.
Dans l’Antiquité, il n’y avait pas d’Algérie, a fortiori
avant l’Antiquité, parce que les nations et les États modernes
n’existaient pas. Pour des raisons qui relèvent, non de l’Histoire,
mais des préoccupations de pouvoir s’articulant sur l’idéologie, des terminus a quo
ont arbitrairement fixé tels événements censés décisivement donner le
branle à l’évolution historique de l’Algérie. Le Front de libération
nationale (FLN) et le pouvoir autoritaire à ancrages militaires qui en
est issu et qui régit l’Algérie depuis des décennies ont fait du 1er
novembre 1954 le moment zéro de la libération de l’Algérie du
colonialisme, moment sans antécédents et sans mémoire.
Jusqu’à la fin du XXe siècle, les
manuels d’histoire algériens, conçus à partir de l’époque de Houari
Boumediene, ne mentionnaient ni Messali Hadj, ni les militants
centralistes du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques
(MTLD), ni même nombre de chefs historiques du FLN de 1954 : il
s’agissait ce faisant de disqualifier toute la préhistoire du
nationalisme algérien – l’Étoile nord-africaine, puis le Parti
populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques (PPA-MTLD) –, parce que cette séquence était trop dominée
par la figure historique de Messali. Et, plus largement, de mettre hors
jeu les ennemis centralistes, ces authentiques politiques qui passèrent
la main sans rupture du MTLD au FLN, et que l’État-major général de
Boumediene élimina sans espoir de retour à l’été 1962 sous le parapluie
du fragile fusible civil qu’était Ahmed Ben Bella – lui-même éliminé
politiquement à son tour trois ans plus tard. Enfin, il importait de ne
pas mentionner ceux des chefs historiques qui avaient politiquement mal
tourné aux yeux d’une histoire officielle plombée par les bureaucrates
dirigeants.
L’appareil qui s’empara alors du
pouvoir eut aussi à cœur de figer les Algériens dans une identité
identifiée sans discussion à ce qu’il disait être l’islam, et à la
langue arabe : c’était là une vision dérivée des conceptions religieuses/culturalistes des ‘ulamâ’, [photo ci-contre] reprise
et instrumentalisée pour en faire un topos dominant de la langue de
bois officielle. Étant entendu que l’arabe dont il était question était
trop souvent un arabe obscurantisé, qui n’avait que peu à voir avec
l’épanouissement des grands penseurs et des grands poètes de l’époque
classique de la civilisation arabe, et pas davantage avec les
intellectuels libres et hardis de la Nahda égyptienne, dont
le regretté Naguib Mahfouz était un chaleureux descendant. Alors que,
même dans l’Égypte de Nasser, de Sadate et de Moubarak, les manuels
d’histoire ont toujours insisté sur la civilisation égyptienne de
l’Antiquité – rappelons que c’est sous Nasser qu’une colossale statue
de Ramsès II a été érigée sur la place de Bab El Hadid, devant la gare
centrale, avant d’en être récemment retirée pour cause de dégradation
liée à la pollution du Caire –, on se mit en Algérie à faire coïncider
le début de l’histoire dans les manuels avec l’avènement de l’islam
dans le nord de l’Afrique. Ce qui précédait fut expédié en quelques
paragraphes renvoyant à une jâhiliyya (l’état d’ignorance et de sauvagerie antéislamique) connotant aussi l’isti‘mâr
(le colonialisme) : l’Empire romain, établi sur l’Afrique du Nord deux
millénaires plus tôt, était vu purement et simplement comme un pouvoir
colonial étranger oppressif, cela en contresens anachronique symétrique
aux fantasmes français en la matière, qui représentaient l’Empire
romain d’Afrique en continuité civilisationnelle européenne, comme un
prestigieux précurseur de l’Algérie française.
Mais déjà, dans le mémoire présenté à
l’Organisation des nations unies (ONU) en septembre 1948 par Messali,
était entendu que l’histoire de l’Algérie ne commençait qu’à partir de
l’islamisation du pays. Messali demeurait même en retrait par rapport à
cette manière de Lavisse algérien que fut l’historien officiel de la
construction nationale, Ahmed Tawfiq al-Madani. Pourtant, la
contribution originelle à ce mémoire du jeune militant et intellectuel
Mabrouk Belhocine faisait amplement référence à l’histoire précédant
l’islam. Mais Messali avait censuré le jeune téméraire et fait
bureaucratiquement expurger la version finale. Pourtant, l’ancienneté
du fait berbère en Algérie est une évidence. On sait que la conquête
islamo-arabe n’a pas déplacé
vers le Maghreb des foules démesurées, pas plus que, par exemple en
Europe, les invasions germaniques en France et en Espagne. Aujourd’hui,
on peut raisonnablement affirmer que, peu ou prou, les Algériens sont
très majoritairement des Berbères arabisés, nonobstant tels radotages
d’intellectuels idéologues qui ont voulu faire d’eux des Yéménites
originels.
Aucun historien de l’Algérie ne peut
cependant nier ou sous-estimer la place éminente, en Algérie, de son
ancrage islamo-arabe plus que millénaire, y compris dans les zones
restées berbérophones où l’arabe est devenu langue du sacré et langue
de haute culture. Le pays chaouia, dans la partie sud-orientale de
l’Algérie, berbérophone, fut l’une des régions où, dès les années 1930,
le mouvement culturaliste islamo-arabe des ‘ulamâ’ s’implanta
le mieux. Et, pendant la guerre de libération de 1954-1962, c’est en
Kabylie – en wilâya 3 – que l’Armée de libération nationale (ALN)
insista le plus sur l’œuvre d’éducation à réaliser in situ,
pour les générations montantes, sous l’oriflamme de l’islam et de la
langue arabe ; cela sous l’impulsion de son chef, le colonel Amirouche,
qui était évidemment berbérophone – un berbérophone dont des
témoignages disent qu’il lui prenait parfois de faire semblant de ne
pas comprendre le berbère. Il n’est pas impossible que de telles
situations hybrides aient pu exister à l’époque romaine, entre le
berbère et le latin.
La «crise berbériste», déclenchée par
des militants nationalistes algériens du MTLD se refusant à n’envisager
d’acception de la nation que réduite à sa dimension islamo-arabe,
secoua le MTLD en 1948-1949, et elle fut tranchée par l’exclusion des
«berbéristes», laquelle permit en même temps à Messali d’éliminer
politiquement son rival du parti, le docteur Mohammed Lamine Debaghine [photo ci-contre] – lequel était pourtant
arabophone et musulman croyant. Jusqu’à la fin de la guerre de
libération, et au-delà, vouloir poser au FLN la question de la langue
et de la culture berbères fut assimilé à une déviation dont l’obscénité
frisait la traîtrise. Il fallut attendre le printemps berbère de 1980
pour voir à nouveau la question posée au grand jour, et 1995 pour voir
la création du – bien formel – Haut Commisariat à l’amazighité auprès
de la présidence de la République.
C’est que, dans leur stratégie du
«diviser pour régner», des idéologues coloniaux avaient construit un
mythe kabyle qui alla jusqu’à assimiler narcissiquement les «Berbères»,
parés de toutes les vertus, aux Gaulois, pour les opposer aux «Arabes»,
auxquels étaient imputés tous les vices : se réclamer de la constante
berbère, c’était donc emboucher les trompettes des colonialistes et
faire leur jeu ; c’était trahir. Même si nombre de militants berbères
ne sont pas toujours, eux aussi, à l’abri du reproche de simplisme et
de manichéisme, le fait berbère (dans l’Antiquité, on disait «maure» ou
«libyque») est une composante incontournable évidente de l’histoire et
de la préhistoire de l’Algérie.
Oued Jdai, vue proche d'Elkantara (source)
Cet ouvrage met à la disposition des lecteurs une oeuvre simple, de
large vulgarisation, aussi bien informée que possible, et tient compte
des avancées de la vraie recherche historique, celle dégagée des
préoccupations de pouvoir et d’idéologie. Il a donc l’ambition de
présenter clairement, d’abord aux Algériens et aux originaires
d’Algérie, ce que furent leurs ancêtres, d’où ils venaient, quelles
étaient leur vie et leurs préoccupations, leurs joies et leurs frayeurs
; mais aussi, à un plus large public, les origines d’un pays qui est un
incontournable partenaire afro-méditerranéen de l’Europe. S’il peut
donc contribuer, de part et d’autre de la Méditerranée, à battre en
brèche les préjugés, à combattre les stéréotypes et à refuser les
facilités, il aura atteint son objectif.
Les ancêtres des Algériens, alors non
musulmans et non arabisés, ont vécu dans des sociétés et ont été régis
par des États, qui ne méritent pas, loin de là, d’être ravalés à
l’obscurité de quelque jâhiliyya que ce soit. Ils étaient en relations – commerciales, techniques, culturelles/artistiques – avec le Proche-Orient et, plus
largement, avec les pays qui bordent la Méditerranée. C’est en ce sens
que l’influence punique – originellement phénicienne –, par Carthage [photo ci-contre],
puis l’influence romaine, par Rome et par les romanisés de l’Empire
romain, ont été déterminantes pour modeler l’organisation politique,
l’économie, les cadres de la société, la culture et les orientations
religieuses des ancêtres des Algériens, mais aussi pour donner la main
à des continuités à première vue insolites : le punique avait ici et là
subsisté jusqu’au moment de la conquête islamo-arabe et, en Africa
(Tunisie) et en Numidie, les conquérants n’eurent pas toujours trop de
mal à comprendre cette langue sémite, voisine de l’arabe et de l’hébreu.
Cela même si, à l’évidence, leur langue
principale, leur culture, leurs conceptions du sacré restaient –
restent encore par de multiples traits – largement tributaires du vieux
substrat mauro-libyco-berbère. Mais sans que, dans l’Antiquité, ne fût
jamais rompue l’ample symbiose méditerranéenne dans laquelle ils
fonctionnaient.
Certes, ce livre ne taira pas les
ruptures : de même que l’Algérie indépendante n’est ni l’Algérie
coloniale, ni l’Algérie ottomane, ni davantage celle des royaumes
berbères, le christianisme n’est pas la révérence au vieux panthéon
punique et/ou gréco-romain ; et l’islam n’est pas le christianisme.
Pourtant, les ancêtres des Algériens ont adhéré successivement à ces
différentes formulations du sacré, du polythéisme à l’islam, en passant
par le christianisme. Cette succession se produisit-elle à coups de
ruptures ou, à l’inverse, un enchaînement de continuités a-t-il prévalu
?
Thuburbo Majus, temple de Mercure (Tunisie)
Car, d’une forme humaine à des formes
humaines renouvelées du rapport au sacré et des rites, que de
continuités : à titre d’exemple, à Thuburbo Majus (dont les ruines sont
situées aujourd’hui en Tunisie, près de la localité du Fahs), le
règlement d’accès au temple d’Esculape – l’Asclepios grec, l’Eshmaus
punique – comportait, trois jours durant, l’abstention préalable des
relations sexuelles, l’interdiction de consommer de la viande de porc
ainsi que l’obligation de se déchausser. Cela six siècles avant
l’implantation de l’islam dans le nord de l’Afrique… Et, dès le
néolithique, l’image du croissant de lune appartenait déjà à la
symbolique du sacré, mais généralement associée à celle du soleil. De
même, au Proche-Orient, dans une autre aire devenue très
majoritairement musulmane, c’était sous la personnification de la lune
que les Cananéens, les Phéniciens et les Chaldéens adoraient Ashtar (ou
Ishtar), divinité qui présidait à la fécondité et à l’amour, et déesse
du printemps – c’était l’Astarté grecque, dont dériva probablement
Aphrodite, que les Romains assimilèrent à Vénus.
Pour revenir sur terre, beaucoup plus
près de nous, aux XIXe et XXe siècles, si les colonisateurs
exploitèrent tant la vigne pour produire du vin en Algérie, la
viticulture était aussi une activité importante dans l’Antiquité : la
production et la consommation de vin y étaient fort développées. Et,
depuis plus longtemps encore, les humains s’y nourrissaient
principalement de blé – le couscous est resté l’élément de base de leur
alimentation –, tout comme sur l’ensemble des rivages méditerranéens :
dans le sud de la Palestine, on en connaît une variété moins finement
roulée, dénommée justement le maftûl (le roulé) ; et au couscous, équivalent le burghul turc – lequel ressemble au farîk constantinois (blé [ou orge] vert concassé) –, voire la pasta italienne, qui a largement conquis l’espace culinaire maghrébin.
couscous maftûl palestinien
Enfin, sur le plan de l’organisation
sociale, les ancêtres des Algériens, socialisés dans des communautés
dont les traits, qui portaient là encore la trace de leur profond
ancrage méditerranéen, perdurèrent durant des millénaires en Afrique du
Nord : la patrilinéarité, l’endogamie, avec tous les tabous qui s’y
rattachent, et le pouvoir souverain des humains de sexe masculin sur
l’espace public. Ajoutons, toujours dans le sens du souci de la
continuité dont ce livre s’efforce de faire preuve, que, dans tous ses
chapitres, a été entrevue la question de l’établissement, à la suite
des Phéniciens et de Carthage, de l’évolution et du rôle des Juifs en
Afrique du Nord : car ils font bien partie, de manière inséparable, du
peuplement et de la société, cela en constante depuis la plus haute
Antiquité jusqu’au XXe siècle.
Pour rendre compte de toute la richesse
et de toute la complexité du sujet, cet ouvrage propose donc, dans une
première partie, d’étudier l’évolution du territoire correspondant à
l’Algérie contemporaine, de ses habitants, de l’origine de la vie
humaine à l’Antiquité, à travers l’analyse de la préhistoire et de la
protohistoire, puis les royaumes maures et numides indépendants – avec
notamment les hautes figures de Massinissa et de Jugurtha le rebelle –,
avec leurs caractéristiques socio-politiques, linguistiques et
culturelles/religieuses. L’influence de Carthage et l’inclusion
ancienne du nord de l’Afrique au sein d’une très vivante symbiose
méditerranéenne seront abordées.
Nous verrons que les luttes de pouvoir romaines apparaissent étroitement liées au sort de la Numidie
indépendante que, après la destruction de Carthage en 146 av. J.-C.,
Rome finit pas vassaliser, avant de l’annexer purement et simplement.
Cela n’empêcha pas in fine le plus célèbre des princes maures vassaux
de Rome, Juba II [photo ci-contre],
d’incarner, depuis Caesarea (Cherchel), capitale de son royaume de
Maurétanie, un apogée raffiné de l’art, de l’architecture et des
sciences. Deux ans après le mort de son successeur Ptolémée (40), son
royaume fut finalement annexé par l’empereur Claude (42).
Dans la deuxième partie, nous
aborderons les «Romano-Africains», à l’époque classique de la
domination romaine, du Ier au IVe siècle ap. J.-C. Cette
«colonisation», dont le terme même est trompeur, n’eut pas grand chose
à voir avec la colonisation entreprise dix-huit siècles plus tard sous
l’égide conjointe du national français et de l’avancée du capitalisme.
Nous examinerons l’administration romaine et l’encadrement militaire du
dispositif défensif du territoire conquis par Rome, ainsi que les
normes d’une société, que certains ont donnée pour romaine, mais que
d’autres ont prétendue rétive à la romanisation, sans omettre les
modalités de l’aménagement de l’espace, dont la rationalité
organisatrice et comptable n’exclut pas une forte injustice dans la
répartition de la richesse, porteuse d’explosions sociales.
La civilisation romano-africaine fut
cependant, au premier chef, une civilisation centrée sur un
épanouissement sans précédent des villes : les cités, avec leur
connotation sacrée, avec les sépultures qu’elles abritaient pieusement,
étaient aussi le lieu d’une vie sociale – marchés, théâtres, jeux du
cirque, sens du décor de vie… Dans un tel contexte, seront abordées les
manifestations de l’art, de la littérature et de la culture, tant dans
les espaces privés que dans l’espace public, et enfin les révérences à
un sacré dont les composantes vont d’une religiosité populaire, prenant
en compte la marque «nationale» des dieux africains locaux et la
popularité du culte dyonisiaque, à un polythéisme plus ou moins
officiel qui rendait, aussi, honneur à l’empereur-dieu, sans omettre la
prégnance du culte de ce Saturne africain, dont l’origine plongeait
dans le culte punique de Ba‘al Hammon, et dont la suprématie
incontestée prêta peut-être bien quelque part la main au monothéisme.
Dans une troisième partie, il s’agit de
tirer le bilan de l’Antiquité tardive et, notamment, des modalités de
passage du christianisme à l’islam (IVe-VIIIe siècles). Nous nous
attacherons à éclairer les origines et les raisons de l’expansion du
christianisme nord-africain, dont les prémices remontent au IIe siècle,
mais dont l’épanouissement fut plus tardif. Non sans voir que les
manifestations du christianisme furent marquées par des spécificités –
l’ «hérésie donatiste» notamment, en laquelle certains ont voulu voir
la manifestation d’un particularisme africain quand d’autres soulignent
sa signification au regard des violentes luttes internes qui
ébranlèrent la société africaine. Toujours est-il que l’Antiquité
tardive connut des révoltes multiformes où le courant de la
protestation sociale fut intriqué, in fine, avec les ambitions de
pouvoir de princes berbères sur fond de recul du pouvoir romain.
Le
«schisme donatiste», apparemment vaincu par l’orthodoxie catholique,
fut refoulé, mais il resta disposé à rejaillir sous d’autres formes
humaines. Apôtre de l’orthodoxie catholique, théologien, écrivain
fécond et grand politique à sa place d’évêque d’Hippone (Annaba),
Augustin de Thagaste (Souk Ahras) [photo ci-contre] marqua
de son rayonnement le crépuscule de l’ère romaine. Dès lors, le terroir
destiné à devenir un jour l’Algérie passa – à vrai dire peu
profondément – sous la domination des Vandales, non sans qu’il se
fragmente aussi en diverses principautés berbères et que, finalement,
il passe en partie sous la domination théorique du pouvoir byzantin –
celui des Rûm(s). Byrance tenta bien, au VIe siècle, une
reconquête à contretemps, qui fut toujours bien précaire et seulement
dans la partie orientale du Maghreb. C’en était bien fini de l’Empire
romain en Afrique, comme dans tout l’Occident européen.
Cela n’empêcha pas que, dans les
limites de l’actuelle Algérie, l’Antiquité tardive maintint jusque très
tard, et souvent avec éclat, son organisation urbaine. Les villes
continuèrent à être le centre de réalisations architecturales notables
– bien amoindries et dégradées à l’époque byzantine –, et de vieilles
formes architecturales préromaines connurent un réel renouveau dans
telles principautés berbères. Dans les centres de la romanité
africaine, ce qui s’impose à l’historien de l’Antiquité tardive, c’est
la marque chrétienne qui, dans un sens concret comme dans le sens
abstrait, différencia la Cité de Dieu de la cité terrestre, marqua les
édifices religieux et s’imposa dans les thèmes et les formes du décor.
En conclusion/épilogue, ce livre
s’interrogera pour essayer de comprendre si, du christianisme à
l’islam, il y eut rupture ou glissement. Les conquérants islamo-arabes
n’ont pas conquis aisément le Maghreb : des résistances, plus coriaces
et plus longues que celles que les nouveaux conquérants rencontrèrent
dans ce qui deviendrait l’Empire musulman, se manifestèrent. Mais,
paradoxalement, alors que des traces chrétiennes non négligeables ont
subsisté en Syrie ou en Égypte, la victoire à 100 % de l’islam dans
l’Afrique du Nord s’expliquerait-elle par une implantation du
christianisme somme toute peu profonde, en tout cas rayonnant surtout à
partir des villes ? Certes, les humains, pour s’adapter à de nouveaux
pouvoirs, n’ignorent pas ce que les Italiens appellent l’«arte di arrangiarsi»
(l’art de se débrouiller, l’art de faire avec). Ceux-là même qui
révéraient les pouvoirs et les religions établis et en tiraient honneur
et puissance ne furent souvent pas les derniers à s’en affranchir pour
accueillir les Islamo-Arabes. Et le donatisme couvait comme le feu
couve sous la cendre, prêt à se réveiller et à se réorienter. Sans
compter, et c’est peut-être bien l’argument décisif, que les gens du
cru purent bien percevoir avec empathie les nouveaux venus, en ce sens
que ces derniers leur parlaient depuis un substrat oriental qui n’était
pas ressenti comme fondamentalement étranger aux ancêtres des Algériens.
Pour mener à bien l’achèvement de cet
ouvrage, moi qui ne suis pas un historien antiquisant, encore moins un
préhistorien, j’ai eu recours au service de collègues et/ou amis qui
ont accepté de relire patiemment mon manuscrit et d’y traquer les
erreurs et les insuffisances. Mes remerciements vont donc, pour cela, à
Olivier Aurenche, préhistorien, professeur émérite à l’université
Lyon-II, qui a relu la partie consacrée à la préhistoire ; François
Richard, historien de l’Antiquité romaine, qui fut jadis professeur
d’histoire à Oran, puis enseignant à l’université Lyon-III, aujourd’hui
professeur à l’université Nancy-II – il y fut mon collègue et ami –,
qui a relu ce qui concerne les périodes numide, maure et romaine ;
Pierre Guichard, historien médiéviste spécialiste de l’Occident
musulman, qui fut mon condisciple en classes prépa au lycée du Parc de
Lyon, professeur émérite à l’université Lyon-II, qui a relu les
passages touchant à l’Antiquité tardive et à l’arrivée de l’islam ; à
Jean Comby, professeur à l’université catholique de Lyon, enfin, qui
m’a précieusement conseillé pour traiter du christianisme
Gilbert Meynier
Timgad
Table
Avant-propos
I
____________
De la préhistoire à l’Antiquité
_______________________
Les ancêtres des Algériens : la préhistoire et la protohistoire
Le paléolithique
Le néolithique
La protohistoire
_______________________
Les royaumes maures et numides indépendants
Aux origines des royaumes maesyles et masaesyles
Le demi-siècle du grand aguellid : Massinissa le Numide
Influence de Carthage et symbiose méditerranéenne
Les Nord-Africains et leurs langues
L’organisation politique
_______________________
La Numidie et la fin de Carthage
Ambitions romaines et indépendance numide
Le crépuscule de l’indépendance numide
La guerre de Jugurtha
Les luttes de pouvoir romaines et la fin de la Numidie indépendante
La Maurétanie de Juba II : l’éclat dans la vassalité
L’annexion finale de la Maurétanie par Rome
II
____________
Sous la domination romaine : les Romano-Africains
_______________________
Colonisation, romanisation et administration provinciale
En Africa-Numidie
En Maurétanie
Les Juifs en Afrique romaine
Une conquête à protéger
_______________________
Une société romaine ?
Société, pouvoirs et citoyenneté romaine
Débats sur la «romanisation» de l’Afrique du Nord
_______________________
La société et l’économie, entre rationalité et injustices
L’aménagement des terroirs
Prospérité et partage injuste des richesses
_______________________
Une civilisation centrée sur les ville
Villes et sens du sacré
Les défunts et leurs sépultures
S’approvisionner et se distraire
Les marchés
Le théâtre et les jeux du cirque
Jeux d’eaux
La floraison des villes. Quelques exemples
Tipasa
Cuicul/Djemila
Thamugadi/Timgad
Tiddis
_______________________
Arts et culture
La vie privée : demeures romano-africaines
Art romain d’afrique, art romano-africain
Charmer les yeux : les mosaïques
La sculpture entre sacré et profane
Littérature et vie culturelle
Parcours d’écrivains
La culture dans la société romano-africaine
_______________________
Les Romano-Africains et leurs dieux
Culte dionysiaque et religiosité populaire
Le polythéisme africain ou un divin pluriel
Des dieux «nationaux» ?
Saturne africain : vers le monothéisme ?
III
_______________________
La fin de l’Antiquité. Du christianisme à l’islam
_______________________
Le christianisme d’Afrique du Nord : origines et spécificités
Origines et expansion du christianisme nord-africain
«Hérésie» donatiste et circoncellions
_______________________
Le christianisme d’Afrique du Nord entre les luttes multiformes et la figure d’Augustin
Les révoltes de Firmus et Gildon
Vers l’extinction du donatisme : le feu sous la cendre ?
Le rayonnement d’Augustin (354-430)
_______________________
Vandales, principautés maures et reconquête byzantine
Invasion et domination vandales
L’indépendance reconquise ? Les principautés maures
Byzance en Afrique : une reconquête précaire
_______________________
L’éclat de la civilisation antique tardive
Des villes, toujours : finances et institutions
Des villes toujours : réalisations édilitaires et persistances païennes
La marque chrétienne : Civitas Dei et civitas terrena
La marque chrétienne : les édifices religieux
La marque chrétienne : le décor
Les villes à l’époque byzantine : à la veille de l’islam
_______________________
Du christianisme à l’islam : rupture ou glissement ?
L’accueil des nouveaux venus : de la résistance à l’extinction du christianisme
Victoire de l’islam : un christianisme peu implanté ?
Du christianisme à l’islam : adaptations et facilités
Du christianisme à l’islam : ressentiments et espoir
L’accueil des nouveaux venus : un substrat maghrébo-oriental ?
Épilogue
Annexes
Noms de lieux, noms géographiques : tableau de correspondance
Glossaire des noms communs
Repères chronologiques
Avant J.-C.
Après J.-C.
À lire pour en savoir plus
Table
Gilbert Meynier, L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’Islam, 228 p.,
La Découverte
Tiré du site :
http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2006/12/16/3434091.html
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