...la double face de son droit régalien
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« Il faut craindre chaque jour les heures de l’aube... » Madeleine Riffaut (L’Humanité, lundi 1er août 1960)
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La première semaine de juillet 1960, l’ensemble des titres à la une des quotidiens et hebdomadaires français commentaient ou déploraient l’échec des pourparlers de Melun.
Le monde entier et les
Français partisans d’une paix immédiate avec l’Algérie découvrent,
consternés, les incohérences de la démarche gaullienne qui consiste à
faire semblant de tendre la main vers la paix en avançant d’un pas,
pour reculer de deux. Alors et surtout qu’il n’a pas l’alibi de ses
prédécesseurs d’être à la tête d’un gouvernement faible. Le
gouvernement provisoire de la République algérienne s’apprête à en
tirer les conséquences, après débat interne entre les différents
courants en présence, alors que sur la scène internationale, des chefs
d’Etat, de plus en plus nombreux, prenant acte de la duplicité de la
partie française, déclarent expressément leur soutien à la légitimité
des revendications des Algériens. L’analyse du déroulement des faits et
du contexte entraîne, inévitablement, la correction, textes législatifs
et documents à l’appui, des falsifications ayant pour but de dresser,
par des occultations et à l’aide de références parcellaires, un
portrait flatteur de de Gaulle. Seul l’accès sans restrictions aux
archives publiques, ayant trait à cette période, mettrait un terme à
leur exploitation spéculative. La délégation algérienne devait être
reçue comme vaincue, venant gagner une paix honorable, à défaut d’avoir
gagné la guerre, selon le scénario préparé par les négociateurs
français. Les services d’action psychologique de l’armée, les fameux
5es bureaux, inondèrent simultanément la population de tracts
l’invitant à se rendre, elle aussi, puisque ses représentants
capitulaient à Melun : énième incohérence, puisque la population était
réputée acquise à la France, d’après les rapports de ces mêmes 5es
bureaux. Pour prendre un avantage avant la rencontre fixée pour juin,
du 23 février au 5 avril, cinq têtes sont tombées au Fort Montluc à
Lyon, dont deux fois en double exécution. Une trêve est observée
ensuite. Ulcéré de n’avoir pu rapporter la preuve de sa prétendue
victoire sur le terrain par la reddition des leaders algériens, de
Gaulle va entretenir l’illusion en rappelant envers et contre tous
qu’il lui reste le sinistre droit régalien, hérité du second Empire, le
maniement de la guillotine. Le 8 juillet, Mokrani Mohamed passe sous le
couperet à Dijon ; suivi par Taper Boukhemis, le lendemain à Lyon et
par Guelma Mohamed le 27 juillet à La Santé, à Paris. Le 28 juillet, la
presse reproduit une pétition contre les exécutions d’Algériens signée
par cent avocats des barreaux de Paris, Lyon, Marseille. Le 25 juillet,
après un simulacre d’entrevue avec un avocat commis d’office, il refuse
le recours en grâce du jeune Lakhlifi Abderrahmane, 19 ans tout juste
révolus, condamné à mort le 12 janvier de la même année par le TPFA de
Lyon, dans des conditions honteuses pour la justice française, selon
les témoignages et comptes rendus d’audience des journalistes
présents : les inculpés privés de leurs défenseurs sont expulsés du box
et la sentence est rendue en l’absence de plaidoiries. Une
mobilisation, demandant de surseoir à l’exécution, démarre à
l’initiative de ténors de la vie politique, intellectuelle,
artistique : Aragon, Jean-Paul Sartre, François Mauriac, Pablo Picasso,
Marcel Carné, Simone de Beauvoir, Georges Arnaud, Me. Henri Torrès,
Jean et Pierre Prévert, Joseph Kessel, Pierre Laroche, André Stil, Elsa
Triolet, Claude Roy. Ils sont rejoints par des acteurs de renom : Serge
Reggiani, Danièle Delorme, Yves Robert, Raymond Bussières, Annette
Poivre, René Pigaut. Ils en appellent à l’intervention du pape, de
Hammarskjöld, Eisenhower, Khrouchtchev, Elisabeth II, Nehru, Bourguiba,
Mohammad V, Sékou Touré, du BIT, du CICR. Une deuxième vague de
protestataires lui adresse directement un appel signé d’enseignants
universitaires, d’officiers de la Légion d’honneur, des avocats de Lyon
appuyés par leur bâtonnier, des responsables syndicalistes, des
présidents du Mouvement pour la Paix, du Secours populaire, des
associations de prisonniers de guerre et de résistants, demandant que
tous les Algériens soient graciés. Les quotidiens datés de
dimanche-lundi 31 juillet-1er août annoncent, à la une, l’exécution de
Abderrahmane Lakhlifi, le samedi 30 à l’aube. Dans un bref communiqué
en guise de réponse aux multiples interventions, de Gaulle prétend
qu’il a été fait application de la loi et rappelle que cette affaire
est de la compétence exclusive de la justice française. Si Le monde
s’en tient à un article des plus conventionnels, l’hebdomadaire
L’Express du 4 août va répliquer à cette affirmation inexacte en
détaillant et dénonçant les conditions d’arrestation, d’interrogatoire,
de condamnations et d’exécution du jeune martyr. Cela lui vaudra d’être
saisi à Alger. Dans le réquisitoire, ce patriote était accusé de
« participation à une organisation formée dans le but de préparer ou de
commettre des crimes contre les personnes et les propriétés et de
soustraire à l’autorité de la France une partie des territoires sur
lesquels cette activité s’exerce ». Ce qui se traduit en langage décodé
par membre du Front de libération nationale. Dans un rapport très
prudent, le médecin légiste officiel constate « 45 jours après, sur son
corps des lésions qui ressemblent à des cicatrices de brûlures et qui
peuvent parfaitement avoir été provoquées par le passage de courant
électrique ». On lui refusa l’assistance de l’avocat algérien qu’il
avait choisi et qui n’avait pas non plus été reçu à l’Elysée pour
plaider le recours en grâce ; un avocat commis d’office ayant été
convoqué à sa place. La nouvelle
s’est répandue le matin même dans les maquis. L’ALN, dans une
embuscade, intercepte un convoi de l’armée française dans les falaises
de Djebel Chenoua, le dimanche. Le monde titre en première page du
mardi 2 août : « Près de cinq mille hommes traquent les rebelles dans
le massif du Chenoua, déclaré zone interdite. » Et, le lendemain : « La
bande rebelle ne serait forte que d’une trentaine d’hommes. » Dans les
mêmes éditions, on peut lire : « Un obus piégé explose dans le train
Alger-Oran », mais aussi « L’objecteur de conscience H. C... est
condamné à deux ans de prison pour son second refus d’obéissance » ou
encore, « Un champion de ski, mobilisé, tue accidentellement un de ses
camarades. » Des tracts appelant les jeunes gens à l’insoumission sont
distribués à Paris ; l’hebdomadaire Témoignage Chrétien est poursuivi
pour provocation des militaires à la désobéissance. Parfois, un petit
encart publicitaire invite à participer à la « Tombola du soldat ». Qui
doutait encore de l’issue du conflit ? Ce qui n’empêche pas, dans les
colonnes voisines, M. P. Delouvrier, délégué général du gouvernement,
de déclarer : « Actuellement se fonde en Algérie une entreprise
industrielle tous les deux jours » et le « Bulletin d’information du
ministère des armées » de constater les progrès de la pacification et
d’annoncer une nouvelle direction de l’information avec des méthodes
rénovées et des moyens renforcés. Le samedi 6 août, Miloud Bougandoura
et Abdelkader Makhlouf sont accompagnés à l’échafaud par l’hymne
national chanté par leurs compagnons du couloir de la mort de Fort
Monluc : De Gaulle, dans ce cas aussi, va user d’un procédé inconnu du
Code de procédure pénale qui consiste à convoquer un avocat commis
d’office pour présenter le recours en grâce, une fois la date de
l’exécution fixée. Lundi 29 août, L’Humanité, dans un encadré bordé de
noir, fait part de la double exécution de Mohamed Tirouche et Ali
Seddiki, le samedi 27 à 5h 5, dans la cour de La Santé. Me. A.
Benabdallah, avocat algérien du barreau de Paris, empêché par de
multiples stratagèmes administratifs d’assurer la défense, alerte le
Comité international de la Croix-Rouge sur le sort de dix-sept autres
condamnés à mort dans les mêmes conditions. Sans doute pour signaler
son retour de vacances, de Gaulle accroche à nouveau, à son palmarès,
la tête de Mohamed Benzouzou, le 26 septembre. Salah Dehlil suivra, en
janvier 1961. Les exécutions simultanées dans les prisons d’Algérie,
dont certaines quadruples, comme à Oran, le lundi le 1er août, ne
figurent pas dans cette étude qui est consacrée aux Algériens
condamnés, exécutés dans les prisons de France : soit seize chouhada,
en l’état de nos investigations à ce jour, du 23 février 1960 au 31
janvier 1961. Difficile de ne pas parler de soif inextinguible... ou de
rage. Les calculs qui sous-tendent sa dernière « ruse » prêteraient à
rire par leur simplisme si elle ne s’appuyait sur un recours effréné à
la guillotine. De Gaulle nourrissait l’illusion de réunir une « table
ronde » avec des « commissions d’élus » qui seraient opposées à toute
forme d’Etat algérien et surtout, sans les exilés de Rabat, Tunis, le
Caire, Pékin... Selon ses proches, il introduisait, maintes fois, ses
entretiens avec ses conseillers, par « mon grand ami Bao Daï ».
Apparemment, il en cherchait un pour l’Algérie ; et puis, en désespoir
de cause, pourquoi ne pas tenter de la démanteler, en enclaves
géographiques et... ethniques, à savoir détacher le Sahara, garder un
comptoir maritime qui serait peuplé d’Européens et de Français de
souche nord-africaine, selon le vieux rêve de Georges Bidault d’une
province française de l’Oranie. J.-J. Servan-Schreiber, dans son
éditorial du 4 août, qualifia cette politique de machiavélisme de
sous-préfecture. D’ailleurs, les journalistes français, qui ne sont pas
adeptes inconditionnels de la peine capitale, verront leur cas traité
par la refonte de la Loi de 1881, sur la liberté de la presse, inscrite
au programme de la rentrée parlementaire. A Tunis, le GPRA, au grand
complet, n’était pas en vacances et débat en audience publique devant
un parterre d’observateurs et de journalistes accrédités de
l’adaptation de sa stratégie face à un de Gaulle qui venait de
dévoiler, à la face du monde, la manoeuvre cachée derrière son offre de
pourparlers : à défaut d’une victoire par les armes, sauver sa vanité
d’être le maître du jeu... et de la guillotine, en essayant de rouler
tout le monde, toujours selon Servan-Schreiber. L’échec des pourparlers
de Melun va induire une nouvelle redistribution de la diplomatie de
l’état major FLN/ALN dont les leaders font désormais les pages de
couverture de magazines internationaux prestigieux. Ils réactivent
quelques dossiers mis en attente pendant les préparatifs pour la
rencontre. Dans la foulée, l’Algérie dépose auprès du gouvernement de
la confédération helvétique une demande officielle de ratification des
Conventions de Genève. En fait, dès le 10 décembre 1958, nouvellement
promu président du Conseil des ministres, il édicte le « décret fixant
le mode et lieu d’exécution des peines capitales prononcées par les
juridictions militaires d’Algérie ». Ce décret signé avec P.
Guillaumat, ministre des Armées et M. Debré, garde des Sceaux,
reconduit le décret n° 56-269 du 17 mars 19S6 signé par G. Mollet,
M. Bourgès-Maunoury, F. Mitterrand et R. Lacoste en y ajoutant, en son
article 4 bis, que les condamnations à la peine de mort « reçoivent
effet au lieu où le tribunal a prononcé son jugement ». Il prévoit donc
dès son arrivée par putsch militaire du 13 mai 1958, faut-il le
rappeler, l’augmentation du nombre des prisons où l’on devra
guillotiner. La messe est dite avant d’avoir été prononcée. Il ne
répugnera pas, non plus, et couvrira le recours à des procédés dits non
conventionnels. En particulier, les Détachements opérationnels de
protection (DOP), composés d’officiers du SDECE, étaient chargés des
interrogatoires des prisonniers et suspects. Ils n’ont été dissous que
le 31 août 1961 et leurs personnels répartis au sein d’autres
formations, sans interdiction aucune de poursuivre leurs méthodes. Le
discours fallacieux en faveur de la paix n’est destiné, en priorité,
qu’à abuser l’opinion des Français, de plus en plus nombreux à demander
le rapatriement sans plus tarder du contingent. Il convient de
rectifier et dénoncer les versions retouchées s’appuyant sur des
connaissances tronquées, au mépris de la réalité établie par des
documents banalement accessibles, comme le Journal officiel ou les
articles de presse. A titre d’exemples· de falsifications grossières,
vérifiables par tout un chacun, les déclarations de plusieurs
intervenants, publiées dans les « Actes du colloque, 29-30 novembre
2001, Palais du Luxembourg : de Gaulle et la Justice ». On y relève
page 44, sous signature J. Delarue : « J’ai dans mes archives la
photocopie de la liste, de la main du bourreau d’Alger, des exécutions
auxquelles il a procédé en un an, de 1957 au printemps 1958, 142. C’est
un des cas où on trouve des quadruples exécutions ce qui en France
était exceptionnellement rare (des triples, de nombreuses doubles).
Après l’arrivée du général au pouvoir, il n’y a plus eu que deux
exécutions à Alger, c’est dire combien, il était sensible à ce
problème ». Sans commentaires. Plus bas, l’ancien ministre de la
Justice, J. Foyer, persiste et signe : « Dans cette période, le plus
grand nombre d’exécutions capitales a eu lieu alors que le quatrième
président de la République était garde des Sceaux. » Nous signalons que
les archives concernant les condamnations à mort sont répertoriées à la
Direction des affaires criminelles et des grâces à son ministère. Il
est vrai que les approximations ne nécessitent pas de vérifications. A
son actif, ce garde des Sceaux du gouvernement Pompidou, d’avril11962 à
avril 1967, a raconté dans ses mémoires, publiées en 2006, comment il a
usé de subterfuges pour éviter les condamnations à mort des chefs OAS
et reclassé, avec avancement, les commissaires du gouvernement des TPFA
ayant requis et obtenu des têtes d’Algériens, au Conseil d’Etat, à la
cour de cassation et à la Chancellerie. Il y fait, aussi, étalage des
précautions prises lors de la rédaction des lois d’amnistie afin
d’éviter que les membres du FLN n’en bénéficient. Pourquoi ? Ils en
avaient besoin ? A. Peyrefitte, autre garde des Sceaux, a révélé que
« la guillotine fonctionnait si souvent qu’elle marchait mal et que les
exécutions devenaient aléatoires. Le ministère de la Justice étant
pauvre, F. Mitterrand demande à son collègue Bourgès-Maunoury, ministre
de la Défense, d’en fabriquer une autre, ce qui fut fait à l’arsenal de
Toulon, et de la lui livrer gratuitement ». Il oublie de signaler que
de Gaulle s’en était servi à pleines mains. A remarquer qu’aucun des
deux n’a émis la moindre observation sur l’institution dont ils ont
occupé le poste au sommet et qui avait rendu les arrêts de mort. Le
sang des Algériens, après avoir été répandu sans modération, alimente
aujourd’hui les spéculations franco-françaises des deux partis rivaux
qui se disputent en mentant quelques bulletins de vote et un rôle
présentable devant l’histoire : sauvegarder la stature d’un de Gaulle
pour les uns, réhabiliter la gauche mitterrandienne pour les autres.
Mais les deux camps restent complices in solidum sur un point, comme
jadis sur les exécutions : maintenir les archives barricadées derrière
un arsenal de lois, décrets et circulaires tous exécutifs et partis
confondus, pour continuer à soustraire la vérité à leurs concitoyens.
La Circulaire du 13 avril 2001, dernier texte en date, édictée par un
chef de gouvernent socialiste, pour théoriquement faciliter l’accès aux
archives publiques en relation avec la guerre d’Algérie est un tissu de
dispositions discriminatoires, en cascade, introduisant plus de
restrictions que les textes antérieurs. En particulier, elle établit
une censure préalable pour apprécier le sérieux de la demande, en
s’assurant le cas échéant des capacités et de la motivation (ou
motivations ?) de la personne dont elle émane. Pour un aperçu sur
l’exigence de capacités, il semble tout à fait pertinent de signaler le
cas d’espèce de Mme A. Freyssinier qui intervient justement à ce
colloque, sous l’intitulé « L’exercice du droit de grâce, par le
général de Gaulle » (p. 287 et ss). Après une introduction érudite,
citant Sénèque dans le texte, elle traite des condamnations à la peine
capitale de 1959 à 1969. On cherche désespérément la moindre allusion
aux arrêts rendus par les TPFA et naturellement aux recours en grâce
des Algériens. Selon cette latiniste, néanmoins nantie d’une mémoire
spongiforme, « sur cent quarante-six condamnations prononcées par les
cours d’assisses, douze ont été exécutées, soit une proportion de
peines commuées s’élevant à 91,7% ». On relève au premier abord la
confusion sur la compétence de la juridiction, appelée en langage
savant, la compétence ratione materiae, puisque les Pouvoirs spéciaux
dessaisissaient, selon la matière, les Cours d’assises au profit des
TPFA. Par contre, elle connaît l’existence du Haut tribunal militaire
qui a condamné les trois légionnaires des « commandos Delta », cités
par elle et Bastien-Thiry, l’auteur de l’attentat contre le général,
passés par les armes tous les quatre. Se pose, alors, une question :
Qui sont les huit autres exécutés ? Et, pourquoi seulement huit ? Alors
que les quotidiens français publient, en juillet-août 1960, le nombre
de huit pour Montluc, La Santé et Dijon. Il y eut cinq autres, de
février à avril 1960 et deux, en septembre 1960 et janvier 1961, soit
quinze, en France, en moins d’une année (sous réserve de la liste des
guillotinés dans les autres centres de détention, telle la prison des
Baumettes, à Marseille). Et, toujours sur les mêmes quotidiens, onze
guillotinés, entre août et octobre, à Oran, Tlemcen, Orléansville,
Mostaghanem, Tizi-Ouzou, Médéa, Alger ; en application, bien sûr, du
décret n° 58-1201 pris le 10 décembre 1958. Cette omission serait
anecdotique si elle n’était qu’individuelle. Or aucun intervenant sur
les vingt-cinq présents n’a évoqué l’affolement de l’instrument
sanglant à l’usage de sa diplomatie, ni mentionné l’inspiration
vichyste de la création, des tribunaux permanents des forces armées
dont il avait étendu les attributions. A savoir, la Loi du 14 août
1941, complétée par celle du 7 septembre, à l’initiative de Pierre
Pucheu, créa les sections spéciales, habilitées à juger en violation
des principes de non-rétroactivité des lois et de l’exception de
minorité, et sans instruction, tut comme les TPFA, instaurés une
dizaine d’années seulement après la fin de Vichy, par le décret
n053-1261 du 22 décembre 1953. Soit, un an avant le premier coup de feu
du 1er Novembre 1954. Pucheu le paya de sa vie après un procès
retentissant en 1944, et ironie de l’histoire, à Alger. Mais il est
vrai que ses victimes, envoyées à l’échafaud, étaient de meilleur teint
que les Algériens. Néanmoins, ce colloque a le mérite d’être
représentatif d’une exploitation partisane qui consiste à procéder à un
tri sélectif des données, pour les besoins d’une cause. De plus, il se
tenait à la Chambre haute du Parlement qui venait de voter la Loi de
1999, par laquelle il confessait, enfin, avoir menti à ceux qu’il était
censé représenter. Ces arguments constituent des motifs surabondants
pour justifier les revendications d’accès libre, sans restrictions, aux
archives ayant trait à la présence française en Algérie, dans l’intérêt
de la manifestation de la vérité. Seule cette mesure salutaire mettrait
un terme aux spéculations en permettant une analyse contradictoire. Qui
peut soutenir rationnellement, que des faits révolus depuis un
demi-siècle exposeraient la sûreté de l’Etat ou la défense nationale ?
L’institution exorbitante, par la circulaire du 13 avril 2001, d’un
pouvoir discrétionnaire en faveur d’une personnalité qui apprécierait,
en préalable, les qualités du demandeur, sur critères occultes, sinon à
la tête du client, n’apporte nullement une garantie d’objectivité, et
encore moins une garantie de capacités, comme le prouvent les exemples
rapportés ci-dessus. Il sera bien difficile de faire plus approximatif
et plus tendancieux. Chahid Abderrahmane Lakhlifi était le benjamin du
couloir de la mort du Fort Montluc. Il n’est resté persuadé jusqu’à
l’arrivée de ses bourreaux que l’absence de preuves dans le dossier
d’accusation et son jeune âge infléchiraient la sentence. Il a laissé
une lettre a son père et sa mère où il exprimait son amour pour sa
patrie qu’il rêvait de voir libérée et leur demandait de l’excuser pour
la peine qu’il leur fait. Son exécution prédéterminée avait suscite
autant d’indignation, parce que c’était emblématique des procédés
coutumiers d’une justice de la honte qui s’adonnait à la pratique du
meurtre légal depuis la tombée de la nuit coloniale sur l’Algérie.
Derrière les murailles des forts, la guillotine était un instrument, de
vengeance et d’appoint entre les mains d’un Guy Mollet et d’un de
Gaulle qui n’en finissaient pas « d’écraser le FLN par tous les
moyens ». Il n’est pas question, bien sûr, d’énumérer, ici, « tous les
moyens ». Signalons, tout de même, la promulgation du Règlement de
discipline générale des armées qui proscrit la torture, en date du...
1er octobre 1966. Dommage, qu’il ne l’ait promulgué plus tôt ! Enfin,
ne pas omettre de rappeler que ces actes irrévocables ont été exécutés,
trois ans durant, sous le ministère du réputé très humaniste et pieux
Garde des sceaux, Edmond Michelet. Reconnaissons qu’il finit par
démissionner... à la veille du 17 octobre 1961. A la mémoire de tous
les jeunes Abderrahmane, enfantés par la génération d’élite du 1er
Novembre 1954, qui ont écrit de leur sang la Geste algérienne, cette
contribution reconnaissante pour la libération de la patrie, en hommage
à leur courage viriliste émancipateur.
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Sources :
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• Actualité de l’émigation n° 106-1987 : « Couloir de la mort », par Mustapha Boudina (CCA).
• Tract Front de libération nationale - Fédération de France, 20 septembre 1960.
• El Moudjahid n° 71/14 octobre 1960 (Centre culturel algérien).
• EL Djeich, n° 508, novembre 2005.
• La documentation française (microfilm) : Le Monde /28 juil-8 août 1960 ; L’Humanité/juil- août 1960 ; L’Express/juil-août 1960.
• Jorf. (Lois et décrets) 12 dec. 1958 (p. 11173) et 19 mars 1956 (pp. 2656,2657) ; décret n° 53-1261,23 dec.1953 (pp. 11478,11479).
• Les archives en France. Rapport au Premier ministre. Guy Braibant (La documentation française, 1996).
• Actes Colloque-Palais du Luxembourg /29-30 novembre 2001 : « De Gaulle et la justice (éditions Cujas, avril 2003).
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