Dès la plus lointaine enfance la mer te met en accord cosmique avec les êtres, les lieux, les plantes, les animaux, les pierres, les pluies et les fables enchantées du monde.
C'est l'utérus initial
le passé amniotique
la source chaude au départ
le réel merveilleux
autour du cordon ombilical.
Dès les bancs de l'école
la mer t'apprend
à être toujours de mèche
avec libellules et papillons
poissons et colibris
eaux et galets des rivières
fêtes et souffrances de la vie.
L'école est située sur une falaise
le golfe de Jacmel est son grand voisin bleu
dans la classe la mer caraïbe
nous offre l'ailleurs qui protège de son aura
le prodige indigo du ciel et des vagues
l'éclat contagieux de l'écume associée
au mystère fascinant de la langue française.
La mer lave chaque mot de la vie que l'aventure de Christophe Colomb a passé au bouchon brûlé* ou à la chaux
des pièges sémantiques : indien, blanc, noir, mulâtre, jaune
il y a un grand arc qui vibre avec la double corde créole et francophone ; il y a la mer, médiatrice de la parole française, qui lie en joyeuse mesure de mère îles et terres fermes, saveurs et sortilèges du pays natal ; il y a l'a b c maternel de la mer qui met sous tes sandales de poète son vital élan de sel et de liberté.
« Je ne veux pas avoir la même adresse que mon frère mais je ne supporte pas pour autant qu’on lui fasse la guerre. » Un dicton qui mérite d’être édicté, prescrit à tous les frères ennemis.
Cela peut vouloir dire que les frères n’ont pas besoin de s’entendre pour se défendre mutuellement. Leurs querelles ne les empêchent pas d’aspirer au même ciel, ni de respirer le même air…
Algérien pour l’un, Marocain pour l’autre.
Il est temps pour les deux belligérants de cesser de se faire la guerre et de se diriger l’un vers l’autre sans tenir compte de l’avis de leurs dirigeants.
t pourquoi c’est si urgent ? Peut-être parce que leur demi-frère Palestinien risque de ne pas voir la fin du printemps…
La Norvège, l’Irlande et l’Espagne ont annoncé mercredi 22 mai la reconnaissance d’un État palestinien. Le Hamas et l’OLP se sont félicités de cette décision. Israël s’est insurgé contre ces décisions et a répliqué en rappelant ses ambassadeurs à Oslo et Dublin. Paris a estimé que le moment n’est pas encore venu.
► Plusieurs pays européens vont reconnaître l’État palestinien
Le premier ministre norvégien a annoncé mercredi 22 mai la décision de son pays de reconnaître l’existence d’un État palestinien à compter du 28 mai. L’Irlande, qui avait indiqué la semaine dernière qu’elle allait « certainement » reconnaître un État palestinien avant la fin du mois de mai, a également fait part de sa décision de franchir le pas.
L’Espagne a ensuite annoncé à son tour la reconnaissance d’un État palestinien pour le 28 mai. Devant les députés espagnols, Pedro Sánchez a également accusé son homologue israélien Benyamin Netanyahou de mettre « en danger » la solution à deux États avec sa politique de « douleur et de destruction » dans la bande de Gaza.
► Pour la France : « Pas un tabou » mais pas le bon moment
La reconnaissance d’un Etat de Palestine « n’est pas un tabou pour la France » mais le gouvernement estime que les conditions ne sont pas réunies « à ce jour pour que cette décision ait un impact réel » sur le processus visant la solution à deux Etats, a commenté Stéphane Séjourné, le ministre des affaires étrangères.
« Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique », a souligné le chef de la diplomatie dans une réaction écrite., « dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait un avant et un après », a-t-il ajouté.
Stéphane Séjourné estime qu’«il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité».
► « Le terrorisme paie » s’offusque Israël
Israël a fustigé la décision des trois pays européens jugeant qu’elle envoie « un message aux Palestiniens et au monde entier : le terrorisme paie », a dénoncé le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz.
« Après que l’organisation terroriste Hamas a perpétré le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, après avoir commis les crimes sexuels les plus horribles que le monde ait connus, ces pays ont choisi de récompenser le Hamas et l’Iran et de reconnaître un Etat palestinien », a-t-il ajouté.
► « Moment historique » pour l’OLP, « étape importante » pour le Hamas
La reconnaissance de l’État de Palestine par trois pays de l’Union européenne constitue un moment « historique », s’est félicitée l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), y voyant « la voie de la stabilité, de la sécurité et de la paix dans la région ».
Il s’agit de « moments historiques dans lesquels le monde libre triomphe (…) après de longues décennies de lutte nationale palestinienne, de souffrance, de douleur, de racisme, de meurtre, d’oppression, d’abus et de destruction auxquels le peuple de Palestine a été soumis », a déclaré Hussein al-Sheikh, secrétaire général du comité exécutif de l’OLP.
Le Hamas, de son côté, a assuré que c’est la « résistance palestinienne » qui a permis cette reconnaissance de l’État de Palestine par trois pays supplémentaires. « Nous considérons cela comme une étape importante vers l’affirmation de notre droit à la terre et à l’établissement d’un État palestinien avec Jérusalem pour capitale », a déclaré le Hamas, appelant « les pays à travers le monde à reconnaître (leurs) droits nationaux légitimes ».
► Israël exhorte Paris à dénoncer les mandats d’arrêt de la CPI
Le ministre israélien des affaires étrangères a exhorté mardi soir la France à dénoncer la demande du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien et son ministre de la défense.
« Je me tourne vers mon ami le ministre français des affaires étrangères. Face à cette proposition du procureur général honteuse et scandaleuse, votre soutien et celui du gouvernement français sont essentiels », a déclaré Israël Katz, lors d’un événement à Paris à l’occasion des 75 ans des relations diplomatiques entre les deux pays et les 76 ans de l’État d’Israël.
► Interdiction d’AP à Gaza : Israël fait marche arrière
Sous la pression de la Maison-Blanche, Israël est revenu sur sa décision d’interrompre la retransmission par l’agence américaine AP de sa vidéo en direct de la bande de Gaza.
« Étant donné que le ministère de la défense souhaite examiner la question des diffusions et le risque pour nos forces, j’ai ordonné d’annuler l’opération et de rendre l’équipement à l’agence AP » jusqu’à ce que le ministère de la défense se prononce, a indiqué le ministre israélien des communications Shlomo Karhi.
Cette décision a été annoncée après que le gouvernement américain a indiqué être « en contact direct » avec le gouvernement israélien et lui avoir demandé de rétablir le direct.
Associated Press avait annoncé plus tôt dans la journée que son direct vidéo sur le Territoire palestinien avait été coupé par Israël, qui accuse l’agence de presse de violer une loi ayant permis aux autorités israéliennes d’interdire la chaîne qatarienne Al-Jazira sur leur territoire.
► L’aide via le port temporaire américain n’est toujours pas distribuée
Claude Bouguet, aujourd'hui âgé de 87 ans, revient avec émotion sur la guerre d'Algérie et sur son implication durant les 28 mois de son engagement alors qu'il n'avait que 20 ans.
Au moment d’être appelé, il n’avait que 20 ans. Claude Bouguet est aujourd’hui âgé de 87 ans et il est vice-président de l’association des anciens combattants de Casteljaloux.
Il a évoqué pour nous et avec une grande émotion son départ pour Alger, ses souvenirs de la guerre en Algérie et son retour difficile en France suite à ses 28 mois d’engagement jusqu’en 1959.
Appelé au combat à l’âge de 20 ans
Boulanger depuis peu, c’est à l’âge de 20 ans qu’il a été appelé pour combattre en Algérie : » À l’époque, on ne se rendait pas compte d’où on allait ; nous étions inconscients. On est parti la fleur au fusil avec l’euphorie des 20 ans ! Surtout qu’à Casteljaloux, deux copains venaient d’être tués au front… mais je devais partir, c’était comme ça ».
Après avoir reçu son ordre de mission, Claude Bouguet, et d’autres appelés, sont partis ensemble sur Bordeaux, pour prendre le train pour Marseille avant la traversée en bateau direction Alger.
Pour certains, qui venaient des Landes, c’était la première fois qu’ils prenaient le train ! Et quand on passait dans les villes françaises, on avait interdiction de chanter, à cause des manifestations des parents qui ne voulaient pas que leurs enfants partent à la guerre…
« Je n’avais jamais pris le bateau, c’était la première fois ! On était 2 000 sur le Kairouan, l’un des plus beaux bateaux de la traversée. On a fait le voyage dans des conditions pas très agréables et j’ai passé un jour et demi sur le pont, mais on était heureux d’être ensemble ! ».
De Casteljaloux à Alger
Arrivé à Alger, il passera 3 mois au 818 GRT avant d’être sélectionné pour Mogador.
Il fera alors partie d’une équipe d’une vingtaine de personnes affectées aux transmissions par télétype : » C’était une machine perforée qui permettait de transmettre des messages secrets. On était 12 h en poste dans des souterrains avant d’être relayé. C’était très intéressant, car nous étions au cœur de tout ce qui se passait, mais c’était aussi très sérieux et on ne devait pas se tromper ».
Libéré en mars 1959, il était très heureux de rentrer chez lui, car « ça chauffait beaucoup en Algérie ! », mais il pensait souvent à certains de ses copains qui ne sont jamais rentrés.
J’avais du mal à me retrouver, car les choses n’avaient plus les mêmes valeurs ; ce n’était plus pareil. On n’avait pas envie de communiquer, on n’avait pas envie de parler de ce qui s’était passé en Algérie. On restait froid…
« Au bout d’un mois en Algérie, j’avais pris conscience de là où on était. Et pendant les patrouilles, on n’était pas tranquille… J’avais peur parfois, mais je n’étais pas seul ! On restait soudé, car on était tous embarqués dans la même galère, et on se donnait du courage. On était solidaire et pendant les opérations, on était quand même en confiance, car on se surveillait mutuellement. L’esprit de corps, de camaraderie, c’est très important ! Je n’ai pas retrouvé cela dans le civil« , se souvient Claude lors de son retour en France.
Gérard Tiersen fait partie des 1.5 millions de conscrits qui ont fait la guerre d’Algérie. Appelé dans les paras, il découvre l’enfer des exactions et de la torture. Hanté par la culpabilité, Gérard Tiersen s’est tu, et n’a rien dit, pendant 60 ans. Aujourd’hui, il témoigne.
La guerre contre Gaza, les nouvelles tensions entre Israël et l’Iran et le risque d’une extension du conflit mettent en difficulté la relation entre Moscou et Tel-Aviv, déjà ébranlée depuis 2021. Mais les deux parties tentent de ne pas dépasser les lignes rouges.
Mise à jour. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a émis lundi 20 mai des demandes de mandat d’arrêt international contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et son ministre de la défense Yoav Gallant pour responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
L’émission de mandats d’arrêts contre les dirigeants israéliens par la CPI aurait des conséquences importantes, tant symboliques que pratiques. Mais la nouvelle relative à ces mandats, émanant de sources israéliennes, pourrait aussi bien participer d’une stratégie visant à remobiliser les alliés d’un État ayant perdu, au moins partiellement, la « bataille de l’opinion », voire d’une stratégie visant à intimider la juridiction pénale internationale.
La réponse apportée par le gouvernement aux émeutes en Nouvelle-Calédonie ressemble à s’y méprendre à celle de l’été 2023, lors des révoltes urbaines. Entre répression et dépolitisation des jeunes, le pouvoir recycle de vieilles méthodes dont la filiation coloniale fait peu de doute.
PlusPlus de dix mois et 16 000 kilomètres séparent les deux événements mais tout, dans la réponse de l’État, invite à la comparaison. Depuis que la Nouvelle-Calédonie est secouée par la colère d’une partie de la jeunesse kanake, le gouvernement redonne à entendre le discours et la ligne qu’il avait adoptés, fin juin 2023, au moment des révoltes urbaines consécutives à la mort de Nahel Marzouk à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Comme l’été dernier, l’exécutif tente d’installer dans le débat public le récit d’une flambée de violences irrationnelle, dont la principale caractéristique serait de menacer la tranquillité, sinon l’intégrité du pays. « Rien, absolument rien, ne justifie la violence, a écrit Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, sur X. L’ordre public sera rétabli. » À l’Assemblée nationale, le 4 juillet 2023, Élisabeth Borne, alors première ministre, lançait : « Les violences, rien ne peut les excuser. Nous sommes engagés pour rétablir l’ordre républicain. »
Des soldats du 8e RPIMa sécurisent l'aéroport de Nouméa, le 17 mai 2024. Photo : Delphine Mayeur (AFP)
Au-delà des formules, le gouvernement s’est distingué, maintenant comme en 2023, par l’utilisation rapide et massive des leviers répressifs à sa disposition. Réunions multiples du centre interministériel de crise (CIC), envoi de forces de l’ordre en renfort, présence accrue sur le terrain, multiplication des interpellations… Dans les banlieues hexagonales comme à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le pouvoir a d’abord souhaité exhiber sa force et son intransigeance, pour dissuader une éventuelle contagion du mouvement.
Dans une circulaire adressée aux parquets, le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, demande « une réponse pénale ferme, rapide et systématique » ; exactement les mots utilisés le 30 juin 2023, dans une circulaire déjà signée de la main du garde des Sceaux. Le contenu de ces deux circulaires est en tous points semblable : le ministre y réclame « la plus grande fermeté » à l’encontre des « auteurs d’exactions », au nom de « l’impératif de rétablissement de l’ordre républicain ».
Des consignes qui avaient largement été suivies d’effet à l’époque. Comme l’avait raconté Mediapart depuis le tribunal de Nanterre, les parquets avaient requis à l’encontre de la majorité des prévenus, souvent à peine majeurs, des peines d’emprisonnement avec mandat de dépôt. Il s’agissait, expliquait alors le procureur, de « dissuader les autres » et de « briser la dynamique » de la violence. Une sévérité de nouveau à l’œuvre au tribunal de Nouméa, comme l’a relaté La Voix du Caillou, même si elle n’a pas toujours été suivie par les magistrats du siège.
Autant de similitudes que l’histoire commune des banlieues et des outre-mer aide à éclairer. « Le prisme colonial est au cœur de ce parallèle, affirme Ulysse Rabaté, chercheur en sciences politiques à l’université Paris VIII. Quand on regarde la gestion sécuritaire de ces deux types de territoire, on trouve des liens évidents, des structures communes, des régularités. Pour l’État, la violence répressive est le seul moyen d’effacer la dimension politique de ce qui est en train de se passer. C’est une manière d’occuper l’espace. »
La question de la reconnaissance par l’État de la dimension politique des mobilisations de type « émeutes » se pose effectivement à Nouméa comme elle se posait à Nanterre. Ainsi le pouvoir analyse-t-il, selon les mots de l’entourage de Gérald Darmanin, les révoltes calédoniennes actuelles comme celles d’une « jeunesse désœuvrée qui profite du désordre pour s’agiter », de « délinquants qui attaquent et pillent des magasins » et de « jeunes militants radicalisés ».
Le haut fonctionnaire Thierry Lataste, en poste jusqu’en 2019 en Nouvelle-Calédonie et toujours consulté par l’exécutif sur le sujet, a lui aussi décrit dans Le Figaro« des émeutiers jeunes, parfois très jeunes, parfois alcoolisés ou sous l’emprise du cannabis ». Une rhétorique qui a pour effet de réduire leur lutte à un accès irrationnel de violence. « Ceux qui détruisent, pillent et incendient dans les rues sont loin des subtilités de la convocation du Congrès du Parlement », ironise dans le même entretien l’ancien directeur de cabinet de François Hollande à l’Élysée.
Des mots qui ressemblent à ceux de l’été 2023, lorsqu’une partie de la jeunesse des quartiers populaires criait sa rage contre les violences policières, les contrôles au faciès et les inégalités. Dès les premiers soirs d’incidents, l’exécutif avait inondé la presse d’éléments de langage sur la jeunesse des émeutiers, leur caractère marginal, leur addiction aux écrans ou encore leur usage des réseaux sociaux. À rebours de tous les propos recueillis sur le terrain, y compris par Mediapart, Emmanuel Macron avait lâché : « Pendant les émeutes de 2005, il y avait un message. Là, je n’ai pas entendu de message. »
Un parking Renault-Dacia incendié dans le quartier Magenta à Nouméa. Photo: Delphine Mayer (AFP).
Dans Répression. L’État face aux contestations politiques (Textuel, 2019), la chercheuse Vanessa Codaccioni analyse ce type de discours : « Aujourd’hui, la logique répressive dominante est celle de la dépolitisation, qui consiste à ne pas considérer officiellement les militants comme des “politiques”. » Ulysse Rabaté y voit « la négation du politique et du social qui est à l’œuvre » dans ces mobilisations, victimes, selon lui, d’un « processus similaire de disqualification ».
« Ils essayent d’isoler ceux qui prennent position dans la rue de ceux qui prennent position dans le champ politique, comme s’il n’y avait aucun lien entre les deux, déplore le chercheur, par ailleurs ancien élu local (de gauche) et militant associatif. L’État refuse d’entendre le discours politique formulé. Pourtant, quand on tend le micro en Nouvelle-Calédonie, on entend un discours indépendantiste présent, articulé, conscient… En face, il y a le même refus d’entendre et de voir qui était à l’œuvre l’été dernier dans les quartiers populaires. »
Les vécus, pourtant, convergent. Acteur emblématique du monde culturel dans le Grand Nouméa, animateur socio-culturel de formation, Pablo Barri passe l’essentiel de son temps auprès de ces jeunes : « Vous appelez ça la banlieue, en France. Nous, on dit juste les quartiers. Mais ça se ressemble. On a entassé des gens, qui ne sont pas blancs, dans des grandes barres ou des squats. Et on a reproduit les mêmes idioties qu’en métropole, dans les années 1960. Ces jeunes ont plus de barbelés autour d’eux que de lieux de cohésion ou de perspectives d’avenir. Ajoutez à cela que l’État mène une politique jusqu’au-boutiste, où il faut maintenir l’ordre coûte que coûte. Forcément, à un moment, ça pète. »
Le précédent de mai 67
Qu’il s’agisse de la répression ou de la dépolitisation, les convergences décrites ici ne sont pas nées hier. La comparaison a même une forme de permanence historique, d’autant plus depuis que le cycle d’indépendances du siècle dernier a fait des banlieues et des territoires d’outre-mer les deux principaux vestiges du passé colonial français. Dès les années 1960, l’État y reproduit d’ailleurs les techniques de répression et de maintien de l’ordre qui avaient court dans les colonies.
Le parcours du préfet Pierre Bolotte l’incarne plus que n’importe quel autre. En poste en Indochine puis en Algérie pour mater les velléités d’indépendance, il est ensuite nommé préfet de Guadeloupe, où il commande les massacres de mai 1967, puis en Seine-Saint-Denis. Dans le département tout juste créé, dès 1969, il crée les brigades anticriminalité (BAC) et applique les techniques violentes et discriminatoires expérimentées en Algérie dix ans plus tôt, en particulier à l’égard des populations immigrées dont il dénonce la « barbarie primitive ».
Les archives dévoilées et analysées par le chercheur Matthieu Rigouste dans Guadeloupe, mai 67 (Libertalia, 2023) sont particulièrement éloquentes à la lumière de l’actualité. Lorsque les jeunes Guadeloupéens se révoltent contre les patrons et le pouvoir central, le préfet Bolotte demande à Paris l’autorisation de les réprimer durement, « la seule attitude si on ne veut pas déclencher une rude émeute » et ne plus « entendre parler d’indépendance pendant plus de vingt années ». Son action conduira à la mort de 87 à 200 Guadeloupéens.
C’est là une des limites de la comparaison entre banlieues et territoires d’outre-mer. L’histoire des révoltes ultramarines est jalonnée de morts, plus que n’importe où ailleurs. Celle à l’œuvre actuellement en Nouvelle-Calédonie en a déjà fait six, selon le bilan officiel, dont quatre civils. « La semaine qui vient de s’écouler montre qu’on est à des échelles différentes, estime Ulysse Rabaté. Des jeunes se sont fait tuer et les pouvoirs publics en sont presque à justifier les tirs de milices privées. Ça, c’est une spécificité des territoires d’outre-mer. »
Si les mécanismes se rejoignent, le curseur paraît toujours un cran plus haut lorsqu’il s’agit de ces derniers. Ainsi de l’état d’urgence, ce dispositif de maintien de l’ordre hérité de l’histoire coloniale. Il a été mis en œuvre, depuis sa création en 1955, en Algérie pendant la guerre, en Nouvelle-Calédonie pendant les événements de 1984, dans les quartiers populaires pendant les émeutes de 2004 et sur le territoire national après les attentats de novembre 2015.
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