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Examinons à présent, s’il n’y a pas quelque chose de bon dans le gouvernement d’Alger, tant par rapport aux statuts & aux lois, que par rapport aux usages & à la conduite des algériens.
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I. Les statuts fondamentaux de la régence des turcs rendent tous les turcs enrôlés dans la milice, égaux entre eux, depuis le dey inclusivement jus-qu’au dernier venu, tant par rapport à la noblesse qu’au droit de passer par les emplois militaires & les charges du gouvernement sans distinction. C’est pour cela que le dey & tous les officiers du Divan & de l’État sont compris dans le livre de la paye comme soldats, & reçoivent publiquement leur paye en cette qualité, le jour qu’elle se fait, sans autre marque de distinction que d’être appelés les premiers par l’aga de la milice qui fait l’appel.
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II. Les turcs ne sont avancés à la paye & aux charges militaires (la nomination de celles du gouvernement appartenant au dey) que par l’ancienneté, lorsqu’ils font leur devoir, sans aucune partialité ni faveur : & si le dey faisait quelque passe-droit, ce qui n’arrive jamais, il lui en coûterait la vie. Aussi lorsque les soldats font quelque lâcheté, quelque bassesse, ou manquent à leurs obligations, ils ont leur paye diminuée de classe, à quoi est attachée une grande infamie, & ils sont par conséquent reculés pour leur ancienneté & leur avancement.
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III. Par ces statuts les deys doivent s’attacher uniquement à régir les affaires de l’Etat ; ils doivent s’en rendre esclaves. Un dey doit rester tous les jours de l’année sans aucune vacance, sur son siège ordinaire, depuis une certaine heure réglée jusqu’à une autre aussi réglée, pour écouter les plaintes, les rapports, recevoir les lettres ou les avis de tous ses sujets & des étrangers libres ou esclaves de quelque qualité & conditions qu’ils soient, afin que la justice soit promptement rendue & les ordres nécessaires donnés sans délai. Pour cet effet tous les officiers de l’Etat doivent se tenir toujours auprès du dey, ou s’assembler dans des endroits construits exprès, afin qu’on les trouve d’abord, lorsqu’on a besoin de leur avis, ou de leur faire exécuter les ordres.
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IV. Lorsqu’un dey est proclamé, le cadi en présence du Divan où assistent le mufti & les gens de loi, lui lit tout haut ses obligations, en faisant une courte récapitulation des lois de l’al'Coran qui sont, de conserver le royaume, de rendre bonne & prompte justice, de protéger l’innocent, d’exterminer les méchants, de punir l’adultère, de ne point laisser sortir les grains & les denrées de manière que le peuple en puisse souffrir, de taxer ces même grains & denrées selon l’abondance ou la disette ; & d’empêcher l’usure des pauvres, laquelle est abominable devant Dieu. Il est averti, que s’il contrevient lui-même à ces articles, il sera puni lui-même de la même manière qu’il doit punir les autres.
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V. Les forces de l’Etat ne doivent point être diminuées, mais bien augmentées ; de sorte qu’un vaisseau corsaire pris ou perdu doit être remplacé dans un certain temps qui est prescrit aux armateurs, lesquels sont obligés d’en acheter ou d’en faire construire un autre de la même grandeur & force. Ils peuvent en acquérir un plus grand & plus fort, mais jamais moindre que celui qui est pris ou perdu.
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VI. Les turcs qui tombent entre les mains de leurs ennemis chrétiens, ne sont point rachetés par le gouvernement ; mais ils sont au contraire censés morts à la république, & leurs biens lui sont acquis, s’ils n’ont ni enfants ni frères. Le premier cas a été établi à l’imitation de l’ordre de Malte, pour se voir contraints à vendre chèrement leur liberté, & ils ont voulu renchérir pardessus pour être excités davantage à une vigoureuse défense.
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VII. Enfin, on doit recevoir à Alger & dans tous les ports du royaume, tous les étrangers qui y viendraient avec leurs vaisseaux, effets & marchandises, en payant les droits réglés par les traités, ou les mêmes droits que les sujets de l’Etat, lorsque ce seront des étrangers avec lesquels on n’aura point de traité, ou qui ne se mettront point sous la protection du consul, ce qui leur est libre. Ceux-mêmes avec lesquels on est actuellement en guerre, peuvent y aller, s’y établir, commencer, ou y conduire leurs vaisseaux qui y sont libres comme amis, & sont reçus comme tels, dès qu’ils sont sous le canon des forteresses, en payant seulement double droit d’encrage.
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C'est là le précis des statuts.
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