Un film d’époque, une tragédie shakespearienne, un film féministe ? La dernière Reine * est tout cela. L’œuvre fait revivre une période de l’Histoire de l’Algérie jamais représentée au cinéma. Des reines, des corsaires, du sang et de l’amour et surtout Alger conquise mais jamais soumise.
Le dernier long métrage du duo Adila Bendimerad et Damien Ounouri fera date dans l’histoire du cinéma algérien parce qu’il en casse tous les codes esthétiques et sémantiques. Le public algérien est, depuis des décennies, abreuvé de comédies sociales ainsi que de productions d’inégale qualité sur la période coloniale et la guerre de libération. Un film d’époque sur l’Algérie d’avant la colonisation est donc une première.
La Dernière Reine est l’histoire d’une reine, ou plus précisément de deux reines co-épouses du sultan d’Alger Salim El Toumi. Le personnage féminin principal est Zaphira dont l’existence est contestée par les historiens mais dont la légende est très forte. L’autre Chegga est une reine berbère, une guerrière dans la lignée des figures historiques féminines de la résistance aux différents envahisseurs...
Les deux femmes vont dans une grandiose chorégraphie de sang, de furie et de courage se battre pour protéger leurs familles et leur pays. Ce premier vrai film d’époque algérien nous porte dans cette Alger magnifique convoitée par tant d’appétits depuis toujours.
En 1516, les Espagnols occupent la ville. Appelé à la rescousse, le légendaire corsaire Aroudj Barberousse arrive pour libérer la région. Les scènes de bataille dans le magnifique décor des plages algéroises, sous la lumière d’un ciel bleu parfait sont filmées comme une fresque picturale.
On passe de cette violence des armes, et des corps qui s’entrechoquent, au luxe du palais royal. Zaphira (incarnée par Adila Bendimerad elle-même), femme du roi Salim El Toumi, se divertit avec ses amies, toutes dans de somptueux costumes algérois. Zaphira est espiègle, forte et passionnée. Elle exige de son époux qu’il soit plus présent et prépare son jeune fils à l’avenir de monarque qui l’attend.
Ce que l’on pressentait au début du film se confirme lorsque Barberousse après avoir enfin battu l’envahisseur espagnol, s’allie au roi Salim et accède aux plus hautes fonctions du pouvoir. Cependant le pirate, soutenu par ses frères et leurs hommes, ne se contente pas de cette réussite. Il veut aussi prendre Alger et sa reine Zaphira "Je prendrai son palais, je chevaucherai son cheval, et sa femme", proclame-t-il à ses compagnons.
Le roi Salim ne tarde pas à être retrouvé assassiné dans son hammam. Comme le veut la tradition, Zaphira, désormais veuve, doit retourner vivre dans sa famille avec son fils. Mais elle refuse d’abdiquer et tient tête à ses frères et aux assauts de Barberousse qui veut l’épouser.
L’oeuvre de Adila Bendmerad et de Damien Ounouri gagne le pari de rendre hommage à des figures féminines fortes, authentiquement algériennes, qui parlent l’algérien, portent des vêtements algériens et évoluent dans des intérieurs, comme ceux que l’on peut encore visiter dans la capitale, à Tlemcen ou à Constantine. De véritables repères identitaires si souvent exclus des productions audiovisuelles.
La grande prouesse de ce film reste la réinvention, si l’on peut dire, des costumes d’époque qui font écho aux tenues portées aujourd’hui encore par les Algériennes. En cela on peut dire que La Dernière Reine est en quelque sorte «le Barry Lindon» algérien.
Comme dans le chef d’œuvre de Stanley Kubrick, sorti en 1976, l’effort de reconstitution dans La Dernière Reine d’une époque qui faire revivre une ambiance, montre des codes vestimentaires, est remarquable. Le travail de Stanley Kubrick lui a valu l’oscar de la meilleure création de costumes. Cependant le cinéaste avait eu à sa disposition des livres, des peintures, des archives pour chaque détail. Adila et Damien, pour leur part, ont dû recréer et reconstituer à partir de bribes d’histoire, faisant parler des lambeaux de patrimoine, pour nous projeter dans Alger du 16ème siècle.
Adila, lors de la récente projection en avant-première à Paris a confirmé cette difficulté à rendre en images cette époque : «la colonisation a effacé le patrimoine culturel d’Alger. Il a fallu recréer les costumes, rendre à Alger sa méditerraneité, son africanité », a-t-elle précisé.
Un membre de l’équipe de tournage se souvient qu’ils avaient trouvé à profusion des documents sur les tenues des soldats espagnols mais aucun indice sur celles des combattants algériens de cette époque. De fait le spectateur algérien a toujours vu dans les productions nationales ou étrangères des costumes inspirés de la culture arabo-musulmane d’un Orient fantasmé, où l’«Arabe» oscille entre le miséreux vêtu de haillons de djellaba et le sultan recouvert d’or et de pierres précieuses.
La Dernière Reine ouvre donc la voie à d’autres cinéastes pour d’autres époques de l’histoire du pays. Un autre regard est donc possible. Celui d’Adila et Damien rend justice à cette Alger lumineuse, méditerranéenne avec ces images de Tipaza et ses ruines romaines pour rappeler que l’Algérie avant la colonisation « n’était pas un simple caillou » selon les propos de Damien Ounouri mais bien une civilisation, un peuple, une culture.
*Date de sortie : 19 avril 2023 (France)
Ghania Khelifi
Ancienne directrice de rédaction du quotidien algérien Liberté, journaliste politique, diplômée de La Sorbonne, Ghania Khelifi est également chargée de mission égalité Hommes-Femmes en France où elle vit. Titulaire d’un DESS sur l’œuvre et le parcours de Kateb Yacine, elle a signé la première rétrospective lui étant consacré à Alger en 1991, « Kateb Yacine, poèmes et éclats », au tout début de la décennie noire. Spécialiste de la société algérienne, elle collabore régulièrement à Babelmed.net depuis sa création.
La Dernière reine, premier long-métrage d’Adila Bendimerad et Damien Ounouri. Les cinéastes nous font découvrir la reine arabo-berbère Zaphira, une figure mythique et méconnue. L’histoire se déroule en 1516, période durant laquelle le pirate Aroudj Barberousse libère Alger de la tyrannie des Espagnols et prend le pouvoir. Mais Zaphira s’y oppose. Entre légende et histoire, le film relate son combat et les bouleversements personnels et politiques de cette époque.
Le bruit de l’éclatement des mines continue de résonner à jamais dans les oreilles des victimes. On ne peut pas compter les victimes, parce que l’effet psychologique est insondable, beaucoup de familles de blessés et de morts sont souvent traumatisées.
La France coloniale a exploré tous les instruments imaginables de mutilation et d’anéantissement du peuple algérien. Sauf les procédés humains, de la guillotine aux réseaux parallèles minés et des essais nucléaires en passant par toutes sortes de centres de torture et de camps de regroupement des civils. Croyant venir à bout des combattants de la Révolution algérienne, la France avait opté pour l’édification de deux lignes électrifiées et semées de mines en vue de couper les maquis de la guerre de leurs bases étrangères.
La première ligne Morice, réalisée en 1957, du nom du ministre de la Défense André Morice, s’étendait de Annaba à Negrine sur 450 km. La ligne Challe, à l’Ouest, bâtie en 1959, allait de Ghazaouet à Béchar sur 750 km. Elle porte le nom de Maurice Challe, commandant des forces françaises en Algérie. Tout au long des frontières avec le Maroc et la Tunisie, ces lignes de la honte, barbelées, minées, électrifiées et surveillées en permanence par l’armée française, ont constitué une véritable gêne pour les résistants algériens pendant la Guerre de libération nationale.
Pas seulement. Ces réseaux parallèles étaient un chantier laborieux pour l’Algérie post-indépendance où plusieurs centaines de milliers de mines sont restées non désactivées pendant plus de 50 ans. L’opération de déminage est très difficile sur plus de 62 000 hectares, aggravée par les conditions géographiques et l’effacement des repères des lignes minées. L’Algérie a relevé, avant même qu’elle rejoigne le Traité d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel en 2001, le défi de détruire plus de 8 millions de mines sur les 11 millions posées par l’armée française durant la Guerre de libération grâce aux opérations menées par des détachements spécialisés de l’Armée nationale populaire (ANP) dont l’assainissement définitif du “rideau de la mort” en 2017 a constitué le point d’orgue, une œuvre qui couronne plus d’un demi-siècle d’efforts constants et de travail sur le terrain soigneusement accompli par les éléments spécialisés de l’ANP. 4 830 victimes ont été recensées pendant la guerre d’Algérie et 2 470 autres civils ont péri après l’indépendance du pays, le prix de la traversée qui a coûté cher aux combattants de l’ALN. Si la vie a repris son cours sur tout le territoire algérien, les plaies ne sont pas encore refermées et les séquelles continuent à torturer les esprits, notamment dans les wilayas frontalières les plus touchées à l’instar d’El-Tarf, de Souk Ahras, de Guelma, de Tébessa, de Naâma, de Béchar et de Tlemcen.
Avec le retour des violences policières à la une des médias, un lieu commun sur Mai 68 regonfle ses voiles : face à la mobilisation étudiante puis à la grève générale, les forces de l'ordre auraient découvert la modération et un souci inédit des manifestants. Dans la réalité, ce fut plus compliqué.
Trois jours de congés, et des boucliers. Sortis essorés des journées de mai-juin 1968, les CRS avaient eu gain de cause. Arrivé au ministère de l’Intérieur le 31 mai 1968, très critique de son prédécesseur qu’il jugeait trop mou, Raymond Marcellin fera droit aux revendications des compagnies républicaines de sécurité, créées en 1944. C’est le même qui inventera la brigade des “voltigeurs”, l’ancêtre des Brav-M, désossées après la mort de Malik Oussekine en 1986, et réinventées en 2019 sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. À présent que le dispositif du maintien de l’ordre les jours de manifestation compte parmi ses principales cartes une “Force d’appui rapide”, via cette compagnie “CRS-8”, basée dans l’Essonne auprès du RAID, et dotée d’équipements destinés à “forcer les barricades”, et à l’ambition tout terrain, on a oublié qu’hier les CRS ne chargeaient pas (encore). C’est une fois dotés de boucliers rallongés et surtout plus solides, à la place de ces petits boucliers ronds qu’on trouve au poing des agents de police de la bande dessinée des années 50, que la chorégraphie policière a durablement changé face à un cortège.
Ces nouveaux boucliers, qui couvrent le visage et protègent mieux le corps des CRS, ont en effet signifié que désormais, les forces de l’ordre seraient protégées. Dans la foulée de Mai 68, des visières allaient aussi être ajoutées aux casques, et cela était directement lié à la manière dont ce qu'on appelait "les événements" - comme la guerre d'Algérie -, avaient été vécus dans les rangs des policiers. Des témoignages avaient circulé, et des CRS avaient raconté par exemple avoir récupéré sur des chantiers de construction des plaques d’aluminium pour se protéger et pouvoir progresser dans les usines occupées. On lit ça par exemple dans le rapport d’un commandant affecté à l’évacuation des usines Peugeot à Sochaux : faute de boucliers, ses hommes avaient désossé les plaques d’aluminium d’un hangar à proximité.
Sochaux, justement, comptera deux des sept morts de Mai 1968 : Pierre Beylot, 24 ans, et Henri Blanchet, 49 ans. Deux ouvriers parmi les 25 000 de ce centre névralgique de la production automobile en France qui avait débrayé, trois semaines plus tôt. Leur souvenir s’effritera rapidement, après la vague de soulèvement du printemps 1968, tandis que l’idée d’un événement pacifique s’installera. À mesure que les années, puis les décennies passeront, une certaine image de Mai 68 prendra en effet le pas sur les faits, la chronologie telle qu'elle s'est déroulée, et la sensibilité qui avait pu se faire jour. Le niveau de violence du moment, et la rugosité des affrontements, en sortiront minimisés. Avec l'image d'une révolte d'étudiants en mal d'aventure, puis carrément celle d'une kermesse de fils à papa chevelus, certes, mais qui n'avaient pas tombé la chemise (et à peine le cartable), c'est une représentation aspartame de Mai 68 qui s'est frayé un chemin, balayant au passage l'idée même qu'il y ait pu avoir des morts - et leurs noms. Et parce qu'il n'y en avait eu finalement que sept et pas davantage, on dira pour longtemps (mais un peu vite) que Mai 68 avait été un tournant dans la doctrine française de maintien de l'ordre. Mais parfois carrément que la police française avait fait sa révolution copernicienne cette année-là. Comme si, par exemple, le regain de répression policière enregistré dans les rues depuis les "gilets jaunes", tournait pour de bon le dos à un acquis de Mai 68.
Cette idée n'est pas totalement un contre-sens, sans être parfaitement juste pour autant : Maurice Grimaud, nommé préfet de police à Paris en janvier 1967, a alors beaucoup fait pour éviter une sortie de route à très grande échelle. Lui qui avait une formation littéraire, et ne s'était jamais vraiment remis de deux échecs à la porte de l'Ecole normale supérieure, incarnait bien un tournant. Il est surtout resté comme celui qui remplaça Maurice Papon à la tête des forces de police dans la capitale, l’homme de la répression des deux grandes manifestations anti-coloniales durant la guerre d’Algérie : le 17 octobre 1961, et Charonne, le 8 février 1962. Longtemps, seule cette seconde date fera vraiment scandale parce que ses neuf victimes étaient blanches et françaises - et toutes membres du Parti communiste à une seule exception.
Stratégie de la désescalade
Six ans après qu’on a tué ainsi, dans Paris en plein jour, des adhérents de la CGT qui étaient typographe, secrétaire, dessinateur aux PTT ou employée du journal L’Humanité, Mai 1968 n'est pas le bain de sang XXL que les vagues précédentes de répression auraient pu annoncer. Quelque chose avait changé et Grimaud incarnera pour la postérité cette stratégie d’évitement. Il faut dire que c'est lui qui a adressé, le 29 mai 1968, à chacune de ses ouailles, individuellement et par courrier, une lettre restée célèbre (que vous pourrez retrouver, en intégralité, à la fin de cet article). On peut la relire aujourd'hui pour comprendre ce qu’on entendait alors par désescalade en matière de violence. Le préfet Grimaud entamait son courrier par ces mots : "Je m'adresse aujourd'hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d'un sujet que nous n'avons pas le droit de passer sous silence : c'est celui des excès dans l'emploi de la force. Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c'est notre réputation."
Après avoir affirmé que c'est "en témoin" et "solidaire" qu'il pourrait "dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu'au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement", Grimaud poursuivait : "Mais là où nous devons bien être tous d'accord, c'est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu'il s'agit de repousser, les hommes d'ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise. Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu'ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés."
Etudiants casqués lors d'une manifestation à Paris, le 8 mai 1968.
Tâche d'huile et guerre d'image
Pour autant, et pas seulement parce que les événements de mai-juin 1968 feront sept victimes, cet épisode ne fut pas l'innocent remake des bisounours sur les barricades. À bien des égards, c’est même l’intensification des violences policières qui a fait tache d'huile, à chaud dans l'événement, et permis à la révolte estudiantine et largement parisienne de dilater ses contours. La répression des étudiants, dans le Quartier latin, sera en effet si violente qu’une commission avait été constituée, dans les rangs du syndicat étudiant UNEF, pour la documenter. Dès juin 1968, donc au pas de course, un livre paraissait, au Seuil, dans la collection “Combats" de Claude Durand qui venait de traduire et éditer Cent ans de solitude de Garcia Marquez, et de publier une biographie de Che Guevara ou le Journal d’un guerillero.
Co-auteurs, en haut à droite sur la couverture blanche du Livre noir des journées de mai : l’UNEF et le SNE Sup. Au secret, les militants anonymes avaient enquêté tout au long du mois de mai. Avec le recul, les témoignages sont tellement convergents qu’ils en semblent monotones : ici, on a empêché la Croix-Rouge de porter secours à des manifestants ; là, de jeunes femmes racontent des violences sexistes et sexuelles ; ailleurs encore, des policiers ont pénétré avec perte et fracas dans des appartements du Quartier latin, traqué des manifestants dans les halls d’immeubles pour les tabasser, ou même jeté des grenades par la porte ouverte des cafés. C’est à cette époque, et alors que le pavé est encore chaud, que s’installe la polémique sur l’utilisation de gaz chimiques face aux manifestations.
Si les auteurs de ce Livre noir sont évidemment partie prenante au conflit qui oppose forces de l’ordre et manifestants, nassés à mesure qu’on interdit de grandes artères comme le boulevard Saint-Michel, ce travail d’archivage demeure une source précieuse pour raconter un Mai 68 plus fidèle, et surtout moins édulcoré - en particulier s’agissant de “la nuit des barricades” comme on appellera le 10 mai 1968. Produite par les intéressés, cette archive ouvre à un nouveau récit des événements, qui n'occulte pas ce que représente Maurice Grimaud... et néanmoins restitue la mesure de la réplique policière, et sa portée. Car très vite, la violence deviendra le nerf d’une guerre d’images, et d’une bataille d’opinion.
La suite du film nous apprend que c'est rapidement le gouvernement et le chef de l'Etat qui remporteront cette bataille de l'opinion. Mais on dit moins combien les forces policières, au ras du sol, et parfois sans grades prestigieux, ont participé à cette guerre d'image. Il en allait aussi de leur légitimité. Pas seulement à Paris : à La Rochelle, le préfet de Charente-Maritime prend l’initiative de faire circuler, à la toute fin du mois de mai et alors que les affrontements ne sont pas terminés, des camions avec des haut-parleurs qui invitent à cesser la grève, mais mettent aussi en garde contre le risque de guerre civile. Ces initiatives de contre-propagande au nom de l’autorité en péril se révéleront plutôt efficaces : un peu partout, en région, des Comités de défense de la République voient le jour et, à chaud, l’Élysée commence à recevoir des courriers de citoyens qui proposent leurs services et affirment qu’ils sont disponibles pour ramener l’ordre.
Si le préfet Grimaud rappelle toutes ses troupes à l’ordre en leur écrivant par exemple, c’est aussi que Mai - Juin 1968 est un moment complexe, où parfois plusieurs imaginaires et cultures politiques cohabitent dans le même camp. Et jusque dans les rangs des forces de l'ordre. Face aux cortèges qui négocient leur parcours avec les autorités, la police s’initie ici ou là à des techniques de désescalade, conformes aux instructions de leur chef. Mais a contrario, ces nouvelles mobilisations, sans défilé ni cortège, prennent aussi de court les forces de l’ordre, qui savent mal y répondre, et parfois répliquent à plus gros calibre. C’est dans cette brèche que le gros des violences de 1968, irréfutables mais tamisées par le temps, prendra place. Au point de fracturer l’institution policière, et de faire au ras du sol des milliers de blessés. Car les forces de l’ordre étaient loin d’être toutes acquises à cette euphémisation de la force qu’on date parfois de l’après-Mai 68 et qui, en réalité, avait déjà cours, avec l’arrivée de Maurice Grimaud.
Selon qui assurait dans les rues de Paris le maintien de l'ordre en 1968, comme ce jour de manifestation, le 4 mai, l'attitude policière se révèlera plus ou moins violente.
"Nestor, Nestor", hilares
Plonger dans les archives de la police et tenter de pénétrer dans les représentations ordinaires qui irriguent ces compagnies et ces brigades exclusivement masculines, comme l’ont fait par exemple le sociologue Lilian Mathieu ou le politiste Fabien Jobard, c’est comprendre que plusieurs cultures policières s’affrontaient en fait. Tout le travail qu’effectuera l’historien Alain Dewerpe sur la répression des grandes manifestations pour l’indépendance de l’Algérie, et notamment Charonne, montre bien comment les techniques de maîtrise des foules sont innervées par un imaginaire colonial, et une façon de mater un certain type de mobilisations. C’est d’autant plus flagrant qu'en Mai 1968, pour assurer des renforts, la police municipale est rapidement appuyée par des gendarmes qui passent exceptionnellement sous les ordres d’un civil, ou par des compagnies de CRS, dont les recrues débarquent souvent de casernes éloignées, et qui connaissent peu les centres-villes. D’après Lilian Mathieu, il y avait dans la capitale, le 29 mai 1968, 3 500 CRS. Ce sont eux qui découvrent à Paris que les manifestants ont vite appris à limiter les effets des tirs de grenade en recouvrant l'impact ; eux aussi, à Lyon, dont se rient les étudiants, perchés sur les toits, qui crient “Nestor, Nestor !” Sachant très bien capter les fréquences radio de la police, les étudiants se moquaient de leurs noms de code comme de leur matériel rudimentaire.
C’est aussi face à l’ironie qui les montre démunis qu’au bas de l’échelle de commandement, et en dépit des appels au calme de Grimaud leur chef, des policiers redoublent de violence alors que 638 fonctionnaires de police sont hospitalisés entre mai et juin 1968, à Paris. Surpris par la motivation des manifestants, ils se sont repliés sur une culture policière, et un imaginaire commun, fédérateur - en plus du “bâton de défense” ou “bidule”, introduit dans la police quinze ans plus tôt sur décision unilatérale du préfet. Chez le politiste Olivier Fillieule, on découvre par exemple cet extrait d’archive, issu d’un rapport d’un commissaire principal qui montre comment, dans les rangs de la police, on a aussi cherché à s’auto-légitimer, en construisant le camp d’en face comme un ennemi crédible : “Les manifestants que nous avions en face de nous ne me paraissent qu’en petite partie provenir de milieux estudiantins. Il s’agit en majorité de groupes organisés pour le combat de rue encadrés par des personnes plus âgées. Ils sont extrêmement durs et mobiles et ne sont retenus par aucune considération morale et sociale. Leur politisation est certaine et la présence de drapeaux noirs anarchistes le confirme.”
Mais ce qu’on sait moins, s’agissant de Mai 68 et des violences, c’est qu’il y eut par exemple davantage de violence à Paris qu’à Lyon aussi parce que la Sorbonne fut bouclée, fermée aux étudiants mobilisés, alors que l’accès à la fac n’avait pas été entravé de la même manière à Lyon. L’évacuation de la Sorbonne restera d’ailleurs précisément comme l’événement qui mettra le feu aux poudres dans la capitale. Ainsi, c'est parce que les étudiants ne furent pas autorisés à circuler comme bon leur semblait du fait de la fermeture de certains boulevards, et qu’ici ou là il se retrouvèrent nassés dans leur quartier et ses ruelles, que les affrontements ont franchi un palier d’intensité. Et c’est même parce que des violences policières ont été décrites dans les médias que la mobilisation fera tache d’huile. Sur les ondes non officielles d'Europe 1, des reporters affirmeront à l’antenne qu’il y a mort d’homme, avant même la première victime. Ce sera décisif : la surenchère violente achèvera de mobiliser les ouvriers et leurs syndicats.
Le 28 mai 1968, les étudiants sont de retour à la Sorbonne.
Plus tard, après le 10 juin 1968 et ses deux morts lors de l’évacuation manu militari de l’usine Peugeot occupée par un gros millier d’ouvriers, c’est encore la vigueur de la répression policière qui solidarisera les moins zélés au mouvement : alors que le chercheur en sciences sociales Boris Gobille note qu’il pouvait y avoir, parmi les 25 000 salariés de l’usine automobile, des gens moins enclins au soulèvement depuis le début de la grève, le 20 mai, c’est finalement la violence des forces de l’ordre qui battra le rappel du côté des piquets, et agrégera à la cause des gens moins mobilisés. L’historien Xavier Vigna examinera même la répression sous l’angle du châtiment, estimant que bien souvent, en ce mois de juin 1968 et alors que L’Humanité annonce la reprise victorieuse du travail, les dernières évacuations par les forces de l’ordre se feront sous le signe de la punition : il s’agissait de châtier les fauteurs de troubles qui avaient renoué avec les premières occupations d’usine lors des grandes grèves de 1936. Aux CRS la défense de l’ordre usinier.
En 1995, dans un article important destiné à la revue Espace-Temps et trop méconnu, l’historienne Michelle Zancarini-Fournel mettait en évidence tout l’écart qu’il pouvait y avoir entre l’histoire de Mai 68 et sa mémoire. Et c’est précisément parce qu’un récit des événements aura été construit de manière euphémisée et édulcorée, qu’on a encore souvent tendance à conserver de cette mobilisation l’image d’un grand progrès dans le maintien de l’ordre. Il faut rouvrir 68, une histoire collective, le livre que l’historienne co-dirigeait avec Philippe Artières, et notamment lire la contribution qu’y signait Fabien Jobard sur l’usage des matraques et autres techniques de maintien de l’ordre à l’époque, pour prendre la mesure de ce que fut vraiment cet événement, une fois dépouillé de sa petite musique commémorative : davantage qu’un grand saut brutal dans la civilisation, plutôt une bataille rangée, qui eut ses morts, ses blessés, sa part de passages à l’acte, et aussi son préfet à la retenue historique.
Et voici la lettre du préfet Grimaud aux forces de police, in extenso et datée du 29 mai 1968 :
"Je m'adresse aujourd'hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d'un sujet que nous n'avons pas le droit de passer sous silence : c'est celui des excès dans l'emploi de la force. Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c'est notre réputation. Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d'entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter. Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d'outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir. Je suis allé toutes les fois que je l'ai pu au chevet de nos blessés, et c'est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu'au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement. Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance. C'est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l'ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d'accord, c'est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu'il s'agit de repousser, les hommes d'ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise. Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu'ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés. Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j'ai raison et qu'au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez. Si je parle ainsi, c'est parce que je suis solidaire de vous. Je l'ai dit déjà et je le répéterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d'elle dans les responsabilités. C'est pour cela qu'il faut que nous soyons également tous solidaires dans l'application des directives que je rappelle aujourd'hui et dont dépend, j'en suis convaincu, l'avenir de la préfecture de police. Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu'une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n'a pas de limites. Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s'ils ne le disent pas. Nous nous souviendrons, pour terminer, qu'être policier n'est pas un métier comme les autres ; quand on l'a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur. Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d'entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s'adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d'esprit déplorable d'une partie de la population, c'est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l'on cherche à donner de nous. Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l'œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur que vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j'entreprends et qui n'a d'autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la Nation."
Rémi Serre, cofondateur de l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre. | OUEST-FRANCE, MONIQUE CASTRO
Depuis presque 20 ans, les membres de « l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre » reversent leur pension de retraite d’anciens combattants pour mener des projets humanitaires en Algérie et en Palestine. Rencontre avec quelques-uns des 400 adhérents de cette association créée il y a presque vingt ans à Albi (Tarn).
« À 65 ans, malgré ma modeste retraite d’agriculteur, j’ai refusé celle de combattant. Je ne voulais pas de cet argent taché par tout le sang versé en Algérie », affirme Rémi Serre cofondateur de l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre (association 4ACG), qui a tenu son assemblée générale 2023 les 25 et 26 mars, à Albi (Tarn). « Cet argent, je voulais le renvoyer en Algérie pour qu’il soit utile à ceux que nous avions fait souffrir. » Il en parle alors au Comité des objecteurs du Tarn (COT) qui le met en contact avec trois autres anciens appelés, des petits agriculteurs comme lui, rêvant d’une réconciliation avec le peuple algérien. Ensemble, ils créent l’association 4ACG en 2004. « À la première assemblée générale nous étions 15 mais l’année suivante, après l’émission (de radio) « Là-bas si j’y suis », de Daniel Mermet, 60 ! », se réjouit-il.
400 adhérents
Aujourd’hui, l’association compte 400 adhérents, une centaine d’anciens appelés dont la moyenne d’âges est de 85 ans, un peu moins nombreux chaque année, et des « amis », souvent les enfants d’anciens appelés ou de pieds noirs. « Ma mère est née en Algérie, j’ai adhéré il y a trois ans. Lors de la dernière assemblée générale, j’ai découvert l’ampleur de l’action de l’association et l’humanité de chacun des membres. C’est dans cet héritage moral que je souhaite m’inscrire », souligne Philippe Czapla, 56 ans, infirmier psychiatrique à Toulouse.
Depuis sa création, la 4ACG a soutenu une trentaine de projets culturels ou humanitaires pour presque 1 million d’euros, soit environ 80 000 € par an, provenant des 810 € annuels de la retraite des anciens combattants et les cotisations, 30 € minimum, des « amis ».
60 % du budget est attribué à l’Algérie et 30 % à la Palestine où l’association aide notamment Medina, une association qui apporte son soutien psychologique aux enfants traumatisés par la guerre.
« En Algérie, nous avons, entre autres, participé au financement d’une adduction d’eau pour un potager et acheté un bus scolaire pour les habitants d’un village que les Français avaient détruit et que dix-sept familles reconstruisent », enchaîne Rémi Serre. Les 10 % restant permettent de financer diverses actions dans des pays en guerre.
« Quelle connerie, la guerre ! »
Les anciens appelés interviennent également dans les établissements scolaires pour témoigner de leur expérience. Parfois en duo avec l’Association nationale des Pieds noirs progressistes et de leurs amis (ANPNPA) qui souhaite également la réconciliation entre la France et l’Algérie. « Quand on demande à une classe de lycéens ce qu’ils feraient s’il y avait une guerre, un sur deux partirait et se disent prêts à tuer au nom de la patrie », désapprouve-t-il, montrant la cicatrice d’une balle qui lui a traversé le cou. Lors d’un voyage en Algérie organisé par l’association, il a rencontré un ancien fellaga (combattant pour l’indépendance de l’Algérie) et en recoupant leurs souvenirs ce dernier lui a dit : « Tu sais, c’est peut-être moi qui t’es tiré dessus. Quelle connerie, la guerre ! »
Profondément pacifiste, Rémi Serre est intervenu au procès de son fils Pierre jugé pour insoumission, en novembre 1987 : « Une guerre, un conflit, si petit soit-il ne se règle pas par les armes » mais par la négociation « alors pourquoi attendre ? À qui profite la guerre , toutes ces souffrances, toutes ces famines ? »
« Il y a en a plein qui vident leur sac pour la première fois »
Stanislas Hutin, 92 ans, le doyen de l’association, « opposé à la torture et dans le collimateur de sa hiérarchie » se souvient « d’avoir donné à boire et à manger à des prisonniers ». Ce qui aurait pu lui coûter cher. Un jour, il a photographié un jeune Arabe de 14 ans qui venait d’être torturé et qu’il a retrouvé en 2013 après de nombreuses recherches et dont la photo a été publiée dans son livre : Journal de bord, Algérie novembre 1955-mars 1956.« J’ai eu de la chance par rapport à d’autres, à mon retour, j’ai été entendu, écouté. J’ai pu parler et pour moi cela a été une véritable catharsis », ajoute-t-il.
Stanislas Hutin montre la photo du jeune garçon torturé qu’il avait pris en photo et retrouvé 60 ans plus tard. | OUEST-FRANCE, MONIQUE CASTRO
Ce ne fut pas le cas pour tout le monde. Certains n’avaient jamais rien raconté avant de rejoindre la 4ACG. « Il y en a plein qui vident leur sac pour la première fois. Au début, quand ils prennent la parole, ils ne veulent pas de micro, et au fur et à mesure qu’ils parlent leur voix baisse et à la fin, ils pleurent », témoigne Rémi Serre, les yeux embués.
Voici l'émission intéressante dont parle Rémy Serre que j’avais mis en ligne sur mon blog en 2017 organisée par le média [LÀ-BAS SI J'Y SUIS]
À Béziers, contre la « Nostalgérie »
voici le remarquable témoignage
de Rémy Serres
ancien appelé de la guerre sans nom
Face à cette NOSTALGÉRIE dont l’extrême-droite exploite la mémoire douloureuse, voici le bouleversant récit d’un ancien appelé de la guerre sans nom, un des deux millions de petits soldats qui eurent vingt ans dans les Aurès.
Prenez le temps de partager ce témoignage pour la réconciliation et la fraternisation.
Rarement, les populations du Maghreb et du Proche-Orient ont autant vécu de souffrances, entre dictatures, sécheresses et famines, violences et guerres, appauvrissement généralisé et désespoir, exodes et exils... Mais au milieu de cette désolation, portées par des générations de jeunes et moins jeunes artistes vivants ou disparus, des paroles et des images libres s’élèvent, parmi lesquelles un cinéma doté d’un imaginaire puissant, d’un regard lucide sur les réalités sociales et que l’édition 2023 du festival du cinéma arabe Aflam a présenté au public en mars.
Célébrant à Marseille son dixième anniversaire, le festival Aflam a tenu cette année à « répondre à la nécessité de mettre de la lumière sur une créativité en ébullition depuis les soulèvements populaires qui avaient remué le Maghreb et le Moyen-Orient à partir de 2011 ». Depuis leur création, ces journées de rencontres internationales (sans jury ni prix) ont réuni des milliers de spectateurs et montré plus de 600 films, une initiative qui démontre qu’il est « possible de parler à voix haute », même de façon modeste, selon les organisateurs, dans un monde où la liberté d’expression se raréfie.
Aflam s’est tenu cette année du 17 au 28 mars 2023 et a projeté une cinquantaine de films, de la fiction à l’essai cinématographique, venant d’une douzaine de pays arabes.
OMAR AMIRALAY, DOCUMENTARISTE INTERDIT
Cette édition 2023 a également mis à l’honneur, avec une rétrospective d’une partie de ses films, le cinéaste syrien Omar Amiralay (1944-2011). Figure incontournable du cinéma arabe, son œuvre fort originale est surtout connue pour des films tels que Déluge au pays du Baas, Les poules et La vie quotidienne dans un village syrien. Interdit en Syrie, son cinéma est, malgré son caractère documentaire, formellement audacieux et protéiforme, puisant sa force dans l’imaginaire de l’auteur, et continue d’exercer une influence sur les nouvelles générations de cinéastes arabes.
Pour preuve de la diversité des documentaires d’Omar Amiralay combinant lucidité et ironie mordante, on peut citer L’homme aux semelles d’or (clin d’œil à L’Homme aux colts d’or, classique du western ?), qui met en scène la rencontre du milliardaire Rafic Hariri, premier ministre et entrepreneur libanais assassiné en 2005, avec le cinéaste, intellectuel de gauche. Omar Amiralay est visiblement fasciné par le charisme de l’homme qui a voulu à sa façon reconstruire Beyrouth dévastée par quinze ans de guerre civile. Ce film a valu injustement à son auteur des critiques de la gauche.
À l’inverse, Par un jour de violence ordinaire, mon ami Michel Seurat est un documentaire sombre qui interroge les proches de l’intellectuel français né à Tunis et décédé dans les geôles du Hezbollah — ce que le Parti de Dieu n’a jamais reconnu. Dans ce portrait posthume de son ami intime, le cinéaste a reconstitué dans des images fortes, douloureuses, et dénuées de sa proverbiale ironie le lieu de détention de l’otage et de ses compagnons ainsi que les silhouettes anonymes de leurs veilleurs. Certains décors font penser au Procès d’Orson Welles (1962) et à sa symbolique de l’homme écrasé par l’inhumain.
Plus proches des réalités syriennes et palestiniennes, trois documentaires impressionnants de vérité et d’espoirs déçus d’une génération et de deux peuples se distinguent. Dans Il y a tant de choses encore à raconter, Omar Amiralay donne la parole à son ami dramaturge Saadallah Wannous avant la mort de celui-ci sur un lit d’hôpital. Le film est un témoignage très émouvant et personnel des désillusions d’une génération d’intellectuels et d’artistes arabes face au conflit avec Israël, et aussi face aux régimes arabes obsédés par l’idée de ne jamais céder le pouvoir (plus d’un demi-siècle pour la Syrie, un record !)
Que veut dire être arabe et cinéaste arabe en ces temps troublés ? Une identité d’une telle fluidité qu’elle s’échappe parfois de nos consciences et fuit sous nos pas. Proposant une réponse à sa manière, Amarilay s’est décrit dans la présentation du festival Aflam en une « brève autobiographie » intitulée « Omar par Omar », mi-comique mi-tragique, et dont nous reproduisons ci-après des extraits.
[…] Je vis actuellement dans un pays dont il me peine de devoir dire qu’il va à sa propre perte, après avoir été trahi par ses gouvernants, largué par ses habitants les plus sensés, et surtout abandonné par ses penseurs, ses intellectuels et ses artistes […]
De la situation de ce pays, me demandant quand se terminerait enfin le conflit avec Israël pour pouvoir parvenir à un État juste et démocratique […], je pense avoir pâti. Avec beaucoup d’autres. Elle nous a dicté des choix, dans l’art, comme dans la vie, que nous ne nous étions jamais souhaités pour nous-mêmes.
Un de ces choix a été mon engagement, depuis mes débuts dans le cinéma, dans le film documentaire. Un genre que j’ai transformé en une approche des gens, une interprétation du réel, et une conviction intime que le cinéma peut traiter directement avec la vie, avec ses histoires et ses héros de tous les jours de manière beaucoup plus riche et plus inventive que ce qu’un simple passant comme moi serait capable d’imaginer ou de créer à partir de rien. Même si dans tous mes films, je tiens toujours à établir un dialogue subjectif et complice avec la vie, avec les gens ; pour susciter des questions, pour faire naître le doute, pour garder une trace dans l’histoire de personnes, d’événements, de bouleversements qui ont peut-être été effacés des mémoires, ou que le temps a rejetés.
Un autre aspect de mon travail cinématographique qui traduit une de mes angoisses majeures, c’est la recherche de la vérité, une vérité dont l’un des piliers, à mon avis, est le doute. Une forme de suspicion que je considère comme une vertu et non comme un péché, alors que, selon la formule attribuée au Coran, « tenir en suspicion est presque un péché », comme le veulent ceux qui s’en remettent aux vérités révélées et aux livres saints. Car toute vérité́ à mon sens, est douteuse, ambiguë, relative, tant que la conscience humaine et l’Histoire ne l’auront pas soumise à une interrogation, à la loi du questionnement.
C’est peut-être cela qui explique cette oscillation dans mes films entre le documentaire et la fiction, que j’attribue à une tendance enracinée en moi à me frotter au doute, à chatouiller l’ambiguïté́. En deux mots, mon cinéma pourrait être résumé à cela : chatouiller la vie. […]
« JE SUIS DEVENUE UN CIMETIÈRE »
Espoirs et désespoirs, illusions et désillusions. Que diraient aujourd’hui ces cinéastes et dramaturges, alors que la Syrie n’existe plus que démantelée et que la Palestine devient jour après jour un mirage, faisant dire il y a quelques jours à Paris au ministre israélien des finances Bezalel Smotrich que « Les Palestiniens n’existent pas » ? Une formule partout condamnée, qui pourtant n’étonne point dans la bouche d’un des « conquérants » des territoires du « Grand Israël ».
Mais un auteur — fût-il mort tout en restant très vivant à travers son cinéma — ne fait pas un festival. Ainsi, le cinéma libanais, dont plusieurs films ont été projetés, s’est montré presque à son meilleur dans le domaine documentaire grâce à Rania Stephan qui a présenté pour la première fois Le champ des mots. Conversation avec Samar Yazbek. L’écrivaine syrienne a dû s’exiler avec sa fille durant la guerre pour venir vivre en France, et continuer son œuvre d’écriture et de témoignage sur la violence de la guerre et la difficulté de la dire à travers l’art.
Au fil des interviews, le documentaire qui a une véritable écriture cinématographique et une grande sensibilité se fait fort de ne montrer aucune image de violence dans un pays où une profusion de scènes d’horreur à travers les vidéos et les réseaux sociaux a été diffusée à satiété dans le monde entier. La cinéaste s’attarde souvent aussi (trop souvent ?) sur le visage beau et douloureux de cette victime vivante de la sauvagerie de la guerre, y guettant la moindre inflexion du regard d’une femme toujours jeune, mais ayant beaucoup vécu et qui continue son combat de l’étranger pour l’éducation des femmes syriennes réfugiées ou déplacées.
Le mot de la fin lui appartient : « La Syrie est effectivement finie » (intahat), dit-elle. « Je suis devenue un cimetière », et « les Syriens sont devenus fous ». Rania Stéphan a avoué avoir mis neuf ans pour imaginer et réaliser ce film.
La première attaque militaire étrangère contre la toute jeune Tunisie indépendante a lieu en 1958, et ce sont les Français qui l’ont lancée. Motif : le soutien apporté par Tunis à l’Armée de libération nationale (ALN) algérienne.
QUAND LA TUNISIE EST ATTAQUÉE (1/4) – Le 8 février 1958, la guerre d’Algérie s’invite sur le territoire tunisien. Les forces françaises en ont assez de devoir riposter aux accrochages avec l’Armée de libération nationale (ALN) algérienne, qui utilise le territoire d’une Tunisie indépendante depuis 1956 comme base arrière et bénéficie d’une aide logistique appréciable de la part des autorités de Tunis.
L’armée française décide donc de monter une opération aérienne contre Sakiet Sidi Youssef, village tunisien à la frontière algérienne qui abrite une base de l’ALN. Pour Paris, il ne s’agit pas d’une violation de territoire mais d’« un droit de suite » : les militaires s’arrogent le droit de poursuivre leurs ennemis où qu’ils se trouvent, y compris sur le territoire tunisien. Le contexte est agité et la France veut en découdre.
Mais la violence des « événements de Sakiet », comme on les appelle encore en Tunisie, va profondément marquer les relations entre Tunis et Paris, et renforcer la détermination tunisienne de récupérer l’intégralité de son territoire, opération qui s’achèvera en 1962 avec le départ du dernier soldat français de la base militaire de Bizerte.
Le 8 février 1958 était une journée d’hiver banale. Les gens allaient faire quelques emplettes au marché hebdomadaire, récupérer une pièce mécanique ou des chaussures chez le cordonnier ou tout simplement échanger des nouvelles au gré des rencontres. La vie quotidienne d’un bourg paisible, en apparence.
À Sakiet, tous savaient aussi que la présence de groupes de l’ALN irritait l’armée française. Les gradés étaient excédés par l’appui de la Tunisie aux combattants algériens et par la porosité des frontières entre les deux territoires.
À Tunis, Bourguiba n’avait pas voulu entendre le messager du président du Conseil français, Félix Gaillard, qui lui rappelait le devoir de neutralité de la Tunisie. Péremptoire, le président tunisien avait déclaré : « Si l’action continue, je demanderai l’installation d’un régiment de l’ONU aux frontières. » Internationaliser la guerre d’Algérie n’était pas l’intention de la France, qui campait sur ses positions sans mesurer la détermination des combattants algériens.
Une longue série d’accrochages
Mais le feu couvait depuis le début de cette année 1958. Le 2 janvier, l’ALN avait capturé, à la faveur d’un accrochage, quatre soldats français qu’elle avait conduits dans la région du Kef. Le 11 janvier, l’attaque d’une patrouille de 19 soldats français par un groupe de l’ALN venu de Sakiet Sidi Youssef faisait 14 morts et 5 prisonniers dans les rangs français.
Les forces françaises assuraient que, lors de leur repli, les combattants algériens avaient été accueillis à la frontière par des véhicules de la garde nationale tunisienne. Le 28 janvier, un avion français touché par un tir de mitrailleuse venu de Sakiet Sidi Youssef, se posait en catastrophe à Tebessa. Pour Paris, c’était trop.
C’est le général Edmond Jouhaud, commandant de la cinquième région aérienne, qui décide alors de lancer un raid sur Sakiet en représailles. Le ministre de la Défense, Jacques Chaban-Delmas, donne un accord oral et autorise l’utilisation de bombardiers lourds. Félix Gaillard, lui, ne sera pas informé de cette opération, qui engage 25 avions dont 11 bombardiers B-26, 6 chasseurs-bombardiers Corsair et 8 chasseurs Mistral.
À Sakiet Sidi Youssef, cette matinée du samedi 8 février, jour de marché, est particulièrement animée. La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge effectuent une distribution de vivres et d’aide humanitaire aux familles algériennes réfugiées dans la zone.
Pour les habitants, dont beaucoup ont des liens familiaux avec les populations installées de l’autre côté de la frontière, la cause est juste. « Les frontières ont été imposées, relisez l’histoire, nous sommes tous berbères, un seul peuple depuis des siècles », répète encore Khmiss, qui a assisté au bombardement de son école primaire, vers 11 heures, ce 8 février 1958, et vu mourir plusieurs camarades et un enseignant. Il avait 7 ans, mais n’a oublié ni les images, ni les explosions, ni les cris qui interrompent encore son sommeil.
Le raid des avions français vise le campement de l’ALN, installé à proximité d’une ancienne mine de plomb à l’extérieur de la ville. Mais avertis par le caïd d’un village algérien, les combattants ont eu le temps de fuir dans les campagnes environnantes. Les équipages des bombardiers s’en aperçoivent et décident d’attaquer l’école voisine, dont certains enfants affolés ne parviendront pas à se mettre à l’abri dans la mine. Puis les avions visent la place du marché et la grande rue commerçante.
« La visibilité était bonne »
Les avions passent en plusieurs vagues : certains pilonnent, d’autres mitraillent. Tous sèment la mort. En une heure, il ne reste du centre de Sakiet Sidi Youssef que ruines et désolation, avec des corps fauchés dans une tentative de fuite désespérée. « La visibilité était bonne », commentera un gradé français à Alger, tandis que Sakiet enterre ses 76 morts et soigne ses 148 blessés. Quinze garçons et cinq fillettes, tous âgés de moins de 11 ans, sont au nombre des victimes.
Pour les autorités tunisiennes, la tragédie de Sakiet, qui a frappé de plein fouet des innocents, n’est pas un simple dommage collatéral du conflit algérien où s’est engluée aveuglément la France. C’est aussi une atteinte à la souveraineté d’un pays et de son peuple. Bourguiba rompt les relations diplomatiques avec la France, expulse cinq consuls, met sous blocus les casernes françaises et organise une visite du village pour la presse internationale.
L’affaire s’internationalise. La Tunisie porte plainte devant les Nations unies, qui diligentent une médiation confiée au diplomate américain Robert Murphy et à son homologue britannique Harold Beeley. Lesquels soutiendront la position de la Tunisie. À Paris, on continue à se justifier en évoquant « une provocation des rebelles ». Le 15 avril, le cabinet Gaillard est renversé par l’Assemblée et la crise politique se conclut par le retour aux commandes du général De Gaulle. Le 17 juin, un accord entre la Tunisie et la France prévoit « l’évacuation de toutes les troupes françaises du territoire tunisien à l’exception de Bizerte ».
De Paris, Mrizek Sahraoui – Et pour être tout à fait complet, il faut alors ajouter : des luttes sociales et du combat pour ne pas mourir au travail. Un constat qui s’est encore vérifié à l’occasion de la onzième journée de manifestation de ce jeudi 6 mars. Un défilé émaillé de violences de part et d’autre des barricades, médiatiquement traité de la même manière que les précédents – images de violences urbaines et policières tournant en boucle –, et qui a drainé des centaines de milliers de marcheurs comme au premier jour farouchement et toujours opposés au projet du président Macron.
Tel est le fabuleux bilan après près de six années de règne d’Emmanuel Macron, un président haï, insulté, caricaturé de façon infamante et qui, avec ce qui se passe dans le pays, court le risque de finir son mandat avec la plus grande des humiliations : remettre à son départ, en 2027, les clés de l’Elysée entre les mains de l’extrême droite. Une extrême droite qui n’en finit pas d’engranger de précieux points politiques bien nécessaires à la victoire finale.
Alors que la France est dans la rue, au moment où les Français attendent d’être entendus par un Exécutif qualifié d’autiste, tandis que le pays est en quasi état de guerre, Emmanuel Macron, comme au plus fort de la contestation du mouvement des Gilets jaunes, s’en va tranquillement à l’étranger, laissant son pays en totale fragmentation.
Et, d’ailleurs, à ce propos, Emmanuel Macron est parti en Chine les bras ballants, avec une forte probabilité, s’accordent à présumer nombre d’observateurs, de revenir bredouille (la presse parle avant même le terme de la visite d’un «coup d’épée dans l’eau»), sans, toutefois et malgré tout, déroger à la règle. Sa règle qu’il a érigée en un principe de fonctionnement à valeur de quasi force de loi : se discerner le satisfecit que l’on dit similaire à celui qu’il s’était attribué pendant la crise sanitaire alors que beaucoup pointaient à ce moment-là une gestion chaotique de la pandémie.
Un modus operandi général, qui comprend également la façon dont est traitée la contestation sociale et la réponse apportée à la revendication syndicale, se traduisant par l’usage disproportionné de la force par la police. Une riposte décriée par plusieurs institutions internationales, parmi elles le Conseil européen des droits de l’Homme, Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), et même la Maison-Blanche qui a soutenu «le droit de manifester pacifiquement», déplorant «un usage excessif de la force» contre les manifestants opposés au projet de réforme des retraites.
Le tout sous l’œil atteint de cécité des médias français, globalement accusés de relayer les éléments de langage de l’Exécutif, de travailler à saper la contestation. La diffusion en boucle d’images de violences de façon systématique, qui sont bien réelles, mais alors que sur l’ensemble des cortèges l’ambiance est plutôt festive, les manifestants battant le pavé pacifiquement, ce traitement de la contestation vise à dissuader les Français à venir en nombre occuper la rue. C’est en tout cas la conclusion que tirent les opposants à la réforme des retraites qui dénoncent un scandaleux parti pris médiatique.
Le déjeuner en toute discrétion à l’Elysée entre Emmanuel Macron et une dizaine d’éditorialistes politiques, le 17 janvier dernier, c’est-à-dire tout juste deux jours avant la première grande manifestation organisée par l’Intersyndicale, a été perçu comme preuve supplémentaire des liens troubles entre le pouvoir politique et la presse, et de la mise sous tutelle des médias. Lesquels appartiennent quasi totalement à une poignée d’oligarques mais, paradoxalement, financés par l’argent public – 372 millions d’euros d’aides attribués dans le cadre du PLF 2023.
Emmanuel Macron contrôle tout, sauf une chose : sa propre personne, l’accable-t-on.
"Elle est enterrée ici, quelque part...", lâche en larmes Malika Tabti, qui pour la première fois se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa sœur alors bébé a été inhumée en 1963, un lieu enfoui dans l'oubli depuis 60 ans et récemment révélé par des fouilles.
Son visage crispé d'une "immense tristesse", Malika, 59 ans, dépose doucement un bouquet de fleurs sur une allée de tombes de plusieurs dizaines de mètres, recouvertes de terre, et délimitées par des piquets où plusieurs peluches ont été accrochées.
Le 20 mars, ce cimetière de fortune de dizaines d'enfants morts dans des camps harkis voisins au début des années 60 est sorti de l'oubli, localisé sur un terrain militaire dans le Gard (sud-est) grâce à des fouilles de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Ces fouilles sans précédent ont été décidées par l'Etat français après la révélation de l'existence de ce cimetière dans une enquête de l'AFP en septembre 2020 et le travail inlassable d'associations locales.
Malika Tabti dépose un bouquet de fleurs sur la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
Malika - prénommée comme sa sœur en hommage à sa mémoire - s'est recueillie jeudi au nom de sa famille, le souffle coupé par l'émotion, dans ce cimetière où reposent 31 personnes, dont 30 jeunes enfants.
Comme n'en croyant pas ses yeux, sa silhouette frêle arpente longuement l'allée de tombes de ce terrain vague, dont l'entrée est marquée d'un panneau "terrain militaire".
- "Là où est le bouquet" -
La famille Tabti a enfin une réponse sur le lieu d'inhumation de la petite Malika, décédée à un an et deux mois en février 1963, vraisemblablement de la rougeole, au camp de harkis de Saint-Maurice l'Ardoise tout proche.
"J'imagine qu'elle est peut-être enterrée là où est le bouquet de fleurs", montre à l'AFP Mme Tabti, secrétaire nationale du Secours populaire, une association humanitaire française.
Un cimetière d'enfants harkis retrouvé dans le Gard / AFP
Français musulmans majoritairement recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), les harkis ont été abandonnés par la France à la fin du conflit.
Des dizaines de milliers d'entre eux et leurs familles, tels les parents de Malika, fuient des massacres de représailles, et sont parqués en France dans des "camps de transit et de reclassement" gérés par l'armée, aux conditions de vie déplorables, marquées par une surmortalité infantile.
Dans plusieurs régions de France, il y a 60 ans, des dizaines de bébés de familles harkies ont été enterrés sans sépulture décente par leurs proches ou des militaires, dans les camps ou à proximité, dans des champs.
Avec le temps, les lieux ont été abandonnés, et les familles relocalisées, après avoir enfoui au plus profond d'elles-mêmes ce passé.
L'un des frères de Malika, qui avait assisté à l'enterrement avec ses parents et "des militaires", lui a raconté "les conditions dramatiques", dans la neige. "L'eau montait" alors que la petite tombe était creusée et le bébé déposé dans un linceul blanc.
"60 ans après, j'ai beaucoup de peine... Je pense à mes parents", confie Mme Tabti.
Ils étaient paysans dans l'Ouest algérien. Durant la guerre, son père, Kouider, est devenu harki surtout par "opportunité économique", pour "avoir un revenu pour élever sa famille", même si il avait aussi "une certaine estime pour de Gaulle".
Malika Tabti se recueille devant la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
A la fin du conflit, il subit les représailles du FLN, torturé pendant plusieurs jours, les pieds "brûlés à la cigarette", obligé de marcher "sur des fils barbelés". "Toute sa vie il a souffert des pieds", se rappelle-t-elle. Il sera sauvé d'une mort certaine par un jeune lieutenant de l'armée française.
"La peur faisait partie de la vie de mes parents... ils étaient démunis, traumatisés par l'exil", poursuit-elle. "Ils n'étaient pas en capacité de demander des comptes" sur les conditions d'inhumation de Malika. "C'était inimaginable".
Sa famille a bien tenté dans les années 90 de retrouver le lieu, en vain. Mme Tabti avait demandé à rencontrer le commandant de l'époque de la base militaire, qui lui avait répliqué "qu'il n'y avait rien" à trouver, que "c'était un champ de manœuvre", raconte-t-elle.
- Symboles de l'abandon -
Mais 25 ans plus tard, en lisant un reportage de l'AFP de 2022 annonçant la décision des fouilles, Mme Tabti a eu un déclic. "Ca a été comme une libération, et le début d'une bataille".
Pour l'historienne et spécialiste de la guerre d'Algérie Fatima Besnaci-Lancou, elle-même fille de harkis, les corps de ces enfants "symbolisent l'abandon et le drame des harkis, et ce symbole touche à l'humanité même".
Des fleurs et un piquet en bois peint en jaune pour délimiter une allée de tombes au cimetière de fortune des enfants Harki, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AF
"Ces familles n'ont jamais oublié leurs enfants morts dans les camps, elles m'en ont toujours parlé", explique à l'AFP l'historienne, présidente du conseil scientifique du Mémorial du camp de Saint-Maurice l'Ardoise. Depuis le 20 mars, "ces enfants rentrent dans l'Histoire", selon elle.
A Saint-Maurice l'Ardoise, la tragédie s'est doublée d'un autre drame: un procès verbal de gendarmerie établi en 1979 - découvert dans des archives locales par Nadia Ghoufria, fille de harkis, et révélé au grand public par l'AFP en 2020 - atteste que les autorités de l'époque connaissaient l'existence de ce cimetière.
Mais elles ont alors délibérément décider de pas informer associations et familles.
"C'est scandaleux ! C'est une faute lourde de l'Etat", s'exclame Mme Tabti, dénonçant une volonté de "cacher" cette surmortalité infantile, alors que "plusieurs localités alentours disposaient de cimetières".
Elle demande désormais la "réhabilitation" de ce lieu, que "les familles puissent venir s'y recueillir". Elle veut "pouvoir identifier la tombe" de sa sœur par des tests ADN, et espère qu'un jour cette dernière "puisse reposer enfin en paix dans la tombe de notre mère" dans le Sud-Ouest.
Une douce lumière gagne le cimetière retrouvé en fin de journée.
Malika Tabti (g), accompagnée de son amie Nadia Ghoufria, également fille de harkis, se recueille la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
Malika Tabti confie ressentir "un peu d'apaisement d'avoir identifié le lieu", mais une souffrance l'étreint à l'évocation de sa mère, Fatna, disparue en avril 2018.
"Ma mère nous a toujours parlé du traumatisme de la perte de Malika, mais elle ne saura jamais que le cimetière a été retrouvé", souffle-t-elle.
Un cimetière de fortune où avaient été enterrés à la hâte des dizaines d'enfants morts dans des camps de harkis au début des années 1960 est sorti de l'oubli dans le sud de la France. Des fouilles archéologiques ont permis de les retrouver sur un ancien terrain militaire dans le département du Gard. Les familles peuvent finalement faire leur deuil.
"Elle est enterrée ici, quelque part...", lâche en larmes Malika Tabti, qui pour la première fois se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa soeur alors bébé a été inhumée en 1963, un lieu enfoui dans l'oubli depuis 60 ans et récemment révélé par des fouilles.
Son visage crispé d'une "immense tristesse", Malika, 59 ans, dépose doucement un bouquet de fleurs sur une allée de tombes de plusieurs dizaines de mètres, recouvertes de terre, et délimitées par des piquets où plusieurs peluches ont été accrochées.
Le 20 mars, des tombes non identifiées ont été retrouvées par miracle, grâce à des grâce à des fouilles de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), dans un terrain militaire dans le département du Gard, dans le sud de la France.
Ces fouilles sans précédent ont été décidées par l'État français après la révélation de l'existence de ce cimetière dans une enquête de l'AFP en septembre 2020 et le travail inlassable d'associations locales.
Malika - prénommée comme sa sœur en hommage à sa mémoire - s'est recueillie jeudi au nom de sa famille, le souffle coupé par l'émotion, dans ce cimetière où reposent 31 personnes, dont 30 jeunes enfants.
Comme n'en croyant pas ses yeux, sa silhouette frêle arpente longuement l'allée de tombes de ce terrain vague, dont l'entrée est marquée d'un panneau "terrain militaire".
"Là où est le bouquet"
La famille Tabti a enfin une réponse sur le lieu d'inhumation de la petite Malika, décédée à un an et deux mois en février 1963, vraisemblablement de la rougeole, au camp de harkis de Saint-Maurice l'Ardoise tout proche.
"J'imagine qu'elle est peut-être enterrée là où est le bouquet de fleurs", montre à l'AFP Madame Tabti, secrétaire nationale du Secours populaire, une association humanitaire française.
Français musulmans majoritairement recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), les harkis ont été abandonnés par la France à la fin du conflit.
Des dizaines de milliers d'entre eux et leurs familles, tels les parents de Malika, fuient des massacres de représailles, et sont parqués en France dans des "camps de transit et de reclassement" gérés par l'armée, aux conditions de vie déplorables, marquées par une surmortalité infantile.
Dans plusieurs régions de France, il y a 60 ans, des dizaines de bébés de familles harkies ont été enterrés sans sépulture décente par leurs proches ou des militaires, dans les camps ou à proximité, dans des champs.
Avec le temps, les lieux ont été abandonnés, et les familles relocalisées, après avoir enfoui au plus profond d'elles-mêmes ce passé. L'un des frères de Malika, qui avait assisté à l'enterrement avec ses parents et "des militaires", lui a raconté "les conditions dramatiques", dans la neige. "L'eau montait" alors que la petite tombe était creusée et le bébé déposé dans un linceul blanc. "60 ans après, j'ai beaucoup de peine... Je pense à mes parents", confie Madame Tabti.
Ils étaient paysans dans l'Ouest algérien. Durant la guerre, son père, Kouider, est devenu harki surtout par "opportunité économique", pour "avoir un revenu pour élever sa famille", même si il avait aussi "une certaine estime pour de Gaulle". À la fin du conflit, il subit les représailles du FLN, torturé pendant plusieurs jours, les pieds "brûlés à la cigarette", obligé de marcher "sur des fils barbelés". "Toute sa vie il a souffert des pieds", se rappelle-t-elle. Il sera sauvé d'une mort certaine par un jeune lieutenant de l'armée française. "La peur faisait partie de la vie de mes parents... ils étaient démunis, traumatisés par l'exil", poursuit-elle. "Ils n'étaient pas en capacité de demander des comptes" sur les conditions d'inhumation de Malika. "C'était inimaginable".
Ma mère nous a toujours parlé du traumatisme de la perte de Malika, mais elle ne saura jamais que le cimetière a été retrouvé.Madame Tabti, sœur de Malika
Sa famille a bien tenté dans les années 90 de retrouver le lieu, en vain. Malika Tabti avait demandé à rencontrer le commandant de l'époque de la base militaire, qui lui avait répliqué "qu'il n'y avait rien" à trouver, que "c'était un champ de manœuvre", raconte-t-elle.
Symboles de l'abandon
Mais 25 ans plus tard, en lisant un reportage de l'AFP de 2022 annonçant la décision des fouilles, Madame Tabti a eu un déclic. "Ça a été comme une libération, et le début d'une bataille".
Pour l'historienne et spécialiste de la guerre d'Algérie Fatima Besnaci-Lancou, elle-même fille de harkis, les corps de ces enfants "symbolisent l'abandon et le drame des harkis, et ce symbole touche à l'humanité même".
"Ces familles n'ont jamais oublié leurs enfants morts dans les camps, elles m'en ont toujours parlé", explique à l'AFP l'historienne, présidente du conseil scientifique du Mémorial du camp de Saint-Maurice l'Ardoise. Depuis le 20 mars, "ces enfants rentrent dans l'Histoire", selon elle.
À Saint-Maurice l'Ardoise, la tragédie s'est doublée d'un autre drame: un procès verbal de gendarmerie établi en 1979 - découvert dans des archives locales par Nadia Ghoufria, fille de harkis, et révélé au grand public par l'AFP en 2020 - atteste que les autorités de l'époque connaissaient l'existence de ce cimetière.
Mais elles ont alors délibérément décider de pas informer associations et familles. "C'est scandaleux ! C'est une faute lourde de l'État", s'exclame Malika Tabti, dénonçant une volonté de "cacher" cette surmortalité infantile, alors que "plusieurs localités alentours disposaient de cimetières".
Elle demande désormais la "réhabilitation" de ce lieu, que "les familles puissent venir s'y recueillir". Elle veut "pouvoir identifier la tombe" de sa sœur par des tests ADN, et espère qu'un jour cette dernière "puisse reposer enfin en paix dans la tombe de notre mère" dans le Sud-Ouest.
Une douce lumière gagne le cimetière retrouvé en fin de journée. Malika Tabti confie ressentir "un peu d'apaisement d'avoir identifié le lieu", mais une souffrance l'étreint à l'évocation de sa mère, Fatna, disparue en avril 2018.
"Ma mère nous a toujours parlé du traumatisme de la perte de Malika, mais elle ne saura jamais que le cimetière a été retrouvé", souffle-t-elle.
"Elle est enterrée ici, quelque part...", lâche en larmes Malika Tabti, qui pour la première fois se retrouve face au cimetière de fortune d'enfants harkis où sa sœur alors bébé a été inhumée en 1963, un lieu enfoui dans l'oubli depuis 60 ans et récemment révélé par des fouilles.
Son visage crispé d'une "immense tristesse", Malika, 59 ans, dépose doucement un bouquet de fleurs sur une allée de tombes de plusieurs dizaines de mètres, recouvertes de terre, et délimitées par des piquets où plusieurs peluches ont été accrochées.
Le 20 mars, ce cimetière de fortune de dizaines d'enfants morts dans des camps harkis voisins au début des années 60 est sorti de l'oubli, localisé sur un terrain militaire dans le Gard (sud-est) grâce à des fouilles de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Ces fouilles sans précédent ont été décidées par l'Etat français après la révélation de l'existence de ce cimetière dans une enquête de l'AFP en septembre 2020 et le travail inlassable d'associations locales.
Malika Tabti dépose un bouquet de fleurs sur la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
Malika - prénommée comme sa sœur en hommage à sa mémoire - s'est recueillie jeudi au nom de sa famille, le souffle coupé par l'émotion, dans ce cimetière où reposent 31 personnes, dont 30 jeunes enfants.
Comme n'en croyant pas ses yeux, sa silhouette frêle arpente longuement l'allée de tombes de ce terrain vague, dont l'entrée est marquée d'un panneau "terrain militaire".
- "Là où est le bouquet" -
La famille Tabti a enfin une réponse sur le lieu d'inhumation de la petite Malika, décédée à un an et deux mois en février 1963, vraisemblablement de la rougeole, au camp de harkis de Saint-Maurice l'Ardoise tout proche.
"J'imagine qu'elle est peut-être enterrée là où est le bouquet de fleurs", montre à l'AFP Mme Tabti, secrétaire nationale du Secours populaire, une association humanitaire française.
Un cimetière d'enfants harkis retrouvé dans le Gard / AFP
Français musulmans majoritairement recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), les harkis ont été abandonnés par la France à la fin du conflit.
Des dizaines de milliers d'entre eux et leurs familles, tels les parents de Malika, fuient des massacres de représailles, et sont parqués en France dans des "camps de transit et de reclassement" gérés par l'armée, aux conditions de vie déplorables, marquées par une surmortalité infantile.
Dans plusieurs régions de France, il y a 60 ans, des dizaines de bébés de familles harkies ont été enterrés sans sépulture décente par leurs proches ou des militaires, dans les camps ou à proximité, dans des champs.
Avec le temps, les lieux ont été abandonnés, et les familles relocalisées, après avoir enfoui au plus profond d'elles-mêmes ce passé.
L'un des frères de Malika, qui avait assisté à l'enterrement avec ses parents et "des militaires", lui a raconté "les conditions dramatiques", dans la neige. "L'eau montait" alors que la petite tombe était creusée et le bébé déposé dans un linceul blanc.
"60 ans après, j'ai beaucoup de peine... Je pense à mes parents", confie Mme Tabti.
Ils étaient paysans dans l'Ouest algérien. Durant la guerre, son père, Kouider, est devenu harki surtout par "opportunité économique", pour "avoir un revenu pour élever sa famille", même si il avait aussi "une certaine estime pour de Gaulle".
Malika Tabti se recueille devant la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
A la fin du conflit, il subit les représailles du FLN, torturé pendant plusieurs jours, les pieds "brûlés à la cigarette", obligé de marcher "sur des fils barbelés". "Toute sa vie il a souffert des pieds", se rappelle-t-elle. Il sera sauvé d'une mort certaine par un jeune lieutenant de l'armée française.
"La peur faisait partie de la vie de mes parents... ils étaient démunis, traumatisés par l'exil", poursuit-elle. "Ils n'étaient pas en capacité de demander des comptes" sur les conditions d'inhumation de Malika. "C'était inimaginable".
Sa famille a bien tenté dans les années 90 de retrouver le lieu, en vain. Mme Tabti avait demandé à rencontrer le commandant de l'époque de la base militaire, qui lui avait répliqué "qu'il n'y avait rien" à trouver, que "c'était un champ de manœuvre", raconte-t-elle.
- Symboles de l'abandon -
Mais 25 ans plus tard, en lisant un reportage de l'AFP de 2022 annonçant la décision des fouilles, Mme Tabti a eu un déclic. "Ca a été comme une libération, et le début d'une bataille".
Pour l'historienne et spécialiste de la guerre d'Algérie Fatima Besnaci-Lancou, elle-même fille de harkis, les corps de ces enfants "symbolisent l'abandon et le drame des harkis, et ce symbole touche à l'humanité même".
Des fleurs et un piquet en bois peint en jaune pour délimiter une allée de tombes au cimetière de fortune des enfants Harki, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
"Ces familles n'ont jamais oublié leurs enfants morts dans les camps, elles m'en ont toujours parlé", explique à l'AFP l'historienne, présidente du conseil scientifique du Mémorial du camp de Saint-Maurice l'Ardoise. Depuis le 20 mars, "ces enfants rentrent dans l'Histoire", selon elle.
A Saint-Maurice l'Ardoise, la tragédie s'est doublée d'un autre drame: un procès verbal de gendarmerie établi en 1979 - découvert dans des archives locales par Nadia Ghoufria, fille de harkis, et révélé au grand public par l'AFP en 2020 - atteste que les autorités de l'époque connaissaient l'existence de ce cimetière.
Mais elles ont alors délibérément décider de pas informer associations et familles.
"C'est scandaleux ! C'est une faute lourde de l'Etat", s'exclame Mme Tabti, dénonçant une volonté de "cacher" cette surmortalité infantile, alors que "plusieurs localités alentours disposaient de cimetières".
Elle demande désormais la "réhabilitation" de ce lieu, que "les familles puissent venir s'y recueillir". Elle veut "pouvoir identifier la tombe" de sa sœur par des tests ADN, et espère qu'un jour cette dernière "puisse reposer enfin en paix dans la tombe de notre mère" dans le Sud-Ouest.
Une douce lumière gagne le cimetière retrouvé en fin de journée.
Malika Tabti (g), accompagnée de son amie Nadia Ghoufria, également fille de harkis, se recueille la tombe de sa soeur dans le cimetière de fortune d'enfants harkis, le 6 avril 2023 à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard / AFP
Malika Tabti confie ressentir "un peu d'apaisement d'avoir identifié le lieu", mais une souffrance l'étreint à l'évocation de sa mère, Fatna, disparue en avril 2018.
"Ma mère nous a toujours parlé du traumatisme de la perte de Malika, mais elle ne saura jamais que le cimetière a été retrouvé", souffle-t-elle.
El-Qods et la mosquée Al-Aqsa sont en «réel danger» face à la politique de l’administration extrémiste de l’entité sioniste et à ses violations incessantes contre le peuple palestinien et ses lieux sacrés, a prévenu mercredi le conseiller à la Présidence palestinienne pour les affaires d’El-Qods, Ahmad Rwaidy, exhortant la nation arabe à apporter son soutien pour protéger la ville.Suite à l’assaut mené, mardi, par les forces d’occupation contre les fidèles de la mosquée Al-Aqsa, dont des centaines ont été blessés et des centaines d’autres arrêtés, M. Rwaidy a précisé à l’APS qu’Al-Aqsa est en «réel danger» face à une administration d’occupation constituée de partis extrémistes issus du mouvement terroriste «Kakh», qui avait considéré l’auteur du massacre de la mosquée d’Ibrahim dans la ville d’Al-Khalil en 1994 comme un «héros national».
Le responsable palestinien a rappelé le degré d’extrémisme de ses membres, qui ont été jusqu’à menacer publiquement de démolir la mosquée Al-Aqsa pour construire le présumé temple sur ses ruines. Le conseiller palestinien a condamné les attaques répétées contre la mosquée Al-Aqsa, les agressions sanglantes contre les fidèles palestiniens et les défenseurs de la mosquée, ainsi que les plans criminels de l’occupation contre ce lieu sacré. Mettant également en garde contre la politique de terreur adoptée par les autorités d’occupation à travers les assassinats, dans le but de dissuader les Palestiniens d’accéder à Al Aqsa, le même responsable a cité l’assassinat d’un Palestinien, la semaine passée, venu d’«el Naqab» pour prier à la Mosquée, note l’APS. Et d’affirmer : «Quels que soient les massacres commis par l’occupation, la Mosquée Al Aqsa demeurera un lieu sacré de l’Islam destiné exclusivement aux Musulmans». Imputant la responsabilité de l’escalade à l’occupation, Ahmed Rwaidy a demandé à la Communauté internationale d’assumer ses responsabilités, en préservant le statut historique et juridique actuel de la Mosquée Al Aqsa et à mettre un terme aux plans visant à le modifier le statut et à judaïser la ville d’El Qods, note l’APS. Face aux tentatives de judaïsation que subit El Qods occupée visant à renier la présence palestinienne et à imposer la mainmise sioniste sur cette ville sainte, et sur ses églises et ses mosquées, à leur tête la Mosquée Al Aqsa, le responsable palestinien a appelé les pays arabes et musulmans à apporter leur soutien à cette ville afin de préserver ses institutions, ses hôpitaux, ses écoles, ses maisons, ses biens immobiliers et ses commerçants menacés de déplacement forcé». Les questions de la ville d’El Qods et de la Mosquée Al Aqsa «ne trouveront de solution qu’en mettant fin à l’occupation et en établissant un Etat palestinien, avec El Qods comme capitale», a conclu Rwaidy, note l’APS. Le sioniste Netanyahou tente, par le massacre contre les palestiniens, d’obtenir la réforme décriée des pouvoirs judiciaires, et échapper à la justice pour les affaires de corruption. Pour la réélection il a établi un accord avec les racistes sionistes et nommés au gouvernement. Le but de Netanyahou est de ne pas etre jugé pour les affaires de corruption. Il est prêt, pour ça, à lancer une guerre dans la région pour échapper et au procès.
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