Une version de 90 mn est en préparation actuellement sans que son délai de parution ne soit fixé car elle nécessite davantage de moyens.
Si cela vous est possible, je voudrais que vous puissiez relayer notre besoin d'archives, photos ou films, pour mener à bien la réalisation de la version longue, beaucoup plus complète, mais nécessitant l'ajout d'images d'archive.
D'autre part, comme je vous l'avais indiqué, je serais heureux de pouvoir fournir à ceux qui le souhaiteraient des copies du film afin de le projeter où ils le voudront et de l'utiliser comme il leur plaira.
(Ecrit Par Denis DOMMEL et Maud CHAZEAU *** Musique Pauline CHAZEAU *** Montage Didier OUANNOUGHI).
Rencontrés en 2018 et 2019, ces hommes racontent leurs expériences comme ils n'en avaient souvent jamais parlé avant. Tous différents, leurs histoires portent un éclairage particulier sur une importante période de notre histoire récente aux multiples conséquences.
Avec Rémy Serres appelé en 1957, Xavier Jaquey appelé en 1957, Christian Travers appelé en 1960, Albert Meriau appelé en 1960, Roger Treilhou appelé en 1960, Bernard Dutoit appelé en 1959, Michel Delsaux appelé en 1960, Roger Winterhalter appelé en 1960, Georges Garie appelé en 1956, Stanislas Hutin appelé en 1958, Jean-Jacques Gastebois appelé en 1958.
Algérie
1954-1962
Agés d’à peine 20 ans ces hommes ont été au centre d’événements capitaux de notre Histoire.
Et pourtant, pendant 40 ans ils se sont tus.
Personne, pas même leurs proches, n’a entendu parler de ce qu’ils avaient vécu.
Jusqu’à la 4 ACG (Anciens Appelés d’Algérie et leurs Amis Contre la Guerre).
ENFIN…
Issus d’histoires et de géographies différentes ils possèdent pourtant beaucoup en commun.
Maintenant, ils racontent cette histoire collective et intime.
Maintenant, ils se racontent.
AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD
Car maintenant ce sont des octogénaires…
Par micheldandelot1 dans Accueil le 23 Août 2023 à 09:35
Première fille à aller à l’école dans sa famille en Algérie colonisée, première femme maghrébine à intégrer l’École normale supérieure puis l’Académie française, la romancière algérienne Assia Djebar (1936-2015) s’impose comme une figure majeure de la littérature française. Itinéraire en quatre volets d’une pionnière.
LeLe 3 mars 1999, Fatma Zohra Imalhayène soutient une thèse à l’université Paul-Valéry-Montpellier 3. Son titre est le suivant : Le roman maghrébin francophone entre les langues, entre les cultures : quarante ans d’un parcours : Assia Djebar 1957-1997.
L’intitulé n’a rien d’étonnant, ni même le thème. À cette époque, Assia Djebar est une autrice installée et une (la ?) figure majeure de la littérature contemporaine algérienne.
Le destin de l’écrivaine s’entrelace avec celui du pays. De la colonisation à la guerre d’indépendance, en passant par les années noires du terrorisme des années 1990, Assia Djebar a tout vécu, tout subi, tout raconté, tout sublimé et transcendé.
L’autrice a produit une œuvre foisonnante, complexe, avec plusieurs facettes à décomposer roman après roman. Quant à Fatma Zohra Imalhayène, elle est la personne la mieux placée pour réaliser cette exégèse puisqu’elle et Assia Djebar forment une seule et même personne.
Le dernier est le nom de plume de la première, emprunté pour ne pas embarrasser sa famille lorsque est paru, en 1957 aux éditions Julliard, son premier roman, La Soif. Mais nous y reviendrons. Assia signifie « consolation » et djebar, « intransigeance ».
En 1980, Assia Djebar a refusé d’assister à la soutenance de la thèse d’une étudiante consacrée à son œuvre pour ne pas assister, « vivante », à sa « propre autopsie ». Elle a préféré tenir le scalpel et explorer elle-même son chemin littéraire. Dans le compte-rendu de sa thèse, il est souligné que ce travail, « en sa démarche, n’obéit ni à une structure ni à un discours canoniques ».
Plus loin, il est présenté « comme visant à éclairer pas à pas l’aventure de l’écriture djébarienne à la lumière des expériences et des conflits idéologiques ou existentiels que la femme, la citoyenne, l’écrivaine a eu à résoudre au cours des quarante années de son parcours ».
Cette entreprise universitaire n’est pas mue par un ego hypertrophié de l’autrice. Loin de là. Tout part d’une nécessité administrative. Pour enseigner aux États-Unis, il était préférable pour Assia Djebar de posséder un doctorat. L’autrice saisit cette occasion pour raconter comment une petite fille, née indigène, selon la terminologie de l’époque en Algérie colonisée, a embrassé l’écriture et pourquoi.
Même si cette question confine parfois à l’interrogatoire de justice, regrette-t-elle dans Ces voix qui m’assiègent (Albin Michel, 1999), ouvrage réflexif nourri par ce travail universitaire introspectif.
« Le petit miracle »
Fatma Zohra Imalhayène, d’ascendance berbère, comme la sonorité de son nom le laisse deviner, est née à Mihoub, dans la wilaya de Médéa, le 30 juin 1936, selon l’année communément évoquée – à moins que ce ne soit un an plus tôt, comme l’indique son acte de naissance. Les ancêtres maternels, les Berkani, se sont rebellés contre l’armée française lors de la conquête de l’Algérie dans les années 1830.
En 1871, la résistance s’organise contre l’armée française coloniale sous la férule du caïd des Beni Menacer, qui meurt au combat. Assia Djebar rendra hommage à cette frange révoltée de sa famille dans un documentaire-fiction, La Nouba des femmes du mont Chenoua.
Son père, Tahar, instituteur à Mouzaïa, une petite ville de la Mitidja, jouera un rôle important dans la vie de sa fille. À tel point que la figure paternelle traversera l’œuvre djébarienne. En 1939, Assia intègre l’école élémentaire, où son père « audacieux » enseigne, noyée par la majorité de garçons arabes de la classe. L’incipit de son chef-d’œuvre, L’Amour, la fantasia, paru en 1985, démarre sur cet événement fondateur, acte transgressif dans l’Algérie coloniale, à la politique de scolarisation erratique. Le roman commence par une image. « Fillette arabe allant pour la première fois à l’école, un matin d'automne, main dans la main du père. Celui-ci, un fez sur la tête, la silhouette haute et droite dans son costume européen, porte un cartable, il est instituteur à l'école française. »
Dans un discours prononcé à Francfort en 2000, Assia Djebar évoque, reconnaissante, l’attachement de son père à ce qu’elle poursuive des études. « Il est clair, en effet, que je n’aurais jamais été écrivain si, à 10 ou 11 ans, je n’avais pu continuer mes études secondaires ; or ce petit miracle fut rendu possible grâce à mon père, instituteur, homme de rupture et de modernité face au conformisme musulman qui, presque immanquablement, allait me destiner à l’enfermement des fillettes nubiles. »
Tahar Imalhayène, né en 1911, est « un enfant de montagnard » scolarisé sur le tard, retrace Sakina Imalhayène, la sœur d’Assia Djebar. Il a 9 ans lorsque l’instituteur de sa ville de Cherchell – jadis Césarée – convainc son père analphabète et pauvre de le laisser fréquenter l’école, quitte à l’aider à rattraper son retard. Ce qu’il fera si bien que Tahar intégrera l’école normale de la Bouzaréah, pépinière des instituteurs « indigènes », selon la terminologie en vigueur à l’époque.
Ces « hommes-frontières », comme le racontait l’anthropologue Fanny Colonna, seront condamnés leur vie durant à un entre-deux inconfortable, instruments d’une stratégie de scolarisation aux objectifs ambigus. Émanciper mais pas trop, pour éviter que les indigènes ne se retournent contre la mécanique coloniale discriminatoire.
Convaincu de l’apport de l’école, Tahar Imalahyène apprendra aussi à lire et à écrire le français, la langue parlée par la famille, à son épouse analphabète, « niveau certificat d’études ».« On a eu un père exceptionnel toutes les deux »,juge encore Sakina Imalhayène. Une autre décision capitale prise par l’homme va infléchir la vie d’Assia Djebar, toujours Fatma Zohra Imalhayène.
La sœur cadette de l’autrice raconte à Mediapart la trajectoire de celle qu’elle appelle toujours Assia. Elle se souvient d’une lycéenne déjà studieuse, interne la semaine à Blida. « Le week-end, elle s’enfermait dans une chambre et elle ne faisait que lire et écouter de la musique. » Assia Djebar nourrissait alors une passion pour les auteurs russes. « Je ne sais pas pourquoi, peut-être que cette société pouvait rappeler la nôtre, tiraillée entre le traditionnel et la modernité. Ou alors c’est son côté un peu dramatique qui lui plaisait. » Elle nourrit aussi une grande admiration pour Colette.
Ses études au lycée se déroulent à merveille. « Elle était brillante, et quand elle a passé son bac, les enseignants ont dit qu’elle avait toutes les chances de réussir l’École normale supérieure. Nous sommes allés à Alger, j’étais en CM2, pour qu’elle intègre la prépa littéraire du lycée Bugeaud. En première année, le directeur convoque mon père pour lui dire qu’il n’a jamais eu de réussite à Normale sup à partir de la prépa d’Alger. Il a ajouté : “Si vous avez le courage de l’envoyer à Paris, au lycée Fénelon, son dossier sera accepté.” »
Tahar Imalhayène, « contre l’avis de la famille », envoie sa fille, seule, à Paris. Assia Djebar est admise du premier coup à l’École normale supérieure (ENS) de Sèvres, première femme maghrébine à intégrer le prestigieux établissement. Déjà pionnière. Plusieurs décennies plus tard, en 2005, elle ouvrira encore une voie en faisant son entrée à l’Académie française.
Dans une lettre datée de juin 1955, publiée par la spécialiste et amie de l’autrice Mireille Calle-Gruber dans Le Manuscrit inachevé (Presses Sorbonne Nouvelle, 2021), Assia Djebar s’ouvre à ses parents juste après ce succès scolaire.
Elle formule dans ce courrier une sorte de « serment de fidélité » aux siens, qu’elle remercie de l’avoir portée là. Être reçue à l’École normale supérieure à Paris l’a rendue « heureuse ». Mais elle ajoute : « Dans ma joie il n’y avait aucune satisfaction d’amour-propre ni d’orgueil. Non, je sentais que mon succès vous causerait de la joie ; je savais que mon succès était important, très important. Parce que je suis la première Arabe à entrer à l’ENS et que je représente, que je dois représenter notre peuple. »
Elle promet ensuite de se « perfectionner » et de se « surpasser », pour que les siens soient « fiers » d’elle, « et aussi parce que ce sera [s]a façon à [elle] de mieux être arabe, profondément arabe ».
La jeune étudiante est consciente, un an après le début de la guerre d’Algérie, qu’elle appartient à un « peuple qui souffre, qui crève de misère », et promet de servir son pays.
La lettre, d’une remarquable maturité, laisse entrevoir ce qui guidera Assia Djebar toute sa vie. Elle perçoit très vite les implications de cet événement personnel, la réussite à un concours sélectif, à une échelle plus large, qui la dépasse presque. Elle lie enfin sa vie, sa carrière à l’Algérie et à son histoire, imbriquées comme elles le seront toujours.
Les soubresauts de la guerre d’Algérie (1954-1962) percutent la vie de Fatma Zohra Imalhayène. L’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema), liée au Front de libération nationale (FLN), appelle le 19 mai 1956 à la grève illimitée des cours et des examens en France. Elle invite les jeunes à rejoindre « le combat libérateur ».
Assia Djebar décide de répondre à l’appel, ne passe pas ses examens de licence. Elle est exclue de l’ENS. Avec son fiancé de l’époque, Ahmed Ould-Rouis, dit « Walid Garne »,qu’elle épousera en 1958, « il y a une espèce de jeu », raconte Assia Djebar dans un entretien en 2008 à la BPI : on peut écrire un roman en un mois, « un roman superficiel ».
Ce qu’elle fait. Le roman s’appelle La Soif. Il raconte l’histoire de Nadia, une jeune étudiante de vingt ans, issue de la bourgeoisie algérienne, qui s’ennuie beaucoup un été. Elle a rompu ses fiançailles deux mois plus tôt, à la surprise générale. Un jeune homme, Hassein, est amoureux d’elle mais elle ne sait que faire de ses avances, les repousser ou non.
Françoise Sagan de l’Algérie musulmane
Au même moment, elle retrouve une amie du lycée, Jedla, perdue de vue et qui la fascine. Celle-ci est mariée avec Ali, un journaliste prometteur voulant fonder un journal bilingue à Alger. Déterminée à sortir de sa torpeur, Nadia entreprend de séduire Ali, avec le soutien inespéré de Jedla.
Le roman continue de mettre en scène les péripéties de ce carré amoureux. L’autrice manifeste une volonté patente de tisser une intrigue fine, et dénonce l’inanité de la bourgeoisie sclérosée contre laquelle l’héroïne s’élève. La Soif reste assez classique, comme l’est une œuvre de jeunesse écrite en quelques semaines. Sa forme et son style, malgré quelques indices, ne rendent pas justice au talent qu’Assia Djebar déploiera un peu plus tard.
En 1957, le fiancé d’Assia Djebar soumet le manuscrit aux éditions Julliard, qui acceptent de le publier. Les mêmes qui publient Françoise Sagan, à laquelle Assia Djebar sera forcément comparée, qualifiée par les chroniqueurs littéraires de l’époque de « Françoise Sagan de l’Algérie musulmane ».
Une note précisant le caractère fictif de l’œuvre est ajoutée dans le roman : « Dans une atmosphère à la fois tendre et pure, où la franchise n’est que le revers de la tendresse, ce roman n’a rien d’autobiographique, bien que l’auteur appartienne au monde qu’elle dépeint. »
Cette publication, presque inopinée, met mal à l’aise Assia Djebar, qui confiera avoir eu des difficultés à en faire la promotion. Et ce même si elle écrit depuis toute petite. Une inquiétude la tiraille : la réaction de sa famille face à ce roman d’amour. « Sur le chemin pour aller signer mon contrat, je me disais surtout : pourvu que mon père ne sache pas que c’est moi. »
Sakina Imalhayène raconte le regard paternel qui finalement découvre l’œuvre de sa fille. « Elle pensait qu’il serait choqué qu’elle écrive un roman d’amour. Qu’elle écrive, ça lui paraissait normal. Mais il s’imaginait qu’elle publierait des livres d’histoire. Il était très sensible à la forme, même si elle avait déjà une très belle écriture et qu’on voyait la graine d’écrivain en elle, mais à ses yeux, c’étaient presque des romans de gare. »
Les femmes de la famille soutiennent davantage l’incursion littéraire d’Assia Djebar. « Moi, j’étais en sixième ou cinquième à sa parution et je l’ai lu, ça m’avait plu,se remémore encore Sakina Imalhayène. Ma mère était, elle, plus partagée. Elle vient d’un milieu plus austère. Mais elle était quand même fière qu’on mette sa fille sur le même plan que Françoise Sagan. Pour sa vanité personnelle, c’était quelque chose. »
Rétrospectivement, Assia Djebar, qui dit avoir une « haute idée de la littérature », aurait préféré « sortir quelque chose qui [lui] aurait demandé trois ou quatre ans d’efforts. […] [S]on entrée en littérature s’est faite par la petite porte ».
Sitôt paru, alors que la guerre d’indépendance entre dans sa quatrième année, deux auteurs et intellectuels de renom, Malek Haddad et Mostefa Lacheraf, jugent ce roman décalé, eu égard aux préoccupations d’alors des Algérien·nes. Il parle d’amour alors que le sang coule pour leur liberté. Assia Djebar, dans Ces voix qui m’assiègent, sait qu’on attend d’elle qu’elle écrive « des essais nationalistes », pas des romans « qui semblaient gratuits ».
Or ces parenthèses littéraires lui offrent « un espace de légèreté imaginative » et la changent « de [s]a gravité alors d’étudiante algérienne puis de [s]es silences de femme exilée ». Les critiques la poursuivront longtemps. Dans le même ouvrage, Assia Djebar raconte : « Autre souvenir : en 1976, un poète à la radio algérienne attaquait encore avec hargne le non-engagement politique (et le succès éditorial) de mon premier roman publié... en 1957 ! »
Avec le recul, elle analyse ce « dénigrement hâtif » comme la manifestation d’un sexisme frappant toute « expression féminine novice au Maghreb ».
La chercheuse en littérature Beïda Chikhi raconte, dans son ouvrage Assia Djebar, histoires et fantaisies (Pups), que ces critiques ont blessé l’autrice, la forçant à désavouer quelque peu ce premier roman, le ravalant à un simple « exercice de style ». Elle développe : « Sensible au tribunal de l’opinion, Assia Djebar a dû, pendant de longues années, dissimuler sa grande tendresse pour son premier roman, attendant de nouvelles générations de lecteurs capables de comprendre que “pour le personnage de La Soif, la découverte du corps est aussi une révolution importante”. »
Longtemps introuvable, ce roman a été republié en 2017 par les éditions Barzakh, en Algérie seulement, et suivi d’une postface de Beïda Chikhi retraçant les péripéties du texte.
Sofiane Hadjadj, cofondateur de la maison d’édition algérienne, juge cette polémique injuste et déplacée. « À ce moment-là, que peut faire un écrivain, comment peut-il apporter sa contribution à la guerre sachant que ce qu’il produit va être jugé avec des critères et avec une approche biaisés et faussés d’emblée ? Surtout qu’Assia Djebar s’est engagée pour la cause, elle sort de Normale, ce que tous ne font pas. Elle a 20 ans, elle écrit ce livre qui en apparence semble détaché, presque cool, mais il ne l’est pas ! »
Il confie beaucoup aimer ce texte, plus subtil et subversif qu’il n’y paraît. Parler d’amour ouvertement dans les années 1950 ne va pas de soi. D’où la volonté de rendre de nouveau accessible ce classique, notamment aux jeunes générations. « Il raconte les rapports de classe et met en scène la transgression des interdits. C’est pour moi un texte fondateur. »
L’année suivante, en 1958, Djebar publie Les Impatients, republié également par Barzakh en 2022. Là encore, elle met en scène une étudiante révoltée contre l’ordre établi, en proie à des émois amoureux puissants.
Après son mariage – son père, qui désapprouve le choix de l’époux, n’assiste pas aux noces à Paris –, Assia Djebar s’exile à Tunis. Elle y travaille comme journaliste avec le psychiatre et essayiste Frantz Fanon pour le journal El Moudjahid. Fanon l’encourage à continuer à écrire malgré tout.
Dans les camps de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à la frontière algéro-tunisienne, elle enquête auprès des paysans algériens réfugiés après le bombardement de Sakiet Sidi Youssef par l’armée française en février 1958. Après un détour par le Maroc, où elle enseigne l’histoire et la littérature, Assia Djebar retrouve sa terre natale le 1er juillet 1962. Elle y réalise des reportages sur les premiers jours de l’indépendance pour L’Express de Françoise Giroud.
La même année, elle publie Les Enfants du Nouveau Monde.Cette fois-ci, le roman raconte des épisodes de la guerre d’Algérie à Blida, à travers le regard des femmes. Assia Djebar a été inspirée par les récits de sa belle-mère, venue lui rendre visite à Rabat. Elle publie cinq ans plus tard Les Alouettes naïves, un roman d’amour en pleine guerre d’indépendance, qui clôt ce premier cycle de quatre romans.
Puis Assia Djebar disparaît et s’ensuivent treize années de silence littéraire, brisées par la parution en 1980 de Femmes d’Alger dans leur appartement, que l’autrice considère être comme sa véritable entrée en littérature. Par la grande porte.
Le parquet de Constantine a requis mardi 22 août trois ans de prison ferme à l'encontre du chercheur algéro-canadien Raouf Farrah et du journaliste algérien Mustapha Bendjama, incarcérés depuis plus de six mois en Algérie, a annoncé le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Raouf Farrah, 36 ans, et Mustapha Bendjama, 32 ans, sont poursuivis pour «publication d'informations et de documents dont le contenu est classé partiellement ou intégralement secret, sur un réseau électronique ou d'autres moyens technologiques de médias», selon le CNLD.
«Atteinte à l’ordre public»
Raouf Farrah fait également l'objet de poursuites pour «réception de fonds d'institutions étrangères ou intérieures dans l'intention de commettre des actes qui pourraient porter atteinte à l'ordre public», a indiqué son avocat Kouceila Zerguine sur son compte Facebook. Son père, Sebti Farrah, âgé de 67 ans, libéré après 61 jours de prison pour raisons de santé, est lui aussi poursuivi pour ce même chef d'accusation, selon Me Zerguine.
Raouf Farrah, chercheur-analyste de l'organisation Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), avait été arrêté le 14 février chez ses parents à Annaba. GI-TOC a mis sur son site sa photo et un décompte des jours et heures depuis qu'il est emprisonné. L'organisation mène également une campagne internationale pour la libération du chercheur, marié à une Canadienne et père d'une petite fille de quatre ans.
Mustapha Bendjama est rédacteur en chef du journal privé Le Provincial, basé à Annaba. Il est poursuivi dans plusieurs affaires depuis sa participation au mouvement de protestation prodémocratie du Hirak en 2019, dont il était l'un des acteurs phares à Annaba. Le journaliste a été arrêté le 8 février dans son journal et accusé d'avoir aidé la militante politique franco-algérienne Amira Bouraoui à quitter l'Algérie via la Tunisie deux jours plus tôt, alors qu'elle était interdite de sortie du territoire.
L'affaire Bouraoui, qualifiée d'«exfiltration illégale» par le gouvernement algérien, a provoqué une nouvelle brouille diplomatique avec la France, qui s'est résolue récemment. Le procès contre Mustapha Bendjama et d'autres personnes accusées d'avoir aidé la militante se tiendra séparément à une date encore non fixée.
« Les séries qui ont changé notre regard » (2/6). Début 1977, le réseau ABC redoutait l’insuccès. Réunissant plus de 100 millions de téléspectateurs, la saga d’une famille africaine, de la déportation depuis la Gambie aux plantations du Sud esclavagiste, fut un triomphe.
Par Thomas Sotinel
Publié aujourd’hui à 16h00https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/22/avec-la-serie-racines-les-etats-unis-face-a-la-realite-de-l-esclavage_6186201_3451060.html.
Le Vietnam, royaume indépendant depuis le 10e siècle, après un millénaire de domination du grand voisin du Nord, la Chine, a été colonisé par la France à la fin du 19e siècle. En 1945, profitant du vide laissé par le départ des troupes japonaises qui occupaient le pays depuis 1940, le PCV (Parti communiste vietnamien, fondé en 1930 par Ho Chi Minh) proclame l’indépendance du Vietnam.
L’impérialisme français reconquiert militairement sa colonie : c’est la guerre d’Indochine (500 000 morts). Après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, la France est contrainte de partir. Le pays est alors coupé artificiellement en deux, de part et d’autre du 17e parallèle : le Nord « communiste » (capitale Hanoï), le Sud néocolonial (capitale Saïgon).
Une guerre impérialiste d’endiguement du communisme
Le PCV, soutenu militairement par l’URSS et la Chine, veut poursuivre la guerre de libération nationale jusqu’au bout. Les USA (États-Unis d’Amérique) veulent, à la suite de la guerre de Corée (1950-1953), en cette époque de « guerre froide », « endiguer » le danger « communiste ». C’est la guerre du Vietnam (1955-1975, 3 millions de morts).
La « vietnamisation » du conflit prônée par les USA ne marchant pas, ceux-ci interviennent de plus en plus directement : 15 000 soldats en 1963, 185 000 fin 1965, 536 000 en 1968 sous la présidence du démocrate Johnson. Ils mettent en œuvre une stratégie dite de « contre-insurrection » : flicage de la population regroupée dans des « hameaux stratégiques », opérations coup de poing en zone ennemie, bombardements massifs (les USA ont lâché durant la guerre du Vietnam trois fois plus de bombes que durant toute la Seconde Guerre mondiale). Sans oublier l’épandage de défoliant, le tristement célèbre « agent orange », qui a fait un million d’handicapés et qui continue, des années après, à empoisonner le sol et l’eau.
Une défaite majeure de l’impérialisme
En 1973, sous la présidence républicaine de Nixon, les USA quittent le Vietnam. L’élément décisif qui a fait basculer la situation est le mouvement anti-guerre aux USA. L’opposition à la guerre, portée initialement par des organisations trotskistes comme le SWP, se développe au fur et à mesure de l’engagement terrestre des USA et gagne la majorité de l’opinion publique américaine en 1968. Plusieurs facteurs jouent : l’engagement d’artistes (Joan Baez, Jim Morrison) et de leaders afro-américains (Martin Luther King), l’offensive du Têt en 1968 qui montre que les USA ne sont pas en train de gagner la guerre contrairement à la propagande officielle, la révélation de crimes de guerre américains (My Lai en 1968), des pertes américaines importantes (60 000 soldats tués et 150 000 blessés).
Le régime fantoche du Sud s’effondre et le PCV réunifie le pays en 1975. La « théorie des dominos » redoutée par les USA s’applique : les partis communistes prennent le pouvoir dans les pays voisins du Vietnam, Laos et Cambodge. La leçon, c’est qu’une guerre d’occupation contre un peuple ne peut pas être victorieuse à terme. La France avait connu le même sort en Algérie (1954-1963), les USA l’expérimenteront aussi en Irak (2003-2011).
Un formidable encouragement pour les luttes anti-impérialistes
Cette défaite majeure de l’impérialisme américain met à mal son rôle de gendarme du monde. À l’inverse, la victoire du mouvement de libération national vietnamien constitue un formidable encouragement pour les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes. « Créer deux, trois, plusieurs Vietnam », tel était le message du Che. En 1975, les colonies portugaises africaines arrachent enfin leur indépendance. En 1979, le régime pro-américain du Shah d’Iran tombe. En 1979, éclate la révolution sandiniste au Nicaragua. En 1979, l’URSS, partisane de la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme, pousse ses pions en Afghanistan, ce qui contribuera à sa perte.
La dynamique anti-impérialiste s’enraye toutefois au début des années 1980. D’une part, les pays qui se libèrent de la domination impérialiste ne constituent pas des alternatives attractives. Les régimes qui renversent le capitalisme sont, à l’image de l’URSS ou de la Chine, des dictature bureaucratiques, c’est aussi le cas du PCV, la caricature la plus atroce étant les Khmers Rouges au Cambodge. D’autre part, l’impérialisme américain surmonte sa crise sous Reagan (1981-1989). Il stoppe l’extension de la révolution nicaraguayenne qui menace son pré carré d’Amérique centrale et il reprend progressivement ses interventions militaires, à la Grenade en 1983, au Panama en 1989, en Irak en 1991.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie
Donald Trump a confirmé lundi soir qu’il se rendrait jeudi 24 août à Atlanta, en Géorgie, afin de comparaître une première fois devant le tribunal qui le jugera, ultérieurement, de ses tentatives présumées de renverser l’élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud-es
t des Etats-Unis. Il s’agit du quatrième dossier pénal pour lequel est inculpé l’ancien président, qui brigue de nouveau la Maison-Blanche en 2024 et reste le favori pour les primaires républicaines.
Truth Social - Donald J. Trump (@realDonaldTru
J’irai à Atlanta, en Géorgie, jeudi pour être ARRÊTÉ par une procureure d’EXTRÊME GAUCHE », a dénoncé sur sa plateforme Truth Social le milliardaire républicain, à propos de la procureure du comté de Fulton, Fani Willis. La chaîne CNN avait donné peu auparavant la date de cette audience.
Les autorités lui avaient donné jusqu’à vendredi midi pour se présenter à la prison du tribunal du comté de Fulton, à Atlanta, la capitale de l’Etat. Sa comparution jeudi interviendra au lendemain du premier débat télévisé entre les candidats des primaires républicaines, débat auquel Donald Trump, loin en tête dans les sondages, a décidé de ne pas participer.
Un grand jury (panel de citoyens investis de pouvoirs d’enquête), constitué par la procureure Fani Willis, a inculpé le 14 août Donald Trump et dix-huit autres personnes pour leurs tentatives présumées illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 remportée dans cet Etat clé par l’actuel président démocrate Joe Biden. Ils sont poursuivis en vertu d’une loi sur la délinquance en bande organisée qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Une caution de 200 000 dollars
En vue de sa première audience dans ce dossier, ses avocats ont accepté de verser 200 000 dollars (environ 185 000 euros) de caution, avait-on appris de documents judiciaires plus tôt dans la journée. Quatre autres de ses coprévenus ont également accepté de payer des cautions allant de 10 000 à 100 000 dollars chacun.
Le versement d’une caution permet aux accusés de ne pas être placé en détention provisoire, à condition de ne violer aucune loi, de s’abstenir de toute menace et de ne pas communiquer entre eux autrement que par l’intermédiaire de leurs avocats.
Jeudi à Atlanta, l’ancien président pourrait avoir à se soumettre à une procédure à laquelle il avait échappé lors des trois inculpations précédentes : prise des empreintes digitales et celle de deux photos, l’une de face et l’autre de profil. « Peu importe votre statut, nous serons prêts à prendre votre photo », avait lancé à la presse début août Patrick Labat, shérif du comté de Fulton, chargé du dossier.
La procureure Fani Willis a demandé à la justice de fixer la date de début du procès au 4 mars, un juge tranchera. Elle affirme avoir choisi cette date pour ne pas interférer avec les autres poursuites, fédérales ou à l’échelle des Etats, visant Donald Trump.
« Chasse aux sorcières »
L’ancien président a en effet été inculpé dans trois autres dossiers. La justice de l’Etat de New York lui reproche des fraudes comptables dans un paiement à une ancienne actrice de films X pendant sa campagne victorieuse de 2016. En Floride, la justice fédérale l’a inculpé pour sa gestion jugée négligente de documents confidentiels. Et dans la capitale Washington, la justice fédérale le poursuit pour sa tentative de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qu’il a perdue.
Après l’inculpation dans chacune de ces trois affaires, Donald Trump a comparu devant un juge et par trois fois il a plaidé non coupable de l’ensemble des charges à son encontre. Lundi, il a encore dénoncé une « chasse aux sorcières » politique.
Donald Trump à Las Vegas (Nevada), le 8 juillet 2023. (PATRICK T. FALLON / AFP)
9 affirmations sur le changement climatique passées au crible
« Le climat a toujours changé »
VRAI
La Terre a déjà connu des périodes beaucoup plus froides ou plus chaudes. Au crétacé, de 145 à 65 millions d’années dans le passé, la température était de 5 à 10 °C plus chaude qu’aujourd’hui. Au cours du quaternaire (les derniers 2,5 millions d’années), la Terre a connu de longues glaciations, où la température était de près de 5 °C plus froide. Mais depuis l’holocène (les 10 000 dernières années), elle était relativement stable… jusqu’au réchauffement actuel !
• « L’élévation de la température n’est pas régulière »
VRAI
La température mondiale moyenne par rapport à la période 1850-1900 a augmenté de plus de 1,1 °C. Certaines années – 1983, 1998, 2015 et 2016 – ont été particulièrement chaudes en raison d’El Niño, phénomène naturel qui provoque une bascule des vents et des courants marins dans le Pacifique équatorial, avec des eaux de surface très chaudes. Les pauses entre ces années chaudes peuvent laisser penser que le réchauffement est interrompu – il n’en est rien. Le réchauffement global, moyenné sur une dizaine d’années, est toujours présent et s’accélère : près de + 0,2 °C par décennie depuis 1981.
Le rayonnement que la Terre reçoit du Soleil est sa principale source d’énergie et explique en grande partie les températures clémentes de notre planète. Cette énergie varie selon des cycles de 11 ans, en fonction de la présence ou l’absence de « taches solaires ». Mais l’effet sur la température de la Terre est de faible ampleur. Ce sont bien les augmentations des gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O), induites par les activités humaines, qui expliquent 100 % du réchauffement depuis 1850.
• « La superficie de la banquise de l’Antarctique a augmenté jusqu’en 2014 »
VRAI
Cette tendance, modeste, a été mise en évidence sur la période 1979-2014 grâce aux observations des satellites. Mais des travaux récents montrent que cette augmentation s’inscrit dans un cycle multidécennal qui illustre la variabilité naturelle de l’océan Austral. Depuis 2014, la banquise antarctique connaît une fonte rapide et vient d’atteindre son étendue la plus faible depuis 1979.
+ 2 °C, c’est le réchauffement moyen à ne pas dépasser (par rapport à la période 1850-1900) fixé lors de l’accord de Paris. Mais, avec les politiques climatiques en place aujourd’hui, il faut plutôt s’attendre à un réchauffement de 3 °C en 2100. Et ce chiffre rond recouvre une très forte hétérogénéité : les continents, qui se réchauffent plus vite que la surface des océans, connaîtront une augmentation de 4 °C. C’est ce qui est attendu en France, où les étés se réchaufferont encore plus fort : + 5 °C en moyenne. Et, puisqu’il s’agit d’une moyenne, certains étés pourraient être à + 6 ou + 7 °C, avec des épisodes à + 8 °C ou au-delà… En France, où il a fait 46 °C en 2018 dans le Gard, le thermomètre pourra dépasser les 50 °C.
Environ la moitié de nos émissions est absorbée rapidement par les puits naturels : les océans et la végétation des continents. Mais le reste s’accumule dans l’atmosphère et y restera pour des milliers d’années. Un point important : dans l’hypothèse d’une baisse de nos émissions, ces puits absorberont de moins en moins de CO2. Ce qui signifie que pour stabiliser le climat, il nous faudra atteindre des émissions quasiment nulles…
• « Avec le réchauffement, le Gulf Stream va s’arrêter »
FAUX
Le Gulf Stream est un courant océanique de surface qui transporte des eaux chaudes des Caraïbes vers les côtes européennes. Il est mis en mouvement par les vents qui soufflent vers l’est en surface de l’océan Atlantique. Avec le changement climatique, ces vents seront toujours présents et le Gulf Stream aussi, mais les projections climatiques montrent que ce courant pourrait s’affaiblir.
Pour s’adapter, les espèces végétales et animales ont besoin de temps. Lors du maximal thermique il y a 56 millions d’années, si les forêts ont pu coloniser les régions boréales (vers le nord) et si l’on a trouvé des traces de crocodiles en Arctique, c’est que le changement s’est étalé sur plusieurs dizaines de milliers d’années. Le réchauffement actuel va 200 fois plus vite. Si le réchauffement atteint + 2 °C d’ici à 2100 (par rapport à 1850-1900), 18 % des espèces continentales seront menacées d’extinction.
« La grande histoire du climat », un hors-série de « l’Obs »
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• « Le véritable gaz à effet de serre, c’est la vapeur d’eau »
VRAI, MAIS…
Comme le CO2 ou le méthane, les molécules de vapeur d’eau (H2O) présentes dans l’atmosphère absorbent le rayonnement infrarouge et donc contribuent à l’effet de serre naturel – environ pour moitié. Mais la quantité de vapeur d’eau ne dépend pas de nos émissions : elle est régulée par la température de l’atmosphère. Donc il n’y a pas d’effet significatif des activités humaines sur la température par ce biais. En revanche, le réchauffement provoqué par les émissions de CO2 augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, ce qui amplifie le réchauffement : cette rétroaction est prise en compte par les modèles climatiques.
BIO EXPRESS Climatologue, Laurent Bopp est directeur de recherche au CNRS et directeur du département de géosciences de l’Ecole normale supérieure (ENS).
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