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L'orsque a France prit possession de l’Algérie et après les rzzias, elle ne trouva des ressources d’installation que dans les villes d’Alger, d’Oran, de Constantine, de Bougie et de Cherchell. Mostaganem, Blidah, Medeah, Miliana, Mascara, Djidjelli, Arzew, étaient en ruines; Douera, Boufarik, Koleah, Guelma Philippeville, Sétif et Rachgoun ne présentaient que le sol nu.
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Les premières obligations du génie militaire furent donc de réparer ou de construire des abris pour les troupes, et de relever ou de perfectionner les fortifications des places à mesure que les Français s'y établissaient. C’est ainsi qu’il a successivement mis en état de défense Alger, Cherchell, Philippeville, Constantine, Djidjelli, Bône, Guelma, la Calle, Oran, Mostaganem, Arzew, Mascara, etc. ; qu'il a établi les camps fortifiés de Douéra, d’Erlon et autres; la ligne de défense de Romili ; les postes avec blockhaus, les casernes et les hôpitaux, et qu’il a construit des baraquements partout où les agglomérations de troupes ont réclamé ce genre d’établissements. Les seuls travaux de fortifications et de bâtiments militaires ont coûté, en 1841 5 millions 296 000 fr. C’est aussi au génie militaire que l’on doit les travaux de dessèchement les plus importants effectués dans la colonie tels que ceux des environs de la Maison-Carrée et de l’emplacement que devait occuper Boufarik; ceux de l’Oued Kerma, qui entourent la ferme-modèle; ceux qui devenaient indispensables à l’ouverture des routes de Koleah à Blidah et à Douéra; ceux enfin de la route de la Maison-Carrée au Fondouk, de l’obstacle continu pour entourer le territoire de Blidah, et des territoires de Donc et de Philippeville. Le cours de la Boudjimah et celui du ruisseau d’Or ont été également améliorés par ses soins.
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Organisé à Alger le 7 octobre 1841 le service des ponts et chaussées est venu continuer une partie des travaux commencés par le génie militaire. Les dessèchements qu’il a repris ont nécessité, pour la seule année 1841 une dépense de 287,417 fr.
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Les routes principales tracées en Algérie, et qui se trouvent terminées ou en voie d’achèvement prochain, sont les routes de Blidah par Birkadem, du Fondouk, d’Alger à Koleah, de Beni-Moussa, d’Alger à Blidah par Douéra, de Bougie au camp d’Arrouch, de la même ville à la vallée de Kharisas et au port Génois, de Stora à Philippeville, et de Constantine à la mer. Quoique très-courte, nous devons aussi mentionner celle d’Oran à Mers-El-kébir, car c’est un des plus beaux monuments de la création elle a été taillée en partie dans le roc, sur le bord de la mer, et a donné lieu à un tunnel de cinquante mètres de longueur. Le développement total des routes ouvertes, au 31 décembre 1840 était de 1,067 kilomètres ou deux cent soixante-sept lieues, sans y comprendre les routes vicinales.
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Portons maintenant notre attention sur les travaux d’embellissement et d’utilité publique dont les villes et spécialement Alger ont été l’objet depuis la conquête.
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Ce qui excite le plus aujourd’hui la surprise de l’étranger qui entre pour la première fois dans Alger, c’est l’aspect des nouvelles constructions, qui toutes affectent le style architectural moderne, et qui donnent à la vieille capitale arabe l’apparence d’une des cités les plus élégantes. L’industrie, jointe à l’amour de l’art, qui métamorphose complètement la ville. En peu d’années, les mille petites rues d’Alger, étroites et sinueuses, ont fait place à des voies larges et droites ; des habitations régulières, gracieuses et à arcades, ont succédé aux espèces de geôles sans jour et sans ornements ou s’emprisonnait autrefois la population maure; des monuments publics, viennent en outre chaque jour embellir les points les plus remarquables de la nouvelle ville. A l’extrémité de la rue de Chartres se dessine une jolie place, rafraîchie par une élégante fontaine et ceinte de belles maisons. La place du Gouvernement n’est point achevée, toutefois on y remarque déjà les travaux que le génie y a exécutés, puis l’hôtel de la Tour-du-Pin, la galerie Duchassaing, la cathédrale Saint-Philippe, l’évêché et les belles plantations d’orangers qui font de cette place une promenade charmante. Un Théâtre et une Bourse doivent y être aussi prochainement construits. Le palais du gouverneur est resté à très peu de chose près, du moins extérieurement, ce qu’il était lorsque Hassan-Pacha en faisait sa résidence; on l’a seulement revêtu, du côté de l’évêché, d’une façade en marbre blanc. Plusieurs bazars ont été également établis dans cette partie de la ville, entre autres celui de la rue du Divan, et celui qui porte le nom de Galerie d’Orléans.
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L’accroissement continuel de la population européenne et la répugnance qu’elle éprouve à se fixer dans la partie supérieure d’Alger a jeté les constructions sur les deux seuls côtés où se trouvent des terrains à peu près unie et accessibles. C’est surtout vers le faubourg Bab-Azoun que le mouvement se fait le plus remarquer. Le chemin d’Alger à la plaine de Mustapha passe maintenant entre deux rangées de maisons qui se sont bâties avec une rapidité vraiment prodigieuse, et un quartier considérable s’élève au-dessous de la route du fort l’Empereur. Pour faire place à ce flot incessant que l’Europe verse sur l’Algérie, on s’est décidé à reculer l’enceinte, qui passera dorénavant par les forts Bab-Azoun, de l’Empereur et des Vingt-quatre-heures. Ce nouveau tracé a fait gagner un terrain considérable; et cependant, si l’accroissement de la population continue dans les mêmes proportions durant quelques années, il ne tardera pas à être insuffisant. Alger, avant peu, s’étendra jusque dans la plaine de Mustapha, et, de l’autre côté, ses maisons ne s’arrêteront que devant les pentes du Bouzareah.
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Après tous ces travaux d’intérieur, il est impossible de passer sous silence les routes magnifiques qui, des portes de la ville, se dirigent à une très-grande distance dans l’intérieur du pays. La première en date est celle du fort de l’Empereur, exécutée sous le gouvernement du duc de Rovigo.
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Les constructions maritimes n’offrent pas moins d’importance. La conquête trouva à Alger une mauvaise petite darse, où le vent du nord-est brisait les bâtiments; elle en a fait un port qui devient de jour en jour plus vaste et plus sûr. Le môle a été réparé, enroché; une jetée, qui a déjà atteint une longueur de cent soixante-cinq mètres, s’est élancée vers le sud, laissant entre elle et les murs de la ville un espace qui ne fait que s’accroître. Mais à ces nombreux navires qui abordent maintenant en Afrique, il fallait des quais vastes et commodes pour les déchargements. Ici, tout était à faire et tout a été créé. Le port offre déjà une largeur de cinq cent cinquante mètres et une superficie d’environ onze hectares de bon mouillage pour les navires. La construction, en un mot, avance autant que le permettent les crédits, qui sont de un million cinq cent mille francs par an. C’est à l’aide des blocs de béton, dont M. l’ingénieur en chef Poirel est l’inventeur, qu’est construite la jetée. Au lieu de pierres de trois à quatre mètres cubes au plus, qu’on se procurait à grand’ peine, on est parvenu, par cet heureux procédé, à établir des masses de dix à onze mètres cubes contre lesquels la mer est impuissante, et dont la dureté, au sein des eaux où elles se trouvent plongées, va sans cesse croissant (Le port d’Alger est doté d’un phare muni d’ un appareil semblable à ceux mis en usage sur les côtes de France. Mers-el-Kébir, Bône, le Cap de Garde en ont aussi; des feux de ports ont été installés sur plusieurs autres points; et on prépare la construction des phares de Philippeville et d’Arzew. Les phares et fanaux qui éclairent aujourd’hui les côtes de l’Algérie, sont an nombre de dix-huit et coûtent un entretien annuel de 80,000 fr).
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Dans les autres villes, les travaux d’embellissement et d’utilité publique ont été moins actifs; dans les principales les Français ont introduit les horloges publiques et l’éclairage des rues, commodités inconnues dans les villes musulmanes. A Blida, le mur d’enceinte a été agrandi; des casernes pour une forte garnison, un hôpital militaire, des magasins de vivres, ont été construits. L’administration civile n’est pas restée en arrière: des fontaines et des égouts ont été construits dans presque tous les quartiers; des places se dessinent, se nivellent, se bâtissent; des rues nouvelles, coupées à angles droits, se percent et animent des quartiers autrefois isolés et sans mouvement. On s’occupe à Cherchell d’utiliser les parties conservées des anciens aqueducs et des voûtes romaines qui servaient de réservoirs; Oran a vu s’élever l’aqueduc de Ras-el-Ain, une école d’enseignement mutuel, une prison civile et une belle chaussée qui conduit du haut de la ville aux quartiers de la Blanca et de la Marine; pour rendre plus faciles les arrivages sur ce point si important, une partie du fort Mers-el-Kebir a été transformée en magasin pour l’entrepôt des marchandises à réexporter; Bône possède actuellement un bâtiment et nu vaste hangar pour le service des douanes; et Mostaganem a été doté d’un débarcadère. Mais de tous les points occupés en Afrique, si on en excepte Alger, Philippeville est celui qui prend le plus d’accroissement et qui semble inspirer le plus de sympathie et d’émulation aux fonctionnaires et aux diverses classes industrielles qui concourent au développement de la colonie.
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Placée au centre d’un golfe de plusieurs myriamètres, entourée de rochers élevés à pic sur le bord de la mer et de terres cultivables vers l’embouchure du Safsaf, Philippeville présente l’aspect d’un entonnoir à double orifice, dont l’un est la Méditerranée et l’autre la riche plaine de Safsaf. Elle est bâtie sur l’emplacement de l’ancienne Rusicada, que l’armée occupa le 8 octobre 1838. L’histoire ne parle pas de la ville romaine, qui pourtant a dû être très-étendue et renfermer une population considérable; l’aspect du sol et l’état des ruines peut faire présumer qu’elle a été détruite par une violente commotion, car rien n’est resté debout; néanmoins tout y indique la résidence d’un grand peuple. le cirque, où pouvaient s’asseoir six mille spectateurs, offre à l’antiquaire des ruines précieuses; des statues, des vases, des inscriptions, annoncent que cette ville était dédiée à Vénus, ou du moins que cette déesse y était l’objet d’un culte particulier et d’offrandes voluptueuses; des arènes, dont les murs semblent défier le temps, ont conservé, à demi écroulées, les voûtes d’où l’on tirait probablement les bêtes féroces pour la lutte des gladiateurs; d’immenses citernes, qui, par leurs dispositions, semblent avoir été de grands réservoirs, soit pour la distribution des eaux dans la ville, soit pour alimenter des bains; les bases d’un immense quai, quoique rongées pendant plusieurs siècles par les battements de la mer, disent assez que le commerce était considérable sur cette partie de la côte d’Afrique.
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Rusicada, au 8 octobre 1838, n’offrait qu’un amas de pierres recouvertes, en majeure partie, de plusieurs couches de terre. Lorsque le général Galbois occupa ce point, les indigènes y avaient trente mauvaises chaumières, dont ils furent expropriés de leur plein gré moyennant trois cent soixante francs. C’est ainsi que la domination a pris racine sur ce sol où les Romains eurent, sans aucun doute, de longs jours de prospérité. Trois ans se sont écoulés, et les progrès de Philippeville tiennent du prodige près de six mille Européens y ont élevé pour plus de 4 millions de francs de propriétés bâties. Philippeville, création tout européenne, toute française, appelle la sollicitude du gouvernement, car elle réunit les éléments principaux qui peuvent concourir à former une bonne colonie le bois et l’eau y sont en abondance; la terre a jusqu’à cinq mètres de puissance végétale; les jardins, à peine ébauchés, donnent des légumes au même prix qu’en France; la culture, si elle est confiée à la moyenne ou à la petite propriété, produira dans peu d’années assez de céréales pour nous dispenser de recourir aux blés de Sardaigne ou d’Odessa. Philippeville a été pourvu d’un mur d’enceinte, protégé par des fortins et des meurtrières ; l’hôpital militaire est bâti dans de belles proportions; l’arsenal est le plus grand et le plus commode de l’Algérie; la caserne d’infanterie, actuellement en construction, sera aussi un magnifique bâtiment qui pourra dignement transmettre aux siècles à venir le nom de ses auteurs.
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