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Marnia Lazreg, professeur de sociologie à Hunter College et au Graduate Center de la City University of New York, aux Etats Unis, vient de publier, un de ses derniers travaux universitaires consacré à la torture, sous le titre "Torture and the twilight of empire : from Algiers to Baghdad" ou "La torture et le déclin de l’empire colonial : D’Alger à Baghdad". Au moment où les Etats-Unis se trouvent plongés en plein scandale de la destruction de cassettes vidéo montrant des interrogatoires musclés menés par les services de la CIA contre de présumés terroristes, la publication de l’universitaire algérienne installée aux Etats Unis braque les projecteurs sur certaines réalités de la guerre de libération nationale qu’une certaine opinion française a toujours tenté de cacher ou renier, comme la torture et les massacres collectifs, mais aussi révèle des aspects poignants de l’occupation américaine de l’Irak. Le Dr Marnia Lazreg, spécialiste des questions touchant notamment aux femmes et à la société algérienne et arabe dans ses dimensions politique et sociologique, avait participé, début novembre dernier, à l’organisation, au Graduate center de l’Université de New York, d’une conférence-débat sur la torture pratiquée par l’armée française durant la guerre d’Algérie. La conférence animée par la moudjahida Louisette Ighilahriz, auteur d’un livre autobiographique, "Algérienne", avait pour thème "une femme contre la torture". Saluée par la critique comme "une recherche universitaire" qui arrive à point nommé pour faire la preuve que la torture est "une pratique abjecte", la publication, sortie récemment sous les presses de Princeton University Press (USA), décortique la relation intime entre la torture et le système de domination coloniale à travers un examen minutieux des méthodes et tactiques coercitives de l’armée française pendant la guerre d’Algérie de 1954 à 1962. En retraçant la portée psychologique, culturelle et politique de cette pratique des temps barbares qu’est la torture au crépuscule de l’empire colonial français, Marnia Lazreg porte un éclairage nouveau sur le recours à la torture par l’armée d’occupation américaine en Irak et en Afghanistan. Ce livre, soulignent plusieurs lecteurs et critiques, n’est plus ni moins qu’une "anatomie de la torture" et une analyse de ses méthodes, justifications, fonctions supposées ou réelles et conséquences. En s’appuyant sur des archives, des témoignages de personnes victimes de tortures, des confessions de tortionnaires, des entretiens avec d’anciens soldats, des témoignages de guerre, des reportages et enquêtes de journalistes ou universitaires, ainsi que des écrits de certains penseurs et intellectuels, notamment les Français Jean-Paul Sartre et Albert Camus, Marnia Lazreg souligne que les nations occupantes justifient l’utilisation systématique de la torture en tant que "moyen regrettable mais nécessaire pour sauvegarder la civilisation occidentale contre ceux qui défient leur hégémonie". A travers ce livre, elle démontre comment la torture était centrale à "la guerre révolutionnaire", une théorie française qui préconisait, dit-elle, une guerre totale contre la population soumise et qui était la source d’"une stratégie de pacification fondée sur des techniques psychologiques brutales empruntes aux régimes totalitaires". Marnia Lazreg tente aussi d’appréhender l’impact de la torture sur les populations algériennes, plus spécialement les femmes, mais aussi sur les soldats français qui en étaient les auteurs. Elle explore le rôle de la religion dans la rationalisation de ces actes, et les méthodes par lesquelles la torture est devenue non seulement un phénomène routinier mais aussi une pratique acceptée. "La torture et le déclin de l’empire colonial : D’Alger à Baghdad" interpelle le lecteur sur des événements plus récents, notamment les guerres en Irak et en Afghanistan, et renseigne sur des aspects inquiétants de la "war on terror" (guerre contre la terreur) dans laquelle le monde d’aujourd’hui est plongé et engagé malgré lui. . . . |
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