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Rencontre d’une artiste peintre et d’un pays, de Taieb Larak :
Les couleurs d’Algérie vues par une artiste
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Bettina est le titre d’un beau livre de Taieb Larak qui vient de paraître à compte d’auteur aux éditions Nakhla d’Alger. Il s’agit de l’artiste peintre Bettina Heinen-Ayech, de sa vie et surtout de ses œuvres superbement réalisées. C’est la rencontre d’une artiste peintre et d’un pays… l’Algérie.
S’il est une caractéristique que l’on retrouve dans les œuvres de cette artiste perfectionniste, c’est bien l’éclectisme, depuis les paysages d’El-Oued et de Hammam Meskhoutine, qui éveillent des résonances sociales profondes, jusqu’aux tableaux intimistes.
Si elle découvre avec une joie sans cesse renouvelée les riches coloris des champs de blé parsemés de coquelicots et d’oliviers, c’est à Guelma, sa ville d’adoption, et dans la Mahouna qu’elle trouve son inspiration la plus durable et la plus intense.
Bettina Heinen-Ayech, une artiste qui vit en Algérie, plus exactement à Guelma, a consacré plus de 40 ans de peinture à ce pays qu’elle aime. Dans cet ouvrage, on compte des dizaines d’aquarelles, mais aussi des dessins sur différents thèmes, allant des paysages, à la nature morte et passant par des portraits et autoportraits.
Dans la préface, Taieb Larek écrit : «Pour Bettina, l’aquarelle est un art majeur auquel elle s’est consacrée totalement, avec un soin extrême, pendant des décennies.» On retrouve également un texte de Bernard Zimmermann intitulé «Sous le soleil d’Algérie», de Hans Karl Pesch, «Au cœur de la vie artistique de Bettina», d’Edwin Wolfgang Dahl, «Regard dans les cieux ouverts», de Bettina Heinen-Ayech, «Vie et œuvre», et enfin de son ancien professeur, Erwin Bowien.
Dans «Rencontre d’un peuple et d’un pays, Bettina Heinen-Ayech et l’Algérie», Claude Touili, agrégé de l’université, écrit : «Bettina Heinen-Ayech peut, à juste titre, revendiquer son algérianité autant que ses origines allemandes-elle est née le 3 septembre 1937 à Solingen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où elle connut toutes les difficultés matérielles de l’après-guerre.
Mais le milieu d’intellectuels et d’artistes auquel appartenait sa famille sut favoriser l’éclosion de dons précoces – ainsi vend-elle son premier tableau à 12 ans…» Tout le talent de cette artiste réside dans sa capacité de combiner ses sensations et les expressions qu’elle en donne… Elle possède l’art d’organiser symphoniquement les couleurs.
Le monde vient à elle comme une mer de visions colorées, multiples, complexes, mêlées les unes aux autres. Les couleurs ne vivent pas par elles-mêmes, toutes entrent dans chacune d’entre elles pour la détruire et la recomposer. Les aquarelles de Bettina sont comme un prisme où la nature se reforme toute seule dans le jeu et la pénétration réciproque des tons, des ombres, des reflets et de la lumière.
Cette lumière, Bettina la découvre dans ce pays qu’est l’Algérie, qu’elle sillonne et qui lui donne de l’inspiration…du soleil, de la lumière. «Tous les Méditerranéens ferment leurs persiennes, surtout en été. Moi, je n’ai jamais pu faire cela ! Sans la lumière, j’ai l’impression d’être enterrée… J’étouffe.» Bettina crée, entre des accords aigus, des stridences, des dissonances, des harmonies avides, ainsi, parfois, elle asperge ses toiles de couleurs qui giclent sur le support, de même elle les farde d’orange, de bleu indigo, de jaune, de chrome, de vert acide comme des pommes pas encore mûres, de vert tendre comme l’herbe des prés.
Au gré de sa fantaisie, elle les «pomponne» de châtain, de rose nacré, de roux cuivré chauffé au niveau du mordoré. Elle organise de la sorte des joutes endiablées de couleurs vives et les «saoule» avec les alcools violents de teintes exquises.
Quant à la lumière, elle s’en sert comme d’une lanterne magique allumée au feu de la rampe qu’elle promène comme une enchanteresse poétique pour les éclairer de reflets imaginaires, de lueurs blafardes. Les œuvres de Bettina ont cette pureté, cette transparence de ton, cette magnificence intacte émanant de la nature même, tellement dure et condensée qu’elle semble, comme un diamant noir, rayonner sa propre lumière.
La vallée de Seybouse, la Mahouna et Biskra lui donnent une inspiration fugueuse… Elle est la conteuse puissante de la campagne. Bettina peint cet olivier dont le feuillage luit, presque noir : son tronc est tourmenté, son environnement avide, mais ses myriades de feuilles argentées bruissent d’une musique secrète et nostalgique à la moindre brise.
C’est cette musique, si énigmatique, si difficile à interpréter que cette artiste cherche à saisir. Bettina chante la nature. Son œuvre est un poème dont chaque vers nous séduit davantage, dont les rimes nous ramènent à l’essence de notre terre, de l’eau, de la lumière, des arbres… Cette beauté sincère nous touche au plus profond de notre être.
Dans la simplicité de son œuvre, Bettina met en lumière nos regrets face au temps révolu dont seule la nature demeure un témoignage vivant. «En Europe, j’ai tendance à exagérer dans le choix de mes couleurs. Ici, en Algérie, les couleurs sont si fortes qu’elles s’imposent à moi.
En Europe, j’étais tourmentée, je ne pouvais même pas donner une explication quant aux couleurs que j’utilisais. Mon histoire avec l’Algérie a commencé avec ma rencontre, en 1960 à Paris, avec Abdelhamid Ayech qui deviendra mon mari.
C’est un être modeste et bon. C’est à travers lui que j’ai connu les Algériens. Je suis arrivée en Algérie avec un esprit romantique, lequel d’ailleurs continue à m’habiter. Ici, la vie a une autre dimension. En Algérie, au coucher du soleil, toutes les maisons baignent sous la lumière rose et le crépuscule donne un sentiment de repos et de paix.
Quand je suis à Solingen, ma ville natale, je suis impatiente de retourner à Guelma. A Guelma, j’ai le temps de vivre et de rêver.»
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par Belkacem Rouache
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