« Si vous n'êtes pas vigilants, les médias arriveront à vous faire détester les gens opprimés et à aimer ceux qui les oppriment. » Malcolm X
M. Darmanin et d'autres, vous qui interdisez la manifestation de soutien au peuple palestinien à Paris, pourriez-vous cependant remplacer ce temps de marche solidaire par celui de l'instruction aux faits historiques au lieu de brandir dans vos discours le spectre de l'antisémitisme, ou d'agiter celui de "l'islamo-gauchisme" inventé, ou encore de prétendre vous préoccuper de l'ordre et de la sécurité de l'ensemble de vos concitoyens ? Et vous, médias, pourriez-vous relayer autre chose ?
Vrais marcheuses et marcheurs, ceux de la marche solidaire indignée qui bat pacifiquement le pavé, vous ne pouvez pas manifester votre solidarité aujourd'hui. Alors, si ce n'est déjà fait, vous pouvez vous procurer et lire ce petit livre de 70 pages, clair et documenté, et voir, en VOD ou en DVD, un film loin de ce que les médias appellent "le conflit israélo-palestinien", qui rassemblent connaissances et analyses des historiens, diplomates, juristes en Droit International etc. mais aussi témoignages, et racontent tous deux de manière complémentaire une autre histoire de la Palestine, sa vérité historique. Et puis vous pouvez conseiller ceux-ci autour de vous, les faire connaitre, comme un geste d'indignation, de solidarité, soulignant votre attachement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et poursuivant votre lutte pacifiste par la connaissance des faits contre cet obscurantisme qui voudrait régner pour masquer les méfaits du capitalisme.
Palestine, plus d'un siècle de dépossession de Jean-Pierre Bouché, est un guide utile pour connaître la vérité de l'histoire de ce pays et de sa population de 1808 à nos jours (2e édition revue et augmentée, Scribest éditions/Récit Présent, 2020). Le char et l'olivier, une autre histoire de la Palestine est un film documenté qui brise le silence, réalisé par Roland Nurier (Hérisson Rebelle productions, 2018).
La propagande sioniste fonctionne sur des idées simples : « Nous rentrons après 2000 ans d’exil » ; la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » ; « En 1948, les Arabes sont partis d’eux-mêmes » ; « Après ce qu’ils ont subi, ils ont bien le droit à un pays »... Il est indispensable de raconter la vérité historique. C’est ce que fait ce livre, nombreux documents à l’appui. Pierre Stambul, coprésident de l’Union juive française pour la paix, auteur de Israël-Palestine : du refus d’être complice à l’engagement et Le Sionisme en questions.
Le début de de la vérité historique commence ainsi...
L'histoire d'Israël commence dès 1808 en Angleterre impérialiste avec la célèbre formule inventée par "les restaurateurs" des années 1838 à 1855, tel lord Shaftesbury : "Une terre sans peuple pour un peuple sans terre." Cette idéologie ne tombe pas du ciel, au XIXe siècle, la France, la Russie et la Grande-Bretagne se font en effet concurrence pour dépouiller l'Empire ottoman.
En 1882, la Palestine fait partie de l'Empire ottoman. Elle compte 300 000 habitants de diverses religions, musulmans, chrétiens ou juifs, qui vivent paisiblement. Mais l'Empire ottoman, le "malade de l'Europe", est depuis longtemps l'objet des convoitises occidentales. A cette date, les premiers colons sionistes venus d'Europe rompent avec la tradition de main d’œuvre agricole : ils expulsent les fermiers palestiniens de leurs fermes et leur prennent leurs terres.
Nul n'est sensé ignorer le combat Dreyfus mais qui se préoccupe de retracer aussi l'histoire de la Palestine, ce depuis le pamphlet de Theodor Herzl, journaliste conservateur austro-hongrois de confession juive, publié en 1895 ? L’État des juifs, essai d'une solution moderne de la question juive" Pour son projet, Herzl s'inspire des sociétés de colonisation capitalistes et ce dont il rêve n'est pour ainsi dire déjà pas "très joli" : "Nous inciterons la population démunie à passer la frontière en lui procurant de l'emploi dans les pays de transit, tout en la privant de travail dans notre pays. Les propriétaires seront de notre côté. Le processus d'expropriation et le retrait des pauvres doivent être menés discrètement et avec circonspection." Le 29 août 1897, Herzl réunit un congrès à Bâle qui compte quelque deux cents participants qui fondent le sionisme comme courant politique et nationaliste et non pas religieux. Ce congrès définit son objectif : "la création en Palestine, pour le peuple juif, d'un Foyer garanti par le droit public." Il recommande : l'encouragement systématique de la colonisation de la Palestine par l'établissement d'agriculteurs, d'artisans et d'ouvriers juifs ; l'organisation et la fédération de tout le judaïsme au moyen de sociétés locales et de fédérations générales dans la mesure où le permettent les lois ; le raffermissement du sentiment juif et de la conscience nationale du peuple juif ; des démarches préparatoires afin d'obtenir des gouvernements le consentement nécessaire pour atteindre le but du sionisme. Ces quatre recommandations contiennent toute l'histoire du sionisme.
Si je devais résumer ce congrès - ce que je me garderai bien de faire publiquement - je dirais : à Bâle, j'ai fondé l’État juif... Si j'affirmais cela à haute voix aujourd'hui, tout le monde me rirait au nez. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante certainement, tout le monde en conviendra. Theodor Herzl, Briefe und Tagebücher (éd. Propylaen, 1983)
Les actes du congrès de Bâle sont publiés en 1898. En 1899, le maire de Jérusalem, Youssouf Zia al-Khalidi, adjure le grand rabbin de Paris, Zadok Kahn, en ces termes : "Au nom de Dieu, laissez la Palestine en Paix !" Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Benny Morris (Complexes, 2003)
A partir de1898, Herzl cherche pour son projet d'autres appuis, tel celui de l'empereur d'Allemagne, Guillaume II, le sultan Abdoul Hamid II à Istanbul, le ministre de l'Intérieur russe Viatcheslav Plehve, organisateurs de pogroms antisémites à Kichinev... En 1901, le cinquième congrès sioniste érige avec le Keren Kayemeth LeIsrael-Jewish National Fund, fond international d'achat de terres et de colonisation en Palestine qui stipule que toute acquisition foncière devient une propriété inaliénable du peuple juif, le processus irréversible de colonisation.
90% des donateurs sont de riches bourgeois installés dans des pays anglo-saxons où l'antisémitisme ne sévit pas. 90% des colons juifs viennent d'Europe de l'Est, ravagée par la pauvreté et le racisme. Les terres acquises par le fond international sont vidées de leurs cultivateurs palestiniens puis louées exclusivement à des colons juifs. En signant leur bail, ceux-ci s'engagent à employer de la main-d’œuvre juive.
Dès sa naissance, le modèle se révèle donc être celui de colonisation de peuplement basée sur une stricte séparation ethnique, géographique et foncière.
Suivent des "temps modestes" avec, en 1909, la décision de création d'une nouvelle ville, exclusivement juive, Tel-Aviv avec 35 000 habitants. Jaffa, encore mixte, compte 30% de juifs et 70% de palestiniens. Elle est à la veille de son nettoyage ethnique de 1948.
La guerre de 14-18 sera l'occasion de nouveaux appuis. L'Empire ottoman prend le parti de l'Allemagne. Bien des tractations s'ouvrent du côté britannique. Le chérif Hussein, représentant du sultan ottoman, à l'instigation de Londres, prend la tête de la révolte arabe contre le pouvoir ottoman. D'accord en accord, la France demande sa part du gâteau à la Grande-Bretagne. Cela conduira aux accords secrets de Sykes-Picot de mai 1916 en vertu desquels Britanniques et Français se partageront le Proche-Orient. En 1917, les États-Unis rejoignent les Alliés qui incluent la Russie. Les troupes Britanniques s'apprêtent à conquérir la Palestine. Un soutien au sionisme freinerait l'hostilité des Juifs russes à la guerre et rallierait les Juifs américains, hostiles aux russes, au camp anti-allemand. Arthur Balfour, secrétaire au Foreign Office, fait parvenir à Lord Rothschild, membre du comité politique de l'organisation sioniste, une lettre annonçant que le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
On notera qu'en l'espace de deux ans, la Palestine fut donc promise à trois destinataires différents : le chérif Hussein, le mouvement sioniste et l'Empire britannique. Le "Foyer national", euphémisme pour "État" est donc bien largement le produit du colonialisme britannique.
En 1919, la commission King-Crane, envoyée par le président des Etats-Unis Woodrow Wilson, pour mener une enquête sur les souhaits de la population palestinienne, affirme Si ce principe doit commander, et si les souhaits de la population palestinienne doivent décider de ce qui doit être fait en Palestine, alors il faut se souvenir que la population non juive, les neuf dixièmes de la population totale, est absolument contre tout le programme sioniste.(...) Soumettre un peuple qui pense ainsi à une immigration illimitée et à une pression continue, financière et sociale, pour abandonner ses terres, serait une violation grossière des principes cités plus haut, et des droits des peuples, même si c'est présenté sous une forme légale.
Mais à peine ces conclusions publiées, les États s'entendent pour n'en tenir aucun compte. La contradiction entre la Convention [de la Ligue des Nations ] et la politique des Alliés est encore plus flagrante dans le cas de la Palestine que pour 'la nation indépendante' de Syrie. Parce qu'en Palestine, nous n'avons pas l'intention de faire semblant de consulter les vœux des habitants actuels du pays, même si la commission américains [King-Crane] a fait semblant de demander ce qu'ils sont. déclare Arthur Balfour
Les quatre grandes puissances sont donc bien engagées pour le sionisme. 1920-1921, instauration dans différentes régions du Proche-Orient de mandats. La toute nouvelle Société des Nations attribue le mandat pour la Palestine à la Grande-Bretagne. 1923, la colonisation s'accélère. 1925, Vladimir Jabotinsky, ancien combattant aux côtés des britanniques contre les Turcs, fondateur du mouvement "révisionniste", admirateur de Mussolini, déclare le sionisme violent comme seul moyen de parvenir à l’État juif. L'idée que le sionisme devra s'imposer par la force, par celle d'une armée juive, le 'Mur de fer', découle de la façon dont Jabotinsky envisage le sionisme. De 1921 à 1928, Ben Gourion, secrétaire général de 'l'organisation des travailleurs de la terre d'Israël" voit, lui, l'emploi mixte comme un fléau : Si nous voulons une rédemption hébraïque à 100%, il nous faut une colonisation 100% hébreu, une ferme 100% hébreu, un port 100% hébreu. (Conseil national du Yishouv, 1936).
Face à cette colonisation sioniste, soutenue par l'armée et l'administration britannique, la politique palestinienne reste prisonnière des luttes d'influence. Pendant que la politique palestinienne s'interroge sur ce qu'elle a de mieux à faire et auprès de qui, la révolte gronde au sein de la population.
1929, une première grande révolte éclate en août, suite à une modification opérée par les Juifs de l'accès au Mur des lamentations. Les émeutes se propagent à toute la Palestine, elles font de nombreux morts et blessés de part et d'autre, sauf là où un voisinage et une solidarité de longue date l'emportent. La justice mandataire inculpe 124 Palestiniens, en condamne 55 et en exécute 3. Sur 70 inculpés juifs, 2 sont condamnés. Les conclusions de la commission Shaw, puis celle du rapport Hope-Simpson comme celles du Livre blanc britannique mettent ensuite toutes l'accent sur les méfaits de la colonisation. Celles-ci seront de nouveau enterrées.
Vous en êtes à la page 22 du livre. Si vous voulez connaitre la suite de la vérité historique jusqu'à nos jours et comprendre, poursuivez la lecture du livre et regardez le film.
J'avais l'impression d'avoir une montagne devant les yeux... Et pourtant, elle pleurait. J'en ai vu des gens pleurer, j'en ai vu des larmes. Larmes d'émotions et de tristesse, de désespoir et de supplication. Larmes du refus impuissant, de la colère désarmée. Larmes de fatigue et de faim. Larmes d'amour. Mais les larmes d'Oum-Saad, jamais je n'en ai vu de semblables. Elles viennent comme jaillit la source, du plus profond de la terre, attendue de toute éternité. Elles viennent comme un sabre sort de son fourreau : sans bruit... Et puis elles s'arrêtent, tout près de l’œil, l’œil qui cependant n'a rien perdu de sa noblesse. Elles n'ont pas coulé. De ma vie je n'ai vu quelqu'un pleurer ainsi.
Oum-Saad la matrice, in Des hommes dans le soleil de Ghassan Kanafani (Editions Sindbad, 1977)
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
Article 35 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
- 5 MAI 2021
- PAR TOUTEFOIS
https://blogs.mediapart.fr/toutefois/blog/150521/palestine-plus-dun-siecle-de-depossession
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