L’association "Mechaâl Echahid" a organisé mardi au siège du quotidien El-Moudjahid, une conférence intitulée "Hommage au défunt moudjahid Houari Boumediène", à l’occasion de la commémoration du 29e anniversaire de sa disparition. La rencontre qui s’est déroulée en présence de figures nationales, de personnalités diplomatiques, d’historiens et de journalistes, a été animée par nombre d’enseignants universitaires. Les témoignages de personnes ayant cotoyé le défunt ont porté notamment sur son militantisme lors de la guerre de libération nationale et son rôle prépondérant dans l’organisation de l’Armée de libération nationale (ALN). Les intervenants ont insisté aussi sur les principales réalisations enregistrées lors de la période durant laquelle il a dirigé l’Algérie au lendemain de l’Indépendance. Ils ont également mis l’accent sur le rôle du Président Boumediène dans la préservation de l’unité nationale, l’édification des institutions de l’Etat et le développement des régions déshéritées. La rencontre a été une occasion pour rappeler les positions remarquables du Président Boumediène pour soutenir la cause palestinienne et les peuples vivant encore sous le joug du colonialisme en particulier dans le continent africain.L’association Machaâl Chahid, en coordination avec El Moudjahid, a assuré, hier, une rencontre commémorant le 29e anniversaire de la disparition du défunt président Houari Boumediène. La rencontre a vu la présence des élèves officiers de l’Ecole de police de Châteauneuf, d’anciens responsables politiques, proches de l’ancien Président de la République, dont certains témoignèrent à la tribune de leur collaboration avec celui-ci.
La présence de l’épouse du défunt Président, Mme Anissa Boumediène, a permis à cette dernière d’apporter, elle aussi, un témoignage pathétique. Enfin, cette rencontre a été rehaussée par la participation de l’ambassadeur de l’Etat de Palestine, qui a d’ailleurs ouvert le cycle des interventions. Le diplomate palestinien a rappelé, lors de son intervention, le soutien énorme qu’apporta le défunt Président à la cause palestinienne en rappelant le fameux : “Nous sommes avec la Palestine, coupable ou victime”, lancé par Houari Boumediène qui scella à jamais le lien entre les deux pays.
L’ambassadeur de Palestine rappela aussi que c’est sous la présidence de Houari Boumediène que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, l’actuel Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, qui présidait alors l’Assemblée générale des Nations unies, a permis à M. Yasser Arafat d’accéder à la tribune et d’y prononcer un discours historique. On se rappelle que c’est durant la même séance que, sur intervention du président de l’Assemblée générale, fut expulsé de l’enceinte le représentant du régime raciste d’Afrique du Sud.
Ces deux grandes initiatives ont été saluées comme il se doit par la communauté internationale. Le diplomate palestinien devait également louer l’attitude de l’Algérie qui, tout en ne ménageant jamais son aide, n’a jamais été surprise d’ingérence dans les affaires palestiniennes.
A l’ambassadeur de l’Etat de Palestine a succédé M. Mohamed Abbas, écrivain, qui rappela la vie du défunt Président, issu de milieu modeste, dit-il, et qui a su s’élever par sa seule force de caractère et son intelligence aux responsabilités qui furent les siennes.
M. Mohamed Abbas a rappelé dans le détail l’itinéraire qui a amené le défunt Président des rangs de sa condition d’étudiant à celui de responsable au sein de la lutte de Libération nationale.
Il rappela aussi sa conviction dans la lutte, son sens de l’organisation, sa capacité de dialogue. Cette dernière qualité a été souvent reprise par les autres intervenants, notamment M. Mahieddine Amimour et Bouhara, qui furent des responsables proches de Boumediène.
M. Amimour porta témoignage de cette capacité d’écoute de l’ancien Président, sa disponibilité pour la concertation la plus large, écoutant les avis des uns et des autres avec beaucoup de respect et d’attention. M. Amimour a évoqué aussi les qualités de grand dirigeant politique et d’homme d’Etat que fut Houari Boumediène, son autorité, sa fermeté quant aux causes justes qu’il défendait.
M. Abderrezak Bouhara a évoqué, pour sa part, les qualités de commandement dont faisait preuve Houari Boumediène alors chef d’état-major de l’ALN, le complot de la France coloniale qu’il a permis d’éventer et qui avait pour but d’éparpiller l’ALN et d’empêcher la constitution d’une armée nationale populaire. Le gouvernement français avait, en effet, pour objectif que l’armée des frontières reste aux frontières et que l’armée algérienne soit constituée de la force locale issue des accords de cessez-le-feu et pour la période transitoire devant mener à l’indépendance. Cette force locale était constituée, selon M. Bouhara, de 37.000 éléments, c’était des manœuvres contre l’ALN et la Révolution algérienne, affirmait M. Bouhara, que les Français craignaient une sorte de Dien Bien Phu émanant de l’armée des frontières.
Pour l’ancien responsable militaire et ancien ministre, l’ancien Président a été de son vivant un homme de dialogue, un démocrate particulièrement proche du peuple. Il avait une grande force intérieure, témoigne alors l’orateur, qui a beaucoup milité pour la grandeur de son pays après avoir été un combattant particulièrement vigilant dans la défense des idéaux de la Révolution.
D’autres proches de l’ancien Président, comme le responsable du Haras El Djemhouri du temps de Boumediène, des diplomates, ont relevé le caractère actif de la diplomatie algérienne. Les uns rappelèrent son sens du pardon, la défense des intérêts du pays, sa fermeté sur les principes et valeurs qui fondent la Révolution algérienne et notamment celui du droit à l’autodétermination des peuples qui expliquent les positions de l’Algérie qui sont restées immuables concernant le Sahara occidental, comme la Palestine.
La série d’interventions fut clôturée par la veuve du défunt Président, qui a su, à travers un poignant témoignage, restituer et notamment aux jeunes, l’image de l’homme, de l’époux et celui de l’homme d’Etat. C’était un homme, dit de lui sa veuve, qui avait grandement horreur de la hogra et qui la combattait farouchement.
Mme Anissa Boumediène a rappelé ce que souvent le défunt Président lui disait, que le peuple algérien n’aimait pas la hogra.
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Par : Tahar Mohamed Al-Anouar
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L’ancien président algérien, Chadli Bendjedid, relance la polémique et le doute au sujet de la mort de son prédécesseur Houari Boumediene
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Dans une interview publiée dimanche par El-Khabar. A une question sur les circonstances de la mort de Boumediene, Chadli donne une réponse étonnante et inattendue de sa part : «Je ne peux pas trancher sur cette question. Est-il mort de façon naturelle ou bien a-t-il été empoisonné ? Cependant, j’ai le sentiment que sa mort ressemble à la mort de Yasser Arafat.»
Le décès du leader palestinien est donné pour suspect par son entourage et par plusieurs analystes qui parlent d’un « assassinat déguisé ». Venant de la part de son successeur, cette déclaration sur Boumediene ne manque pas de poids. Dans cette même interview, Chadli Bendjedid évoque également plusieurs aspects cachés de la vie du défunt Houari Boumediene qu’il a bien connu.
Après le rebondissement de l’affaire Mecili, cette révélation surprenante de l’ancien président Chadli Bendjedid est la seconde à impliquer la hiérarchie militaire…Et nous ne sommes encore à 15 mois des présidentielles !
Voici les principales réponses de Chadli Bendjedid :
El Khabar : Monsieur Chadli, il est rare qu’un président évoque un autre président qui l’a précédé ou remplacé, cela vous dérange-t-il de parler du président Houari Boumediene ? Chadli Bendjedid : Jamais de la vie. Avant d’être président, Boumediene était mon compagnon d’armes et un ami dont j’étais fier. Trois décennies après sa mort, il est regrettable qu’on ne lui accorde pas tout l’intérêt et la considération qu’il mérite, à part quelques rencontres circonstancielles qui ont lieu une fois l’an, à dessein politique. Je regrette aussi que de nombreux hommes politiques se drapent du manteau de Boumediene, lorsqu’il s’agit d’évoquer les aspects positifs de son époque, puis s’en lavent les mains lorsqu’on parle des points négatifs de cette période.
El Khabar :Revenons, s’il vous plaît, au Boumediene que vous avez connu. Chadli Bendjedid : La plupart des gens ont une fausse image de Boumediene. Il était replié sur lui-même, réservé et timide. Il était peu bavard et écoutait plus qu’il ne parlait. De plus, il ne prenait pas de décisions avec empressement mais consultait son entourage. Cependant, il savait se montrer strict et efficace lorsqu’il s’agissait de l’intérêt du pays. Les gens ont de Boumediene l’image d’un dirigeant autoritaire et totalitaire. Il n’était pas comme ça… Que ce soit dans l’armée, le Conseil de la révolution ou le gouvernement, Boumediene consultait ses adjoints pour les plus importantes décisions. Après sa mort, certains ont tenté d’éluder leurs responsabilités dans la prise de décisions collectives, dont l’échec a été imputé à Boumediene. Je veux assurer que nous assumons tous les grandes décisions de l’ère Boumediene, avec ses aspects positifs et négatifs.
El Khabar : On reproche à Boumediene ses choix concernant les grandes options du pays, contentons-nous de sa position sur deux questions : l’arabisation et l’islam. Chadli Bendjedid : Boumediene s’est intéressé à l’arabisation, car il était convaincu que la restauration de la langue arabe était une revendication du mouvement national, mentionnée dans tous les documents officiels de la Révolution algérienne. Durant son mandat, l’administration et la justice ont été arabisées, et une politique globale a été tracée pour l’arabisation progressive de tous les paliers de l’enseignement. Cela dit, il appelait aussi à l’ouverture aux autres langues et les autres cultures, dans la mesure où elles pouvaient servir la langue arabe. Boumediene avait une foi profonde, et il tenait à appliquer les principes de la charia (loi islamique), et à les adapter à l’option socialiste. Il ne faut pas perdre de vue qu’il avait étudié à El Azhar, et il considérait que l’islam est la religion de la justice sociale et de l’égalité en droits et devoirs
El Khabar :Pouvons-nous vous parler des derniers jours de sa vie, et avez-vous des doutes sur les circonstances de sa mort ? Chadli Bendjedid : Je ne peux pas trancher sur cette question. Est-il mort de façon naturelle ou bien a-t-il été empoisonné ? Cependant, j’ai le sentiment que sa mort ressemble à la mort de Yasser Arafat. Durant les dernières années de sa vie, il me rendait visite à Oran, au siège de la deuxième région militaire, et je remarquais des marques d’épuisement sur son visage, il ressentait certaines douleurs mais il ne s’en plaignait pas. A son retour de Damas, après la réunion du Front de résistance et de défi, Boumediene n’apparaissait plus en public, ensuite il a été transféré à Moscou pour y être soigné, mais sa maladie s’est aggravée, et après son retour, il est mort le 27 décembre 1978.
El Khabar : Pouvons-nous vous demander comment vous lui avez succédé ? Chadli Bendjedid : Avant sa mort, le président Houari Boumediene m’a désigné responsable des corps de sécurité. Les querelles autour de sa succession avaient débuté avant sa mort, mais je n’aspirais pas, personnellement, au poste de président. J’évoquerais tous ces détails un jour dans mes mémoires, et je me contente ici d’indiquer que le quatrième congrès du Front de libération nationale m’a désigné secrétaire général du parti, et candidat à la présidence de la République.
El Khabar :Certains ont pensé que les décisions que vous avez prises après votre arrivée au pouvoir vont à l’encontre de la politique de Boumediene, quel est votre commentaire ? Chadli Bendjedid : Avant sa disparition, Boumediene pensait sérieusement à introduire des changements radicaux dans la politique agricole, la politique industrielle et les nationalisations. Ceux qui m’accusent d’avoir effacé les traces de l’ère Boumediene sont précisément ceux qui ont le plus bénéficié de la situation et qu’on appelle les barons du régime, ainsi qu’une minorité de gauchistes qui ont voulu obtenir des privilèges au prix de quelques marchandages mais j’ai refusé, et lorsque j’ai entrepris les réformes, on a dit que je voulais effacer les traces de Boumediene. On a aussi parlé de décennie noire. De quelle décennie parlent-ils ? Ont-ils analysé objectivement l’époque Chadli ? Ont-ils évalué les réalisations dans le domaine de l’économie ? Qui oserait dire aujourd’hui que l’instigateur du pluralisme politique, de l’ouverture du champ médiatique et de la culture des droits de l’Homme est une autre personne que Chadli ?
El Khabar :Un dernier mot sur Boumediene ? Chadli Bendjedid : Son unique souci était de libérer l’Algérie de la colonisation et la construction d’une Algérie qui jouisse de la justice sociale et de la prospérité. Il rêvait d’une société affranchie de l’ignorance et de la dépendance. Il a servi son peuple au point d’oublier les siens et sa propre personne. Je le vois toujours entouré d’un halo de lumière.
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Histoire d´une légende
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«Les expériences humaines dans bien des régions du monde ont démontré que les liens spirituels (...) n´ont pas pu résister aux coups de boutoir de la pauvreté et de l´ignorance pour la simple raison que les hommes ne veulent pas aller au Paradis le ventre creux. (...) Les peuples qui ont faim ont besoin de pain, les peuples ignorants de savoir, les peuples malades d´hôpitaux.» Discours de Boumediène à la Conférence des États islamiques à Lahore en 1974.
27 décembre 1978, le destin de l´Algérie bascule, une fois de plus. Le président Boumediène décède. Ce fut véritablement un choc bien que l´opinion fut préparée à cette douloureuse issue. Qui était Houari Boumediène qui fascine tant les jeunes et moins jeunes? Certains retiennent le fameux "Kararna ta´emime el mahroukate": "Nous avons décidé la nationalisation des hydrocarbures". Par cette phrase, Boumediène annonçait à la face du monde que l´Algérie tenait en main son destin énergétique. Est-ce ce leader qui, pour la première fois, à la tribune des Nations unies, militait pour un Nouvel ordre économique international plus juste, où les matières premières seraient payées à un prix juste? Mohammed Boukharouba, qui prendra le nom de Houari Boumediène, a vu le jour à Aïn Hasseïnia, près de Guelma le 23 août 1932. Né dans une famille de paysans pauvres, il symbolise par sa naissance la pluralité de l´Algérie dans sa double composante identitaire: son père était arabophone et sa mère berbérophone. Il incarnait ainsi, vraiment, l´Algérie dans sa diversité. Il a passé son enfance, en effet, parmi les fellahs dont il a conservé la rusticité.
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De Cheikh Raymond à Driassa
. Il avait rejoint, avance Paul Balta, à six ans, l´école primaire française. Ses parents l´avaient mis aussi, parallèlement, dans une école coranique où il apprendra, parfaitement, les soixante versets du Livre saint de l´Islam. Il est entré, peu après, à la médersa El Kittania de Constantine où l´enseignement était dispensé, totalement, en arabe. Il est certain, cependant, qu´il avait déjà contracté le goût de la lecture, en français. Il l´a, vraisemblablement, conservé toute sa vie. Certains témoins m´ont rapporté qu´il lui arrivait de réciter, mais dans un cadre restreint car il était très pudique, "La mort du loup" d´Alfred de Vigny. Au cours de nos tête-à-tête, il est advenu qu´il recourt, pour étayer son argumentation, à des ouvrages français, ceux de Jacques Berque.Il avait évoqué l´Egyptien Taha Hussein. Ses lectures étaient très éclectiques mais portaient, essentiellement, sur les chroniques d´histoire politique, les biographies d´hommes d´Etat, des recueils de poésies arabe et française. Pour ce qui concerne ses goûts musicaux, j´ai déjà évoqué sa faiblesse pour le flamenco du temps de l´état-major. J´ai appris que devenu chef de l´Etat, il écoutait, religieusement, "le concerto d´Aranjuez", réminiscence, sans doute, d´un attachement profond à l´Andalousie musulmane. Cela ne l´empêchait pas de goûter à toute la panoplie de la chanson algérienne, notamment les mélodies de Aïssa El Djarmouni voire les chansons à thème politique de Rabah Driassa sans oublier les mélopées de Cheikh Raymond. «Il est certain que Boumediène était profondément convaincu de la nécessité de rétablir la langue et la culture arabes dans leur statut souverain en Algérie. Il avait grand soin à ce que ses discours officiels soient rédigés dans la langue arabe. Par contre, il faisait preuve d´une grande ouverture d´esprit pour la culture occidentale en général dont il voulait promouvoir les rapports d´échanges avec la pensée arabe et musulmane».(1)
"Discret mais efficace, timide mais fier, réservé mais volontaire, autoritaire mais humain, généreux mais exigeant, prudent dans l´audace, voilà comment m´est apparu Boumediène lorsque j´ai eu à le connaître et à l´observer. Homme du soir, il aimait se retrouver, de temps à autre, tant qu´il était encore célibataire, avec quelques amis auprès desquels il se montrait enjoué et rieur, selon ce que m´ont affirmé plusieurs d´entre eux. Il aimait jouer, aussi, aux échecs sans être un joueur émérite. Ses goûts gastronomiques étaient sans prétention et, en fait, il avait fini par contracter l´habitude des plats servis dans l´armée. Il évitait, systématiquement, les sucreries mais raffolait des galettes de pain faites à la main. En fait, aucun luxe n´avait prise sur lui, sinon celui de fumer. Président de la République, il opte, cependant, pour les cigares cubains que lui envoyait Fidel Castro. Avec le burnous en poil de chameau, c´est le seul luxe qu´il se soit permis".(1)
"Il était animé par une profonde conviction, l´argent de l´État appartenait à la nation et ne devait pas être dilapidé. Cette conviction a guidé son comportement, de bout en bout de sa vie. Devenu président de la République, il usait toujours de son seul salaire et s´interdisait les dépenses somptuaires qu´il aurait pu facilement imputer au budget de l´État. Lorsqu´il lui arrivait de se rendre à l´étranger, il s´interdisait tout aussi bien les achats luxueux. Contrairement à certains chefs d´État d´autres pays arabes, il ne s´était pas fait construire ni un ni plusieurs palais luxueux, ni en Algérie ni à l´étranger. Sachant que je connaissais bien les pays du Golfe où j´avais effectué de nombreux reportages, il m´avait raconté qu´un des émirs lui avait offert une de ces voitures rutilantes et luxueuses qu´il avait aussitôt fait parquer dans un garage. Son chauffeur me l´avait montrée. Après sa mort, elle était toujours sur cales, inutilisée...A sa mort, ses détracteurs ont découvert, avec étonnement, qu´il ne détenait aucun patrimoine immobilier, aucune fortune personnelle et que son compte courant postal était approvisionné à hauteur, seulement, de 6000 dinars...Il était très réticent à évoquer sa vie privée. Je sais toutefois qu´il était très attaché à sa mère et lui donnait pour vivre une partie de son salaire. Des témoins m´ont néanmoins raconté qu´il s´était disputé avec elle, alors qu´elle était en vacances à Chréa, une station d´hiver proche d´Alger. Sa mère lui avait demandé, en effet, de faire exempter son frère cadet Saïd des obligations du service national. Houari Boumediène opposa un refus catégorique. Quelque temps plus tard, en effet, Saïd qui fit ses études à l´Ecole nationale polytechnique, le frère cadet accomplissait, dans des conditions très ordinaires, son service national..."(1)
"Boumediene entretenait des rapports empreints de courtoisie, pour le moins de correction, avec ses collaborateurs. Qu´il s´agisse de ministres, de conseillers, de secrétaires, de gardes du corps ou de chauffeurs, il se comportait avec une égale humeur, une grande sérénité et des gestes pondérés. Cela ne l´empêchait pas, sur le plan du travail, d´être des plus exigeants, tout comme il l´était avec lui-même. Boumediène était guidé par un souci permanent de préserver l´unité nationale - à telle enseigne qu´il avait interdit que les notices biographiques officielles des responsables comportent leur lieu de naissance- supervisait, de loin mais attentivement, cet ensemble en prenant soin de déceler, au passage, les compétences qu´il savait récupérer à son service, mais surtout en veillant à ce que le népotisme et le régionalisme ne soient pas érigés en règle au niveau des institutions et des grands corps de l´Etat. Il savait aussi se mettre à l´écoute de ses collaborateurs et pratiquait le travail en équipe. Probablement, l´usage du burnous, habit traditionnel en Algérie, comportait-il, pour lui, une signification symbolique particulière, une manière d´afficher l´identité retrouvée du peuple algérien. Le protocole demeurait, autrement, assez sobre, sans aspect ostentatoire..."(1)
"Encore une fois, l´essentiel, pour lui, était de mobiliser le peuple et d´assurer le succès du triple objectif qu´il s´était fixé, construire l´État, parfaire l´indépendance politique par la récupération des richesses nationales, poser les bases du décollage économique. Il est incontestable que vers la fin de son règne, Boumediène avait été gagné au goût de l´action diplomatique. Il voulait donner à l´Algérie une place qu´elle n´avait jamais occupée auparavant sur la scène internationale. Le Sommet des Non-Alignés de 1973 a constitué une étape fondamentale qui a servi de tremplin. L´apothéose de ce redéploiement diplomatique fut, incontestablement, la participation de Boumediène, en avril 1974, à la session spéciale de l´Assemblée générale de l´ONU où il a prononcé un discours mémorable sur le Nouvel ordre économique international." "Boumediène, sachant que l´armée, au lendemain de l´Indépendance, serait la seule force soudée et homogène, capable d´impact sur le terrain, a réussi l´intégration des wilayate au sein de la nouvelle Armée nationale populaire. Ce n´est pas si peu dire. Il a été, incontestablement, le fondateur de l´Armée algérienne, au sens moderne du terme. Il entrait, parfaitement, dans ses projets d´avenir, de remplacer les cadres hérités de la guerre de Libération nationale, par des officiers issus, soit des écoles de Cadets de la Révolution, soit des bancs de l´université puisque les portes des forces armées leur avaient été ouvertes".(1)
Ces mêmes cadets auprès de qui Boumediène venait les week-end à Koléa pour s´enquérir de l´avancement de leur scolarité. Il fut donné à l´auteur de ces lignes, enseignant en tant que sous-lieutenant dans le cadre du service national, d´apercevoir le Président s´enquérir de la scolarité de plusieurs cadets dont il était le tuteur.
S´agissant de ses relations avec la France, De Gaulle fut un visionnaire. L´homme du 18 juin 1940 avait déjà compris les motivations de celui qui deviendra l´homme du 19 Juin 1965". "Boumediène avait de l´admiration pour de Gaulle, ce visionnaire, rénovateur de la politique arabe de la France". Il a, publiquement, confirmé ce jugement dans son message de condoléances, à la mort du général en 1970: "Je m´incline devant le patriote exceptionnel qui a su concevoir, dans une vision noble et généreuse (...), l´avenir des peuples algérien et français".
"Boumediène, écrit Ali Mebroukine, a toujours été respectueux de la légalité révolutionnaire. On va voir qu´à travers les profondes réformes engagées sur le terrain, c´était tout un projet de société que H.Boumediène entendait mettre en oeuvre. Quelque opinion qu´on ait du bilan du président Boumediène, force est de constater que la récupération des richesses naturelles (1966 et 1971), la Révolution agraire, la démocratisation de l´enseignement donnaient un contenu concret aux principes contenus dans la proclamation du 1er Novembre 1954; autrement dit H.Boumediène n´a eu de cesse de rester fidèle à la raison d´être même du combat mené par le peuple algérien pour se libérer de la domination coloniale et accéder enfin à la dignité et au bien-être. Un an et demi avant sa mort, le président H. Boumediene remanie les structures du gouvernement, revient sur le modèle économique en vigueur, décide de mettre fin à une politique d´arabisation outrancière et démagogique (la désignation de Mostefa Lacheraf comme ministre de l´Enseignement fondamental est emblématique à cet égard), instaure un numerus clausus à minima à l´entrée de l´université pour prévenir sa clochardisation. Ces mesures annonçaient des réformes de structure plus profondes qui devaient être initiées à partir de 1979. Le président Boumediène était porteur d´un projet de transformation de la société algérienne. A cet égard, il est indéniable que le président Boumediène n´a pas pu se hisser au-dessus des clans et des factions qui étaient à l´oeuvre au sein des appareils d´Etat et qu´il n´a pu empêcher le jeu des forces centrifuges qui cherchèrent à le déstabiliser, à partir de 1977, sitôt qu´il eut exprimé sa détermination de "nettoyer les écuries d´Augias". Le président Boumediène était indéniablement un homme d´Etat auquel avait fait défaut la plus précieuse et la plus rare des ressources dont aucun bâtisseur ne peut se passer, le temps".(2)
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Projets de réformes Boumediène projetait justement des réformes qu´il n´eut pas le temps de réaliser. Paul Balta écrit: "J´avais rencontré Boumediène, fin août 1978, pour lui faire mes adieux. Il avait exprimé sa déception et vivement insisté pour que je reste: "Vous avez vécu la mise en place des institutions, il faut aller jusqu´au bout. Il va y avoir des changements importants. J´envisage pour la fin de l´année ou le début de 1979, un grand congrès du parti. Nous devons dresser le bilan, passer en revue ce qui est positif mais surtout examiner les causes de nos échecs, rectifier nos erreurs et définir les nouvelles options. Témoin de notre expérience, vous êtes le mieux placé pour juger ces évolutions."Intrigué, je lui avais posé quelques questions: "Envisagez-vous d´ouvrir la porte au multipartisme? D´accorder plus de place au secteur privé? De libéraliser la presse? De faciliter l´organisation du mouvement associatif?" Il avait esquissé un sourire qui allait dans le sens d´une approbation: "Vous êtes le premier à qui j´en parle, je ne peux être plus explicite pour le moment, mais faites-moi confiance, vous ne serez pas déçu" ".(1)
Curieusement, après la mort de Boumediène, il s´est produit une déboumédienisation rampante et les mêmes laudateurs de la période précédente devinrent des Fouquier-Tinville en puissance. Tout fut démonté, au propre comme au figuré. Curieusement aussi, le personnage de Boumediène n´a jamais fait l´objet d´une étude de son action. A tous les détracteurs, qu´il suffise de retenir les données objectives suivantes: de 1965 à 1978, date de la mort de Boumediène. l´Algérie a engrangé, en 13 années, l´équivalent de 22 milliards de dollars. Ce qui a permis d´asseoir une industrie chimique, une industrie mécanique, une industrie sidérurgique. 30 ans après, il ne nous reste que l´outil de raffinage (22,5 millions de tonnes) et pétrochimique. Nous sommes bien contents de l´avoir car, depuis, nous n´avons pratiquement rien investi dans l´aval. Tout a été investi dans l´amont pour rendre plus facilement exportables les hydrocarbures liquides et gazeux et être des bons élèves de l´Occident au détriment de nos obligations vis-à-vis des générations futures. Depuis 1979, l´Algérie a engrangé près de 400 milliards de dollars dont 59 milliards de dollars pour 2007. Qu´avons-nous fait???
Il est donc malvenu, objectivement, de nier ce qui a été accompli par le président Boumediène. Naturellement et comme tout homme, Boumediène avait sa part d´ombre et avait fait des erreurs, dit-on, dans l´agriculture, il n´empêche que ses idées étaient généreuses et il ne profita pas de sa position pour s´enrichir. Pour avoir donné des motifs de fierté aux Algériennes et Algériens. Pour avoir entretenu l´aura de la Révolution algérienne contre vents et marées. Pour avoir simplement fait son devoir, il quitte l´histoire, il entre dans la légende. L´Algérie a plus que jamais soif d´Algériens de sa trempe pour lui redonner espoir.
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* Ecole nationale polytechnique * Ecole d´ingénieurs de Toulouse
1.Paul Balta. Interview www.lesoirdalgerie.com/pdf/2007/01/entretien0107.pdf 2. Ali Mebroukine: Houari Boumediene où l´histoire d´un destin contrarié www.elwatan.com. 27/12/2006
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Chems Eddine CHITOUR
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