Avant d’intégrer Saint-Cyr, Jallal Hami et sa famille avaient fui les islamistes en Algérie dans les années 80. Plus tard, il entre à Sciences-po où il se démarque par son "gros charisme".

Jallal Hami, mort à 24 ans lors d’un exercice de transmission des traditions à Saint-Cyr en 2012 pour lequel sept militaires sont jugés cette semaine à Rennes, avait quitté l’Algérie et intégré Sciences-po, puis Saint-Cyr, avec la volonté "d’être exemplaire".

"Trublion de Sciences-po"

Quand Rachid Hami lit à haute voix la lettre de motivation pour intégrer Saint-Cyr écrite par son frère, l’émotion est vive au tribunal correctionnel de Rennes. Il y promet de servir la nation "avec honneur et fierté", explicite la nature "de son engagement", fruit "d’un travail acharné".

Jallal Hami est né le 29 mai 1988 en Algérie, à l’aube de la "décennie noire". Sa mère, directrice de collège, s’oppose aux islamistes qui veulent imposer des prières dans l’établissement. Leur maison est mitraillée en pleine nuit. Une protection policière est mise en place. "Pour certains la guerre c’est un jeu, l’ennemi c’est quelque chose d’exotique. Jallal, comme moi, nous l’avons rencontrée", lance Rachid, très présent tout au long du procès. 

Sa mère, enceinte d’un troisième enfant, décide en 1992 de quitter l’Algérie sans son époux, qui préfère rester : direction la Seine-Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine. "À la violence du déracinement, il y avait aussi le déclassement social", rappelle Rachid, qui a joué dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche et a réalisé La Mélodie avec Kad Merad.

Jallal, lui, passe un Bac Lettres et histoire en 2005 et entre à Sciences-po dans le cadre de la convention éducation prioritaire (CEP) destinée à diversifier le profil des étudiants. "C’était un trublion à Sciences-po, avec un gros charisme. Il arrivait d’un lycée CEP, son grand truc était de demander 'tes parents font quoi ?'. Il aimait se moquer des 'fils de’", se souvient Jérémie, 32 ans, venu assister au procès avec d’autres camarades de promo.

Resté huit jours à la morgue, le corps de Jallal Hami a été au cœur d’une autre bataille : où allait-il reposer ?

Puis en 2012, il intègre Saint-Cyr. Par une cruelle ironie de l’histoire, c’est Hervé Wallerand, jugé pour homicide involontaire, qui figure dans le jury recruteur. Il insiste pour que Jallal Hami intègre la prestigieuse école militaire, percevant "des qualités spécifiques" chez le jeune homme. Selon la déposition de sa mère aux enquêteurs, il se dit "content" de ses premiers mois à Saint-Cyr. Mais il trouve que les activités de "transmission des traditions", au cœur du procès, lui pèsent, car elles engendrent un manque de sommeil, avec des footings en pleine nuit. En revanche, le déplacement à Verdun, avec sa promo, l’émeut.

L’élève-officier découvre aussi l’univers propre à Saint-Cyr Coëtquidan, placé "à l’ours" (aux arrêts) deux jours pour une histoire de baïonnette. Le 30 octobre, après un exercice de bahutage, il est retrouvé noyé dans la vase d’un étang.

Jallal Hami mort, la famille doit encore livrer "une autre bataille", selon Me Camille Radot : "Le corps de Jallal est resté huit jours dans une morgue pendant que Rachid, avec le général Antoine Windeck (qui dirigeait l’école au moment des faits NDLR) se battaient avec l’armée pour qu’on enterre son frère avec les honneurs militaires". Après une cérémonie au fort de Vincennes qui a finalement lieu le 7 novembre, le sous-lieutenant Jallal Hami est enterré au Père-Lachaise. Me Jean-Guillaume Le Mintier, autre avocat de la famille Hami, a tenu à rappeler à la barre : "La famille a décidé de donner ses organes. Il a peut-être sauvé d’autres vies. Il laissera une trace indélébile".

 

 

Par SudOuest.fr avec AFP

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