Article 1 : La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.
Article 2 : Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent…
Notre loi et nos programmes scolaires ont oublié parmi les victimes 1 million d’esclaves blancs et leurs esclavagistes d’Alger, et la traite des arabo-musulmans plus grands esclavagistes et génocidaires de l’humanité a également été oubliée. Les quelques lignes qui suivent veulent contribuer à réparer cette défilade républicaine.
Que cette commémoration conduise à une repentance élargie de tous les esclavagistes dont la majorité cache ses responsabilités.
A cette fin, les lignes qui suivent sont donc republiées en ce jour anniversaire en attendant la grande repentance des pays silencieux.
« … Ecoutant avec compassion les récits poignants de la décolonisation de l’Algérie, je mesurais que cent quatre-vingt-dix ans nous séparaient de la cause et plus d’un demi-siècle de son issue avec la guerre d’Algérie. Je découvrais ainsi combien la période écoulée entre ces événements agit sur l’oubli et influe sur nos appréciations.
Un aperçu quant aux origines de cette histoire s’impose, et se pose aussi la question de la date de péremption des horreurs, faits de guerre et de leurs conséquences. Du vivant des témoins, l’oubli est un outrage à leur faire, mais après quelle règle guide l’oubli ? Si personne ne se sent responsable des guerres napoléoniennes, la France du XXIe s. se mortifie de plus en plus pour celle d’Algérie. Moins les générations qui décident aujourd’hui ont eu à connaître de l’événement plus elles culpabilisent et jugent des événements, à courte vue pour certains. Les causes, pourtant pires encore que les conséquences, sont occultées parce que trop anciennes ou peu glorieuses. Il est précisé que l’objet ici n’est pas d’excuser l’une par l’autre, mais de se demander jusqu’où notre mémoire admet qu’on l’interroge pour porter un jugement en conscience.
Minés par l’héritage de l’Algérie, nos représentants nationaux traînent comme un boulet le souvenir d’une guerre coloniale que de l’autre côté de la méditerranée on évoque toujours, oubliant les événements un peu plus anciens qui prévalaient au début de cette histoire ; la piraterie et l’esclavagisme pratiqués par les Barbaresques d’Afrique du nord.
Les discussions franco-algériennes se focalisent donc sur la période la plus récente des événements. Ainsi en 2012 à Alger, François Hollande reconnaissait à juste titre les "souffrances que la colonisation française a infligées à ce pays … au peuple algérien ". Mais il avait prévenu qu’il n’y aurait ni « repentance » ni « excuses » de la France, sans en donner la raison. Provocant le courroux de nombreux partis politiques algériens dont ceux religieux (islamistes), qui attendaient des « indemnisations matérielles et morales ». Avait-il en arrière-pensée que la repentance et les excuses devraient-être réciproques selon la période à considérer ? Un peu plus tard il s’exprimera dans les mêmes termes au Mémorial ACTe (*) dédié à l’esclavagisme aux Antilles concomitant avec celui des Barbaresques.
Changement de ton avec Emmanuel Macron sûr de lui, qui en février 2017 à Alger, déclare que "La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime, c'est un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes". (*****) Utilisant opportunément le terme de barbarie, dans la cité des « Barbaresques d’Alger », il laissait sous silence les crimes contre l’humanité dont étaient responsables ses hôtes plus tôt. Était-ce un effet collatéral de la loi Taubira (**) qui a contourné la traite arabo-musulmane dont les européens ont été victimes si nombreux aussi ?
La voie s’ouvrait pour la suite. Le Conseil constitutionnel s’exécutait le 8 février 2018 avec la décision (plus de cinquante ans après) d’ouvrir les droits à pensions à toutes les victimes de la guerre d’Algérie qui résidaient dans le pays alors et à leurs ayants droit, au motif qu’il n’est pas possible de discriminer les victimes. Dans la foulée, Tarik ABHARI avocat au barreau de Paris laissera entendre que les victimes algériennes, des forces algériennes de libération pourraient également avoir droit à ces pensions payées par la France (***).
E. Macron prend à son compte cette repentance, nécessité morale des sociétés occidentales. Est-elle pour autant partagée ? Certainement pas. Y-a-t-il une date de péremption ? A l’évidence pour l’histoire qui nous occupe, à moins que d’autres calculs masquent cette histoire (**).
Le cas de l’Algérie est exemplaire en ce qu’il démontre que les actes de barbarie précédents la présence française en Algérie, sont sortis du champ des discussions franco-algériennes, parce que trop anciens et en ce qu’ils seraient de nature à modifier possiblement le discours actuel. En effet, si les actes perpétrés par la France ont nourri de nombreux récits au fil de ces cinquante dernières années et sont désormais en filigrane dans nos consciences, les tragédies qui les ont précédés pendant plus de deux siècles envers l’Occident chrétien sont totalement occultés malgré leur intrication dans l’histoire franco-algérienne des débuts ;
Plus d’un million de blancs chrétiens seront réduits en esclavage par les Barbaresques, de Tunis, de Tripoli et d’Alger principalement. Et encore davantage tués.
On remontera le temps pour appréhender les germes des événements entre le XVIe s. et 1830, date de la campagne militaire française contre la régence d’Alger. Cet épisode s’inscrit dans celui plus large de l'esclavage arabo-musulman entre le VIIe et le XXe siècle qui aura conduit plus de quinze millions d’esclaves à passer entre leurs chaînes.
Après la Reconquista, les Maures chassés d’Espagne s’installent au Maghreb. Voulant alors développer des activités commerciales maritimes, ils en sont empêchés par les Espagnols qui au début du XVI e s. envahissent le Maghreb pour être finalement chassés par les ottomans appelés par les "algériens". En 1541, la flotte de Charles Quint est battue devant Alger. Les ottomans musulmans, dans le lit de l’arabisation islamique réalisée du Maghreb, organisent les territoires avec des régences dont celle d’Alger en 1587, dirigée par un dey qui rend compte au sultan Ottoman.
Les cités Barbaresques se développent alors, pillant les flottes commerciales et les territoires côtiers de la méditerranée et des côtes atlantiques jusqu’aux côtes sud de l’Angleterre, en Irlande et en Islande. La piraterie participe du djihad et se justifie à l’encontre de ceux qui n’adoptaient pas leur religion, les musulmans morts au combat sont assurés de rejoindre le paradis, de nombreux renégats y participaient également.
La puissante flotte Barbaresque avec celle des ottomans domine la méditerranée ; celle de la « Sainte ligue » qui réunissait plusieurs états chrétiens, est défaite en 1538. Plus tard en 1571, les ottomans sont battus à leur tour à la bataille de Lépante, mais leur flotte n’est pas anéantie. Naviguer en méditerranée reste dangereux. Les captifs en bonne santé sont échangés contre rançon ou réduits à l’esclavage et finissent dans les mines ou les galères pour une mort certaine, les autres sont systématiquement tués. Devenu manchot à Lépante quatre ans plus tôt, Cervantès alors capitaine représentant donc une valeur marchande, sera otage pendant cinq ans.
Vers 1650, trente mille chrétiens sont captifs d’Alger, beaucoup se suicident. En 1795, George Washington paye un tribut annuel aux Barbaresques pour naviguer en méditerranée. Le commerce affecté par les guerres napoléoniennes affaiblira de facto la piraterie. Las de payer ce qui représente 20% de leur budget annuel, les Etats-Unis envoient leur flotte en 1801 et 1815 et finissent par se défaire de l’emprise des corsaires du pacha de Tripoli. Les britanniques et les hollandais suivent.
Le sort des Barbaresques est scellé par les français qui mettent un point final à la piraterie de la régence d’Alger en 1830 après trois années de blocus, au motif de "coups de chasse-mouche" reçus par le consul de France, qui ponctuent un passif commercial entre la France et le dey d’Alger. Ils prennent possession de la cité et délivrent les derniers esclaves. Il n’est pas encore question de colonialisme, l'Algérie n'existe pas encore.
Ainsi l’épisode franco-algérien montre bien que le temps efface les responsabilités des coupables anciens. Un million d’européens chrétiens réduits en esclavage et davantage tués par les Barbaresques resteront des victimes oubliées, elles n’auront jamais leur place dans les tractations politico-économiques de la France avec son ancienne colonie oublieuse d’une histoire qui la desservirait.
C’est une constante de notre justice. A la Haye aussi, les faits sont jugés sans considération des causes historiques. Mladic lors de la tragédie de Srébrénica parlera six siècles après, d’une « revanche contre les Turcs ». La mémoire des événements impacte différemment les individus. La justice de l’Occident s’est substituée à l’équité primitive de celle des sumériens (œil pour œil…) qui n’a plus cours dans nos cours. Ne sont jugées que les exactions commises récemment, les responsabilités même actées par l’Histoire sont omises. L’épopée coloniale de la France en Algérie aurait-elle eu lieu sans ces actes de barbarie qu’il lui était demandé de cesser (****) ? C’est un autre sujet.
Pour l’Algérie comme ailleurs (Balkans..) on juge avec les vivants, les victimes du passé n’ont pas voix à la barre, c’est une constante ; les cris des disparus demeurent étouffés. Sauf dans l’Espagne à la mémoire multiséculaire, où en 1492 les juifs chassés, se voient reprocher plus de sept siècles après d’avoir favorisé l’arrivée des musulmans dans la péninsule, et où en 2013, un gouvernement à repentance sélective conclu à la dette de son pays pour ses agissements en 1492 ; l'expulsion des juifs sépharades après la Reconquista.
Si les siècles n’étaient plus un obstacle, alors à quand la repentance d’Alger ? Cette hypothèse sera difficile pour des sociétés qui ont abandonné l’esclavage contraintes par la modernité occidentale imposée avec les colonisations.
Elles auront fini par faire perdre à l'homme sa valeur marchande.
La France abolira l'esclavage en 1848. Les esclaves de Tunis seront libérés. »
(*) Le 10 mai 2015, jour de la commémoration nationale de l'abolition de l'esclavage, F. Hollande a inauguré à Pointe-à-Pitre, le Mémorial ACTe ou Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la Traite et de l'Esclavage transatlantique. Œuvre d’une France pénitente, il est comme un théâtre où chaque pas rapproche le visiteur de la douloureuse réalité du passé des Antilles. Ce n’est cependant pas un monument humanitaire, c’est un acte de contrition que la métropole adresse à ses victimes. La France par la vocation de ce lieu, a différencié les victimes de son esclavagisme de celles européennes victimes de l’esclavagisme arabo-musulman de méditerranée, qui sévissait au même moment. La responsabilité des négriers arabo-musulmans et africains (quatorze millions d’esclaves) que l’UNESCO peine à révéler, n’est pas abordée.
par L’apostilleur (son site)
vendredi 28 avril 2023
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-oublies-de-la-commemoration-du-2480
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