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Nous avons indiqué en son temps le développement que le christianisme avait pris en Afrique clans les premiers siècles de notre ère; nous avons raconté aussi les événements qui renversèrent ses autels; il nous reste maintenant, pour compléter ce tableau, à présenter les efforts que la France a fait pour restaurer l’église chrétienne dans les limites de ses nouvelles possessions. Ces faits sont importants à connaître, car ils concourent puissamment à la consolidation de l'autorité française en Algérie.
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Vers la fin du XVIe siècle, des prêtres de l’ordre des Trinitaires, particulièrement dévoués au rachat des captifs, vinrent fonder une maison à Alger; ils y demeurèrent sans interruption jusqu’en 1816. Dans l’intérieur de leur établissement, se trouvait une chapelle où les Européens catholiques pouvaient assister à la célébration de la messe. En 1641 saint Vincent de Paul, touché par sa propre expérience des maux et des outrages que les Barbares faisaient souffrir aux chrétiens captifs, intéressa vivement le roi Louis XIII à leur sort, et obtint de la munificence royale une somme de 10,000 francs, qui servit au digne apôtre de la charité pour envoyer à Alger quatre prêtres de sa congrégation, connue sous le nom de Lazaristes, ils fondèrent dans cette ville un hôpital, dans lequel ils avaient élevé, comme les Trinitaires, une petite chapelle qui servait d’église aux catholiques. Depuis l’époque de leur établissement ils s’y sont succédé sans interruption jusqu’au moment où les hostilités entre la France et l’odjak les forcèrent d’abandonner leur œuvre.
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Immédiatement après la conquête, trois des aumôniers qui avaient suivi l’armée française s’occupèrent d’établir le culte catholique à Alger; ils obtinrent pendant quelque temps une chapelle dans la Casbah; elle fut ensuite transportée à la caserne du Lion, au bas de la ville; mais le nombre des catholiques augmentant rapidement, cette chapelle devint bientôt insuffisante, et une nouvelle église fut ouverte dans la rue de l’État-major: c’était l’ancienne chapelle des Lazaristes, dont le local, plus commode et plus convenable que les précédents, permit de donner quelques développements à la majesté du culte catholique. Pour la première fois on entendit à Alger prêcher publiquement la parole de Dieu, et chanter la messe ainsi que les autres offices. Dans ce même temps, la cour de Rome conférait le titre et les pouvoirs de vicaire apostolique à l’un des trois aumôniers qui desservaient la nouvelle église.
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Le 24 décembre 1832, une des plus jolies mosquées d’Alger, située dans la rue du Divan (Cette mosquée est carrée, et tout autour règnent des arcades qui, au second étage, présentent, de colonne en colonne, autant de petites chapelles cintrées dont les voûtes sont ornées d’élégantes sculptures. Cet édifice est surmonté d’un dôme peint et doré; de petites fenêtres à vitraux de couleur y laissent pénétrer un demi-jour mystérieux, et les dalles sont couvertes de tapis), ayant été consacrée au culte catholique, le service religieux s’y ouvrit par la belle solennité de la messe de minuit, et y fut continué par le vicaire apostolique, assisté de quelques autres prêtres français. En 1838, le gouvernement demanda à la cour de Rome l’érection d’un évêché pour l’Algérie, « dans le but de substituer au régime provisoire, dont jusqu’alors la nécessité avait fait une loi, une organisation conforme aux institutions du catholicisme. » Le pape s’empressa de déférer à cette manifestation, et expédia, dans le courant de cette même année, les bulles pour l’érection et la circonscription de l’évêché d’Alger, ainsi que pour l’institution canonique du nouvel évêque.
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Pour suffire aux nouveaux besoins du culte catholique en Algérie, il fallut agrandir l’église catholique actuelle et songer à l’appropriation des succursales, soit à Alger, soit dans les localités les plus importantes des possessions. En même temps que le personnel du clergé se complétait, l’administration s’occupait de pourvoir, sous tous les rapports, aux nécessités matérielles du culte.
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L’érection du nouveau siége a réalisé les espérances qu’elle avait fait naître: son pasteur, animé d’un zèle vraiment évangélique, a compris ce que pouvait attendre de sa piété éclairée et de sa charité cause sainte de l’humanité. Auxiliaire puissante de la civilisation, la religion chrétienne, restaurée sur le rivage d’où elle était exilée depuis plus de douze siècles, y console ses enfants venus d’Europe, et rehausse l’autorité politique de son influence morale. Ici commence une ère nouvelle pour l’église d’Afrique ; non-seulement la pompe des cérémonies et toute la magnificence du culte catholique ont pu faire comprendre aux indigènes que leurs vainqueurs croyaient en Dieu et avaient une religion, mais encore les oeuvres de charité qui se multiplient, et dont ils reçoivent souvent eux-mêmes les bienfaits, leur ont appris que cette religion était éminemment miséricordieuse et amie des hommes.
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Aussi le cardinal Pacca, dans sa revue du monde catholique, s’est-il empressé de payer un juste tribut d’éloges aux efforts que fait la France pour propager le christianisme dans ses possessions. « J’ai vu sur les côtes d’Afrique, dit le doyen du sacré collège, la vaillante nation française relever en triomphe l’étendard de la croix, redresser les autels, convertir des mosquées profanes en temples consacrés au Seigneur, et construire de nouvelles églises. J’ai vu encore sur les côtes d’Afrique un saint pasteur entouré de prêtres zélés, non-seulement accueilli par les acclamations et les cris d’allégresse des catholiques, mais respecté, vénéré des infidèles, des Arabes et des Bédouins eux-mêmes. J’ai vu, enfin, sur les côtes d’Afrique, à Alger, recevoir comme des anges descendus du ciel les filles de saint Vincent de Paule, les dignes sœurs de la Charité, qui, n’ayant pour toutes armes que leur douceur, leur bonté, leur tendre sollicitude pour les malades, arme si victorieuse et si touchante, excitaient l’admiration et l’enthousiasme des infidèles, et les disposaient à recevoir les lumières de l’Évangile. »
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Sous l’influence combinée du gouvernement, des particuliers et du clergé, l’église chrétienne fait en Afrique de rapides progrès; à Alger, où on compte douze mille catholiques, non compris la garnison, trois églises et six chapelles sont en plein exercice; dans les environs, il y a en outre quatre chapelles et cinq églises dont une sous l’invocation des saintes Perpétue et Félicité, du martyrologe africain. Les prêtres et desservants y sont au nombre de vingt-trois; on y compte aussi deux séminaires, six établissements de sœurs et de frères de Saint-Joseph du Mans, et une communauté de trappistes qui s’occupent à la fois de travaux agricoles et de colonisation; Bougie, Medeah, Djijelli ont déjà des temples et des desservants; Cherchell a dédié son église à saint Paul, apôtre; Mostaganem a placé la sienne sous l’invocation de saint Jean-Baptiste. A Oran, où l’on compte cinq mille catholiques, sans y comprendre l’armée, un couvent de religieuses trinitaires a été fondé; dans cette ville se trouve aussi une église dédiée à Saint Louis, et desservie par trois prêtres; la Galle, malgré la faible importance de sa population, possède une église dédiée à saint Cyprien et un couvent des frères de saint Jean-de-Dieu; Bône a aussi une église sous l’invocation de saint Augustin, et sur les ruines d’Hippone s’élève un oratoire dédié à la mémoire de ce célèbre évêque; à Calame (Guelma), une église a été consacrée à saint Papirien sur les débris de la sienne; Milah, l’antique Mileum, célèbre par ses conciles, et où se trouve déjà un poste français, possédera bientôt un monument consacré à saint Optat, l’un de ses plus dignes évêques. A Constantine, où l’on compte déjà cinq mille catholiques, non compris la garnison, une belle mosquée a été transformée en église, sous l’invocation de Notre-Dame-des-Douleurs ; en 1839, les sœurs de la Doctrine chrétienne y ont fondé un couvent, un hôpital et une école; tout récemment, deux chapelles viennent encore d’y être ouvertes: l’une dédiée à saint Fortunat, évêque de Cirta; l’autre ornée par les soins de Sa Sainteté, sous l’invocation de saint Grégoire. Aux environs de Constantine, dans le fond de la gorge de Rumel, à la place même où ils furent martyrisés en 259, selon l’inscription encore parfaitement lisible sur le roc, va s’élever un autel consacré aux illustres saint Jacques et saint Marcius et à leurs compagnons. A Philippeville, près de Stora, ville toute récente, on compte déjà une église, trois chapelles et une communauté de sœurs de la doctrine chrétienne de Nancy. Ainsi, sur tous les points, grâce à l’intervention française, le christianisme tend à reconquérir dans cette partie de l’Afrique la prépondérance qu’il avait acquise aux premiers âges de l’église.
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La religion réformée a suivi de près l’organisation du culte catholique : l’émigration des Alsaciens en Afrique rendait cette mesure urgente; les deux communions du culte protestant ne comptent pas encore un très-grand nombre de membres; néanmoins, depuis l’institution du consistoire d’Alger, en 1839, on s’occupe de l’érection d’oratoires sur divers points où leur établissement est nécessaire.
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