La religion a toujours joué un rôle dans la vie politique d'un État. D. R.
«La politique et la religion sont comme deux têtes sous un même bonnet.» (Moses Isegawa.) «La religion est la maladie honteuse de l’humanité. La politique en est le cancer.» (Henry de Montherlant.) La religion, contrairement à l’idée communément répandue, n’est pas une simple question de conviction personnelle, mais elle revêt une dimension sociale et politique. La religion a toujours rempli une fonction politique et sociale primordiale. Que ce soit en période de paix ou en période de guerre, la religion a constamment été mobilisée pour servir d’adjuvant militant pour les classes régnantes ou «d’adjudant» militaire pour leurs entreprises guerrières. Plus significatif encore, les séculaires conflits prétendument confessionnels ont toujours revêtu un caractère politique, ont toujours été menés pour des visées en réalité terrestres.
En d’autres termes, pour des motifs de rapines ou d’expansions territoriales. En outre, la religion a toujours siégé au sommet du trône et de l’Etat. La religion a toujours trôné en permanence aux conseils royaux et ministériels en qualité d’agent de propagande avec voix délibérative prééminente. Sans oublier que, dans de nombreux pays, elle sert encore de programme pédagogique principal en matière d’enseignement et de code juridique dans les tribunaux, notamment dans les pays musulmans où la justice est rendue au nom de la Charia, autrement dit de la religion islamique. De fait, la religion est un programme politique théocratiquement spiritualisé, un rapport social de domination transcendentalement sublimé, une œuvre de soumission divinement magnifiée, une esthétique de l’asservissement populairement déifiée.
En réalité, la religion règne partout, excepté dans les cœurs. Autrement dit, elle se diffuse dans toutes les strates des institutions administratives et de la société, mais n’infuse nullement dans le cœur des humains. Pour la simple raison que la dimension spirituelle s’est évaporée de la société de classes régie par des rapports d’exploitation cautionnés par la religion, instituée par les classes dominantes comme instrument d’asservissement des populations aliénées. Prédomine au sein de la société seulement le caractère politique totalitaire de la religion. Une société divisée en classes ne peut jamais receler une quelconque spiritualité, quand bien elle serait foncièrement théocratique, régie par les principes théologiques. La religion n’est pas synonyme de spiritualité, loin s’en faut. La religion est à la spiritualité ce que le placebo est au médicament. La religion est un traitement rituel confessionnel sans principe actif sur le comportement.
L’absorption de la religion, même à forte dose, n’apaise nullement les comportements foncièrement déviants et violents de ses adeptes tourmentés par la vacuité existentielle, assaillis par leurs démons intérieurs, habités par le diable de la destruction, produits par la société de classes dominée par des rapports d’exploitation et d’oppression. La misère sociale engendre inéluctablement la pauvreté réflexive, l’atrophie intellectuelle, la dissolution de la conscience de soi, et corrélativement l’inclination vers l’accroissement de l’esprit grégaire propice aux pestes dogmatiques émotionnelles et aux mystiques communautaires hystériques.
Pour ce qui est de l’Algérie, paradoxalement, la religion est devenue davantage un phénomène collectif culturel plutôt qu’un exercice personnel cultuel. On va à la mosquée comme on va au concert pour écouter un chanteur, se pâmer devant ses morceaux de musique extatiques. Le spectacle est plus attrayant. Pourtant, théologiquement, la prière accomplie à la maison a la même valeur rituelle confessionnelle. Mais son accomplissement dans l’enceinte de la mosquée est un moyen ostentatoire d’exciper de sa ferveur religieuse factice. On exhibe ostensiblement sa religiosité islamique comme le parvenu bourgeois affiche crânement sa montre Rolex à son poignet de sa main calleuse aux ongles noirs de saleté. Comme si la dévotion se vit dans l’apparat public des yeux et non pas dans l’appartement privé du cœur. Comme si la valeur de l’homme se mesure à la quantité exhibée de sa ferveur affectée religieuse et non à la qualité sobre de sa foi authentique. Il est vrai que pour ces factices religieux, l’homme s’évalue à l’épaisseur de son portefeuille et non à la grandeur de son âme, à l’affectation de son outrancière croyance et non à la sobriété de ses pieuses convictions. Décidément, cette société de spectacle cultuel islamique, où la bigoterie le dispute à la bondieuserie, manque cruellement de décence, bien qu’elle se couvre «barbument» et «hijabement» sa face hideuse d’un voile de piété.
A notre époque marquée par l’islam politique (un pléonasme dans les pays musulmans car l’islam se confond avec la politique et la politique se fond dans l’islam, la religion est d’Etat et l’Etat est religieux), la compréhension du rôle et de la signification politique et sociale de la religion est cruciale. Pour ce faire, il nous faut procéder à une analyse historique du phénomène religieux, lié à la croyance en un Dieu.
Le défaut cardinal de toute explication théologique sur la religion est son inclination enfantine à transformer une catégorie historique et sociale, la religion, en une catégorie éternelle et biologique. Pour ses esprits dominés par la pensée magique, la raison prélogique, le sentiment religieux est consubstantiellement inhérent à l’être humain. Or, il n’en n’est rien. C’est le bas niveau des forces productives des sociétés primitives qui est à l’origine de l’élaboration des idéologies religieuses (et non du sentiment religieux, la différence est importante : il n’existe pas de sentiment religieux mais seulement des doctrines religieuses partagées ou non par les membres de la société). La religion ne m’émerge pas spontanément d’une contemplation infuse de la nature, de la vie sociale.
En vérité, les idées religieuses naissent de l’attitude socialement passive de l’homme envers les forces de la nature qui le dominent, les forces socioéconomiques qu’il ne contrôle pas. Forces envers lesquelles il éprouve une crainte mystérieuse, cette peur dont un poète a dit qu’elle engendrait les dieux. Ce qui donne naissance à la religion, c’est l’imperfection des forces productives extrêmement faibles, l’étroitesse des liens des hommes et femmes de la communauté primitive avec la nature qui les domine entièrement. L’homme des temps anciens, le cultivateur primitif, constatait avec fatalité la dépendance du fruit de son activité à l’égard des facteurs climatiques : pluie ou sécheresse, chaleur ou froid, etc. Comme l’a écrit Marx : «Plus l’homme place en Dieu, moins il contient en lui-même.»
L’homme, en agissant sur la nature extérieure, change sa propre nature, ses pensées, sa mentalité ; devient créateur, producteur de sa vie et, par voie de conséquence, transforme son être social. Il devient dieu, maître de son destin socioéconomique et politique. Ainsi, plus l’homme domine la nature, développe les forces productives, maîtrise son destin social, moins il ressent le besoin de s’en remettre à la religion, d’inventer des idéologies religieuses, des dieux.
Une chose est sûre : les hommes de la période du paléolithique étaient dépourvus de tout sentiment religieux. La preuve scientifique a été administrée par l’absence des monuments funéraires et le caractère réaliste de l’art des sociétés de l’époque paléolithique. Les religions, quelles qu’elles soient, n’engendrent, comme objets d’art, que des monstruosités, des difformités, des extravagances ou le rejet radical de tout art.
Au reste, comme l’a écrit Freud, la religion est une forme de névrose. Quand on sait que la névrose est marquée par la disparition des sentiments sociaux et la prédominance des tendances sexuelles, et surtout le refoulement au second plan du monde réel, on comprend mieux les ravages (psychologiques, sociaux, politiques) que peut provoquer la religion en matière cognitive, comportementale et économique. Cognition, comportements et économie condamnés à demeurer au stade primaire du développement humain. A cet égard, il n’est pas inutile de souligner que pour la religion, ennemie du raisonnement et des sciences, le sage n’est point celui qui exerce sans trêve sa raison et son imagination créative, mais celui qui se soumet aveuglément en tous points aux exigences de la foi, au dogme indiscuté et indiscutable.
A cet égard, la religion craint au plus haut point la nouveauté, l’innovation, le doute, le questionnement philosophique ; elle a peur de l’inconnu, du changement, des transformations (surtout sociales : la religion est le meilleur rempart des classes dominantes). Elle n’a confiance que dans son univers mystérieux ritualisé et sanctifié, dans ses rites traditionnels sacralisés, parce qu’elle en connaît les puissances mystiques, elle en maîtrise les symboles mythiques. Aussi n’est-il pas surprenant que la religion, puissance conservatrice et force d’inertie, érige la tradition en maîtresse divine de la vie sociale, le dogme en maître déifié des relations sociales réduites à leur plus simple expression coutumière et ascétique.
La religion est l’alliée naturelle des classes dominantes. La religion est née avec les sociétés de classes. De même, la croyance en Dieu émerge avec la division de la société en classes antagoniques.
Si les croyances de type mystique sont très anciennes, en revanche, la croyance en un Dieu date de l’époque de la naissance de la royauté. Pour croire en un Roi du ciel (Dieu), les hommes ont dû d’abord connaître un roi sur terre. «L’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle est capable de résoudre», affirmait Karl Marx. A la question de la nouvelle existence problématique de la classe aristocratique royalement dressée sur la population jusque-là évoluant dans une société primitive égalitaire sans classe sociale, il fallait trouver une solution (subterfuge) pour justifier et légitimer idéologiquement cette nouvelle forme de pouvoir dominant tyrannique : la sacraliser au moyen d’un esprit supranaturel créé à l’image du nouveau roi temporel ; le Dieu Tout-Puissant éternel. Le roi incarne Dieu sur terre, et Dieu est le roi désincarné au ciel. Qui vénère Dieu révère le roi. Le roi est aussi puissant et omniscient que Dieu. Son pouvoir est sacré. Qui craint Dieu craint le roi. Qui attente à l’honneur du roi blasphème Dieu. Ainsi, toute autorité royale est établie par Dieu, pour le bien de ceux qui lui sont soumis.
Paradoxalement, les deux entités sont royalement installées au firmament des galaxies gouvernementales : Dieu trône au Ciel, dans sa voute céleste éloigné du globe oculaire de ses adeptes incurieux, protégé de l’indiscret regard profane des disciples de la curiosité scientifique fondée sur la preuve ; le roi règne dans ses fastueux palais inaccessibles au commun des mortels, à l’abri de la proximité et promiscuité des masses populeuses asservies à son pouvoir incontesté et indiscuté : preuve de sa divine supériorité ou gage de sa sécurité personnelle, susceptible d’être détrôné ?
Il n’est donc pas étonnant que les rois et les dieux aient eu partie liée depuis toujours, les premiers sont censés incarner le pouvoir indiscuté des dieux sur terre. Pas étonnant non plus qu’ils aient tendance à chuter en même temps. L’extinction de la monarchie entraîne la mort de Dieu. Néanmoins, il convient de nuancer le propos. Etant entendu qu’aujourd’hui encore, si la royauté s’est partout effondrée, Dieu règne encore sur certains peuples, passionnément entichés de servitude volontaire. Les religions persistent à régner royalement sur les esprits de nombreux individus avides de soumission confessionnelle. Les hommes ne sont toujours pas maîtres de leur destin. Tout se passe comme s’ils aiment, par une forme de docilité moutonnière, soumettre leur destin à des maîtres (à penser) pour conduire (en laisse) leur vie.
Rien de surprenant pour des hommes nourris des siècles durant de religions de la soumission, d’idéologies de la résignation à l’ordre existant. Il y a une convergence entre les doctrines religieuses de la soumission à Dieu et les idéologies politiques et sociales de la résignation au pouvoir.
Au reste, l’Eglise sanctifie l’esclavage, donc l’asservissement au maître. Dans l’Evangile, Timothée 6.1-2, il est explicitement écrit : «Que tous ceux qui sont sous le joug de l’esclavage regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur […] Et que ceux qui ont des fidèles pour maîtres ne les méprisent pas, sous prétexte qu’ils sont frères ; mais qu’ils les servent d’autant mieux.» L’apôtre Paul déclare : «Exhorte les serviteurs à être soumis à leurs maîtres, à leur plaire en toutes choses.» Cette règle s’applique en particulier aux femmes invitées à se soumettre à leurs maîtres, autrement dit leurs maris : «Les femmes aussi doivent l’être à leur mari en toutes choses» (la soumission de la femme était la règle dans le monde chrétien, même si, aujourd’hui, la majorité des Occidentaux se gaussent de la misogynie des musulmans). Au vrai, la religion a été inventée pour justifier et légitimer toutes les formes d’oppression et d’exploitation.
Pour revenir à l’aspect historique, si la figure de Dieu a été modelée sur celle du roi (pourvu de tous les pouvoirs, auréolé de toutes les vertus), il en va de même des autres manifestations de la croyance religieuse. Il en est ainsi au plan du pouvoir. Si l’apparition de la royauté a constitué un bouleversement radical dans le mode de direction de la société, auparavant dirigée sur un mode collectif tribal égalitaire, cette révolution institutionnelle monarchique a été suivie d’un bouleversement tout aussi radical sur le plan religieux, incarné par l’apparition d’un personnage unique, Dieu. Ainsi, historiquement, Dieu est l’enfant du roi. La création du Dieu unique est l’œuvre de la royauté inique.
De manière générale, l’idéologie religieuse reflète toujours les bouleversements sociaux. La plus grande révolution sociale est certainement le passage de l’homme prédateur de la nature à l’homme créateur de sa production. En effet, les deux époques marquées par deux «civilisations» radicalement divergentes ont façonné deux mentalités religieuses totalement différentes. A la première civilisation paléolithique fondée sur la cueillette et la chasse exercée sur une nature dominant l’homme a correspondu les croyances animistes. Pour nos ancêtres dominés par les forces de la nature, derrière chaque espèce végétale, minérale, animale, se dissimule un Esprit.
Nos ancêtres primitifs étaient plus matérialistes. Ils croyaient aux pouvoirs des éléments de la nature. Chaque élément de la nature était doté, selon nos aïeux les terriens, d’un esprit (créateur). Leur polythéisme était plus rationnel et matérialiste que nos monothéismes magiques et ésotériques enfantins et infantiles, inventés par les classes régnantes et royales pour légitimer leur pouvoir de domination. Le polythéisme est plus «démocratique» que le monothéisme, car il admet la multiplicité des croyances, la diversité des dieux (il n’est pas surprenant que la démocratie soit née dans la péninsule grecque, célèbre pour son polythéisme). Le Dieu unique est, par essence, despotique : il n’admet aucun concurrent, aucun rival, aucune diversité de croyances (à l’image du roi (ou dictateur) s’imposant comme unique gouvernant). Le Dieu unique est adapté (et adopté) aux sociétés où règne la domination d’une classe tyrannique.
Pour justifier la soumission à un seul Dieu, Jésus a employé un argument tiré de la réalité de sa propre société fondée sur l’esclavage : «Nul serviteur ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il méprisera l’un et s’attachera à l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.» S’il est impossible de servir deux maîtres, à plus forte raison il est impossible de servir deux dieux (Mammon désigne le dieu de la richesse).
Avec la révolution néolithique, matérialisée par l’invention de l’agriculture, la domestication des animaux, la création de l’artisanat et la naissance de la ville et de l’écriture, l’homme devient maître de la nature et donc artisan de sa vie. A cette civilisation technicienne, façonnée par l’esprit de l’homme, a correspondu la religion du producteur tout puissant incarné par Dieu (image inversée de l’homme soumis au règne des nouveaux maîtres du pouvoir, les propriétaires d’esclaves, puis les patrons industriels). Dieu, roi (président), patron, trois entités identiques dressées sur la masse des peuples pour les dominer, les soumettre, les exploiter, les aliéner.
L’homme produit Dieu dans son cerveau. Dieu est le reflet de ses besoins individuels, de son fonctionnement cérébral, conscient et inconscient, corollaires des rapports sociaux au sein desquels est inscrite sa vie sociale. Ainsi, l’homme producteur et créateur a un Dieu producteur et créateur. En revanche, l’homme prédateur de la nature n’avait même pas un mot pour concevoir la notion de «création» (pour lui, chaque élément de la nature est l’œuvre de sa propre création animée par un esprit immanent). Aucune transcendance à l’œuvre de la création (de la nature). Donc aucune religion.
Avec la révolution néolithique, il en découle le passage de croyances fondées sur l'appartenance à la nature (animisme, totémisme) à des cultes fondés sur une création de la nature par un Esprit (Dieu), en vérité propriétaire d'esclaves ou patron déifiés. On passe de l'immanence de l'esprit à l'esprit de transcendance. L'esprit est expulsé de la nature créatrice vers le ciel des nouveaux maîtres de la terre, trônant dans les palais royaux et sacerdotaux.
Cette expulsion de l'esprit animant la nature sacrée nourricière trouve sa justification dans le nouvel ordre de production destructeur de la nature, entamé à l'époque néolithique. L'exploitation féroce et effrénée de la nature exige sa désacralisation. La nouvelle classe dominante esclavagiste désacralise la nature pour la soumettre à son esprit de prédation, à son culte profanateur productiviste mercantile. Au même moment où elle désacralise la terre, livrée désormais à une surexploitation effrénée, à la rapacité insatiable des propriétaires d'esclaves, elle sacralise le Ciel pour offrir une nouvelle religion consolatrice (compensatoire) aux femmes et hommes nouvellement réduits en esclavage, supporter leurs souffrances laborieuses contraignantes et aliénantes.
On connaît la suite de l'histoire productiviste de l'économie (agriculture intensive, déforestation, extraction des énergies fossiles). Depuis le néolithique, la nature a été totalement exploitée, et avec le capitalisme elle sera bientôt définitivement épuisée. Grâce à cette désacralisation, la nature a été vidée, au sens figuré et au sens propre du terme, de sa substance (matérielle et spirituelle), exploitée à outrance par les nouvelles classes mercantiles (propriétaires d'esclaves puis les industriels capitalistes). Depuis lors, la terre est devenue l'objet de toutes les destructions pour assouvir la faim inépuisable du dieu argent.
Ce dieu argent, nouveau totem des créatures méprisables de notre civilisation marchande.
Pareillement, la religion ne s'élève jamais au-dessus de la société. La religion ne reflète que l'idéologie dominante de la société à l'origine de la fondation de cette religion. Une société fondée sur l'ethnie produit une religion ethnique. Il suffit de lire l'Ancien Testament pour s'en convaincre qu'il a été écrit par et pour un peuple d'éleveurs. Une société où la femme est dominée produit une religion misogyne, comme l'islam, même si les musulmans prétendent le contraire. La lecture du Coran et la réalité quotidienne se chargent de démentir leurs élucubrations sur l'islam prétendument émancipateur de la femme : sourate Al Baqarah-223. «Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et œuvrez pour vous-mêmes à l'avance»; le verset 34/38 de la sourate 4: «Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes.
Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises ; elles conservent soigneusement pendant l'absence de leurs maris ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre l'inobéissance ; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand ».
Dans cette glorification de la soumission tous azimuts, la femme, symbole de la sensualité, incarnation de l'amour, doit impérativement être assujettie (pour éviter l'amollissement de la société patriarcale violente, la dévirilisation de l'homme pétri de religiosité belliqueuse symbolisée par la divinité masculinisée : Dieu ; l'adoucissement et l'humanisation des mœurs rustiques diffusées par cette religion phallocratique), et donc être reléguée au rang d'être subalterne. Il n'est pas surprenant de relever que les termes « misogynie », « sexisme ou machisme » n'existent pas dans la langue arabe. Et pour cause.
Une société dominée par le mode de production esclavagiste produira une religion légitimant l'esclavage, comme dans le judaïsme (il n'est donc pas étonnant que les sionistes s'appuient sur leur Thora pour justifier et légitimer leur entreprise colonialiste en Palestine).
Une société désespérée par l'échec d'une tentative de transformation sociale écrasée dans un bain de sang, produira une religion de la peine et de la consolation mystique dans l'isolement et la renonciation (comme c'est le cas de nombreuses sectes apocalyptiques ayant émaillé l'histoire). Une société dans laquelle une classe, autrefois opprimée, se voit devenir dirigeante produira une croyance qui justifie ce nouveau mode de fonctionnement social, comme c'était le cas pour le protestantisme face au catholicisme (on peut y inclure cette doctrine religieuse sécularisée nommée « stalinisme, nouvelle religion laïcisée - « athéisée » - d'une classe bureaucratique fraîchement arrachée à sa basse condition sociale paysanne, soudainement hissée au pouvoir par la grâce d'une révolution, qui dissimule son nom de révolution bourgeoise antiféodale).
À l'évidence, toute religion est politique. Toute l'histoire des religions nous le prouve. Aucune religion n'échappe à cette dimension politique inscrite dans son culte. De surcroît, au cours de l'histoire, la religion a toujours servi d'instrument d'asservissement pour les classes exploiteuses. Plus fondamentalement, toutes les religions sont expansives, se proclament « universelles », euphémisme pour désigner leur politique impérialiste. Le christianisme, à ses débuts, durant plus de trois siècles, a été une religion des opprimés. Émanation du judaïsme, cette nouvelle religion s'est bâtie contre la dépravation de la classe privilégiée judaïque alliée des Romains. La religion naissante chrétienne voulait révolutionner la société par la fin des injustices. C'est pourquoi elle a été condamnée et persécutée à la fois par la classe parasitaire sacerdotale rabbinique et les classes régnantes romaines. Par son message d'amour pour les opprimés, elle déclarait la guerre aux classes régnantes exploiteuses. Persécutée trois siècles durant par les Romains, elle a fini par être récupérée par le pouvoir romain décadent menacé d'effondrement.
En effet, à la faveur de la crise de l'empire romain envahi de toutes parts par des hordes de « barbares », l'empereur Constantin se résolut à se convertir au christianisme, pour se concilier sa population opprimée menaçante progressivement christianisée. Dès lors, le christianisme devint la religion (politique) officielle des classes régnantes aristocratiques européennes. L'Église s'installa au pouvoir. Elle se dota d'une papauté alliée de la royauté.
Ce tandem politico-religieux dominera le monde chrétien européen durant presque mille cinq ans. Ainsi, cette religion des opprimés se métamorphosera-t-elle, une fois intégrée dans les palais royaux, en religion politique impérialiste des souverains pontificaux et royaux.
L'Église a régné sur les âmes pour mieux dominer le corps de ses ouailles. Elle s'est nourrie du sang christique de ses adeptes, réduits en serfs producteurs des richesses accaparées par les institutions ecclésiastiques et nobiliaires. En outre, elle s'est livrée, en association avec les souverains royaux, à une politique d'impérialisme sous couvert de guerres de religion désignées sous le nom de Croisades. Elle a légitimé et béni les conquêtes colonialistes entreprises par le capitalisme naissant. Elle a religieusement cautionné et glorifié l'esclavage des Noirs. Elle a lâchement béni par son silence complice l'entreprise guerrière et exterminatrice des régimes impérialistes (Français, Britannique, Allemand, Américain).
L'islam n'est pas mieux loti. Dès sa naissance, il a affiché sa volonté d'expansionnisme territorial, son prosélytisme belliqueux, sa nature impérialiste, en résumé : ses véritables ambitions politiques colonialistes et dominatrices. Cette religion, née dans le sable, bâtie par le sabre, en moins de deux décennies, a conquis par la force et converti par la contrainte plusieurs pays. Qui plus est, comme le christianisme, toute son histoire a été jalonnée de guerres et de conflits de pouvoir. Quasiment tous les successeurs du prophète Mohamed ont été assassinés par leurs proches collaborateurs dévorés d'ambitions politiques. La religion leur a servi de tremplin pour assouvir leur soif de pouvoir.
L'islam s'est propagé par la force, avec comme fondement l'appât du gain, galvanisé par l'esprit du lucre, non par la conviction religieuse ; par l'invasion guerrière des territoires, non par la conquête spirituelle des cœurs. Il ne faut pas oublier que les habitants des pays conquis devaient s'acquitter d'un impôt, payer un tribut. C'est pour échapper à cette imposition forcée qu'ils préféreront se convertir à la nouvelle religion conquérante. Ainsi, la violence en islam imprègne sa politique culturelle et cultuelle dès sa fondation.
L'islam, surgi accidentellement, tel un volcan soudainement en éruption, dans une société tribale marquée par la violence, demeure toujours prisonnier de l'esprit politique dominateur et expansionniste qui a présidé à sa fondation.
Dans sa genèse comme aujourd'hui, historiquement l'islam a été fondé par l'esprit de conquêtes et l'ambition de la puissance de l'argent. Récemment, Daech ne s'était-il pas imposé et enrichi grâce aux butins de guerre (comme aux temps de la fondation de l'islam) et au contrôle du pétrole, du gaz, la vente des femmes. Le pouvoir islamique, dans sa phase d'expansion politique, s'est bâti sur l'esprit de domination plus que le respect des hommes. Dès les premiers temps de l'islam, les califes avaient soumis les opposants et banni ou condamné toute personne tentée par le questionnement du fonctionnement de la société et du pouvoir. Car, selon le pouvoir islamique, seul Dieu, par le biais de ses représentants terrestres autoproclamés, peut réfléchir sur l'organisation de la société et définir les normes morales organisations. Dans la société islamique, le croyant n'a rien à compléter, à modifier, à transformer. Il doit se contenter d'obéir aux préceptes dictés par le texte sacré et ses gouvernants sacralisés.
De nos jours, l'islam s'est encore amplement dévoyé par sa politisation extrémiste. Nul besoin de retracer en détails les ravages de l'islam politisé ou de la politisation de l'islam actuellement en œuvre dans tous les pays musulmans, renouant ainsi avec ses orientations belliqueuses originelles, ses mœurs guerroyantes de sa genèse, de sa tribale jeunesse. Qu'il nous suffise de rappeler les points saillants suivants. Sa volonté totalitaire de régenter la vie de son adepte depuis le berceau jusqu'à la tombe, dans ses moindres attitudes, illustre sa nature foncièrement despotique. L'islam a toujours été l'allié objectif des dictatures politiques, des despotismes culturels, des totalitarismes sociétaux. Il faut vivre dans un pays musulman pour mesurer le poids de son absolutisme autocratique. Ennemi de la liberté de conscience, de la liberté d'expression, l'islam obère tout progrès de développement démocratique et économique. Sa focalisation obsessionnelle pour les préceptes du passé lui fait oublier les principes progressistes du présent et ignorer totalement la nécessité d'élaborer la planification du futur. Cette religion de l'autruche se voile la face pour ne pas avoir à devoir affronter la réalité, à bâtir une existence laborieuse fondée sur la production de l'être social terrestre fondé sur le travail, et non sur la spéculation spirituelle accomplie dans la prosternation devant les puissants, ces dieux terrestres, incarnation du Dieu céleste, extasiés d'être révérés avec autant de servitude volontaire religieusement ployée et déployée.
Au sein de la société islamique, le moi, autrement dit la mentalité de l'homme musulman, conditionnée et psychiquement structurée par la religion, n'est pas déterminé par son monde intérieur, mais par les textes coraniques et l'influence omnipotente de la communauté.
Dans la culture musulmane, la société ordonne à la conscience de l'individu d'accomplir une unique mission : se soumettre scrupuleusement au texte coranique. Ainsi, être musulman signifie abdiquer son individualité pour se dissoudre dans la communauté. En islam, il n'y a pas de subjectivité.
Cependant, il en était ainsi du judaïsme et du christianisme (y compromis sa variante orthodoxe) du temps de leur règne despotique et meurtrier sous le féodalisme triomphant. C'est l'expansion du mode de production capitaliste dans les pays occidentaux qui a relégué ces religions à un rôle subalterne, périphérique, d'assistant des basses œuvres du capital triomphant. Le retard économique du monde arabe et d'autres peuples du Tiers-monde féodal (primitif, paysan colonisé) explique seul la prévalence et la pérennisation de cette mystique religieuse archaïque. Et la résurgence du djihadisme ne constitue qu'une réaction de survie de la part des anciennes classes dominantes archaïques que le grand capital international instrumentalise pour servir ses intérêts et ralentir le développement économique de ces pays pourvus d'importantes richesses naturelles, convoitées par les puissances impérialistes.
Pour ce qui est de l'Algérie, l'islam radical est apparu au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Il n'est pas inutile de noter d'emblée la congruence historique entre la naissance de l'État-nation algérien et le surgissement de l'islamisme (objet de notre prochain texte). En effet, on ne peut pas comprendre et expliquer l'apparition de l'islamisme sans l'inscrire dans le prolongement de la fondation de l'État algérien. Sans édification de l'État algérien, pas d'enfantement de l'islam radical. Sans structures étatiques éducatives et médiatiques instituées au lendemain de l'indépendance, l'islamisme n'aurait jamais vu le jour.
Il serait demeuré dans la nuit de ses ténébreuses et sages pratiques locales tribales. En résumé, durant des siècles, les Algériens observaient un islam traditionnel villageois fondé sur la tolérance. Une fois l'Algérie indépendante, l'islam se politise ou plutôt la politique s'islamise, comme il est de coutume dans un pays musulman où la religion est érigée en religion d'État et l'État en religion, sacralisé comme une déité devant laquelle le peuple doit se prosterner. L'islam a toujours été instrumentalisé par les successifs régimes algériens aux fins d'asservissement du peuple et de dévoiement de la politique. L'islam a été délibérément introduit dans l'espace politique pour contrer les forces oppositionnelles bourgeoises et socialistes progressistes.
De toute évidence, l'institutionnalisation de la religion s'est traduite par la régression de sa dimension tolérante et de sa « mission spirituelle ». L'islam est devenu un simple instrument politique au service des États musulmans despotiques.
Le judaïsme, religion minoritaire millénaire, était au XIXème siècle, à la faveur de l'émancipation des Juifs opérée en Europe, en voie d'extinction. En effet, par son émancipation, une grande majorité de Juifs s'était intégrée, voire totalement assimilée à sa société d'« accueil », son pays « adoptif » (la France, l'Allemagne, l'Autriche, l'Angleterre, les États-Unis, etc.). Cette religion opprimée, de tout temps « apolitique », dépourvue de toute dimension universelle (car elle ne s'adonne plus au prosélytisme), et donc de toute ambition de domination, va se fourvoyer dans l'impérialisme européen triomphant du XIXème siècle, et se dévoyer dans la religion colonialiste et raciste prépondérante à l'époque (le christianisme sous toutes ses variantes totalitaires chapeauté par le capitalisme triomphant). Tout se passe comme si, devant le déclin de l'emprise du judaïsme sur ses ouailles converties au capitalisme libéral et libre penseur, réalité illustrée par l'éloignement de la religion ou conversion au protestantisme ou au catholicisme d'une importante frange judaïque, les instances rabbiniques politisées, soucieuses de stopper l'hémorragie religieuse, ont confectionné un dérivatif politique pour réanimer la foi juive au moyen d'une entreprise impérialiste de création d'un foyer juif sur la base du mythe d'une ancienne nation juive détruite.
C'est la naissance du sionisme, antithèse du judaïsme pacifique millénaire, le début de la religion judaïque dévoyée vers un projet politique raciste colonialiste issu de l'impérialisme européen. La suite, tout le monde la connaît : la fondation coloniale de la Palestine par des sionistes, justifiée et légitimée au nom de l'irrationnel et fallacieux « droit de réappropriation » du sol palestinien effectivement habité durant l'Antiquité par des populations sémites disparates de confession judaïque, mais converties ultérieurement, au fil des siècles et des vicissitudes de l'histoire, au christianisme, puis à l'islam, devenues ainsi palestiniennes (ironie de l'histoire, les protagonistes instigateurs du mouvement sioniste, citoyens européens, américains ou autres, n'appartiennent absolument pas au rameau « racial » sémitique, autrement dit ce ne sont pas des sémites, mais issus des populations turcophones (les Khazars) d'Asie Centrale, converties tardivement au judaïsme, conversion opérée à partir du VIIème siècle ; et les populations établies en Palestine, aujourd'hui arabes et musulmanes et moindrement chrétiennes, sont les véritables descendantes des multiples tribus antiques de confession judaïque, autrement appelées Juifs).
Rien de nouveau sous le Ciel de Dieu, de Yahvé ou d'Allah : la politique poursuit sa voie serpen-tueuse au service de la religion, et la religion poursuit sa route tor-tueuse au moyen de la politique.
« Le degré d'inhumanité d'une religion en garantit la force et la durée : une religion libérale est une moquerie ou un miracle. » Emil Michel Cioran.
Août 12, 2020
Par Mesloub Khider
https://www.algeriepatriotique.com/2020/08/12/la-vocation-politique-de-la-religion-est-inscrite-dans-sa-genese-i/
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5305463
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