et posé sur un socle carré de 63 m 90 de côté, que supporte un béton de petites pierres concassées avec, comme mortier, la terre rouge recueillie sur les lieux. Les facettes sont larges d’environ 2 m 37 et séparées par soixante colonnes engagées d’ordre ionique ancien, dont les chapiteaux sont les uns, ceux qui touchent les fausses portes, à palmettes, et les autres, à bandeaux. La base de ces colonnes repose sur une série de deux degrés. L’édifice est constitué par un amoncellement de moellons et de grossiers blocs de tuf, recouvert extérieurement de belles pierres de taille de grand appareil ; il a 60 m 90 de diamètre, 185 m 22 de circonférence et 32 m 40 d’élévation (3).
Le cylindre de base comporte quatre fausses portes de 6 m 20 de hauteur, encadrées dans un chambranle et surmontées d’un entablement qui s’encastre dans la partie inférieure des chapiteaux à palmettes, pour former, avec les deux colonnes latérales, un deuxième encadrement ; les portes ont des moulures saillantes en forme de croix. Celle de l’Est est à peu près intacte ; celle du Sud a disparu, laissant subsister un débris de panneau engagé à gauche. Le cône à trente-trois gradins de 0 m. 58 chacun de haut qui couronne le mausolée, se termine, en haut, par une petite plate-forme où devait autrefois se dresser une statue. Il a subi de graves détériorations, tant par suite de la quantité considérable de pierres écroulées du fait des intempéries, qu’à cause de l’enlèvement, par les indigènes de la région, du plomb de scellement des mortaises en queue d’aronde qui réunissait les blocs. Il semble que, lors de sa construction, le monument, pourvu de son pyramidion, du sujet architectural ou du bronze qui l’ornait, devait avoir au moins dix mètres de plus de haut. On se ferait, précise Berbrugger, une idée assez exacte de cette construction grandiose en imaginant que, si elle était placée sur la place du Gouvernement, à Alger, elle en occuperait presque toute la largeur et s’y élèverait à une hauteur égale à celle de la colonne de là place Vendôme à Paris.
Comme on le verra plus loin, les fouilles entreprises par Berbrugger allaient révéler l’existence, à l’intérieur, d’un couloir cireulaire et de trois caveaux. L’hypogée évoque de façon frappante les tumuli égyptiens jusque dans de petits détails. On, y pénètre par une entrée unique qui s’ouvre à l’Est sous une des fausses portes. Cette entrée fermait par une dalle à glissière que Berbrugger trouva brisée. Après un petit couloir très bas, on se trouve dans un caveau long de 5 m. 29, large de 2 m. 49, haut de 3 m 50, au fond duquel a été creusée, probablement à l’époque romaine, une excavation d’environ 7 mètres, sans doute avec l’espoir de trouver une issue secrète accédant directement au grand caveau central. A droite, s’ouvre une porte basse, sur le linteau de laquelle sont sculptés un lion et une lionne : les symboles de Juba II et de son épouse Cléopâtre Séléné, disent les partisans du Tombeau de Juba. Par cette porte, qui était également fermée d’une dalle, sept marches mènent à la galerie circulaire. Celle-ci, très bien conservée, pavée en losanges, à la façon des rues de Timgad par exemple, est pourvue tous les 3 mètres de petites niches creusées en quart de sphères et destinées sans doute à contenir les lampes à huile, puisqu’on y remarque encore des traces de fumée. La galerie a environ 150 mètres de long, est large de 2 mètres et haute de 2 m 40. Elle fait presque tout le tour du monument, mais, arrivée près de son point de départ, elle décrit un coude brusque presque à angle droit vers le centre. Les caveaux auxquels elle aboutit sont fermés eux aussi par des portes-dalles qui s’ouvraient autrefois à volonté, toujours comme dans les chapelles des tumuli égyptiens, mais qui semblent bien étroites pour avoir pu autrefois laisser passer des sarcophages. La première pièce a 4 mètres de long sur 1 m. 50 de large ; on y a trouvé, au moment de l’ouverture, quelques petites perles en pierre rare et des morceaux de bijoux en pâte de verre. Après un couloir de 3 m 40, on arrive dans la seconde pièce de 4 mètres sur 3, avec une voûte en berceau, située juste dans l’axe du mausolée ; on y remarque trois niches destinées égaleraient à recevoir des. lampes. Berbrugger pensa que ces deux caveaux étaient les chambres sépulcrales où avaient dû être déposés les sarcophages ; mais beaucoup de savants estiment, aujourd’hui, que ces chambres sont simplement des chapelles où les parents et les prêtres venaient, à certains jours anniversaires, procéder à des cérémonies religieuses, en l’honneur des défunts, certainement inhumés dans un caveau plus somptueux et plus vaste, ménagé sous le sol et dont l’issue secrète a échappé jusqu’ici, pensent-ils, à toutes les investigations. L’avenir décidera peut-être qui a raison
LEGENDES Comme il fallait s’y attendre - nous sommes au pays du merveilleux - les légendes. concernant le Tombeau sont nombreuses et diverses. Et d’abord, il y a celles du trésor. Elles ont des variantes multiples et remontent probablement très loin dans le temps. Le " Kober Roumia ", disent les indigènes de la région algéroise, contient un trésor sur lequel veille la fée Halloula. Gsell (4) a recueilli une version de ce légendaire selon laquelle un berger du voisinage avait remarqué qu’une de ses vaches disparaissait toutes les nuits ; cependant, le lendemain matin il la retrouvait au milieu de son troupeau. Un soir il l’épia, la suivit et la vit s’enfoncer dans le monument par une ouverture qui se referma aussitôt. Le jour suivant il s’accrocha à la queue de sa bête au moment où elle allait disparaître et put, ainsi, entrer avec elle. Il sortit à l’aube, toujours cramponné à sa vache mais avec tant d’or qu’il devint un des plus riches seigneurs du pays. Autre légende de même inspiration (4) : Un Arabe de la Mitidja, tombé entre les mains des chrétiens, avait été emmené en Europe et était devenu l’esclave d’un vieux savant espagnol fort expert en sorcellerie. Un jour, celui-ci lui rendit la liberté sous la condition qu’aussitôt revenu chez lui, il irait au Tombeau, y allumerait un feu et, tourné vers l’Orient, y brûlerait un papier magique qu’il lui remit. L’Algérien obéit. A peine le papier était-il consumé qu’il vit la muraille s’entr’ouvrir et livrer passage à une immense nuée de pièces d’or qui s’envolèrent dans la direction de l’Espagne où elles allèrent, sans aucun doute, rejoindre le sorcier. Berbrugger rapporte une recette magique tirée de la sorcellerie marocaine pour trouver le trésor du Tombeau : " Endroit appelé Tombeau de la Chrétienne. - Si tu t’y rends, tiens-toi debout à la tête du Tombeau faisant face au Sud ; puis regarde vers l’Est et tu verras deux pierres dressées comme un homme debout ; par une fouille, descends entre elles, et tu y rencontreras deux chaudrons après avoir immolé. " Naturellement, les maîtres de la Régence d’Alger ne manquèrent pas d’être impressionnés par des récits aussi merveilleux et alléchés par les magnifiques trésors qui devaient dormir sous cette montagne de pierre. Au XVIe siècle, le pacha Sala Reïs fit canonner le Tombeau avec l’espoir de mettre au jour des caisses d’or et de pierreries. Mais les boulets de ses bombardes ne réussirent qu’à ouvrir une brèche large mais superficielle au-dessus de la fausse porte de l’Est. Sala Reïs employa alors de nombreux esclaves chrétiens à faire une ouverture dans la muraille, mais ses ouvriers furent mis en fuite, disent les narrateurs populaires, par des légions de gros frelons noirs ; probablement, interprète Gsell, s’agissait-il des moustiques qui pullulaient dans la région avant le dessèchement du lac Halloula. Au XVIIIe siècle, un dey employa des travailleurs marocains à de nouvelles fouilles, mais sans plus de succès. Ces fouilles-là, cependant, furent plus néfastes au monument que les bombardements de Sala Reïs, car les Marocains déchaussèrent les tenons de plomb qui liaient les blocs pour en faire des balles. Les blocs, n’étant plus scellés les uns aux autres, s’affaissèrent lentement et finirent par culbuter, si bien que, depuis cette époque, le Tombeau s’écroule en partie. Dans une lettre du 15 novembre 1865, Berbrugger rapporte une autre légende relative au Tombeau de la Chrétienne qu’on trouve dans Marmol et à laquelle nous avons fait allusion plus haut, mais d’une inspiration différente, celle-là. " La légende, plutôt que l’histoire, dit que le comte Julien, Gouverneur de l’Andalousie, au commencement du VIIIe siècle, pour venger un attentat du roi Roderik contre la vertu de sa fille, la belle Florinde, livra aux Arabes le passage d’Afrique en Espagne, dans l’année 711 ; Florinde, victime mais non complice du crime royal, fut pourtant et demeure flétrie jusqu’à nos jours de l’épithète " Cava ", qui se prononce " Caba " (prostituée), mot d’origine arabe, dont la signification n’est que trop connue ici. Les Espagnols, ayant entendu les indigènes donner le nom de Kober Roumia au Tombeau de la Chrétienne, ont fait de cette désignation qu’ils ne comprenaient pas, celle de " Cava " ou " Caba Roumia ". D’où ils ont conclu que c’était la sépulture de la fameuse " Cava " ; et alors ils ont donné au golfe qui s’étend sous le monument le titre de " Bahia de la Mala Myer ", Baie de la Mauvaise Femme.
Ajoutons enfin que des traditions locales toujours vivantes prétendent qu’une galerie appelée " Ras-el-Mendjel " mènerait de l’intérieur du Tombeau jusqu’à une grotte du littoral nommée Mersa-es-Safa, située entre le Rocher plat et la Maison Etourneau. Mais personne n’a encore retrouvé ni le Ras-el-Mendjel ni la Mersa-es-Safa.
LES FOUILLES DU TOMBEAU
Quoiqu’il en soit, Berbrugger fut parmi les premiers Français qui approchèrent le Kober Roumia. Le 20 octobre 1835, le Maréchal Clauzel, Gouverneur Général, accompagné de son secrétaire particulier Berbrugger, et escorté d’une colonne mobile, alla visiter l’imposante et mystérieuse pyramide de pierres : visite trop rapide pour que d’utiles observations aient pu être faites. Par ailleurs, la région, à cette époque, n’était pas assez sûre pour qu’une expédition scientifique pût avoir lieu. Dix ans plus tard, en 1845, le comte Guyot, directeur de l’Intérieur à Alger, vint à son tour, au cours d’une tournée dans la Mitidja, visiter le Tombeau.
Entrée secrète sous la fausse porte
A son retour, il demanda au Maréchal Soult, Ministre de la Guerre, un crédit de 5.000 francs pour entreprendre des fouilles, crédit qui lui fut refusé faute de fonds, et aussi de crainte que - on ne voit pas bien poûrquoi - ces " travaux ne produisent mauvais effet sur les Arabes ".
Enfin en 1855-1856, comme nous l’avons précédemment indiqué, Adrien Berbrugger fut chargé par le Maréchal Randon, Gouverneur Général, de pratiquer les premières fouilles. Mais, comme toujours en pareil cas, - les ressources financières ne tardèrent pas à manquer. Ce n’est qu’en 1865, à l’occasion d’un passage de Napoléon III près du Kober Roumia, qu’une exploration sérieuse fut décidée, alimentée par des fonds que l’Empereur préleva sur sa cassette particulière (5). Une décision de juin 1865 désigna MM. Berbrugger et Mac Carthy comme chargés de travaux. Par une entente tacite, ce fut Berbrugger qui prit la direction effective de l’expédition. Durant les 7, 8 et 9 juillet, Berbrugger et Mac Carthy rendirent une première visite préparatoire au mausolée mauritanien, pour reconnaître le terrain et préparer un plan d’exploration. Le double but que s’étaient fixés les explorateurs était de déblayer suffisamment la construction pour retrouver la forme architecturale primitive du Tombeau, rendue informe par l’action conjuguée du temps et des chercheurs de trésors, et de découvrir l’hypogée qu’il devait contenir. L’édifice à explorer, on l’a vu, présentait une élévation de 33 mètres sur une base de 128 mètres. Les pierres écroulées entouraient le bas du monument sur une hauteur de 14 mètres. De plus, il ne fallait pas ajouter de nouvelles détériorations à celles déjà existantes. Par ailleurs, le mausolée était loin des voies régulières de communication, à 7 kilomètres de tout centre de population. Le 5 novembre 1865, l’expédition arriva sur le terrain sauf, naturellement, Mac Carthy, qui ne la rejoignit que le 6 décembre.
Les travaux ne devaient aboutir que le 5 mai 1866 à 2 h. 15 de l’après-midi. Ce jour-là, le trépan, qui travaillait dans la partie Sud du mausolée, tomba dans le vide, indiquant une cavité. Un boyau de mine horizontal de 6 m 75 fut aussitôt creusé en partant du point le plus proche de l’extérieur et les explorateurs accédèrent bientôt au couloir circulaire long de 150 mètres qui se love au coeur du monument ; en poussant jusqu’au bout, ils parvinrent aux trois caveaux centraux qu’ils trouvèrent vides. Après quelques sondages complémentaires, l’exploration du Tombeau de la Chrétienne fut considérée comme terminée par les explorateurs ; elle ne donnait pas de grands résultats.
Berbrugger consigna le résultat des travaux d’exploration du Tombeau dans un livre qu’il publia en 1867 chez Bastide, à Alger : Le Tombeau de la Chrétienne, Mausolée des Rois Mauritaniens de la dernière dynastie, par M. Berbrugger, Inspecteur général des Monuments historiques et des Musées archéologiques de l’Algérie, etc..., avec vues du monument avant et après l’exploration et plan de l’hypogée. Ce livre se trouve à la Bibliothèque nationale d’Alger, inscrit sous le N° 52.173.
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(1) D’après un orientaliste, M. Juda, cité par Albert Caise dans sa notice sur le Tombeau (Blida, Mauguin édit., 1893) Kobor roumia signifierait en phénicien : " Tombeau royal ". Par ailleurs, indiquons que selon Shaw (Voyages en Barbarie et au Levant, trad. française, La Haye, 1743, p. 58, tome I) les Turcs nommaient le Kober " Maltapasy ", c’est-à-dire : le Trésor du Pain de sucre, et qu’il servait " de direction aux matelots ".
(2) Le raisonnement sur lequel on se base pour voir dans le Kober Roumia le tombeau de Juba II est assez fragile malgré tout, et paraît une simple spéculation de l’esprit. Le voici : Pomponius Mela, que nous venons de citer, écrivait son De situ orbis, vers l’an 45 p.C. Le géographe Strabon ne parle pas de ce moment dans sa description des côtes d’Afrique qui est antérieure à l’an 12 p.C., date de sa mort. Donc, le tombeau a été construit entre les années 12 et 45. Or, Juba II étant mort vers l’an 25, il s’ensuit.. - Ajoutons, toutefois, qu’on a recueilli, dans le déblai du N.O. un moyen bronze de Juba II
(3) Il est difficile de parler du Tombeau de la Chrétienne sans signaler qu’il existe dans le département de Constantine, près de Batna, un Mausolée analogue, le Medracen, qui serait le Tombeau de Massinissa, et qui semble avoir inspiré les constructeurs du Kober Roumia. L’un et l’autre sont essentiellement formés d’un énorme tas de pierres recouvert d’une enveloppe architecturale. Le tas de pierre, plus ou moins haut, plus ou moins orné, a toujours été une sépulture africaine.
(4) Stephan Gsell. - Cherchell, Tipasa, Tombeau de la Chrétienne. - Adolphe Jourdan, éditeur - Alger.
(5) Les frais d’exploration s’élevèrent en tout à 15.000 fr. (lettre du 14 juin 1866).
Robert Dournon
- Entrée secrete du tombeau
- Forage pratiqué par les archéologues
Plan interne - Plan interne
- Une des quatres portes exterieures, une croix est gravée dessus (croix non chretiennes)
- Fausse porte
Couloir interieur
La sculpture interieur du lion et de la lionne
Robert Dournon
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Le Chenoua vu depuis le Mausolé
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