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Début de la guerre d'Algérie
Le 28 octobre 1956, René Lévesque anime pour la première fois l’émission Point de mire. (28 min 23 s)
http://archives.radio-canada.ca/IDC-0-18-2..._levesque/clip5
Diffusée en 1958 et consacrée à la guerre d’Algérie, la plus ancienne émission retrouvée dans le trésor des archives est présentée ici dans son intégralité.
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Il
s'appelait Abdallah. Il était originaire de Annaba, et avait été
caporal au sein de l'armée française. Il avait une telle passion pour
le football qu'il avait réussi à organiser un match en pleine zone
interdite, entre la katiba Zoubiria et le commando de la wilaya IV.
Quelque temps auparavant, il avait déserté d'un poste avancé situé à
l'est de Djebel Ellouh, dans ce vaste no man's land compris entre
Theniet El-Had et Médéa, une succession de montagnes reliant
l'Ouarsenis aux Monts de Blida. Mais pour ses compagnons, il était
Abdallah. Et c'est tout ce qu'ils savaient lui.
En cette
belle matinée de printemps 1959, la compagnie de l'ALN au sein de
laquelle avait été affecté Abdallah se trouvait à Reguita, un lieu-dit
au nord de Ksar Boukhari, dans la région de Médéa. Il faisait beau, un
splendide soleil illuminait les montagnes, en ce 21 avril 1959. Mais,
Abdallah n'avait guère le temps d'apprécier la majesté du paysage : sa
compagnie était encerclée par l'armée française. Plus grave encore, le
chef de wilaya se trouvait sur les lieux. Il fallait coûte que coûte le
sauver.
Abdallah n'est cependant qu'un exécutant. C'est au
commandant de compagnie de prendre les décisions. Celui-ci a rapidement
jugé la situation. Elle était critique. Il y avait une seule manière de
s'en sortir : aller au-devant des unités de l'armée française, les
accrocher, pour ralentir leur avancée, pendant que le chef de wilaya et
son escorte tenteraient de se frayer un chemin pour s'en sortir. Le
chef de compagnie appelle Abdallah. C'est lui qu'il choisit, car
Abdallah a une bonne formation militaire, il sait se battre, et c'est
un bon chef de groupe. Il lui explique rapidement la situation, et lui
donne l'ordre d'aller à la rencontre de la première ligne des unités de
l'armée française.
Abdallah le regarde un moment, et demande
à poser une condition. Le chef de compagnie est furieux. La situation
risque de basculer à tout moment, le chef de wilaya risque d'être pris
ou tué, et tout ceci à cause d'un chef de groupe qui veut poser ses
conditions.
Finalement, Abdallah déclare qu'il veut choisir
les hommes qui doivent l'accompagner dans cette mission. Le chef de
compagnie ne décolère pas. « C'est ton groupe, tu les connais, ils te
connaissent, c'est la meilleure solution », dit-il, voulant surtout en
finir avec ces palabres.
Mais Abdallah insiste : « je sais
que nous ne reviendrons pas de cette mission », dit-il. Il veut donc
une équipe à lui. Il veut choisir Amar, originaire de Azeffoun,
El-Biskri, un moudjahid originaire de Biskra, dont personne ne connaît
le nom, Houni, le surnom d'un autre moudjahid originaire de Khenchela,
Bouziane, de Méchéria, et Abderezak, d'Arzew, un déserteur qui avait
accompagné Abdallah lorsqu'il avait rejoint l'ALN. « nous ne
reviendrons pas, et lorsque nous tomberons, vous, qui allez peut-être
survivre, dites au monde comment a été dessinée la carte de l'Algérie
», dit Abdallah à son commandant de compagnie. Et aussitôt, il
rassemble ses compagnons, et s'en va à la rencontre des unités de
l'armée coloniale. Abdallah et ses compagnons ne reviendront pas. Ce
jour, ils seront vingt et un à ne pas revenir.
Ces hommes
avaient fait Novembre, le mois de la grandeur, des défis, des ambitions
grandioses. C'est aussi le mois qui a donné naissance à des mythes,
créé des symboles, et inventé des valeurs nouvelles. En novembre, on ne
parle pas de partage de pouvoir, d'accès au parlement ou de conquête
d'assemblée populaire. En novembre, on met de côté les ambitions
personnelles et les prétentions de groupes et de clans. On ne parle
même pas de taux de croissance, de succès économique ou de
réalisations. Novembre est au-dessus de tout ça.
Et face au
poids écrasant de Novembre, tout paraît secondaire, dérisoire, futile.
Que reste-t-il à faire pour rester pleinement dans l'esprit de Novembre
? La déclaration du 1er Novembre fixait trois grands objectifs. Le
premier objectif a été atteint : restaurer l'Etat algérien souverain.
Deux autres objectifs restent à atteindre : établir un système
démocratique et aller à l'unité maghébine.
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par Abed Charef
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