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Les lois civiles ou criminelles sont toutes puisées dans l’al-Coran, sans que le dey, le cadi, ni les gens de loi les puissent altérer, ni interpréter en aucune manière. La justice se rend aussi promptement qu’il se puisse, sans écritures, sans frais & sans appel, comme il a été dit au chapitre de la justice. Il n’y a point d’avocats, de procureurs, solliciteurs, greffiers, ni autres gens à mains crochues, dont l’étude est de faire du blanc le noir, & du noir le blanc, & de ruiner par leurs détours & leurs chicanes embrouillées, le bon droit de la veuve & de l’orphelin. On pensera peut-être, qu’un jugement précipité peut-être facilement sujet à erreur ; mais outre qu’une affaire est plus claire dans son principe, & ne devient obscure, que par le temps & les délais qui donnent lieu à la rendre embrouillée par des tas de papiers & de procédures de toute espèce, on doit faire attention, que celui qui accuse ou demande à faux, est puni, s’il est découvert de 500 coups de bâton, & d’une amende considérable selon son bien ; de même que celui qui nie devant le dey, un fait dont il est après convaincu, ou une somme dont il est débiteur. C’est par ce moyen que personne n’a la hardiesse de mentir devant son souverain & son juge, au lieu que parmi les chrétiens, les requêtes présentées à leurs juges, & même à leurs souverains, sont fort souvent remplies d’impostures qu’on laisse impunies, & que les parties faibles ne peuvent pas détruire.
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Les voleurs & les assassins pris en flagrant délit sont conduits sur le champ devant le dey, condamnés à être mutilés ou envoyés au supplice sans cérémonie, suivant les circonstances du crime, s’ils échappent, ils ne trouvent aucun asile. On les publie, & ceux qui les favorisent ou ne les livrent pas, sachant où ils sont, sont châtiés sévèrement & même punis de mort, si le crime des malfaiteurs mérite cette peine.
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Les banqueroutiers frauduleux sont punis de mort sans aucun espoir de grâce, s’ils sont attrapés ; & les débiteurs infortunés, après prison à la réquisition des créanciers, & n’en sortent qu’à leur volonté. Mais le dey exhorte beaucoup les créanciers à la charité, & leur cite ordinairement un passage de l’al-Coran, qui contient en substance, que lorsqu’un débiteur est pauvre, & hors d’état de payer, il faut lui remettre sa dette, & lui donner quelque chose en aumône.
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Ceux qui sont convaincus de vendre à faux poids & à fausses mesures, ou qui outrepassent le prix des denrées fixé par le dey, sont châtiés sévèrement la première fois, & punis du dernier supplice en cas de récidive. Aussi voit-on rarement des voleurs & des malfaiteurs, tels que ceux dont je viens de parler dans les villes du royaume d’Alger, & principalement de la capitale.
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Lorsqu’un chrétien a volé, blessé ou tué quelqu’un, si le cas est arrivé à l’égard d’un autre chrétien, le dey ne s’en mêle point. Il est jugé par le consul de la nation des parties, ou par celui sous la protection duquel ils sont, comme il a été dit au chapitre des résidents étrangers, à moins que ce soit un esclave qui ait commis le crime. Mais si c’est à l’égard d’un mahométan ou d’un esclave, le dey le juge légitime, & le consul est appelé à plaider la cause de l’accusé, auquel on fait ordinairement plus de grâce qu’aux maures, en accommodant avec le consul ; à moins que l’accusé ait tué surtout un effendi turc, auquel cas il faut qu’il subisse la mort.
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Ces lois ne paraissent pas trop s’éloigner du droit naturel & du droit des gens.
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