Tipaza

N o c e s @ T i p a z a

À propos de l'auteur

Ma Photo

Les notes récentes

  • 31 juil 2024 12:27:22
  • Wassyla Tamzali présente son dernier livre à Montréal
  • Assia Djebar (1936-2015) par Maïssa Bey
  • Ce que l'on sait de la mort de dizaines d'anciens mercenaires de la compagnie "Wagner" au Mali, leurs pertes les plus importantes depuis le début de leur présence en Afrique
  • الحمد لله مابقاش استعمار في بلادنا
  • La tragique histoire de Cléopâtre Séléné, fille de la plus célèbre reine d'Egypt
  • Mythologie Berbère
  • G a z a
  • Albert Camus . Retour à Tipasa
  • ALBERT CAMUS - L'étranger

Catégories

  • Décennie noire (10)
  • Gaza (155)
  • Mahmoud Darwich (1)
  • Proche-Orient (3)
  • SANTÉ MENTALE (1)
  • «Europe (2)
  • Accueil (4)
  • Afghanistan (21)
  • Afique (7)
  • Afrique (7)
  • Afrique du Nord (1)
  • AGRICULTURE (2)
  • Alger (91)
  • Algérie (716)
  • Angleterre (3)
  • Arabie Saoudite ou maud;.. :) (10)
  • Armée (9)
  • Assia Djebar (26)
  • Autochtones (1)
  • AZERBAÏDJAN (1)
  • Biens mal acquis (1)
  • Bombe atomique (6)
  • Camus (679)
  • Canada (29)
  • changements climatiques (13)
  • Chansons (92)
  • Cherchell (20)
  • Chine (19)
  • Cinéma (65)
  • Climat (11)
  • colonisation (634)
  • COP15 (1)
  • corruption (36)
  • Covid-19 (80)
  • Culture (666)
  • Curiel, (4)
  • De Gaulle (1)
  • Divers (579)
  • Donald Trump (7)
  • Décennir noire (66)
  • Egypte (9)
  • Femmes (3)
  • France (1944)
  • Frantz Fanon (2)
  • Féminicides (10)
  • Guerre d'Algérie (3769)
  • Hadjout / Marengo (36)
  • Haraga (4)
  • Harkis (3)
  • HIRAK (26)
  • Histoire (494)
  • Immigration (86)
  • Incendies (16)
  • Inde (1)
  • Indochine (3)
  • Irak (3)
  • Iran (39)
  • Islam (170)
  • Islamophobie (6)
  • Israël (712)
  • Italie (2)
  • J.O (1)
  • Japon (2)
  • Jean Séna (2)
  • Jean Sénac (1)
  • Justice (1)
  • Kamala Harris a-t-elle des chances de gagner ? (1)
  • L'Algérie Turque (31)
  • L'Armée (4)
  • Lejournal Depersonne (209)
  • Les ruines (98)
  • Liban (3)
  • Libye (9)
  • Littérature (175)
  • Livres (164)
  • Ll’information (2)
  • L’autisme (2)
  • L’extrême-droite (2)
  • Macron (25)
  • Maghreb (5)
  • Mahmoud Darwich (6)
  • Mali (1)
  • Maroc (137)
  • Mayotte (2)
  • Moyen-Orient (21)
  • Musulman (1)
  • Nanterre (1)
  • Nelson Mandel (1)
  • Nicolas Sarkozy (2)
  • Niger (2)
  • Nouvelle-Calédonie (2)
  • Oran (1)
  • Otan (2)
  • ouïghoure (1)
  • ouïghoure » (3)
  • Palestine (488)
  • Paléstine (540)
  • Pirates informatique (2)
  • Plastique (7)
  • Police (3)
  • Politique (183)
  • Poésie/Littérature (695)
  • Pétrole (2)
  • QATAR (5)
  • Québec (47)
  • Racisme (178)
  • Religion (73)
  • Russie-Ukraine (82)
  • RÉFUGIÉS (1)
  • Sahara Occidental (25)
  • SANTÉ MENTALE (1)
  • Santé (1)
  • Société (459)
  • Souvenirs (64)
  • Sport (12)
  • Suisse (1)
  • Syrie. (1)
  • séisme (1)
  • Séismes (17)
  • Tipaza (52)
  • Tourisme (201)
  • Tsunami (1)
  • Tunisie (72)
  • Turquie (3)
  • Ukraine (65)
  • USA (94)
  • Vietnam (13)
  • Violences policières (100)
  • Wilaya de Tipaza (214)
  • Yémen (3)
  • Zemmour (1)
  • Éducaton (2)
  • Égypte (4)
See More

Les commentaires récents

  • ben sur Qu’est-ce que l’indépendance au XXIe siècle?: les défis du prochain quinquennat
  • ben sur En Quête D’Identité
  • ben sur À la Cour internationale de justice, un revers pour Israël
  • ben sur Le spectre d’une seconde Nakba en Cisjordanie
  • ben sur Tremblements de terre ! Incertitudes et enseignements
  • GONZALEZ Francis sur Attentat du Drakkar : 58 paras meurent pour la France
  • anissa sur Camus - Kateb Yacine, deux frères ennemis !?
  • Rachid sur La femme dans la guerre d’Algerie
  • Daniele Vossough sur Moi, Roberte Thuveny et le rêve algérien de mon père
  • Seddik sur Le poison français (2e partie)

Archives

  • juillet 2024
  • juin 2024
  • mai 2024
  • avril 2024
  • mars 2024
  • février 2024
  • janvier 2024
  • décembre 2023
  • novembre 2023
  • octobre 2023

Algérie : le drame de Ryma, brûlée vive par son voisin, déclenche un vaste mouvement de solidarité

 

La jeune femme a pu être évacuée pour des soins en Espagne et son état se serait stabilisé.

 

 

image from www.middleeasteye.net
Ryma, 28 ans, enseignante, a été brûlée vive par un homme qu’elle refusait d’épouser (Facebook)
Par 
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update: 5 hours 29 secs ago
325Shares
sharethis sharing button

Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.

image from pbs.twimg.com image from pbs.twimg.com

La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.   

« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.

Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).

Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.

« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.

Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.

Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.

Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.

La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.

 

 

 

 

Par 
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update: 5 hours 29 secs ago
 
.
 
 
 

Rédigé le 16/10/2022 à 14:38 dans Divers, Féminicides | Lien permanent | Commentaires (0)

Youcef Sebti, le poète assassiné

 

J'ai rencontré le regretté Youcef Sebti, une seule fois, lors d'un festival de poésie organisé l'été 1986 à Aïn El-Turck, près d'Oran. Je connaissais le poète de renom, notamment à travers son recueil de poèmes «L'enfer et la folie», sorti chez l'éditeur Sned, et aussi en lisant les chroniques compliquées qu'il publiait dans les colonnes de l'hebdomadaire Révolution Africaine. Professeur de sociologie rurale à l'Institut national d'agronomie, à Alger, l'homme était d'aspect chétif, sobre comme un moine bouddhiste, rare comme un poème de Djalal-Eddine Rumi. Dans la grande salle de la maison des jeunes d'Aïn El-Turck (qui venait d'être repeinte pour l'occasion), Youcef Sebti prononça un discours lors de la cérémonie d'ouverture de la réunion culturelle, dans un arabe ciselé, une langue qu'il maîtrisait aussi bien que le français (sa langue d'écriture) sous l'œil distrait des officiels de la wilaya et des cameramen de la télévision. Parlant d'une voix presque inaudible, il était vêtu d'une vieille gandoura qui lui donnait un air de paysan du temps de la défunte Révolution agraire. Durant les deux journées de la manifestation culturelle, Youcef Sebti n'arrêtait pas de gribouiller des notes sur un cahier d'écolier qu'il rangeait ensuite dans un cartable trois fois plus gros que lui. A cette époque, le gouvernement avait décidé d'arabiser le nom des villes et cette initiative n'était pas du goût des jeunes poètes kabyles présents à Aïn El-Turck, qui en parlaient avec passion pendant les repas pris en commun dans un restaurant de la coquette station balnéaire. Plusieurs fois par jour, Youcef Sebti s'asseyait sur un balcon qui donnait sur la mer et plongeait illico dans la lecture de son exemplaire de l'édition de la Pléiade de l'œuvre complète du philosophe hindou Rabindranhat Tagore.

Le deuxième soir, il fut invité à dîner à Oran-ville par des auteurs apparatchiks de la section locale de l'Union des écrivains algériens et, à son retour, il ne put cacher sur son visage un petit sourire malicieux. Je me dis aujourd'hui que cet homme, ce poète, à la fois serein et tourmenté, a vécu de presque rien, que sa nourriture était d'essence céleste, que la lumière était son pain quotidien. Durant la nuit du 27 au 28 décembre 1993, sept ans et demi après cette rencontre d'Aïn El-Turck, des monstres décidés à répandre «le bien» sur terre se sont introduits dans son minuscule logement de fonction de l'Institut national d'agronomie, à El-Harrach, et l'ont lardé de coups de couteau, blasphémant en invoquant le nom sacré de Dieu. Youcef Sebti n'avait pas 50 ans.





par Amine Bouali
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5283178




 

L’ENFER ET LA FOLIE . Poème de Youcef SEBTI

Je suis né dans l’enfer

J’ai vécu dans l’enfer

Et l’enfer est né en moi

Et dans l’enfer

Sur la haine-ce terreau  qui flambe-

Ont poussée des fleurs.

Je les ai senties

Je les ai cueillies

Et en moi a circulé

L’amertume

et de moi s’est saisie

L’amertume.

Arrêt. Souffle. Ombre.

Espoir. Départ. Recommencement.

Amours perdues. Amours dérobées. Amours possibles.

Sur le chemin d’un recommencement

Sur le sentier d’une lutte

J’ai débouché sur la folie

Et j’en ai ramené des algues.

L’enfer se continue…

Du brasier à la mer

De la mer au brasier

de la combustion

à l’immersion

l’enfer demeure

et les insurgés

ont pour destinée la folie…

 

 (L’Enfer et la folie, 1981, p. 56)




 

image from i0.wp.com

Youcef SEBTI

Rédigé le 06/11/2019 à 11:23 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

Le feu Taha

 

image from www.petit-bulletin.fr

Alors que la scène lyonnaise s'apprête à panthéoniser Hubert Mounier sur un disque hommage collectif et un concert en grande pompe pas du tout funèbre, se prépare au Périscope une soirée qui, d'une autre manière, ravivera la mémoire de l'autre grand Lyonnais du rock, Rachid Taha, décédé soudainement il y a tout juste un an, quelques jours avant un concert doublement anniversaire qui s'annonçait radieux.

Un événement multicartes, sous la bannière à rallonge "Lyon brûle-t-il ? : Musique, contestation et quartiers populaires, autour de l'histoire du groupe Carte de Séjour et de Rachid Taha". D'abord, écoute, projection et discussion : des membres du groupe et l'historien Philippe Hanus décortiqueront le parcours de Carte de Séjour, son "rock arabe", sa manière sans manières de braconner les genres et les identités pour s'en faire une propre.

La fièvre et la brûlure

Sa contemporanéité aussi avec la Marche pour l'égalité et contre le racisme, dite Marche des Beurs, où pour la première fois les jeunes Arabes de Douce France réclament à juste titre une place, la leur, un droit, celui d'être Français comme tout le monde, sans abdiquer leurs racines. Contemporanéité aussi d'une époque où Lyon brûle d'une fièvre rock qu'elle ne retrouvera jamais. Lorsqu'elle s'éteint, Taha file à Paris poursuivre une carrière solo aussi riche que trop souvent passée sous le radar.

C'est à lui, alors que paraît l'album posthume Je suis africain, que rendra hommage l'autrice Brigitte Giraud dont la jeunesse rillarde s'est épanouie à la lisière des premiers bouillonnements de Taha & co. En compagnie de Christophe Anglade, elle donnera lecture musicale d'un texte profond, Rachid Taha, la brûlure, oraison vitaliste qui dit l'artiste et cette jeunesse, justement, sauvée de l'ennui et de l'habitude par le rock et le métissage :

« Rachid Taha et son groupe Carte de séjour entrent en scène, frappent fort et mettent un peu de sel, presque sans le vouloir, sur la plaie restée à vif de la guerre d’Algérie, qu’on nommait "événements" et à laquelle mon père prit part quand il avait vingt ans. J’habite à Rillieux-la-Pape, sur les hauteurs de Lyon et assiste à la naissance du groupe dans cette même banlieue. Le terrain est prêt pour que je ne rate pas ce feu qui bientôt embrasera tout. » Avec cela tout est dit, qu'il faut redire encore pour préserver la flamme.

 

Rédigé le 15/10/2019 à 20:34 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

« Papicha », les rêves brisés de la jeunesse algérienne

Papicha

de Mounia Meddour, avec Lyna Khoudri, Shirine Boutella
La Vie aime : beaucoup

Mounia Meddour avait 19 ans en 1997. Année noire pour l’Algérie, avec 40 000 victimes de la guerre civile. Et Mounia Meddour se souvient et imagine Nedjma, une papicha (une jeune fille, dans le parler algérois), une rebelle, étudiante en lettres à l’université d’Alger mais surtout passionnée par les tissus et la création de vêtements. La scène d’ouverture dit une jeunesse universelle, avec ses rires, sa légèreté, sa rage de vivre, sa soif de liberté, mais aussi la jeunesse réprimée, enserrée dans le carcan islamiste. En pleine nuit, Nedjma et sa copine se faufilent à travers le grillage de la résidence universitaire et, à bord d’un taxi clandestin, se changent, se maquillent, fument, écoutent de la musique, jusqu’à ce qu’un barrage de la police les ramène à la réalité. Celle du terrorisme. La tension va ainsi crescendo au rythme des diktats, toujours plus violents, que font peser les intégristes et leurs zélotes sur la société algérienne et sur les femmes en particulier. Mais la combativité et l’audace de Nedjma vont aussi croissant. Car, loin de plier, l’étudiante décide de se battre coûte que coûte. D’un haïk, ce long tissu que la génération de sa mère utilisait pendant la guerre d’indépendance pour transporter des armes clandestinement, elle va faire à son tour, à travers une série de robes, un instrument de lutte et de libération. Quand la création et le courage l’emportent sur l’oppression, c’est tout le sens de ce film coup de poing. Et toujours d’actualité : sa sortie a été « annulée » – autant dire interdite – en Algérie. (F.T.)

 

Le premier film de Mounia Meddour, sélectionné au Festival de Cannes, a glané au Festival du film francophone d’Angoulême le prix du scénario et celui de la meilleure actrice pour Lyna Khoudri.

image from img.aws.la-croix.com

Papicha ***

de Mounia Meddour

Film franco-algérien – 1 h 45

Années 1990, Alger. Blottie au cœur de la cité universitaire, Nedjma, 18 ans, poursuit son rêve de devenir styliste. Hors les murs, des milices islamistes et des brigades armées de femmes en tchador veulent imposer leur loi. « Couvre-toi avant qu’un linceul ne le fasse ! », intiment-elles aux filles. Nedjma tente de s’affranchir de ce carcan qui se resserre. Sa sœur, jeune journaliste, est assassinée en pleine rue, « coupable » d’être trop bien habillée. C’est « la décennie noire » de la guerre civile algérienne.

Nedjma (Lyna Khoudri) et ses sœurs de résistance vont, par défi, tenter d’organiser un défilé de mode, loin des canons rigides que les islamistes zélés veulent imposer (hidjab pour toutes), refoulant toute vision du corps des femmes.

Nedjma et ses remuantes copines, dont l’une, pieuse, est autant ébranlée par la dérive terroriste des sectaires de sa foi que par l’attitude obstinée de Nedjma, vont ruer dans ces brancards, repousser les murs, affirmer leur identité avec panache, bravant interdits et menaces de mort. Elles ouvrent une brèche salutaire mais risquée, sur fond d’attentats et de meurtres, face à la bigoterie mortifère de ces apôtres de la haine qui ne visent qu’à dominer et humilier. Premières victimes, les femmes dont les revendications sont un affront pour eux et une souillure de la « pureté » qu’ils prétendent garantir et protéger.

Un film manifeste aux accents autobiographiques

Pour sa première fiction, film manifeste d’une génération perdue, Mounia Meddour, née en Algérie, qui a fui vers la France avec ses parents durant cette sinistre décennie, au cours de laquelle des dizaines de milliers de personnes trouvèrent la mort, a opté pour une mise en scène énergique, au plus près du visage de ces femmes, ardentes et inspirées, pour traduire l’enfermement, l’étouffement, la claustrophobie. Elle dispose de comédiennes exceptionnelles qui irriguent d’une électricité trépidante ce périlleux face-à-face avec l’ennemi.

Mounia Meddour signe un beau plaidoyer, aux accents autobiographiques, plein de chaleur et d’humour aussi, sur la solidarité et la complicité dans l’adversité. Ou comment de simples étudiantes vont se transformer en furies pour conquérir leur dignité. Son film affirme une liberté de ton dans les dialogues, servis par le jeu tonique des actrices, et une ironie dévastatrice, comme le détournement du haïk (le vêtement traditionnel des musulmanes) en objet de mode, après une astucieuse et réjouissante série de retouches. On croirait la métaphore du futur incertain de cette société en ébullition…

 

 



 

https://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Papicha-reves-brises-jeunesse-algerienne-2019-10-08-1201052897

 

Rédigé le 08/10/2019 à 16:25 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

DESOBEISSANCE CIVILE OU DISSIDENCE CITOYENNE ?

 

"Ils ont la force, ils pourront nous soumettre, mais les mouvements sociaux ne se maîtrisent ni par le crime, ni par la force. L’histoire nous appartient, ce sont les peuples qui la font."

Salvador Allende, message radiodiffusé le 11 septembre 1973.

 

Lorsqu'un coup d’accélérateur est donné à l'histoire, tout semble aller si vite que l'on se sent prix dans le tourbillon des événements. Alors que la Révolution souriante de la Silmiya est à son 7e mois en Algérie,le régime multiplie les arrestations ciblées, accentue l'oppression et fait miroiter le spectre d'une violence majeure. Le tout pour lui est de tenir un simulacre d'élection "présidentielle" à même de lui permettre de se régénérer, quitte à mettre le pays à feu et à sang pour instaurer l'état d'urgence, voire l'état d'exception.  

Le mouvement populaire en cours est dans un temps révolutionnaire porteur de nouvelles perspectives historiques, non seulement pour notre pays, mais aussi pour la construction citoyenne de l'espace nord-africain et de l'espace méditerranéen. Son caractère pacifique, son unité, son autonomie, son ampleur nationale à dimension internationale ont permis d'éviter au pays de grandes manœuvres de déstabilisations rendues possibles, d'une part, par l'instabilité régionale qui touche la rive sud de la méditerranée et la région du Sahel ainsi que  les manœuvres des bras régionaux des puissances néocolonialistes - à l'image de l'axe Le Caire - Abou Dhabi - Ryad - ou du Qatar, investis dans le combat contre l'accession des peuples de ces régions à la citoyenneté politique. D'autre part, le régime illégitime porteur du syndrome du colonisé se trouve complètement soumis à ce jeu malsain de la géopolitique. 

Inapte à la moindre possibilité de réforme, le régime agit à contre-courant de l'histoire en s'entêtant à se maintenir au risque même d'une dislocation de l'armée pouvant provoquer une partition sanglante du pays. 

C'est dans ce contexte que le peuple algérien continue à se mobiliser sans relâche et en maintenant le caractère pacifique de sa révolution. Cela dit, ces dernières semaines, des appels à la désobéissance civile ont été lancés. Il est à rappeler qu'à force d'être mobilisée, cette notion a été galvaudée au point d'être mise au registre aliénant et stérilisant des mots-valise. Or, chaque notion, chaque mot, à une histoire, un parcours et une capacité d'impacter positivement ou négativement l'histoire d'un pays. 

Alors, qu'est-ce que la désobéissance civile ? 

L'HISTOIRE D'UNE NOTION : 

Nombreux sont les chercheurs et les théoriciens qui attribuent l'exposé d'une définition initiale, des principes et du mode de fonctionnement de la désobéissance civile à Henry David Thoreau, philosophe, essayiste et poète américain, né le 12 juillet 1817 et mort le 6 mais 1862 à Concorde, dans le Massachussetts. 

Dans son livre intitulé "Désobéir", Frédéric Gros, professeur de pensée politique à Sciences Po Paris et à l'ouverture du chapitre 9 portant sur  "La promena de de Thoreau", raconte l'histoire de cette promenade : " Henry David Thoreau décide, au matin du 23 juillet 1846, d'aller à Concorde rechercher des chaussures qu'il avait déposées chez un cordonnier à ressemeler. Ces escapades en ville ne lui sont pas désagréables. Cela fait presque deux ans en effet qu'il a fait le pari de vivre en parfaite autarcie, de faire l'expérience d'une "existence naturelle". Il a construit sa cabane tout seul, avec des matériaux de récupération au bord du lac Walden(1), sur un terrain appartenant à son ami Emerson (2) - écrivain reconnu, grand représentant de la philosophie transcendantaliste américaine." 

Poursuivant son histoire, Frédéric Gros remonte au centre-ville de Concorde, où "avant d'avoir pu récupérer ses chaussures, Thoreau est interpellé par le fils de l'aubergiste, préposé à la collecte d'impôt, qui lui rappelle qu'il doit à l'Etat, depuis plusieurs années, la taxe de capitation. Thoreau refuse tout net de payer, clamant son indignation de devoir, en réglant ses impôts soutenir la guerre, qu'il juge injuste, redéclarée au Mexique après l'annexion du Texas, sans parler du scandale absolu que représentait à ses yeux l'esclavage dans les états du Sud". 

Thoreau conduit en prison, la légende est née ! 

Alors qu'il n'a passé qu'une seule nuit comme prisonnier, " aux côtés d'un codétenu soupçonné d'avoir incendié une grange" et que "dès le lendemain, un parent...se précipite pour régler les arriérés d'impôts ( et même probablement quelques années d'avance)" effrayé par le scandale", lui permettant ainsi de sortir de prison, la légende, poursuit Frédéric Gros, "veut qu'il ait reçu pendant ce bref séjours derrière les barreaux la visite de son aîné et maître Emerson qui lui aurait demandé : " Mais enfin, que faites-vous ici ?"; à quoi Thoreau aurait répondu : " C'est moi qui devrais vous poser la question : comment se fait-il que vous ne soyez pas assis à mes côtés ?". 

C'est dire que le récit historique de la désobéissance civile, réserve une place de choix à l’héroïsme ! 

Paradoxe : Alors que l'arrestation de Thoreau est citée comme source de jaillissement de la notion de désobéissance civile, le philosophe américain, précise Frédéric Gros, en " tirera la matière d'une conférence qu'il prononcera deux ans après les faits, intitulée" Résistance civile au gouvernement" (1848). C'est seulement au moment de sa reprise dans l'édition des Œuvres complètes (1866), après la mort de son auteur donc, que le texte reçoit comme titre "De la désobéissance civile" ". 

 A l'ouverture de cet essai d'une quinzaine de pages dactylographiées, le poète américain écrit : 

" De grand cœur, j’accepte la devise : « Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également : « que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout » et lorsque les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront. Tout gouvernement n’est au mieux qu’une « utilité » mais la plupart des gouvernements, d’habitude, et tous les gouvernements, parfois, ne se montrent guère utiles. Les nombreuses objections — et elles sont de taille — qu’on avance contre une armée permanente méritent de prévaloir ; on peut aussi finalement les alléguer contre un gouvernement permanent. L’armée permanente n’est que l’arme d’un gouvernement permanent. Le gouvernement lui-même — simple intermédiaire choisi par les gens pour exécuter leur volonté —, est également susceptible d’être abusé et perverti avant que les gens puissent agir par lui."(3)

Pour Thoreau,  "l'appareil étatique, c'est une machinerie compliquée, malheureusement nécessaire, à laquelle pourtant chacun doit sans cesse opposer sa "friction", son "frottement" (4) 

 L'accomplissement de cette "friction" avec l'appareil étatique, sous forme de résistance, ne peut être réduite aux contestations théoriques, aux discours indignés pour accepter à la fin de se soumettre à des lois édictées par des majorités de gouvernement faites pour défendre les intérêts d'une élite restreinte. Désobéir est lié, pour Thoreau, à l'art de vivre  son "expérience naturelle"  d'élévation de "la conscience individuelle" au-delà de l'obligation d'obéir aux lois du législateur. Ainsi plaide-t-il pour la primauté de la conscience individuelle comme instance souveraine de définition des valeurs et des priorités. 

"Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience? où les majorités ne trancheraient que des questions justiciables de la règle d’opportunité? Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer
sa conscience au législateur? A quoi bon la conscience individuelle alors?" demande-t-il avant de trancher : "Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien." (5)

La désobéissance civile, chez Thoreau, n'est pas seulement un positionnement opposé à la primauté de l'appareil étatique et de ses lois sur la conscience individuelle. Elle repose également sur ce que Frédéric Gros appelle "une conversion spirituelle". Selon ce dernier, " La désobéissance chez Thoreau s'enracine dans un travail éthique sur soi, une exigence intérieure dont témoignent ses longues promenades qui équivalent aux prières chez Martin Luther King, au filage du coton pour Gandhi. Cette transformation, cette ascèse, c'est le transcendantal éthique de la désobéissance."  

"Le sujet indélégable" dans la pensée de Thoreau, n'est pas un être narcissique dont Je serait le nombril du monde. Il s'agit plutôt d'un soi, aussi désobéissant que responsable, irremplaçable dans la mesure où il ne délègue personne à penser à sa place ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, à assumer ses propres choix, à assurer son rôle de servir les autres et à apporter sa propre contribution dans une redéfinition éthique des rapports de l'être humain avec les principes universels, à commencer par celui de la justice de justice. 

Cette préoccupation, on en retrouve l'écho, notamment, chez Gandhi et Martin Luther King. 

Dans son discours "Sur la non-violence" prononcé en 1922, Gandhi, déclare  : "  À mon humble avis, la non-coopération avec le mal est un devoir tout autant que la coopération avec le bien. Seulement, autrefois, la non-coopération consistait délibérément à user de violence envers celui qui faisait le mal. J'ai voulu montrer à mes compatriotes que la non-coopération violente ne faisait qu'augmenter le mal et, le mal ne se maintenant que par la violence, qu'il fallait, si nous ne voulions pas encourager le mal, nous abstenir de toute violence. La non-violence demande qu'on se soumette volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le mal. Je suis donc ici prêt à me soumettre d'un cœur joyeux au châtiment le plus sévère qui puisse m'être infligé pour ce qui est selon la loi un crime délibéré et qui me paraît à moi le premier devoir du citoyen. Juge, vous n'avez pas le droit, il vous faut démissionner et cesser ainsi de vous associer au mal si vous considérez que la loi que vous êtes chargé d'administrer est mauvaise et qu'en réalité je suis innocent, ou m'infliger la peine la plus sévère si vous croyez que le système et la loi que vous devez appliquer sont bons pour le peuple et que mon activité par conséquent est pernicieuse pour le bien public."

 LECTURE CRITIQUE : 

La notion de la désobéissance civile n'a pas le même sens, le même contenu et la même portée en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance. Revenons à Frédéric Gros. Reprenant "ce qui a été délimité par les théoriciens politiques comme "désobéissance civile"", ce dernier estime qu'elle "désigne le mouvement structuré d'un groupe plutôt qu'une contestation personnelle. Elle suppose l'organisation d'un collectif structuré par des règles déterminées de résistance, un crédo commun, ordonné à un objectif politique précis : le plus souvent, l'abrogation d'une loi ou d'un décret jugés scandaleux, injustes, intolérables."  

Les regards portés par les penseurs que sont Henry David Thoreau et Frédéric Gros sur la désobéissance civile sont ceux de deux penseurs émanant de sociétés qui produisent, chacune d'elles, sa propre histoire, en l’occurrence, la société américaine du XVIII siècle et la société française contemporaine. 

Cela dit, le contexte de globalisation que vit le monde actuellement remet en question les rapports de l'être humain avec la citoyenneté, exige l'identification de nouvelles sources de pouvoir pour une redéfinition des rapports de celui-ci avec les principes universels, tels que la justice et l'égalité, et adapter sa conception des droits de la personne humaine à une "Raison émergente" (6) servant à lui restituer sa souveraineté  face au système globalisé. 

Sous cet angle, l'on pourrait citer ce que le penseur Edgar Morin appelle " un humanisme régénéré"  qui " veut dire revenir à ce qui avait été son fondement : tous les êtres humains, quelle que soit leur origine, leur sexe, ont les mêmes droits et doivent être reconnus comme des êtres humains à part entière. C’est le premier principe. Le deuxième principe, c’est de comprendre que tous les êtres humains sont des enfants de la Terre. Ils sont issus d’une évolution biologique, ils ont une même racine, ont une communauté d’identité et sont d’origine terrestre. Le troisième élément, c’est la communauté de destin terrestre, qui est née de la mondialisation. Aujourd’hui, on est tous embarqués dans la même aventure. Enfin, si on réfléchit un peu, chacun est une parcelle d’une aventure gigantesque qui a commencé à la préhistoire. Ce sentiment que nous sommes maintenant à un moment de l’aventure commune de l’espèce humaine, c’est le dernier élément de l’humanisme régénéré." (7)

Quand il s'agit des sociétés qui n'ont pas leur propre modèle de production de l'histoire, les choses deviennent encore plus compliquées. 

C'est le cas, notamment,de la société algérienne ayant subit la tragédie historiquement programmée de l'échec du projet d'une République Algérienne Démocratique et Sociale, prôné par l'Appel de Novembre et porté par le Congrès de la Soummam. 

Dans le contexte algérien, surtout en ces temps où l'Algérie vit la situation exceptionnellement historique d'une révolution pacifique, la notion de désobéissance civile est à prendre avec beaucoup de précaution. L'Algérie n'est pas sous un régime démocratique où l'on pourrait s'organiser librement pour contester l'injustice d'une loi ou d'un décret, se dresser contre l'esclavagisme ou la ségrégation tel que fut le cas pour Henry David Thoreau ou Martin Luther King. Elle n'est pas, non plus, sous le régime de l'Apartheid et n'est plus sous l'ordre colonial pour que l'on prenne comme exemples d'un désobéir massif, Mandela ou Gandhi. C'est ce que le sociologue algérien, le Pr Addi Lahouari a rappelé dans un post sur son mur Facebook repris par le journal électronique Le Matin d'Algérie, le 14 août 2019 :

"  Ceux qui appellent à la désobéissance civile ne disent pas en quoi consisteraient les actions de la désobéissance civile. Grève à la poste ? Les victimes seront les retraités qui retirent leurs maigres pensions du CCP. Grève des factures d'électricité ? La Sonelgaz est une entreprise nationale et aggraver son déficit est anti-économique car le déficit sera comblé par une subvention de l'Etat, ce qui fera diminuer le pouvoir d'achat des consommateurs. Grève des transports ? Qu'en est-il de ceux qui n'ont pas de voiture? Je ne vois aucun domaine où l'action de désobéissance civile serait organisée sans faire mal aux usagers, c'est-à-dire au public. Par ailleurs, déclencher des actions de désobéissance civile pourrait rendre impopulaire le hirak et donner aux généraux l'occasion de se poser en défenseurs de l'intérêt national et de l'ordre public. Ils n'attendent que cela. Que s'est-il passé en janvier et février 1992 ? Le DRS a poussé les éléments les plus extrémistes du FIS vers la violence, malgré l'opposition d'Abdelkader Hachani, en leur donnant des armes et en les encourageant à prendre le maquis. Résultat ? 200 000 morts et le régime est encore là. Aujourd'hui, le néo-DRS ne manquera pas d'exploiter la situation pour pousser vers la violence et adieu le projet de changement de régime. Pour argumenter, les tenants de la désobéissance civile citent les noms de Gandhi, de Mandela et de Martin Luther King. Gandhi avait appelé au boycott des entreprises britanniques pour faire mal aux intérêts économiques de la puissance coloniale.Je rappelle que le FLN avait fait a même chose en interdisant de fumer des cigarettes pour porter atteinte à l'économie coloniale.

Or aussi inique et autoritaire qu'il soit, le régime algérien n'est pas un régime colonial.

Perturber l'économie nationale ne porte pas atteinte aux intérêts des dirigeants. Quant à Mandela et Luther King, ils ont combattu un apartheid qui n'utilisait les noirs que comme force de travail. La désobéissance civile était une stratégie opportune pour porter atteinte aux intérêts du système de l'apartheid. .

Pour l'Algérie, et comparaison n'est pas raison, je pense que le hirak pacifique est la forme la plus appropriée pour venir à bout de ce régime. Les Algériens ont décidé de faire une révolution sans perturber l'économie et sans faire couler une goutte de sang, civil ou militaire, parce que c'est une stratégie du long terme.

 Ils sacrifient leur jour de repos hebdomadaire pour manifester contre ce régime illégitime. Cela dure six mois, et après ? Cela pourra durer un an ou deux ans. Les travailleurs, les employés, les fonctionnaires... seront à leurs postes de travail pendant la semaine, et le vendredi ils manifestent.

C'est ce que devraient faire les étudiants à partir de septembre. Suivre les cours, aller à la bibliothèque, se former et consacrer le mardi matin à la manifestation, et le mardi après-midi à débattre de la situation politique du pays.

Les cours seront suspendus uniquement le mardi. Avec cette stratégie au long cours, l'EM finira par se rendre à l'évidence pour rendre l'Etat au peuple à travers une transition totale, sérieuse et sans coups bas dans l'intérêt du pays et des générations futures." 

Même son de cloche chez Djamel Zenati, universitaire et militant du combat démocratique qui, dans "une réaction à chaud",  précise : 

"Cette notion recouvre un champ très vaste. Il faut la mettre en perspective avec le contexte dans toutes ses dimensions. La dictature algérienne est ancienne, très ancrée et usant de modes très élaborés. La violence est son terrain de prédilection. Le mouvement doit impérativement éviter de recourir à des formes d'action susceptibles d'être instrumentées pour ensuite être retournées contre le mouvement lui-même. Par ailleurs le choix des moyens de lutte doit répondre à des considérations variées. Il ne s'agit pas de puiser dans un menu. C'est beaucoup plus compliqué que ça. En conclusion, la question n'est pas d’être pour ou contre la désobéissance civile. Ainsi formulée, elle n'a pas de sens. Le débat doit porter sur les formes de luttes qui répondent aux nécessités de l’évolution du mouvement et qui soient de nature à renforcer la détermination et à rapprocher du but recherché." 

La notion de désobéissance civile a négativement impacté l'histoire récente de l'Algérie. En plus des deux exemples, celui du FLN durant la Révolution de Novembre et celui de l'action menée par le Front Islamique du Salut (FIS) au début des années 1990, cités par le Pr Addi Lahouari dans son post du Facebook, il y a lieu de rappeler celui de "La grève du cartable" en Kabylie (1994-1995). Si l'on se réfère à la définition proposée par Frédéric Gros de la désobéissance civile et citée précédemment dans ce texte, le boycott scolaire de cette époque là en reprend les caractéristiques d'un mouvement "structuré par des règles déterminées de résistance", porteur des mots d'ordre de la reconnaissance officielle de Tamazight et de la libération de Matoub Lounès dont l'affaire du kidnapping  - avant celle de son assassinat ! - n'a, à ce jour pas livré tous ses secrets, et " ordonné à un objectif politique précis". Le 22 avril de l'année 1995, un "accord" pour la reprise des cours est "signé" entre "la présidence" et les représentants du Mouvement Culturel Berbère (MCB), sauf ceux des Commissions Nationales et du Syndicat Autonome des Travailleurs de l'Education et de la Formation (SATEF) qui se sont retirés des négociations. Cette accord signé a permis la tenue de "l'élection présidentielle" qui a consacré l'investiture du général Liamine Zeroual à la Présidence de la République et permis, ainsi, au régime de se régénérer. 

D'ailleurs, l'histoire récente de l'Algérie montre que l'élection présidentielle à toujours permis au régime de surmonter ses crises. Sauf que depuis le 22 février 2019, l'Algérie a ouvert une nouvelle page de son histoire...

LA DISSIDENCE CITOYENNE EN CONTEXTE RÉVOLUTIONNAIRE PACIFIQUE :

 Conceptualiser des événements liés au cheminement historique des nations est un exercice difficile. L'un des concepts qui est confronté à cette difficulté est celui de la dissidence. S'agit-il d'une "objection de conscience quand un individu isolé (soit le lanceur d'alertes) prend le risque de dénoncer les faillites d'une institution", comme le propose Frédéric Gros (10) ? Est-il question d'un désaccord sur un point précis, d'une opposition circonstanciée à un projet de loi, par exemple ? Ou, alors, la dissidence peut-elle recouvrir un sens plus large, celui d'un mouvement collectif pouvant laisser son emprunte sur l'histoire d'un pays ? Pourquoi cette "imprécision" qui fait que Vladimir Boukovski préfère substituer le terme de "résistance" à celui de "dissidence" ? Pourtant, "avec Alexandre Soljenitsyne ou Andreï Sakharov" , il incarne " L'esprit de la dissidence " face au régime soviétique (11) ? Michel Eltchaninoff, le philosophe, essayiste et journaliste français, n'a-t-il d'ailleurs pas fait l'éloge de son livre autobiographique, Et le Vent reprend ses tours, "  Ce livre exceptionnel", qui, selon lui, " représente l'un des plus beaux témoignages sur la dissidence" ? 

Bref retour aux sources de cette notion : 

Selon "Le Robert, dictionnaire historique de la langue française" réalisé sous la direction du linguiste et lexicographe français, Alain Ray et publié en Mars 2000, "Dissidence" est un mot qui a fait son apparition en "1585, XVe siècle. Il est "emprunté au latin dissidentia "opposition, désaccord"...Il s'est répandu à partir de 1787".

L'évolution de ce concept dans le contexte des populations vivant sous le régime soviétique ou dans les démocraties populaires est évoquée par les deux historiens français, Jean Chiama et Jean-François Soulet : 

 "Autant dans les démocraties de type occidental, le concept d'"opposition" est clair, désignant un rouage essentiel du système politique, autant il est ambigu et officiellement inexistant dans tous les pays totalitaire. Ces difficultés expliquent la floraison des termes utilisés pour rendre compte du phénomène. On parle de contestation, de réformisme, de révisionnisme, de résistance ou de dissidence. Ce dernier mot a eu, jusqu'à présent, le plus de succès en France et dans les pays anglo-saxons, où il prend racine dans le passé. Dès la période moderne, en effet, il désignait tous ceux qui étaient en désaccord (étymologiquement : qui siégeaient à côté) avec une Eglise officielle tels les presbytériens en Angleterre ou les luthériens en Pologne. Ainsi repris dans son sens originel, le terme s'applique bien à l'attitude réservée ou franchement critique d'une partie de la population des pays de l'Est envers la doctrine et la politique officielles. Cependant, on peut lui reprocher d'être trop général et quelque peu faible, exprimant une simple divergence, un désaccord sur un point particulier, plus qu'un engagement actif supposant affrontement et lutte. C'est pourquoi Vladimir Boukovski préférerait voir substituer à ce mot celui de "résistance". " (9)

Ainsi, donc, Vladimir Boulovski, ne trouve pas le mot "dissident" assez puissant pour qualifier ces " simples hommes qui ont appris à penser par eux-mêmes", à ne se référer " à aucun schéma préétabli, ce qui ne les empêche pas par ailleurs d'être d'accord sur de nombreux points et toujours solidaires". (12) 

Sous les régimes totalitaires, la condition des dissidents est celle des hommes et des femmes soumis aux différentes formes d'oppression qui vont du harcèlement aux différentes privations, voire à l’exécution physique.  

En ce qui concerne l'Algérie, le mot dissidence a été mis dans une perspective historique le liant "aux prouesses libératrices d’hier qui demeurent le patrimoine et la fierté de l’ensemble des Algériens et Algériennes." par le leader politique de l'opposition algérienne et ancien président du Front des Forces Socialistes (FFS), feu Hocine Aït-Ahmed. Il a été, aussi, lié au combat mené depuis l'indépendance du pays pour une construction citoyenne de l'Algérie, sur fond d'une mobilisation pacifique contre la guerre de dislocation de la société, de destruction de la mémoire, d’annihilation de tout espoir de réalisation l'idéal démocratique national  et pour la reconquête du droit du peuple algérien d’exercer sa souveraineté.   

Dans le message que Hocine Aït-Ahmed a adressé à la session extraordinaire du conseil national du FFS, tenue à Alger le 29 mars 2002, il a rappelé :

" La dissidence citoyenne pacifique et nationale, est née fondamentalement du refus généralisé par notre jeunesse de cette sale guerre qui bat les records de l’ignoble guerre coloniale. Dans sa durée, 10 ans !, dix années d’horreurs entourées d’une omerta maffieuse imposée aux « partenaires étrangers amis de l’Algérie ». Et en terme d’engrenages de haines et de vengeances d’autant plus insupportables qu’ils sont fratricides.
Aucune propagande incantatoire ne peut exorciser le Printemps noir, cette nouvelle tragédie nationale programmée ouvertement par les décideurs pour briser l’unité nationale en croyant pérenniser ainsi leur main mise sur le pouvoir et les richesses du pays.
La répression sauvage ordonnée par les tenants du pouvoir et qui se poursuit toujours a déclenché les extraordinaires manifestations de solidarité et de revendications multiples à l’échelle nationale . Le souci de préserver l’unité du pays et de signifier leur congé aux détenteurs illégitimes de la puissance publique fut la cause directe de la naissance de cette dissidence citoyenne pacifique et nationale." (13)

Tout en reconnaissant que "cette dynamique" était " en dents de scie", il a aussitôt souligné quelle était " sans cesse en développement"et qu'elle  demeurait "l’axe principal de l’alternative démocratique à laquelle nous devons continuer de travailler d’arrache-pied."

L'on pourrait céder à la facilité de se  demander : " Qu'est-ce qui a empêché cette dynamique d’accélérer le processus de la dissidence, de lui donner la puissance de rendre irréversible le départ du régime ?" 

Faut-il se rappeler qu'à l'époque, l'Algérie venait à peine de sortir d'une guerre ayant fait plus de 200 000 morts et de 20 000 disparus que la Kabylie subissait une stratégie de chaos local concoctée dans les laboratoires du Département du Renseignement et de la Sécurité ( DRS). 

Aussi, faut-il prendre en compte le contexte de l'après 11 septembre dans lequel le monde a été plongé et qui était favorable au régime, sans oublier de considérer l'étendue de toutes les violences subies par la société algérienne et leur impact sur le rythme historique de son évolution. 

Or, cette société a connu une évolution qui fait l'admiration du monde entier ! Cette évolution lui a permis de déclencher une seconde Révolution qui, depuis le 22 février, a réhabilité les vertus du combat pacifique aux yeux des peuples de la planète. 

La société algérienne a brisé le mur de la peur. Elle a offert une nouvelle puissance subversive à la parole, reconquis l'espace publique et renoué avec le sens de l'initiative historique. 

L'Algérie vit, actuellement, la phase initiale du second temps révolutionnaire qu'elle a initié après celui de Novembre. Cette phase est celle d'une dissidence citoyenne pacifique et nationale. Pourquoi ? Parce que le mouvement populaire en cours a mis le régime dans l'incapacité temporelle de se régénérer via l'organisation d'une élection présidentielle. Preuve en est, deux échéances électorales ont été annulées sous la pression populaire, celle du 18 avril et celle du 04 juillet. 

C'est dire toute l'efficacité dont a fait preuve la dissidence citoyenne actuelle. 

Cependant, il appartient à toutes les forces citoyennes de proposition et d'initiative, à tous les partis de l'opposition, à toutes les organisations syndicales et associatives autonomes, aux différents producteurs d'idées, aux différents créateurs de rêves, de conjuguer leurs efforts pour faire émerger un nouveau projet historique : le Projet Algérie.  

Notre combat porte sur l'ouverture réelle d'une transition démocratique rendant irréversible le départ du régime, la institutionnalisation et l'institutionnalisation du pouvoir via un processus aboutissant à l'élection d'une Assemblée Nationale Constituante et la libération des consciences de la culture totalitaire du système actuel.  

Je vous remercie. 

 

Hacène LOUCIF. 

 

Références :

1 -  En 1854, Henry David Thoreau publie son récit "Walden; or, Life in the Woods"  (Walden ou la Vie dans les bois).

2 - Ralph Waldo Emerson (1803- 1882) est le chef de file de la philosophie transcendantaliste américaine.  

3- Henry David Thoreau, "La désobéissance civile". 

https://www.desobeissancecivile.org/desobeissance-fr.pdf 

 4 - Frédéric Gros, "Désobéir" - Albin Michel Flammarion - 2019.  

5 - Henry David Thoreau, "La désobéissance civile".

6- Concept forgé par le Pr Mohammed Arkoun (1928-2010). 

7- Egdar Morin, « Chacun est une parcelle d’une aventure gigantesque commencée à la préhistoire », Entretien réalisé par Marie Astier et publié sur Reporterre, le 16 février 2017. 

https://reporterre.net/Edgar-Morin-Chacun-est-une-parcelle-d-une-aventure-gigantesque-commencee-a-la

 9- Jean Chiama et Jean-François Soulet " Histoire de la dissidence, oppositions et révoltes en URSS et dans les démocraties populaires de la mort de Staline à nos jours", Seuil 1982. 

10 - Frédéric Gros, "Désobéir".

11 - Michel Eltchaninoff, "L'esprit de la dissidence", Etudes 2013/4 (Tome 418).

       https://www.cairn.info/revue-etudes-2013-4-page-441.htm

12 - Jean Chiama et Jean-François Soulet " Histoire de la dissidence, oppositions et révoltes en URSS et dans les démocraties populaires de la mort de Staline à nos jours"

13 -  Message de Hocine Ait-Ahmed à la session extraordinaire du Conseil National du FFS tenue à Alger le 29 mars 2002.

 

 

  • 17 SEPT. 2019
  •  
  • PAR HLOUCIF
  •  
  • BLOG : LE BLOG DE HLOUCIF

https://blogs.mediapart.fr/hloucif/blog/160819/desobeissance-civile-ou-dissidence-citoyenne

 

 

Rédigé le 17/09/2019 à 20:59 dans Divers, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

SIERRA DE TERUEL : FILM D’ESPOIR D’ANDRÉ MALRAUX

Il y a exactement 80 ans, en 1939, André Malraux achevait la réalisation de son unique film, Sierra de Teruel, rebaptisé Espoir. Il fut présenté au public du cinéma Max Linder à Paris en 1945, précédé à l’écran d’un texte de présentation dit par Maurice Schumann, compagnon de la Libération.

 

MaLe film était la transposition de son livre L’Espoir, texte paru en décembre 1937 inspiré par la guerre civile espagnole, « un peu le roman officiel de la République agressée » (Edouard Waintrop, Libération, 3 novembre 1997). L’impact d’une adaptation filmée devait permettre, selon l’écrivain et son entourage, de sensibiliser davantage l’opinion au drame espagnol et de recueillir des fonds pour armer les Républicains. D’autant qu’en janvier 1937, le Congrès américain avait adopté une résolution interdisant le commerce des armes avec l’Espagne.

Mallraux commencera son film en 1938 et l’axera autour de l’épisode principal de la troisième partie du roman : le bombardement d’un terrain d’aviation franquiste, suivi de la chute du bombardier en pleine montagne au retour de sa mission. Le film se terminera par la fameuse scène, impressionnante et grandiose, du rapatriement des blessés de l’avion par des villageois serpentant en longues files sur les chemins escarpés du lieu de l’accident.

Malraux sollicitera l’aide d’un ami espagnol, l’écrivain Max Aub, pour rédiger le scénario et les dialogues. « Voilà le synopsis. On termine le script à Paris. Tu le traduiras. Organise le nécessaire et mets-toi en chasse, les techniciens viendront après » lui dit-il.

ESPOIR MALRAUX

Le film sera réalisé d’août 1938 à janvier 1939 en Catalogne, dans une constante improvisation et d’innombrables difficultés matérielles. L’électricité est rare, les studios de Montjuich à Barcelone sont régulièrement bombardés par les nationalistes et l’argent manque. Logé dans un hôtel de Barcelone, Malraux écrit des dialogues et des scènes, aussitôt tournées dès que Max Aub, chargé de les adapter pour les interprètes espagnols, en termine la traduction.

Dans les six mois suivants, le film, complété avec des images d’actualités, sera achevé dans les studios de Joinville et à Villefranche de Rouergue. À la fin de juillet, le film sera présenté à Paris dans des projections privées. Juan Negrin, dernier Président du Conseil espagnol, réfugié à Paris, fut un de ces spectateurs. Le public invité à ces séances accueillera le film avec ferveur. Albert Camus, alors journaliste à « Paris-Soir », dira son admiration pour l’auteur de « L’Espoir » devenu cinéaste. Même élan chez Louis Aragon, ou Cocteau qui écrira :

« C’EST LE TRIOMPHE DE L’AUTEUR-METTEUR EN SCÈNE. L’IDÉE DIRECTEMENT ÉCRITE POUR LES YEUX, SUR L’ÉCRAN ».

La musique, composée par Darius Milhaud, accompagnera magnifiquement les images du long métrage. Mais en septembre, quand débute le second conflit mondial, le film sera censuré par le gouvernement Daladier, en particulier sur la pression de Philippe Pétain, alors ambassadeur de France à Madrid. Une copie sera miraculeusement sauvée des griffes des Allemands. C’est elle qui permettra l’exploitation du film en France à la Libération. La version originale, elle, fut confiée par Malraux lui-même à Archibald Mac Leish, futur directeur de la « Library of Congress », qui l’emmena aux USA en 1942. Cette version y est toujours conservée.

champ d'espoir antoni cistero

Ce n’est donc qu’en juin 1945 que le pays tout entier verra le film, récompensé par le prix Louis Delluc en décembre de la même année. Le public, enthousiaste, admira « une œuvre accordée à l’époque, tant en raison de son thème que de son aspect « documentaire » : tournage dans des conditions voisines du reportage – l’opérateur Louis Page, documentariste de formation, utilisant au maximum le cadre vécu –paysages, villages, rues…-, faisant appel pour une grande part à des acteurs non professionnels, volonté de donner aux personnages le maximum d’authenticité » (Jacques Chevalier, Revue du cinéma, 1970). La dramaturgie du film, dénuée de toute psychologie inutile susceptible d’entacher la force du scénario et la mise en scène tendue et sobre confèrent à l’ensemble une force exceptionnelle. « On trouve dans « Espoir » un rythme grave et pur qui rappelle le cinéma russe de la grande époque, en même temps que des séquences traitées dans un style réaliste et direct qui annoncent le Rossellini de « Rome, ville ouverte » (Jean de Baroncelli, Le Monde, mars 1970).https://www.youtube.com/watch?v=nzr632awASY&feature=youtu.be

Ce film restera la seule œuvre filmique signée de Malraux, l’adaptation cinématographique de La Condition humaine envisagée par Malraux lui-même avec la collaboration d’Eisenstein, dans les années 30, n’ayant, hélas, jamais abouti.

 


 
 
 
 Jacques Brélivet
https://www.unidivers.fr/sierra-de-teruel-film-andre-malraux/

 

 

 

Rédigé le 16/09/2019 à 17:38 dans Divers, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

''Filmer la guerre c'est essentiel''

 

image from file1.telestar.fr

 

Pendant quatre ans, Charline a été réalisatrice pour l'Agence d'images de l'Armée française. Formateur mais éprouvant. Témoignages dans "Les Soldats de l'image", vendredi 13 septembre, 23h30, LCP.

Pourquoi êtes-vous entrée dans l'armée ?

Charline : Je rêvais d'être reporter de guerre mais, jeune journaliste, je n'avais pas de réseau... J'ai entendu parler de l'ECPAD, l'agence qui filmait et photographiait les théâtres d'opérations où les forces françaises étaient déployées. J'ai rejoint l'armée en 2008, à 27 ans, comme officier sous contrat. J'ai été reporter pour l'armée de l'air cinq ans avant d'intégrer l'ECPAD en 2012.

Quelles étaient vos attributions ?

Partir avec un cameraman et un photographe et produire des images en réponse aux commandes quotidiennes de l'État-major. Ces images étaient ensuite proposées aux JT des chaînes. Mais je filmais aussi le quotidien des soldats : documenter la guerre pour les archives c'est essentiel. Et j'ai parfois réalisé des 26 minutes sur des angles particuliers : la médecine de guerre au Mali...

Vous souvenez-vous de votre première mission ?

J'étais à l'ECPAD depuis quelques mois quand le conflit en Centrafrique a éclaté. Mon chef m'a convoquée, je partais sous 48 heures. Je me souviens de notre arrivée à Bangui, la chaleur, la vision de cet immense camp de réfugiés... C'était très violent. J'ai un autre souvenir, celui du crash du vol Air Algérie au Mali. Je suis arrivée le matin au travail pour apprendre que je partais 4 heures plus tard de Villacoublay avec les équipes du BEA qui recherchaient les boîtes noires et l'IRCGN qui allait identifier les victimes. Je n'ai même pas pu repasser chez moi, j'ai pris les sacs que l'on doit tenir prêts au cas où et j'ai appelé une copine qui avait mes clés pour qu'elle vide mon frigo et la machine de linge...

Sur place, êtes-vous un soldat comme un autre ?

J'ai eu une formation de combattant, je porte un gilet pare-balles, un casque lourd, un Famas et un pistolet 9 mm, c'est moi qui assure la protection du photographe et du cameraman lorsqu'ils travaillent. Mais je n'ai jamais eu à tirer.

Étiez-vous préparée à la violence de la guerre ?

Avant la Centrafrique, j'avais la vision fantasmée d'une guerre "propre". En Afghanistan en 2009 je n'avais pas vu de cadavres. À Bangui, je me suis retrouvée face à des actes de cannibalisme, des gens qui découpent à la machette... J'étais chef de groupe alors flancher ne m'a pas traversé l'esprit mais à Paris, quatre mois plus tard, j'ai eu le contrecoup. Les insomnies, les cauchemars, les idées noires...

C'est pour ça que vous avez fini par quitter l'ECPAD, après quatre ans ?

Probablement. Mais cela reste les quatre meilleures années de ma carrière.

 

 

https://www.telestar.fr/societe/temoignage-charline-filmer-la-guerre-c-est-essentiel-456363

 

Rédigé le 13/09/2019 à 22:25 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

Dis-moi, c’était mieux avant ?

 

Certains, tels Alain Delon ou Michel Sardou haïssent la période actuelle, d'autres ne s'y trouvent pas bien et ont la nostalgie de l'époque de leur jeunesse, c'est le cas de nombreux écrivains ou philosophes que l'on taxe de réactionnaires refusant tout progrès.

 

Alors bien sûr la réponse serait facile, on regrette tous nos 20 ans, l'époque à laquelle on était jeunes, on était beaux et on sentait bon le sable chaud.

De Gaulle disait la vieillesse est un long naufrage, alors c'est vrai c'était mieux quand on naviguait toutes voiles dehors, bravant les intempéries.

Mais doit-on se contenter de cette réponse et ne pas essayer de comparer les époques avec un peu plus d'objectivité ?

Il y a un constat qui doit nous interroger, notre peuple est aujourd'hui un des plus pessimistes dans le monde.

Le pessimisme français se nourrit surtout d’un puissant sentiment de nostalgie d’une époque que l'on dit glorieuse et prospère.

J'ai essayé de trouver des réponses qui ne soient pas que le fruit de la nostalgie d'un passé fantasmé.

 

Qu'est-ce qui était mieux avant ?   bEKRI

-Les rapports entre générations.

Le respect d'abord, le respect envers les parents, la police, les professeurs, les institutions.

Le soir après dîner, comme on n’avait pas la télé, les parents et grands parents sortaient des chaises devant les portes et se réunissaient entre voisins. Ils racontaient leurs histoires, leur vie, leurs projets, leur vision du monde.

Nous très jeunes, on s'asseyait sur les trottoirs près d'eux et on les écoutait, on apprenait, on s'enrichissait de leurs expériences.

C'était une époque où les vieux étaient considérés comme des guides, des sages, leur expérience était pour nous un enrichissement et leur propos n'étaient pas perçus comme des radotages de vieux cons, mais comme des enseignements précieux pour notre avenir.

 

-Les loisirs,

On vivait dans la rue, en bandes de copains, en groupes, on inventait des jeux, on partageait de longs moments dans la journée, on construisait les jouets qu'on ne pouvait s'acheter, les cerfs volants, les téléphones avec des boites de cirage, on jouait aux billes, au tour de France, que l'on dessinait au sol à la craie et dont on parcourait les étapes en faisant des pichenettes sur des capsules de bouteille et à d'autres jeux traditionnels, cache cache, colin maillard, etc.

 

-Le vivre ensemble

La vie de quartiers était agréable, aucun problème avec une immigration qui s'assimilait par l'école, le travail, l'envie de partager un présent et de construire un avenir commun.

 

-Puis à l'adolescence,

Cette fureur de vivre, cette confiance en l'avenir, cette certitude que le monde nous appartenait et qu'on pouvait le changer, l'améliorer, par le biais de discussions entre adolescents qui duraient de longues soirées.

 

On avait une totale confiance en notre avenir, il n'y avait pas de chômage, dans les années 60 et 70, le plein emploi était roi. Le monde du travail nous attendait avec ses multiples choix. Pas besoin de psychologues, l'ami ou le parent jouait ce rôle à la perfection.

Nous étions aussi à l'époque épargnés par le sida, la drogue et les violences au quotidien, ce qu'on nomme l'ensauvagement de la société.

 

Alors à quelques encablures du port comment comment voit-on notre société actuelle ? Forcément on fait des comparaisons.

Est-ce mieux maintenant ? Sur certains plans c'est certain.

 

Ce qui est mieux aujourd’hui.  lioum

-on vit plus vieux.

Les progrès merveilleux de la médecine, et surtout de la chirurgie sont passés par là, l'espérance de vie qui était de 65 ans en 1950 est passée à 80 ans en moyenne en 2019

 

-La technologie.

Elle a rendu la vie pus facile dans de nombreux les domaines, l'automatisation ayant remplacé le travail à la chaîne, la domotique dans les maisons s'étant chargée de rendre les tâches ménagères beaucoup plus faciles.

 

-L'égalité hommes-femmes qui a progressé de façon importante.

 

-L'explosion informatique, qui bien utilisée permet une connexion avec le monde entier et l'accès à des connaissances rapide et complète remplaçant les recherches longues, difficiles et incomplètes d’antan.

 

Je laisse au lecteur le soin de compléter cet inventaire à la Prévert.

 

La réponse de ceux qui comme moi ont vécu ces deux époque si différentes est dommage  !

Dommage de n'avoir pas su préserver les valeurs, les repères, les garde fous des générations précédentes, et de ne pas avoir su y ajouter les progrès. L’époque actuelle aurait pu être un âge d'or, d'une qualité supérieure à celui des 30 glorieuses.

Dommage d'avoir fait l'erreur de croire que le progrès technique est automatiquement synonyme de progrès social. Que la consommation est le bien essentiel, qu'avoir peut remplacer être.

Entre les nouvelles technologies et leur utilisation, On a raté une marche, le mode d'emploi.

 

Comme disait Rabelais :

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Le progrès ne libère pas, si on devient esclave des nouvelles technologies ou si l'on joue les apprentis sorciers.

Le danger à court terme est que l'intelligence artificielle supplante celle des hommes.

Où est le progrès pour l'homme ?

Quand on voit que les dérives sociétales qu'on appelle avancées conduisent à l'explosion de la cellule familiale, PMA GPA, menant à ce récent exploit signe de la folie des temps, on a rendu mère une vieille dame de 74 ans. Le progrès n'a de justification que s'il est au service de l'homme s'il contribue à son mieux être.

Quand on voit que le mondialisme, c'est-à-dire un appétit de gain inextinguible conduit à la mort de la nation, de l'identité de la culture et nous enferme dans le chacun pour soi.

Quand on constate que l'ouverture de toutes les frontières conduit au multiculturalisme et à un communautarisme exacerbé où le vivre ensemble devient problématique,

Que le progrès est considéré comme irréprochable et incontestable.

Quand on fait fi des dangers que représentent le développement incontrôlé de certaines technologies.

Le développement de l’I.A., s'il ne s'accompagne pas d'étique et de limitations à son développement, est un danger vital à cour terme.

L'intelligence artificielle peut supplanter l'homme.

On est en droit de se dire, en observant notre société actuelle, que nous avons raté le coche, et qu'il faut changer notre vision future du monde.

Autrefois les parents savaient que leurs enfants feraient de meilleures études qu'eux, qu'ils auraient une meilleure position sociale, qu'il gagneraient mieux leur vie. Aujourd'hui, ils sont pratiquement assurés du contraire, et leurs enfants eux aussi sont dans le doute et la crainte.

Alors je ne hais pas cette époque, mais je me dis que j'ai eu la chance de vivre une partie de mon existence au cours de cette période passée, et tant pis si on me qualifie de passéiste ou vieux ronchon.

 

 

 

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/dis-moi-c-etait-mieux-avant-217842

 

 
                                • !

Rédigé le 13/09/2019 à 22:04 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

Les très bonnes affaires de l'ancien président tunisien Ben Ali et de sa famille

 

L'ex-dictateur a été hospitalisé en Arabie Saoudite, où il vit en exil, à quatre jours du premier tour de la présidentielle en Tunisie. Son passage au pouvoir, de 1987 à 2011, lui a permis d'instaurer un système quasi-mafieux pour amasser une fortune considérable. 

image from www.francetvinfo.fr

Zine el-Abidine Ben Ali a été hospitalisé pour de graves problèmes de santé en Arabie Saoudite, a déclaré par téléphone son avocat, Mounir Ben Salha, le 12 septembre 2019. Il vit en exil dans ce pays depuis le mouvement révolutionnaire du 14 janvier 2011. Son passage au pouvoir, de 1987 à 2011, a été enrichissant... au sens propre du terme. Et lui a valu des condamnations par contumace à plus d'un demi-siècle de prison pour corruption, torture, meurtre, pillage... Ni son avocat, ni sa famille n'ont communiqué publiquement sur son état de santé.

L'ancien président n'a jamais fait de déclaration publique depuis sa fuite dans le royaume wahhabite. Il s'est manifesté à trois reprises, dont la dernière fois le 7 janvier 2019, une semaine avant la commémoration du 8e anniversaire de sa chute. Il était alors apparu diminué sur un message Instagram à l'

Voir l'image sur Twitter
 
 

La famille… là où la vie commence, et où l’amour ne s’épuise jamaisLe rappeur K2RhymSur son post Instagram

La phrase du gendre résume assez bien la manière dont Zine Ben Ali a exercé le pouvoir... En famille et avec celle de sa femme, Leïla Trabelsi. 

Une fortune colossale

Quelques semaines après la révolution, la télévision tunisienne avait montré le pactole accumulé par le couple présidentiel dans leur résidence privée à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue de Tunis...  Les téléspectateurs avaient alors découvert les liasses de billets, les pièces en or dissimulées dans un immense coffre, mais aussi… dans des plis de rideaux. Sans compter les bijoux, les ceintures en or. Et même deux kilos de haschich dans le bureau présidentiel. Il y en avait au total pour 25 millions d’euros.

Mais ce n'était là que la partie émergée de l'iceberg. En fait, le pactole amassé par l'ancien président pourrait se chiffrer en milliards d'euros !

Un système mafieux

Pour détourner autant d'argent, le très affairiste Zine el-Abidine Ben Ali avait organisé, lors de son arrivée au pouvoir en 1987 (après avoir déposé le président Habib Bourguiba), un système lui permettant de mettre en coupe réglée des pans entiers de l'économie de son pays. En 2011, il se murmurait, dans les allées du pouvoir issu de la révolution, que l'une des premières actions du dictateur avait été de "réorganiser" les marchés publics. L'entourage de Ben Ali est une "quasi-mafia", dénonçaient des documents diplomatiques américains obtenus par Wikileaks du temps de la dictature...

Au sommet de la pyramide, il y avait d’abord "l’ancien président, sa femme et leurs familles. Mais le mal a aussi touché des politiques, des fonctionnaires, des juges jusqu’à M. Lambda. Il faut bien comprendre que tous les secteurs de la société étaient concernés : immobilier, banques, douanes, transports… La corruption avait fait main basse sur toute la société et les instances de l’Etat", racontait en octobre 2011 à franceinfo Afrique Abdelfattah Amar, alors président de la Commission nationale d'établissement des faits sur les affaires de corruption (M. Amar est décédé l'année suivante).

L'un des neveux de Leïla Trabelsi, Imed Trabelsi, condamné à 108 ans de prison dans des affaires de malversation, a soulevé le voile de ce système lors d'une audition devant l'Instance vérité dignité (IVD), chargée de juger les crimes de la dictature. Il a ainsi fait fortune en touchant à la promotion immobilière, au commerce de fruits (il possédait un quasi-monopole de la banane), d'alcool (dont il aurait obtenu 30% du marché en deux ans). Et en bénéficiant de la franchise de l'enseigne Bricorama. Mais ses domaines d'activité ne s'arrêtaient pas là. Il a aussi œuvré dans le trafic de climatiseurs, de vaisselle, d'import-export de cuivre... Tout cela grâce à ses liens familiaux. Et aussi à des pots-de-vins adroitement distribués.

Le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali avec son homologue libyen Mouammar Kadhafi à Tripoli (Libye), le 29 novembre 2010, peu avant la chute de chacun de ces deux dirigeants.
Le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali avec son homologue libyen Mouammar Kadhafi à Tripoli (Libye), le 29 novembre 2010, peu avant la chute de chacun de ces deux dirigeants. (REUTERS - FRANCOIS LENOIR / X01164)


"Toutes les portes m’étaient grandes ouvertes. Si vous avez quelqu’un aux douanes, vous n’avez aucun problème", a-t-il déclaré, cité par Le Monde. "Les douaniers qui travaillaient avec nous se consacraient à notre bateau (...), ils bloquaient les intérêts de beaucoup de gens et on ne sortait que notre marchandise, avant tout le monde", a-t-il ajouté.

L'alcool "rapportait un argent faramineux. Je n’imaginais pas que les Tunisiens buvaient autant.Imad Trabelsicité par Le Monde

De l'argent très bien caché

Le neveu n'est pas le seul à avoir "croqué". En 2014, un tribunal de Tunis a ainsi condamné 25 membres de la famille de l'ex-président Ben Ali et de son épouse Leïla Trabelsi à des peines de prison allant de quatre mois à six ans pour tentative de fuite et possession illégale de devises. De nombreux autres ont réussi à quitter la Tunisie.

De son côté, Zine Ben Ali a été condamné en 2011 par contumace, à 35 ans de prison pour de multiples charges, dont corruption et torture, et l'année suivante à 20 ans de prison supplémentaires pour meurtre et pillage. Il a aussi été jugé pour détention d'armes, de stupéfiants et de pièces archéologiques.

Lors de son premier procès, il avait fait savoir, par l'intermédiaire de son avocat cité par Le Monde, qu'il ne possèdait "pas à titre personnel de compte bancaire hors de Tunis". "Concernant les quantités de billets de monnaie, dont les images ont été diffusées à la télévision officielle, qui se trouvaient à sa résidence personnelle après son départ, elles sont une preuve supplémentaire d'une mise en scène frauduleuse." Selon l'ex-président, ces actions viseraient à "représenter la période précédente comme le mal absolu en vue de préparer les Tunisiens à accepter un nouveau système politique élaboré à leur insu et par des extrémistes."

L'Union européenne a décidé de geler l'argent de la famille Ben Ali. Mais les intérêts de cette dernière ne sont pas faciles à tracer. Notamment parce que ses membres, sans doute bien conseillés, "n'achetaient jamais de biens directement en leur nom propre". En 2014, de l'argent dormait en Suisse. Il a notamment séjourné sur les comptes de la filiale helvétique de la HSBC.

"Certains biens ne seront jamais identifiés. Il y a tellement de sociétés écrans et de prête-noms !", estimait Abdelfattah Amar en 2011. Et le président de la Commission nationale d'établissement des faits sur les affaires de corruption d'ajouter : "De par mes activités passées, j’avais déjà quelque idées. Mais là, j’ai pu vérifier que la nature humaine est insondable. On peut imaginer du bon, mais aussi le pire. Et il y a des fois où l’on va au-delà du pire. C’est absolument invraisemblable. Parfois, je me demande ce que certains donnent comme sens à leur vie en accumulant de telles richesses !"

Le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali à Radès, près de Tunis, le 11 octobre 2009
Le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali à Radès, près de Tunis, le 11 octobre 2009 (HASSENE DRIDI/AP/SIPA / SIPA)

 

Zine el-Abidine Ben Ali a été hospitalisé pour de graves problèmes de santé en Arabie Saoudite, a déclaré par téléphone son avocat, Mounir Ben Salha, le 12 septembre 2019. Il vit en exil dans ce pays depuis le mouvement révolutionnaire du 14 janvier 2011. Son passage au pouvoir, de 1987 à 2011, a été enrichissant... au sens propre du terme. Et lui a valu des condamnations par contumace à plus d'un demi-siècle de prison pour corruption, torture, meurtre, pillage... Ni son avocat, ni sa famille n'ont communiqué publiquement sur son état de santé.

L'ancien président n'a jamais fait de déclaration publique depuis sa fuite dans le royaume wahhabite. Il s'est manifesté à trois reprises, dont la dernière fois le 7 janvier 2019, une semaine avant la commémoration du 8e anniversaire de sa chute. Il était alors apparu diminué sur un message Instagram à l'occasion du mariage de sa fille aînée Nesrine avec le rappeur K2Rhym. Message posté par ce dernier. 

 
 
 

Rédigé le 13/09/2019 à 12:22 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

Une inoculation de « bleuite » sous contrôle au Venezuela

 

n ne saura sans doute jamais si le « président imaginaire » Juan Guaido a cru (ou non) un seul instant aux fables qu’il a raconté. Lorsqu’il s’autoproclame chef de l’Etat « par intérim », le 23 janvier 2019, au terme d’une manifestation de l’opposition littéralement convoquée la veille par le vice-président étatsunien Mike Pence, « Maduro » est censé s’effondrer en quelques jours, laissant place à un « gouvernement de transition ». Garantie absolue, satisfait ou remboursé. Un mois s’est néanmoins déjà écoulé quand Guaido annonce que, s’appuyant sur un réseau de 250 000 volontaires, pas un de moins, une pseudo « aide humanitaire » (arrivée des Etats-Unis par avions cargo militaires) entrera au Venezuela par les frontières de la Colombie et du Brésil « sí o sí  » – littéralement « oui ou oui », « que cela plaise (au pouvoir) ou non ».

Seul résultat concret de ce 23 février : un fiasco mémorable couronne l’opération. « Crise sur le gâteau », on va découvrir que Gaby Arellano et José Manuel Olivares, envoyés du président fantoche à Cúcuta (Colombie) pour coordonner ce show avant tout médiatique, se sont mis dans la poche une part substantielle des fonds destinés à le financer, qu’un des camions transportant « l’aide » a été incendié, côté colombien de la frontière, non par les forces de l’ordre bolivariennes mais par les nervis qu’a recrutés l’opposition [1] et enfin que les quelque dizaines de militaires vénézuéliens ayant commis l’imprudence de se rallier aux nouvelles « autorités » ont été abandonnés à leur triste sort, complètement à la dérive, en Colombie, par ceux qui les ont incités à déserter.

Le temps passant, et malgré ses rodomontades répétées de semaine en semaine – « On est là et on va y rester ! Tous dans la rue, pour la phase définitive qui mettra fin à l’usurpation ! » (6 avril 2019) –, l’ « effet Guaido » perd de sa force auprès d’opposants qui, de manière pour le moins irrationnelle, se sont laissés subjuguer par une icône fabriquée de toutes pièces, dont ils n’avaient jamais entendu parler six mois auparavant [2]). Il faut à Guaido tenter un coup de poker pour reprendre la main. 

Le 30 avril au petit matin, il apparaît sur les réseaux sociaux, prétend parler depuis le cœur de la base militaire de La Carlota (Caracas) prise par les hommes en uniforme qui l’entourent (en plan serré), affirme pour le énième fois entamer la « phase finale » de son projet et soutient que l’armée a basculé en sa faveur (tout en l’appelant au soulèvement !) : « C’est le moment, lance-t-il sur Twitter. Les vingt-quatre Etats du pays se sont engagés sur le même chemin : il n’y a plus de retour en arrière. L’avenir nous appartient : le peuple et l’armée unis pour mettre fin à l’usurpation. » Assigné à résidence depuis 2017, le dirigeant de Volonté populaire Leopoldo López se tient à ses côtés et précise, lui aussi dans un tweet, avoir été « libéré par des soldats ».

Secrétaire général de l’organisation des Etats américains (OEA) et homme lige de l’administration Trump, Luis Almagro se félicite immédiatement de « la fin de l’usurpation (du chef de l’Etat légitime)  ». De Bogotá, en impudent adepte du « droit d’ingérence », le président Iván Duque appuie le coup d’Etat. Son homologue brésilien, le boutefeu (dans tous les sens du mot) et nostalgique de la dictature militaire Jair Bolsonaro réitère sur Twitter son soutien à la… « transition démocratique en cours au Venezuela ». Depuis Washington enfin, la « troïka de la tyrannie » qui entoure Trump – John Bolton (conseiller à la sécurité nationale), Mike Pompeo (ministre des affaires étrangères) et Elliott Abrams (en charge du Venezuela) – presse Maduro de quitter le pays. 

Ce « grand bluff » ne fait pas illusion plus de quelques heures : les « factieux » ne se trouvent pas dans la base aérienne de La Carlota, mais à proximité ; seule une poignée de militaires sans troupes les accompagne ; malgré les incessantes menaces provenant tant de Washington que de Guaido, la Force armée nationale bolivarienne (FANB) renouvelle son appui aux institutions légitimes ; échaudés, les antichavistes restent à la maison au lieu de déferler, comme on les y invite, dans les rues du pays.
Après un affrontement avec les forces de l’ordre – trois policiers et cinq militaires loyaux blessés par balle (dont deux très sérieusement) –, puis un bref repli par le quartier bourgeois d’Altamira – fief de l’opposition –, les putschistes se débandent et Leopoldo López échange son statut d’assigné à résidence, dans sa confortable demeure, pour un séjour « tapas et paella » (à durée indéterminée) dans l’ambassade d’Espagne, où il se réfugie.
Fin de cet épisode grotesque – mais très dangereux ! Guaido et les siens ont joué un petit jeu potentiellement mortel pour la vie de pas mal de Vénézuéliens. La même technique fut employée le 11 avril 2002 lors du bref coup d’Etat contre Hugo Chávez : diffuser un énorme mensonge – à l’époque, un faux massacre des manifestants de l’opposition par les « hordes » chavistes [3], aujourd’hui la prise d’une base militaire grâce à un supposé soulèvement de l’armée – avec comme unique objectif de faire basculer une masse critique d’officiers pas forcément « putschistes », mais peu désireux de se retrouver dans le mauvais camp en cas de chute de Maduro. Jouant de la carotte et du bâton pour se les rallier, Guaidó n’a-t-il pas proposé une loi d’amnistie accordant toutes les garanties aux responsables civils et militaires qui collaboreraient au « rétablissement de la démocratie » ? Ce genre de (ce qu’on n’appelait pas encore) « fake news » fonctionna au début des quelques heures de la séquestration de Chávez en 2002. Il tombe complètement à plat cette année. Fort heureusement ! Aujourd’hui comme hier, un renversement réussi du président constitutionnel ne peut mener qu’à un déchaînement de violence aux incalculables répercussions.

Que ses partisans locaux et ses soutiens étrangers le veuillent ou non, en interne l’ « opération Guaido » a définitivement atteint ses limites. C’est donc depuis l’extérieur des frontières que la déstabilisation du Venezuela doit s’organiser. Même si, et contrairement à une idée répandue, Caracas n’y est pas particulièrement isolée : quasiment les trois quarts de la « communauté internationale » – composée des 193 pays plus 4 observateurs [4] représentés au sein de l’Assemblée générale des Nations unies – reconnaissent Nicolás Maduro comme président légitime de la République bolivarienne du Venezuela et ignorent royalement Guaido. Mais les Etats-Unis et leurs alliés – avec, en tête de liste, l’Union européenne et onze pays néolibéraux latino-américains emmenés par les peu fréquentables Bolsonaro (Brésil) et Duque (Colombie) au sein du Groupe dit « de Lima » – font feu de tout bois pour occulter cette réalité. Aidés dans cette noble tâche par les «  gatekeepers », rédacteurs en chef « pensée conforme » et autres journalistes des médias dominants.
 
Qu’on l’appelle comme on veut, « guerre non conventionnelle », « guerre hybride » ou « guerre de quatrième génération » (G4G) [5], l’agression contre la République bolivarienne a atteint des niveaux exécrables. A la « guerre économique » sournoisement menée de l’intérieur depuis 2013 par l’organisation de pénuries et les attaques contre la monnaie, se sont ajoutées, depuis l’Ordre exécutif signé par Donald Trump en aout 2017, des mesures coercitives unilatérales étatsuniennes s’apparentant à un véritable blocus. Actes de piraterie économique, ces mesures interdisent au système financier mondial de participer à toute opération de renégociation de la dette souveraine de Caracas (ou de la compagnie pétrolière nationale PDVSA), perturbent le fonctionnement de l’industrie pétrolière, principale source de revenus du pays, confisquent tous les avoirs de l’Etat vénézuélien présents à l’étranger (pour parfois les remettre, dans des conditions particulièrement scabreuses, aux représentants et « dirigeants » illégitimes nommés par Guaido).
Le 6 août, un nouveau décret destiné cette fois à torpiller un dialogue, dont ne veut à aucun prix Washington, engagé entre représentants du gouvernement et de l’opposition à La Barbade, avec la médiation de la Norvège, a encore accentué cette « punition collective » imposée au peuple vénézuélien. Il accroît les pressions et menaces sur les firmes, entreprises et armateurs étrangers pour qu’ils cessent toute transaction commerciale avec l’Etat vénézuélien, que celui-ci vende son pétrole, son or ou achète des aliments et des médicaments destinés à la population [6]. « Nous envoyons un signal aux parties tierces qui veulent faire des affaires avec le régime Maduro : soyez extrêmement prudents, a averti Bolton. Le temps du dialogue est terminé. Il est temps d’agir maintenant. »
D’après des estimations crédibles du gouvernement vénézuélien, les pertes globales pour l’économie se sont montées à 23,3 milliards de dollars d’août 2017 à décembre 2018, auxquelles s’ajoutent, sur la même période, 30 autres milliards de dollars d’actifs gelés, en grande partie aux Etats-Unis. Un tel blocus économique et financier destiné à faire tomber un « régime » en affamant sa population viole le droit international et la Charte des Nations unies. Ancien rapporteur indépendant en matière de droits de l’Homme auprès de cette institution, Alfred de Zayas, et il n’est pas le seul, estime que ces « sanctions » relèvent du « crime contre l’Humanité ».
Dans un tel contexte, on serait en droit d’attendre que les grandes multinationales dites de « défense des droits fondamentaux » montent au créneau. Malheureusement, parties prenantes dans la bataille politico-médiatique qui se mène contre le Venezuela, un certain nombre d’organisations néo-gouvernementales (ONG) se livrent à une exploitation maligne du thème des droits humains. Par « organisations néo-gouvernementales » on entendra « structures et bureaucraties dites de la “société civile” se présentant comme neutres, indépendantes de tout pouvoir politique, mais en réalité fonctionnelles aux objectifs du gouvernement des Etats-Unis » (et de certains gouvernements européens).
 
Le 22 août 2019, en présentant un document élaboré par onze de ces organisations locales ou internationales [7], José Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de Human Right Watch (HRW), demandait au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU d’enquêter sur « les abus aberrants commis [par le pouvoir] au Venezuela, d’identifier les responsables et, si possible, d’établir la chaîne de commandement ». Signataire de cette injonction, Amnesty International mène pour sa part une campagne infernale contre la République bolivarienne (et le Nicaragua sandiniste), confondant manifestement la « responsabilité de protéger » (R2P, déjà hautement problématique) avec la « responsabilité de persécuter ».
Décontextualisant la situation, omettant volontairement les attaques, y compris violentes, déclenchées par l’opposition contre la démocratie, ignorant délibérément les victimes chavistes (et sandinistes au Nicaragua), Amnesty n’a de cesse de dénoncer « une politique systématique de répression des dissidents » (on notera le vocabulaire, ressorti des catacombes de la guerre froide : il ne s’agit même pas de grosses ficelles, mais de câbles d’acier) [8].

Chaque rapport d’Amnesty s’apparente à un « Apocalypse Now » destiné à expédier Nicolás Maduro et les dirigeants qui l’accompagnent devant la Cour pénale internationale (CPI) – à l’instar sans doute de Laurent Gbagbo, chef d’Etat ivoirien fort peu prisé de Paris et de Nicolas Sarkozy, frappé de sanctions par l’Union européenne pendant la crise post-électorale 2010-2011, arrêté en avril 2011 avec l’aide des troupes françaises présentes dans son pays, incarcéré pendant sept années par la CPI à La Haye, avant d’être… acquitté définitivement le 15 janvier dernier en raison de « bases [d’inculpation] incertaines et douteuses, inspirées par un récit manichéen et simpliste. »

On pourrait rajouter « mensonger » et « manipulateur » s’agissant d’Amnesty et du Venezuela. Par chance pour l’organisation, ses relais médiatiques, dans leur paresse infinie, se contentent généralement de recopier ses communiqués. S’ils prenaient la peine de lire, par exemple, les 53 pages du dernier rapport « Faim de justice ; crimes contre l’Humanité au Venezuela » (14 mai 2019), peut-être sursauteraient-ils devant l’aveu suivant : « Amnesty International a également dénoncé au moins 8 000 exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité entre 2015 et 2017, dont… huit ont fait l’objet d’un examen approfondi [c’est nous qui avons rajouté les points de suspension et le gras]. Toutes ces informations (sic !) ont permis à l’organisation d’établir la nature systématique et généralisée des événements de janvier 2019 contre la population civile.  » Dans ces conditions, on ne devrait pas tarder à découvrir un « charnier de Timisoara » rebaptisé bien entendu « charnier d’Altamira » [9]… Un Maduro en « Dracula des Caraïbes » ferait de superbes titres de « unes », non ?
Qu’on se souvienne un instant de Colin Powell… Ministre des Affaires étrangères de George W. Bush, celui-ci se félicitait en octobre 2001 : « Les ONG sont pour nous un tel levier, une part tellement importante de notre équipe de combat [10]… » 

Aucun observateur digne de ce nom n’oserait prétendre qu’il n’y a aucune bavure policière au Venezuela [11] ; qu’on n’y a jamais détecté un quelconque cas de torture – en témoigne la mort de Rafael Acosta, officier ayant participé à la tentative de « golpe » du 30 avril et à l’évidence décédé des suites des sévices qui lui ont été infligés (deux agents des services de renseignements ont été inculpés de meurtre par les autorités) ; que certaines situations n’exigent pas une enquête impartiale et approfondie – s’agissant par exemple du décès suspect par « suicide », dans les locaux du Service bolivarien de renseignement national (Sebin), du conseiller municipal d’opposition Fernando Alban, impliqué dans une tentative d’assassinat (bien réelle par ailleurs) du président Maduro ; que le Sebin en question ne mérite pas une reprise en main et un contrôle des plus sérieux, agité qu’il est par de parfois très étranges convulsions (c’est une poignée de ses fonctionnaires qui ont libéré Leopoldo López le 30 avril, le chef de l’institution, le général Manuel Cristopher Figuera, faisant défection quelques jours plus tard avant de rejoindre sa famille à Miami, d’où, accueilli à bras ouverts par ceux-là même qui hier le traitaient d’assassin, il multiplie les accusations, spectaculaires, mais pas vraiment nouvelles, contre Maduro et son entourage.
 
Pour autant, il est totalement aberrant d’affirmer, à partir de chiffres « trafiqués » par des ONG locales financées depuis les Etats-Unis et l’Europe, qu’on a affaire au Venezuela, à travers la torture, les disparitions forcées et l’assassinat, à « une stratégie globale du gouvernement de Nicolas Maduro pour neutraliser l’opposition ». Si l’agression contre la République bolivarienne n’était aussi dramatique, on pourrait même s’amuser de voir la meute qui, mois après mois, article après article, diatribe après diatribe, a tenu le public en haleine en évoquant une « insécurité terrifiante au Venezuela », changer soudainement et son fusil d’épaule et son angle d’attaque en accusant de façon systématique les Forces d’action spéciales de la police (FAES) de se livrer à des exécutions extra-judiciaires lorsqu’elles affrontent des bandes criminelles ou paramilitaires lourdement armées et que tombent des délinquants (et, semble-t-on ouvertement regretter, pas suffisamment de policiers !).
En ce sens, le rapport prétendument dévastateur rendu public par la Haute commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme (HCDH), Michelle Bachelet, le 5 juillet, relève davantage d’une opération politique que de la défense des droits humains. Pas plus qu’Amnesty ou HRW (qui ont statut consultatif auprès de l’ONU, ce qui explique pour une bonne part la concomitance des accusations), ce rapport, qui incrimine un « désastre humanitaire » dû au seul gouvernement, ne mentionne la déstabilisation économique, les mesures coercitives unilatérales des Etats-Unis, la tentative d’assassinat (démocratique ?) de Nicolás Maduro (le 4 août 2018), l’usurpation de la fonction de président de la République par Guaido, sa tentative de coup d’Etat du 30 avril, les phases de violence insurrectionnelle – dites « guarimbas » – déclenchées par l’opposition en 2014 et 2017…

Nommée à la tête de la Commission des droits de l’homme de l’ONU le 10 août 2018, Michelle Bachelet n’y est pas arrivée avec une équipe qu’elle aurait constituée. C’est celle de son prédécesseur, le prince jordanien Zeid Ra’ad Al Hussein, notoirement pro-américain (bien qu’anti-Trump) et très hostile au Venezuela, qui a rédigé le rapport que, sans apparents états d’âme, elle a présenté. En août 2017, écrit sous l’autorité du même haut fonctionnaire princier en interviewant (par téléphone !) quelque 150 personnes, dont « des victimes, des témoins, des journalistes, des avocats et des médecins », un précédent document dénonçait déjà « le recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d’opposants politiques présumés » En le présentant et en le commentant, le prince fit alors remonter le début de cette « répression » à 2014 (année des premières « guarimbas »). Très amusant ! Présidente du Chili et entourée d’une majorité de gouvernements « de gauche » dans la région, Michelle Bachelet dénonçait à cette époque les méthodes insurrectionnelles de l’opposition vénézuélienne : « Nous n’appuierons jamais un mouvement qui refuse le résultat des élections et cherche à renverser par la violence un gouvernement élu librement et démocratiquement [12]. »

Cinq années ont passé, la droite conservatrice a fait un retour en force sur le continent. Les ors de sa nouvelle fonction méritent bien un rapprochement avec de nouveaux amis : Bachelet se souvient que, outre la médecine, elle a étudié la stratégie militaire à l’Académie chilienne de la stratégie et des politiques ainsi qu’à l’Inter-American Defense College des Etats-Unis. Il doit lui revenir aussi qu’en deux mandats à la tête du Chili, elle s’est abstenue de faire réformer la Constitution laissée par le général Augusto Pinochet. Au risque d’accélérer (ou dans le but de favoriser) le traitement de la requête déposée par six pays contre Nicolás Maduro devant la CPI, elle fait désormais le jeu de ceux qu’elle critiquait hier et accable le Venezuela.
Pour aller vite et reprendre une expression plutôt franco-française, on dira que « ce n’est pas la bachelette qui tourne, c’est le sens du vent ».

Mais ce vent ne tourne-t-il pas également au cœur du pouvoir vénézuélien, annonçant de bien sombres lendemains ? On pourrait légitimement le supposer. Immédiatement après la tentative de coup d’Etat du 30 avril, l’exposition de son contexte est faite par un Elliott Abrams soudain très prolixe devant les médias internationaux : des « conversations secrètes », explique-t-il, avaient lieu depuis plusieurs semaines avec le président du Tribunal suprême de justice (TSJ) Maikel Moreno, le ministre de la Défense Vladimir Padrino López, le directeur de la Direction générale du contre-renseignement militaire (DGCIM) et commandant de la Garde d’honneur présidentielle Iván Hernández Dala, ainsi qu’avec quelques généraux (dont bien entendu le chef du Sebin, Manuel Cristopher Figuera). Tous s’étaient mis d’accord avec l’opposition et Washington pour renverser Nicolás Maduro. Des hauts fonctionnaires étatsuniens soulignent (sous couvert de l’anonymat) qu’un « accord en quinze points » avait été trouvé. Pour qui douterait encore, Gustavo Tarre, l’« ambassadeur » de Guaido qu’a reconnu l’OEA en bafouant toutes les procédures de l’organisation (ce qui a provoqué de fermes protestations du Mexique, de l’Uruguay et des pays de la Caraïbe), confirme l’existence de cette conspiration.
En substance : tandis que le chef du TSJ publierait un arrêt rétablissant l’Assemblée nationale dans ses fonctions, le ministre de la défense forcerait le chef de l’Etat à démissionner. Seulement, ajoutera Bolton, le complot ayant été découvert – à cause des Russes et des Cubains, devra préciser de son côté Mike Pompeo ! – les intéressés se seraient momentanément « dégonflés » et auraient abandonné en rase campagne – ou presque, Altamira étant passablement urbanisé – Leopoldo López et Guaido.

Il n’empêche… Le chef de l’Etat serait-il entouré de traîtres ? Telle est l’affirmation qui soudain tourne en boucle et se répand. Les précautions et la paranoïa n’étant jamais très éloignées, on imagine déjà un Maduro ayant la sensation d’évoluer dans un panier de crabes, paniqué, anéanti, tremblant de tous ses membres, la tête dans un étau. Ecartant les uns, se méfiant des autres, jetant sur tous des regards suspicieux. D’autant que les renégats semblent se multiplier. Ses alliés traditionnels commenceraient à lui tourner le dos, lit-on ici et là, et notamment le Parti Communiste du Venezuela (PCV). Interrogé par l’Agence France Presse, un porte-parole du département d’Etat américain confirmera bientôt, sans donner de noms, que « des dizaines de prétendus très proches alliés de Maduro » membres de son premier cercle, ont tenté ces derniers mois de « négocier son départ » en contactant « des responsables gouvernementaux américains par plusieurs moyens ». Et voici d’ailleurs que le pire arrive – « Toi aussi, Brutus ! » – en la personne du président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et numéro deux du « régime », Diosdado Cabello.

C’est le 19 août, depuis Bogotá, sous la signature du journaliste Joshua Goodman, que l’agence Associated Press (AP) a fait éclater la bombe : des conversations elles aussi secrètes ont lieu entre Cabello et un proche de Donald Trump. Le Wall Street Journal embraye en révélant que « Cabello cherche à obtenir des garanties du gouvernement des Etats-Unis pour que lui et d’autres chavistes puissent continuer à participer à la vie politique vénézuélienne s’il s’unit aux efforts destinés à chasser Maduro du pouvoir »…
En résumé : totalement isolé, Maduro n’a plus rien à attendre de personne, chacun le laisse tomber pour peu que cela ça serve ses intérêts. Le cœur du pouvoir va devenir un champ de bataille permanent, avec ses trahisons, ses doubles jeux, ses coups de poignard dans le dos, ses purges, ses victimes, ses provisoires vainqueurs et, en inéluctable conséquence, un chavisme définitivement démantelé.

On ne dira jamais assez l’importance qu’a la mémoire pour analyser tel ou tel événement. Car la méthode employée en l’occurrence n’a rien de nouveau. On l’appelle la « bleuite ». Elle renvoie à la France et à un épisode particulièrement retors de la guerre d’Algérie. Son principal protagoniste français s’appelle Paul-Alain Léger. Capitaine, celui-ci a rôdé pendant la guerre perdue d’Indochine (1946-1954) ses techniques de « retournement de l’ennemi ». En 1957, pendant la « bataille d’Alger », il est parvenu à arrêter Yacef Saadi, chef du Front de libération nationale (FLN) pour la zone autonome d’Alger. A la tête de son Groupe de renseignements et d’exploitation (GRE) composé d’anciens fellaghas [13] « retournés » et vêtus pour certains de bleus de chauffe – d’où la terreur provoquée chez les militants algériens par la « bleuite » –, il poursuit son objectif : infiltrer le FLN, le noyauter, l’intoxiquer, le détruire de l’intérieur.

Une rafle de circonstance permet l’arrestation d’une jeune militante du FLN, Tadjer Zohra. Léger l’approche, la traite avec mansuétude, lui laisse entendre qu’elle n’a rien fait de très grave et va s’en tirer. Bavardant régulièrement avec elle, il lui confie incidemment qu’il a des agents doubles infiltrés jusque chez les cadres des insurgés. Il lui arrive même de s’absenter quelques instants, laissant traîner sur son bureau des lettres et des listes marquées du tampon « secret ». Les lettres sont imaginaires, mais les signatures et les cachets authentiques. Seule dans la pièce, Zohra peut lire les noms des « informateurs » du capitaine. Effarée, elle reconnaît ceux des principaux chefs de la Zone 1 de la Wilaya 3. Elle mord à l’hameçon.

Lorsque Léger la relâche, la jeune Algérienne quitte la Casbah et se précipite chez les rebelles. A Mazouz, chef de la Zone 1, elle raconte ce qu’elle croit avoir appris. La machine se met en marche : la suspicion se répand dans tout le maquis. Chacun se méfie de l’autre, surveille ses paroles, ses gestes, des hommes insoupçonnables tombent. Soumis à la question, certains avouent n’importe quoi, donnent tous les noms qui leur passent par la tête. Le rapport présenté par Mazouz au colonel Amirouche Aït Hamouda, commandant de la Wilaya 3, est accablant. Le virus de la « bleuite » se répand partout. « La manipulation ennemie fut tellement bien réussie qu’un bon nombre de moudjahidines suspectés, dont de nombreux instruits et intellectuels, furent liquidés après avoir subi d’atroces tortures », écrira bien plus tard un ancien combattant de l’Armée de libération nationale (ALN), Mohamed Amokrane Aït-Mehdi, dit Si Mokrane [14]. La purge, dont aujourd’hui encore on ne peut dénombrer les victimes – certains historiens avançant le chiffre de 4 000 morts – déstabilisa durablement la rébellion [15].

Bien entendu, le Venezuela de 2019 n’est pas l’Algérie de 1957 et, quant au potentiel dénouement, comparaison n’est pas raison. Néanmoins, l’objectif de l’opération psychologique est le même : diviser et dresser les uns contre les autres les principaux dirigeants chavistes. A partir de révélations d’autant plus plausibles que, dans une situation aussi tendue, au rythme où le camp bolivarien devient plus menacé, rétroactivités négatives et retournements d’alliances sont amenés à se développer. Provoquées par la lassitude, le découragement, la crainte, l’opportunisme, mais aussi la trahison ou la corruption, de réelles défections ont eu lieu, de l’ex-procureure générale Luisa Ortega à l’ancien chef des services de contre-renseignement militaire, le général Hugo Carvajal, en passant par bien d’autres, dont celle de Rafael Ramírez, le « tzar du pétrole » sous les mandats de Chávez – tous en « villégiature » semble-t-il particulièrement confortable, pour ne pas dire luxueuse, à l’étranger (à l’exception de Carvajal, détenu en Espagne et dont les Etats-Unis réclament l’extradition).
Pour autant, l’inoculation de « bleuite » destinée à frapper cette fois le cœur du chavisme en y introduisant la méfiance mutuelle est, jusqu’à preuve du contraire, tombée complètement à plat. Tant le président du TSJ que le haut commandement militaire serrent les rangs autour de Maduro, qui leur renouvelle publiquement sa confiance. Interrogé sur son supposé « lâchage » du chef de l’Etat, le secrétaire général du comité central du Parti communiste vénézuélien, Oscar Figuera, dément catégoriquement [16]. Cabello qualifie de « manipulation médiatique » la dépêche d’AP. Et les grosses coutures de la « propagande grise » – cette technique consistant à mêler des vérités factuelles à des mensonges pour que les premières crédibilisent les seconds – apparaissent au grand jour.

En effet, créant la surprise, le président Maduro révèle le 20 août, depuis La Guaira, l’existence de contacts effectivement « secrets », depuis plusieurs mois, à haut niveau, entre le Venezuela et les Etats-Unis (vraisemblablement avec Mauricio Claver-Carone, conseiller « Amérique latine et Caraïbes » à la Maison-Blanche). On pourrait bien entendu douter d’une telle « révélation ». Mais Donald Trump en personne la confirme le lendemain ! Créant un certain trouble au sein de l’opposition vénézuélienne. Agaçant au plus haut point les faucons Elliott Abrams et John Bolton, ce dernier s’offrant le luxe, le 23, de contredire son patron : ces contacts avaient lieu « dans le dos de Maduro ». Pendant ce temps, Guaido se raccroche aux branches en prétendant qu’il s’agissait d’une « stratégie commune » et qu’il était au courant.
« Ils croient qu’ils vont nous diviser avec des blagues », a raillé Cabello ! Au terme de cette épidémie enrayée de « bleuite », le pouvoir bolivarien a une fois de plus réaffirmé sa force et son unité politique. Non seulement Maduro résiste, mais le gouvernement démontre à chaque moment critique qu’il est capable de faire descendre en foules imposantes les secteurs populaires dans la rue.

Pour autant, la menace persiste. Même si Guaido se noie, multipliant les gesticulations pour tenter de camoufler son naufrage : le 28 août, n’a-t-il pas formé un « gouvernement parallèle » avec Leopoldo López en « premier ministre » (Comisionado Presidencial), Julio Borges en « ministre des Affaires étrangères » et, pour parfaire l’illusion, quelques comparses – Humberto Prado aux « droits de l’Homme », Alejandro Plaz à l’économie (et surtout à la gestion des actifs volés à la République bolivarienne à l’étranger). Cette annonce a bien sûr provoqué pas mal de rires ou de sourires en coin : les réunions de ce Conseil des ministres auront-elles lieu à Bogotá (ou vit Julio Borges) ou dans l’ambassade d’Espagne (où réside Leopoldo López) ?

Au Venezuela même, toutes ces clowneries provoquent un croissant rejet. La crédibilité de Guaido s’effondre. L’imposture ne marche pas, ne marche plus. On l’a poussée à sa puissance maximale sans obtenir de résultat positif. Après l’avoir propulsé aux nues en tant que « président par intérim », sans pêcher par excès de nuances, les médias internationaux, déçus, désabusés, ne s’intéressent plus guère à lui. Plusieurs acteurs politiques de l’opposition – dont l’ancien candidat à la présidence de la République Henri Falcón (2018) – condamnent le blocus qu’entendent imposer les Etats-Unis grâce à l’ordre exécutif « d’embargo total » signé le 5 août et appelé de ses vœux pas Guaido.
 
Il n’en demeure pas moins que cet étranglement économique se poursuit, imposé par les véritables patrons du cirque. Le 9 août, Elliot Abrams a affirmé que les sanctions ne seraient pas levées « tant que Maduro n’aurait pas quitté le pouvoir ». Lors d’une Conférence internationale pour la démocratie au Venezuela, tenue au début de ce mois d’août à Lima, Bolton a déclaré de son côté : « L’unique négociation possible avec Maduro, c’est celle permettant de savoir quel avion il va prendre [pour s’exiler].  » Les messages allant dans le même sens se multiplient : en aucun cas Nicolás Maduro, Diosdado Cabello et Tareck el Assaimi (autre poids lourd de la révolution, ministre de l’Industrie) ne pourront à l’avenir participer à une quelconque élection. Voire même être présents dans le pays lorsqu’elles auront lieu. Dans son infinie générosité, Elliott Abrams a même offert une « amnistie » au chef de l’Etat s’il accepte de partir volontairement, sur la plage de son choix, pour un exil doré [17]. Ce qui s’appelle incontestablement prendre ses désirs pour des réalités.

La République bolivarienne résiste, ferme dans l’adversité. Bien qu’en souffrance, en raison des difficultés économiques, les secteurs populaires ne lâchent pas. La FANB et son haut commandement non plus, qui ont clairement décidé de défendre la souveraineté nationale. Maduro ne partira pas et, qui sait, pourrait même trouver des opposants responsables pour négocier une sortie de crise. A l’international, la diplomatie de la canonnière prend l’eau. Le Groupe de Lima n’est plus qu’une machine à pondre des communiqués dépourvus d’effets. Discréditée, l’OEA voit se multiplier les critiques des proches amis de Caracas, la Bolivie et le Nicaragua, mais aussi du Mexique, de l’Uruguay et de la Communauté des Caraïbes. Très significativement, et à l’avant-garde de la fronde, le gouvernement uruguayen a déjà annoncé qu’il ne soutiendra pas la réélection de son compatriote Luis Almagro à la tête de l’Organisation, l’an prochain. La très proche élection en Argentine, que le néolibéral Mauricio Macri a mené au désastre économique (sans que le pays ne soit agressé par personne, sauf, peut-être, le FMI !) risque de modifier dans un sens lui aussi favorable l’équilibre entre bellicistes et modérés sur le continent. D’autant que le pyromane Bolsonaro se brûle chaque jour un peu plus les ailes dans le brasier amazonien. Et que, indépendamment de Moscou et de Pékin, qu’exaspèrent l’unilatéralisme de Washington et qui, en conséquence soutiennent fermement le Venezuela, le reste de la fameuse « communauté internationale » commence à douter sérieusement de « la chute de Maduro ».

De fait, après les absurdes simagrées observés autour de la « reconnaissance » hâtive de Guaido, les diplomaties – Pays-Bas, Espagne, Portugal, Allemagne, etc. – maintiennent ou reprennent des contacts réguliers avec le gouvernement légitime. La Norvège se pose toujours en médiatrice pour l’organisation d’un dialogue (qui, semble-t-il, a repris). L’Union européenne dénonce un peu mollement, mais dénonce, les « sanctions extraterritoriales » de Washington – non par éthique, mais parce que des grandes entreprises européennes sont menacées. Même Michelle Bachelet, touchée par la grâce (après les dures critiques reçues pour son rapport déséquilibré), vient, fin août, de s’inquiéter : la seule chose à attendre de ces « sanctions », « dures et trop amples », c’est « malheureusement une émigration plus importante, car elles vont exacerber la pauvreté ».

Les rapports de force évoluent dans un sens favorable. Pour Caracas, il faut tenir en attendant l’embellie. Pour Washington, il faut faire vite pour parachever le désastre. Trump a imprudemment fait du Venezuela une affaire personnelle et, dans un an, se présentera pour un second mandat. Dans ce registre, « le Roi est nu ». Si, au moment de ce scrutin, Maduro est toujours au pouvoir, le prestige du candidat à la réélection en sortira écorné. Dès lors, comme répété mille fois, « toutes les options sont sur la table ». La « bleuite » en faisait (et en fait toujours) partie. Parmi bien d’autres. Le 22 août, Craig Faller, chef du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis, a réitéré à Natal (Brésil), devant les chefs d’état-major des Forces armées de quatorze pays latino-américains, que la crise au Venezuela est devenue « une menace pour la paix régionale ». Une semaine plus tard, Mike Pompeo a annoncé la création d’une « Unité des affaires du Venezuela » (AUV), destinée à « rétablir la démocratie » dans ce pays, et dirigée par le chargé d’Affaires James Story, depuis… l’ambassade des Etats-Unis à Bogotá [18].
Dans cette situation où tout est brouillé, indistinct, emmêlé, le récent « prix Nobel de la Guerre », Iván Duque, qui a réussi la performance de torpiller les Accords de paix dont avait besoin son propre pays [19], demeure à l’évidence le meilleur allié des Etats-Unis pour semer le chaos au Venezuela – et dans la région.




[1] Information confirmée (ultérieurement) par le New York Times  : https://www.nytimes.com/2019/03/10/world/americas/venezuela-aid-fire-video.html

[2] Guaido a été élu député avec 97 000 voix et ne préside l’Assemblée nationale (par ailleurs dans l’illégalité depuis janvier 2016) que parce que les quatre principaux partis d’opposition, dont le sien, Volonté populaire, ont décidé de se succéder à ce poste, par rotation, au début de chaque année.

[3] Sur cet épisode, voir : https://www.monde-diplomatique.fr/2002/05/LEMOINE/8838

[4] Le Saint-Siège, les Iles Cook, Niue (Etat insulaire du Pacifique sud) et l’Etat de Palestine.

[5] Type de conflit destiné à renverser le pouvoir d’un Etat en évitant si possible une intervention militaire directe, mais en utilisant tous les moyens de pression – diplomatiques, politiques, économiques, sociaux et culturels – et en contrôlant l’opinion à travers les opérations psychologiques (et donc l’appareil médiatique).

[6] On peut consulter une liste actualisée des mesures coercitives unilatérales étatsuniennes sur le site de Romain Migus : https://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html

[7] Acción Solidaria (ACSOL), Centro Derechos Humanos – Universidad Católica Andrés Bello, Centro de Justicia y paz (Cepaz), Civilis Derechos Humanos, COFAVIC, Espacio Público et PROVEA pour le Venezuela ; Global Center for the Responsibility to Protect, Human Rights Watch, Commission internationale des juristes et Amnesty International pour leurs relais… médiatico-planétaires.

[8] Appel à pétition de la section française d’AI (10 août 2019).

[9] Le 22 décembre 1989, pendant la phase terminale du régime de Ceausescu en Roumanie, des agences de presse annoncent la découverte d’un charnier contenant 4630 cadavres de manifestants d’opposition tués lors d’émeutes dans la région de Timisoara. Reprise par la totalité des médias – de Libération et Le Monde en France, en passant par TF1 et l’Evénement du Jeudi – l’information suscite une intense émotion dans l’opinion publique et précipite la chute du pouvoir communiste roumain. On découvrira un mois plus tard qu’il s’agissait d’une grossière manipulation : décédés de mort naturelle, les corps en question ne dépassaient pas la vingtaine et avaient été exhumés du cimetière des pauvres de Timisoara.

[10] Haut Conseil de la Coopération internationale, « Rapport de la Commission “Crises, prévention des crises et reconstruction” », La Documentation française, Paris, mars 2005.

[11] D’après le Ministère public, 335 fonctionnaires et agents de l’Etat sont incarcérés ou sous le coup d’une enquête pour non respect des droits humains ; entre août 2017 et mai 2019, 104 condamnations ont été prononcées contre des membres des forces de l’ordre pour usage excessif de la force.

[12] « Bonnes et mauvaises victimes au Venezuela » : http://www.medelu.org/Bonnes-et-mauvaises-victimes-au

[13] Combattants partisans de l’Algérie indépendante.

[14] Mohamed Amokrane Aït-Mehdi, Le dur et invraisemblable parcours d’un combattant, Editions Rafar, Alger, 2012.

[15] Sur cet épisode de la « bleuite », lire entre autres, Yves Courrière, La Guerre d’Algérie, (« L’heure des colonels  » [tome 3]), Fayard, Paris, 1970.

[16] https://www.mondialisation.ca/verite-ou-fake-le-parti-communiste-venezuelien-lache-le-president-maduro/5636081

[17] https://www.costadelsolfm.org/2019/08/28/usa-ofrece-amnistia-a-maduro-si-deja-el-poder/

[18] https://translations.state.gov/2019/08/28/creation-of-the-venezuela-affairs-unit/

[19] Dénonçant le non respect par l’Etat de ces Accords signés en septembre 2016, une fraction de l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a annoncé le 29 août qu’elle reprenait les armes.

 

 

 

mercredi 4 septembre 2019   |   Maurice Lemoine

http://www.medelu.org/Une-inoculation-de-bleuite-sous-controle-au-Venezuela

 

 

 

Rédigé le 05/09/2019 à 11:27 dans Divers, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

La guerre de France aura-t-elle lieu ?

 

"Il faudrait être aveugle ou un journaliste d'une célèbre chaîne infos, militant LREM ou « bobo à trottinette » - ce sont souvent les mêmes d'ailleurs -, pour ne pas voir que la France est un volcan."

 
 

 

"Il faudrait être aveugle ou un journaliste d'une célèbre chaîne infos, militant LREM ou « bobo à trottinette » - ce sont souvent les mêmes d'ailleurs -, pour ne pas voir que la France est un volcan."
 
 
 

 

Historien des guerres moyen-orientales et consultant en risque pays pour le Proche-Orient et le Sud de la Méditerranée, je suis souvent sollicité pour décrire, analyser et déchiffrer les zones de troubles ou de conflits de ces régions. Quelle ne fut ma (demi)surprise, lorsqu'il y a quelques mois (et cela bien avant la crise des Gilets jaunes) de plus en plus de clients étrangers commencèrent à me demander mon avis sur la situation sécuritaire de mon propre pays ... la France !

Il faudrait être aveugle ou un journaliste d'une célèbre chaîne infos, militant LREM ou « bobo à trottinette » - ce sont souvent les mêmes d'ailleurs -, pour ne pas voir que la France est un volcan. Pourtant, même les avertissements de deux anciens présidents de la République, d'un ex-ministre de l'Intérieur et de certains chefs des renseignements, sur les risques d'embrasement et de « partition » du pays sont encore balayés d'un revers de main. D'autant plus que les évènements de ces dernières semaines ne sont pas faits pour rassurer ! Un président copieusement sifflé et hué sur les Champs Élysée le 14 juillet dernier, les violences et les scènes d'émeutes qui ont émaillé chaque match de l'équipe algérienne durant la CAN, une insécurité exponentielle, un communautarisme conquérant et fragmentant la République -affaire du burkini et des drapeaux algériens puis l'envahissement du Panthéon par des immigrés clandestins -, une image à l'international déplorable, une information « pravdaisée » et enfin, une crise sociale et morale toujours ignorée...

L'État français ne semble plus rien contrôler. Entre la méthode Coué et la politique de l'autruche, nos gouvernants préfèrent rapatrier, au frais du contribuable, les jihadistes français de Syrie et d'Irak ou encore légiférer sur la fessée et multiplier, comme nous l’avons vu cet été, les messages de prévention en vue d'une nouvelle canicule ! Le gouvernement veut être partout sauf là où il devrait être ! Si on rajoute à cela les fastes de François de Rugy, qui suivent pitoyablement les « fight » de Benalla, on comprend mieux pourquoi les hommes et femmes du « nouveau monde » de Macron sont complètement déconnectés du monde réel!

Le malaise des Gilets Jaunes et de la « France périphérique » est beaucoup plus profond que certains ne le pensent. Il ne s'est pas évaporé comme le croient naïvement nos élites. Loin de là. Au contraire, les frustrations, la déception, la rancœur et le désespoir s'enkystent de plus en plus dans les esprits et les cœurs. Face à une classe dirigeante totalement discréditée, perçue comme hors-sol, forte avec les faibles mais faible avec les forts, et confrontés à la « mondialisation malheureuse » et sans aucune alternative politique sérieuse, nul ne peut prévoir la réaction de certains de nos concitoyens désespérés et exaspérés qui, ne se sentant plus représentés, écoutés, protégés, sont habités par une colère qui n'attend malheureusement plus qu'une étincelle pour exploser.

La France est une vieille terre de guerres civiles

La future guerre civile, que certains évoquent, a malheureusement déjà bel et bien commencé sur les réseaux sociaux.

C'est l'ancienne propension gauloise qui marque encore notre pays. Toutefois, de la Commune de Paris à nos jours, en passant par la guerre d'Algérie, mai 68, les émeutes de 2005 ou les Gilets Jaunes, nous l'avons vu, la République sait très bien se défendre. Pour autant, compte tenu de l'atmosphère ambiante et de la fracturation du pays, je reste assez inquiet. 

Comme je le répète souvent, aussi étonnant que cela puisse paraître, je suis paradoxalement beaucoup plus optimiste pour le Moyen-Orient que pour mon propre pays...

Que se passera-t-il dans le cas d'une nouvelle crise financière mondiale, lorsque les caddies des grandes surfaces se videront inexorablement ? Qu'adviendrait-il si des groupes du style Brigades rouges ou OAS voyaient le jour, ou encore, plus probable, un attentat islamiste de masse survenait de nouveau ? Quelles seraient les réactions en cas d'attaques multiples sur tout le territoire ? Lorsque les quartiers français s'enflammeront de nouveau comme en 2005, est-ce que le pouvoir donnera l'ordre à la police d'agir avec la même ardeur qu'elle l'a fait avec les manifestants des GJ ? J’en doute fort. La situation actuelle me fait malheureusement penser à la France pré révolutionnaire, lorsque les petits courtisans du Roi creusaient chaque jour un peu plus le fossé qui les séparait du peuple... Selon l'adage, "le poisson pourrit toujours par la tête" !

Or, depuis Gustave Le Bon ou l’expérience de Milgram dans les années 1960, nous savons que le degré d’obéissance d’un individu ou d’une société devant une autorité, dépend de la légitimité de cette dernière. L’histoire des révolutions le prouve et tout bon manager le sait pertinemment : lorsqu’il n’y a plus de confiance et de respect envers cette même autorité, la cohésion du groupe ou d’une nation ne fonctionne plus et les choses peuvent alors tourner très mal...

Certes, Emmanuel Macron n'est pas Louis XVI. L'actuel président français semble bien plus solide que ce pauvre roi. Leur seul point commun serait, à la rigueur, leur « déconnexion du réel ». Peut-être. Ce qui est certain c'est que le locataire de l'Élysée est très intelligent et qu’il a démontré tout son talent de communicant. Assurément, le plus jeune Président français s'est révélé être un très habile politique puisqu'il a réussi à se hisser, de manière fulgurante (grâce aux médias et à l'absence de concurrents sérieux), jusqu'à la magistrature suprême alors qu'il n'était qu'un quasi inconnu il y a trois ans. Chapeau bas l'artiste !

Mais un fin politicien, aussi retors soit-il, n'a pas toujours fait forcément un grand homme d'État. Son principal problème vient du fait qu'il ne perçoit et ne réalise pas à sa juste valeur la profondeur du malaise. Fils de deux médecins d'Amiens et d'une famille bien née, il est en effet le pur produit de la grande bourgeoisie provinciale. Écoles privées, grandes écoles, ENA... Son cursus le mène à devenir haut fonctionnaire dans un grand corps de l'État, en l'occurrence l'Inspection des finances, puis banquier dans une grande banque d'affaires. En politique, du fait de son parcours météorique, il n'a pas eu le cursus honorum traditionnel qui lui aurait au moins fait, en tant qu'élu local, entrevoir la vie et les difficultés de ses administrés. Il est né, a grandi et a toujours vécu dans un microcosme. Celui de l'élite mondialisée, un monde de privilégiés bien différent de celui de la majorité des Français. On le voit, même sa com' ne s'adresse inconsciemment et en définitive qu'à cette partie infime des Français que représentent la grande bourgeoisie et les hautes classes moyennes.

Voilà pourquoi il est coupé des réalités et de la vie réelle de la majorité de ses concitoyens, comme d’ailleurs la plupart de ses équipes de conseillers ou de ses ministres.

Je pense qu'en bon technocrate, spécialiste de la finance, notre président croit que la solution à tous les problèmes sera essentiellement économique. De son point de vue, il est même sûrement sincère dans sa volonté de réconcilier les Français par l'application au forceps de ses réformes socio-économiques si mal reçues. Mais c'est une erreur. Car dans la gestion d'un pays et de son peuple, tout n'est pas qu'économique.

Espérons juste qu'il ne le découvre pas trop tard et trop violemment... Car pour affronter les futurs orages qui pointent à l’horizon, il nous faudra des lions (ou à la rigueur des coqs de combat) et non des paons, qui sont certes les plus beaux des oiseaux, mais qui ne demeurent toutefois, ne l’oublions jamais, que des pintades bien colorées !

 

avec Roland Lombardi
 
21 août 2019
© ABDUL ABEISSA / AFP
 

https://www.atlantico.fr/decryptage/3577891/la-guerre-de-france-aura-t-elle-lieu--roland-lombardi

Rédigé le 23/08/2019 à 21:42 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

« | »