.
VII.- Enfin on se plaint que les algériens violent les traités de paix, & déclarent la guerre aux chrétiens, sans autre raison qui les y autorise que leur intérêt ou leurs caprices ; que leurs hostilités commencent dès le moment qu’ils l’ont résolue dans le Divan, en arrêtant & confisquant les bâti¬ents qui sont dans leur port appartenant à la nation avec laquelle ils viennent de rompre la paix, après avoir seulement signifié cette rupture au consul ; qu’ils ont le temps de faire des prises par surprise avant que leurs nouveaux ennemis soient avertis de ce qui se passe ; & que même en pleine paix, ils pillent les bâtiments amis, en obligeant les maîtres de leur donner ce qui leur manque, comme vivres, cordages, & autres choses
.
Tout cela est remarquable, parce que les algériens le font impoliment & brusquement. Les chrétiens sont quelquefois dans le même cas à l’égard de leurs amis où alliés, mais ils font les choses d’une manière moins rude. Ils font une demande qu’on ne veut pas leur accorder, & sur le prétexte qu’on appelle déni de justice, ils font irruption sur les terres des refusants, & enlèvent une ville, une province, un territoire, & déclarent par des manifestes que leurs prétention étant justes, leurs conquêtes le sont aussi. Des généraux d’armée se hâtent de donner bataille à l’ennemi, lorsqu’ils sont sûrs de recevoir incessamment ordre de publier la paix qui est déjà arrêtée & conclue, & font périr des milliers d’hommes. D’autres commandent leurs troupes à la solde d’un ou plusieurs princes alliés, dans le temps qu’ils sont d’intelligence avec les ennemis de ceux avec lesquels ils paraissent unis par un traité d’alliance & de confédération. Les uns appellent cela politique, & d’autres trahison.
.
Pour ce qui me regarde, le pillage fait par les algériens sur les bâtiments de leurs amis, tels que je les ai expliqués, ce pillage n’est rien en comparaison de celui que les corsaires chrétiens ont fait sur leurs amis, surtout pendant la dernière guerre. Ils ont arrêté un grand nombre de bâtiments amis, sous prétexte qu’ils étaient chargés pour compte des ennemis ou de marchandises du cru ou fabrique de leur pays ; & après les avoir subtilement pillés & les avoir conduits dans un port, les capitaines pris qui en ont obtenu la main levée, n’ont pas laissé que d’être énormément lésés par la perte de temps, des occasions, par le dépérissement des marchandises & les frais qu’ils ont été contraints de faire pour obtenir justice. Ces corsaires ont pris des navires pendant les suspensions d’armes, qui n’ont jamais été restitués. Les armateurs suédois ont pris les navires amis & ennemis indifféremment, & les corsaires de Zélande ont aussi arrêté, confisqué & vendu des bâtiments hollandais, leurs confédérés, qui venaient avec un chargement de France, & qui naviguaient avec un passeport français, & les expéditions de leurs amirautés. Quelques-uns nomment cela guerre, & d’autres brigandage.
.
Les algériens se plaignent avec raison, que lorsqu’ils se rencontrent avec des corsaires chrétiens plus forts qu’eux, ces corsaires quoique amis leurs donnent la bordée d’artillerie, & leur font du dommage pour les obliger à quitter leurs croisières. Mais cela n’est que bagatelle, parce que ce n’est qu’à des turcs qu’on fait du tort. On veut même que l’action soit méritoire, parce qu’en chassant les algériens des croisières, cela peut garantir des chrétiens de tomber dans l’esclavage; & les traités de paix & la bonne foi ne doivent point prévaloir sur de si bons motifs.
.
.
.
.
.
Les commentaires récents