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Les résultats de l’expédition du maréchal Clausel avaient fait une profonde impression sur l’esprit du ministère; il n’avait qu’une très faible confiance dans le succès de la nouvelle campagne, et aurait volontiers préféré la paix aux hasards des combats. « Vous ne perdrez pas de vue, disait le ministre de la guerre dans une de ses dépêches au général Damrémont, que la pacification est l’objet principal que le gouvernement se propose, et que la guerre n’est considérée ici que comme un moyen de l’obtenir aux conditions les plus avantageuses... moyen auquel il ne faudra avoir recours qu’à la dernière extrémité. » Le président du conseil résumait en ces mots la politique du cabinet : « Jusqu’au dernier moment, la paix plutôt que la guerre. » Politique mesquine qui restreignait l’action de la France en Algérie, et rendait impossible le résultat qu’on voulait obtenir. Abd-el-Kader à l’ouest, Ahmed Bey à l’est, auraient sans cesse tenu en échec l'influence française; leur amitié eût toujours été douteuse, et leurs secrets efforts auraient constamment tendu à empêcher la civilisation d’Europe de prendre racine en Algérie. La véritable politique, la seule digne de la France, était de se débarrasser de ces chefs ambitieux et de montrer aux indigènes que, et aussi bien que les Turcs les contenir dans le devoir.
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Cependant le comte Damrémont avait des ordres positifs de négocier la paix, et il dut s’y conformer. Il envoya d’abord à Tunis le capitaine Foltz, un de ses aides de camp, officier très versé dans les formes de la diplomatie orientale : de ce point, il devait essayer par des moyens indirects à se mettre en relation avec le bey de Constantine. Dans le même temps, Ahmed appelait auprès de lui un riche négociant israélite de Bône, M. Busnach. Le gouverneur général autorisa ce juif à se rendre à cette invitation, et dès lors s’engagèrent entre les deux chefs des négociations assez actives, qui n’amenèrent aucun résultat. Ahmed se flattait par ce moyen de faire ajourner l’expédition à l’année suivante, espérant que, pendant ce temps, il parviendrait à obtenir l’assistance de Tunis et même de la Porte Ottomane. Le général Damrémont ne se laissa pas circonvenir par ces subtilités ; tous les incidents que fit naître Ahmed, il les résolvait avec précision et netteté; enfin celui-ci, poussé à bout, mais ne voulant pas avoir l’air de rompre, proposa des conditions telles, que le gouverneur dut regarder comme nulles toutes les précédentes négociations, et ne songea plus qu’à la guerre.
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Cette fois, le corps expéditionnaire fut porté à dix mille hommes; un matériel de siége composé de huit pièces de fort calibre, de six obusiers et de trois mortiers, avec des approvisionnements considérables devait suivre. Le duc de Nemours, les généraux Trézel, Rulhières et le colonel Combes eurent le commandement des brigades; la direction de l’artillerie fut dévolue au lieutenant général Valée, la plus haute capacité de cette arme, et celle du génie au lieutenant général Rohault-de-Fleury, une des célébrités de la sienne.
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L’année précédente, il avait été décidé que les mêmes troupes qui avaient pris part au siège de Constantine composeraient l’effectif de la nouvelle expédition; plusieurs circonstances empêchèrent la complète réalisation de cette pensée. Le 2e et le 17e légers, le 3e chasseurs d’Afrique, les spahis, l’infanterie turque, les tirailleurs d’Afrique, et les compagnies franches obtinrent seuls cette faveur. Toute l’infanterie de ligne avait été changée : un bataillon du 11e, le 23e, le 26e et le 47e remplaçaient les 59e, les 62 et 63e, que nous avons vus figurer en 1836. Dès le 25 septembre, toutes ces forces étaient concentrées et les dispositions prises pour ouvrir la campagne, lorsqu’un incident fâcheux mit un moment en question l’opportunité de l’expédition. Le 12e de ligne, qui devait aussi en faire partie, venait d’arriver de France avec le choléra; on fut obligé de le mettre en quarantaine. Attendre sa sortie du lazaret, c’eût été perdre un temps précieux; entreprendre l’expédition sans lui, c’était affaiblir l’armée de deux mille hommes le gouverneur général se décida pour ce dernier parti, assurant qu’il disposait d’assez de forces pour agir avec succès.
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Le 1er octobre, à 7 heures et demie du matin, les deux premières brigades, commandées par M. le duc de Nemours et le général Trézel, sous les ordres immédiats du gouverneur général, partirent de Medjez-Amar, emmenant avec elles le matériel de siége. La première brigade bivouaqua au sommet du Ras-el-Akba, et la seconde s’arrêta à la hauteur des ruines romaines d’Announa. Une pluie abondante répandit sur l’armée pendant cette première journée de marche un profond sentiment de tristesse on se rappelait combien l’intempérie de la saison avait été funeste à la campagne précédente, et involontairement on portait un regard inquiet sur l’avenir; mais, le temps s’étant bientôt éclairci, la gaieté reparut sur les visages, et la confiance réchauffa tous les cœurs.
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Le 2, les troupes avec lesquelles marchait le quartier général arrivèrent au marabout de Sidi Tamtam, et y passèrent la nuit. Le même jour, les deux dernières brigades bivouaquèrent à Ras-el-Akba, sur l’emplacement que la première brigade avait occupé la veille. Cet ordre de marche fut observé jusqu’à Constantine. Ainsi l’armée s’avançait sur deux colonnes parfaitement distinctes. Le temps était beau, l’ordre parfait, et on n’eut que très peu d’efforts à faire pour repousser les attaques de l’ennemi.
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