Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
En 1952, le colonel Charles Larcheroy est le premier à utiliser le terme de guerre révolutionnaire dont le concept repose sur le contrôle et la prise en main de la population, ce qui a pour conséquence de rendre la population immédiatement suspecte. La guerre d'Indochine menée jusqu'à l'insurrection aboutissant à la décision politique et militaire se termine le 20 juillet 1954. La guerre révolutionnaire fait son entrée à l'École supérieure de guerre. L'insurrection algérienne éclate le 1 novembre. La loi du 3 avril 55 instaure l'état d'urgence et le général Adbertin préconise : les assignations à résidence - les perquisitions de jour comme de nuit - le droit de suspendre des fonctionnaires ou élus - l'interdiction de réunions publiques.
L'année 1955 voit l'ouverture du Centre d'instruction de la pacification et de contre-guérilla : « mise en service systématique de mesures et de moyens variés destinés à influencer l’opinion, les sentiments, l’attitude et le comportement d’adversaires déclarés (armée et population) dans un sens favorable aux plans et objectifs définis par le gouvernement et le commandement ». Un manuel d'instruction provisoire sur l'emploi de l'arme psychologique est rédigé, au programme : la guerre révolutionnaire - l'action psychologique et militaire - le renseignement. Dorénavant, la destruction de l'adversaire passera par le démantèlement de ses structures politiques et la reprise en main de la population.
Le 4 janvier 56, les pouvoirs de police (PU, PJ, DST, RG) sont remis au général Massu. La Casbah d'Alger abrite 70.000 personnes vivant sur une vingtaine d'hectares qui concentre la majorité des effectifs du FLN algérois évalués à 1.400 militants, et le réseau chargé de la fabrication des bombes. Le fief du FLN est bouclé, des postes militaires en filtrent les entrées et les sorties, ses ruelles font l'objet de patrouilles. La capitale et ses environs sont divisés en secteurs, sous-secteurs, îlots, groupes de maisons, d'immeubles. Chaque demeure est référencée avec ses occupants et chaque individu a un numéro individuel. A la tête de chaque découpage, un responsable est chargé de consigner les mouvements des habitants dont il a la responsabilité. La nuit, les « paras » procèdent à des contrôles surprises afin de s'assurer que tout le monde est bien au bercail et que la maisonnée n'accueille pas un terroriste. De son côté, la population pied-noir dénonce tout étranger dans son quartier.
Le « dispositif de protection urbaine » repose sur les patrouilles surprises composées de huit militaires et un sous-officier qui se déplacent à bord d'un 4 x 4. Le chauffeur s'arrête où bon lui semble pour permettre à l'équipage de procéder au bouclage d'une rue et fouiller les individus qui s'y trouvent. L'opération terminée, les militaires rembarquent et renouvellent l'opération qui mise sur la surprise en un autre endroit.
Les Sections administratives spéciales et les Sections administratives urbaines vont tisser une toile administrative nouvelle qui va se substituer aux pouvoirs locaux dans tous les domaines de la vie courante : administration - économie - éducation - santé et ainsi contribuer au contrôle et à la pacification de la population. Le contact entre les « services psychologiques » et la population, vise à éradiquer l'influence du Front de libération nationale et celui de l’Armée de libération nationale.
L'année 1957 voit la création du Cinquième bureau en charge de l'action psychologique et du Groupe de renseignement et d'exploitation dont l'objectif est le retournement des rebelles interpellés. Les personnels des détachements opérationnels de protection (DOP), bénéficiaires du statut « en service spécial » sont autorisés à revêtir la tenue civile, à circuler à toute heure et en tout lieu, à transporter tout document, matériel, ou toute personne dont ils n'ont pas à en révéler l'identité. Lors de la « bataille » d'Alger, chaque unité reçoit des listes de suspects établies par les RG. Les militaires commencent par « éplucher » les fichiers de police pour loger les suspects qui seront arrêtés nuitamment. Les suspects interpellés ne sont pas regroupés avant leur interrogatoire, ils sont immédiatement interrogés par l'officier de renseignement (OR) du régiment ou de l'unité. Il suffit d'arrêter chaque personne au sommet de la cellule clandestine (chef de groupe ou de section) pour rompre la chaîne et ensuite interpeller les subalternes. L'organigramme du FLN va très vite être reconstitué : collecteurs de fonds, colleurs d'affiches, guetteurs, messagers, hébergeurs, activistes, artificiers, complices, sympathisants, etc. Ceux qui ont la chance de pouvoir s'échapper n'ont d'autre alternative que de rejoindre le maquis.
Le mois de mai 1958 voit la naissance du Centre d'entraînement à la guerre subversive, où les officiers font un passage de quelques semaines. « L’action psychologique doit atteindre l’individu au travers de son milieu (Français de souche européenne, Arabe, Kabyle, Musulman, Israélite), moralement, sociologiquement défini ». En décembre 1958, le général de Gaulle propose aux colonies françaises d'Afrique noire de choisir leur destin... Un effet d'engrenage à cliquet va s'enclencher. Pour le général de Gaulle, la guerre ne peut être que militaire. « Quant à l’Armée, elle doit bien se convaincre que son rôle est purement technique. Elle est là pour exécuter les ordres qui lui sont donnés ». Pour le général de brigade, l'arme psychologique est susceptible de politiser les Armées, ce en quoi il n'avait pas totalement tort... Le 5e Bureau est dissout le 15 février 59, il va s'ensuivre le déplacement de plus d'un millier d'officiers ! Le Centre d'instruction et de perfectionnement des commandos de chasse (CIPCC) est créé. Les commandos de chasse relèvent du Centre de coordination interarmes.
Le 24 janvier 1960, les pieds-noirs descendent dans la rue, l'état de siège est décrété. Les militaires de la 10° DP soupçonnés d'être partisans de l'Algérie française sont relevés par d'autres unités. L'Organisation de l'Armée secrète est créée le 11 février 61. Le plan de l'OAS est simple, peut-être un peu trop... Il s'inspire de celui des insurgés de Budapest (1956), le combat en milieu urbain et de la GR. Les militaires séditieux projettent d'occuper les bâtiments publics et les points stratégiques de la ville d'Alger, opération qui doit être suivie à la nuit tombée, d'un soulèvement militaire dirigé contre Paris ! Le 22 avril, les rues d'Alger résonnent aux paroles de « La Marche des Africains », un chant interdit. La radio diffuse des discours en faveur de l'Algérie française. De Gaulle s'adresse sur les ondes, aux hommes du contingent pour leur enjoindre de ne pas exécuter les ordres de leurs supérieurs factieux.
Le 18 juin 1961, le train Paris Strasbourg déraille à la hauteur du petit village de Blacy, une bombe a été déposée sous le rail. L'attentat qui a fait 28 morts et 132 blessés ne sera jamais revendiqué et il faudra attendre 1996 pour qu'il soit reconnu comme tel par l'État ! Selon les historiens, cet attentat commis le jour de l'Appel du 18 juin et qui restera longtemps le plus meurtrier en France, a été commandité par l'OAS qui pouvait compter sur une dizaine d'organisations parisiennes.
Le 26 mars 1962, la manifestation des partisans de l'Algérie française est réprimée par l'armée, bilan 54 morts. L'indépendance est proclamée le 3 juillet. Le putsch des généraux : Challe - Jouhaux - Salan - Zeller a échoué. Dans une note du 20 avril, on peut lire : « Le mythe de la guerre subversive doit être abandonné. Les méthodes d'une telle guerre valent chez les peuples sous-développés et mûrs pour la révolution, mais demeurent inefficaces dans un pays repu. Les Français ne se manœuvrent pas comme un régiment de parachutistes et la France ne se conquière pas comme un piton ». Les stratèges étoilés avaient oublié de relire Machiavel : « Il n'y a rien dont l'exécution est plus difficile ou la réussite plus douteuse, ou le maniement plus dangereux, que l'instauration d'un nouvel ordre des choses ».
Leurs erreurs principales : la création d'un organigramme stéréotypé sur l'articulation militaire - d'avoir pensé qu'une guerre d'inspiration révolutionnaire avait sa place dans le conflit - leurs scrupules qui les ont fait renoncer à l'affrontement militaire. S'il est toujours possible sur le papier de remplir les cases vides, dans la réalité encore faut-il disposer des effectifs et des fonds ! L'OAS ne pouvait compter que sur 1.000 combattants et 3.000 militants infiltrés. Les commandos Delta ; déserteurs de l'armée dont certains resteront en cavale une dizaine d'années, en Italie et en Espagne principalement, se demanderont s'ils n'ont pas été sacrifiés en vain.
Les conflits d'Indochine, d'Algérie et la guerre froide allaient imprégner l'esprit de l'armée et son instruction pendant au moins deux générations. L'École supérieure de guerre va partager son savoir fraîchement acquis avec plusieurs dizaines d'armées étrangères qui vont tirer la quintessence de l'expérience française pour créer leurs propres centres de formation. Avec l'explosion de sa première bombe « A » le 13 février 1960 dans le Sahara, la France dispose d'une nouvelle arme « psychologique », la dissuasion nucléaire. La Défense Opérationnelle du Territoire est à l'ordre du jour. En janvier 63 est créé à Givet le premier Centre d'entrainement commando. En janvier 64, le Centre national d'entraînement commando de Mont-Louis destiné à former les formateurs des CEC ouvre ses portes. L'instruction militaire sera profondément modifiée à la suite des événements de mai 1968... Le gouvernement redoute la porosité entre la Guerre révolutionnaire, la Guerre froide et le terrorisme urbain. L'instruction militaire est à double tranchant, pas question que le conscrit échappe à n'être que la chose servile de l'État. On va former le « bidasse » au Combat Rapproché Anti-Chars (CRAC) en préparation à l'affrontement avec les Armées du Pacte de Varsovie. L'instruction au combat urbain apparaîtra en 1977, expérience anglaise en Irlande (opération Banner).
Les soldats soviétiques dans un combat lors de la Seconde Guerre mondiale.
Il y a 74 ans l'armée rouge remportait la victoire sur l'Allemagne nazie. Le journaliste John Wight revient sur les dates principales du conflit et évoque la situation internationale à l'époque de le Seconde Guerre mondiale.
L’importance historique du rôle de l’Union soviétique dans l’écrasement du fascisme dans la Seconde Guerre mondiale ne saurait être surestimée. C’est pourquoi la commémoration annuelle du Jour de la Victoire, célébré par les Russes et les amis de la Russie dans le monde entier le 9 mai, est si significative.
Le sacrifice héroïque des peuples russe et soviétique pour la victoire sur la machine de guerre hitlérienne, la force militaire la plus puissante et invincible que le monde avait vu jusqu’àlors, reste toujours prodigieux plus de sept décennies plus tard.
La coopération entre l’Occident capitaliste et l’Est communiste était possible face à un ennemi menaçant de génocides, acharné à tuer et détruire
L’historien américain Peter Kuznick écrit : «Jusqu’au jour J, le 6 juin 1944, l’Union soviétique luttait presque seule contre l’armée allemande. Avant l’invasion de la Normandie, l’Armée rouge se battait face à plus de 200 divisions ennemies, tandis que les Américains et les Britanniques en affrontaient rarement plus de 10. L’Allemagne a perdu plus de six millions de personnes sur le front de l'est et un million environ sur le front ouest et en Méditerranée.»
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Concernant les pertes : environ 419 000 Américains et 451 000 Britanniques ont été tués lors de la Seconde Guerre mondiale. Et bien que cela soit un sacrifice qui mérite d’être honoré, cela ne tient pas la comparaison avec les 26 millions de Soviétiques et de Russes qui ont perdu la vie. Cela étant dit, le Royaume-Uni et les Etats-Unis méritent énormément de reconnaissance pour les tonnes d’approvisionnements vitaux, d'armes et de matériel qu’ils ont fournies, contribuant ainsi à l’effort de guerre soviétique. Ce qui prouve que la coopération entre l’Occident capitaliste et l’Est communiste était possible face à un ennemi menaçant de génocides, acharné à tuer et détruire.
Les buts de guerre d’Hitler et l’apaisement des Alliés
En réalité, Hitler n’a jamais voulu faire la guerre avec le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. Le dictateur était un fervent admirateur de l’Empire britannique. Il a été impressionné par la capacité de cette petite nation maritime à contrôler l’Inde, alors que le sous-continent était beaucoup plus vaste.
L’admiration d’Hitler pour le Royaume-Uni était en grande partie réciproque à Londres, où le sentiment pro-nazi était endémique parmi les élites du pays, y compris au sein de la famille royale
«En tant qu'homme de sang germanique, je préférerais, malgré tout, voir l’Inde sous domination anglaise que sous n’importe quel autre», écrit Hitler dans Mein Kampf, son célèbre manifeste politique. Mais il ne faut pas oublier, également, que l’admiration d’Hitler pour le Royaume-Uni était en grande partie réciproque à Londres, où le sentiment pro-nazi était endémique parmi les élites du pays, y compris au sein de la famille royale.
L’Empire britannique était un modèle pour l’expansion future de l’Allemagne et la colonisation de l’Europe de l’Est et de la Russie. Selon la vision raciale perverse d’Hitler, les peuples slaves, aussi bien que les juifs, étaient des Untermenschen (sous-hommes), dont il convoitait la terre en tant que Lebensraum (espace vital) pour les races allemande et aryenne. Avec sa haine du bolchévisme, son objectif principal militaire et idéologique était la destruction du «judéo-bolchévisme».
L’invasion de l’Union soviétique le 21 juin 1941 n’a été une surprise ni pour Staline, ni pour l’Union soviétique, comme les historiens occidentaux l’ont faussement déclaré. Le pacte Molotov-Ribbentrop a été signé en 1939 par Moscou après l'échec des tentatives de créer une alliance de sécurité collective avec le Royaume-Uni et la France.
Le pacte Molotov-Ribbentrop a fait gagner un temps précieux à Moscou pour s’armer et se préparer à une guerre avec l’Allemagne, que les Soviétiques savaient inévitable
Dans cette optique, Staline avait toutes les raisons de croire, surtout après avoir vu les alliés servir la Tchécoslovaquie à l’Allemagne sur un plateau avec l’accord de Munich de 1938, que Londres et Paris souhaitaient voir Hitler attaquer la Russie ensuite. Comme l’écrit Geoffrey Roberts, «Staline ne croyait pas que les Britanniques et les Français avaient l'intention sérieuse de combattre Hitler; il craignait, en effet, qu’ils manœuvraient pour le forcer à se battre pour eux.»
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Le pacte Molotov-Ribbentrop a fait gagner un temps précieux à Moscou pour s’armer et se préparer à une guerre avec l’Allemagne, que les Soviétiques savaient inévitable. Cependant, Staline croyait qu’elle ne commencerait pas avant le printemps de 1942, Hitler étant alors en guerre avec le Royaume-Uni après son invasion de la Pologne, et le dictateur nazi répétant souvent que l’Allemagne avait fait l'erreur d’être entraînée dans une guerre sur deux fronts pendant la Première Guerre mondiale.
Opération Barbarossa et leadership de Staline
Le succès initial de l’opération Barbarossa, l’invasion nazie de l’Union soviétique, a été stupéfiant. Hitler et ses généraux ont planifié une guerre courte et féroce contre ce qu’ils croyaient être une Armée rouge mal organisée et mal dirigée, et, dans les premières semaines, l’analyse semblait être exacte. «La Wehrmacht doit être prête à vaincre la Russie soviétique dans une campagne rapide», ordonnait Hitler dans une directive militaire.
ll semblait, à la fin du mois de novembre 1941, que l’échec de Moscou était imminent, les Allemands approchant des tourelles du Kremlin
La plupart des observateurs occidentaux ne croyaient pas que l’Union soviétique se remettrait de ses pertes initiales. En effet, il semblait, à la fin du mois de novembre 1941, que l’échec de Moscou était imminent, les Allemands approchant des tourelles du Kremlin.
Ici, Staline est passé au premier plan. Il a d'abord pris la décision déterminante de redéployer neuf divisions depuis l’Extrême-Orient, estimant que les Japonais n’essaieraient plus d’envahir la Russie après avoir lancé une attaque sur les Etats-Unis et les forces britanniques dans le Pacifique au lieu. Ensuite, il a nommé le général Joukov pour organiser la défense de Moscou. Enfin et surtout, malgré l’évacuation de la ville ordonnée par les administrations publiques, Staline a choisi de rester, inspirant ainsi aux troupes et aux citoyens de Moscou la détermination de repousser l’ennemi coûte que coûte.
Ce qui a suivi est désormais légendaire. La contre-offensive soviétique aux portes de Moscou commençant avec Staline examinant les troupes de l’Armée rouge alors qu’elles marchaient à travers la Place rouge vers la guerre, dans le cadre de la commémoration annuelle de la Révolution russe, le 7 novembre.
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Endurance et remarquable succès
La bataille de Moscou est devenue la première de nombreuses batailles épiques qui sont désormais légendaires. Elle a été suivie par la bataille de Stalingrad (23 août 1942 – 2 février 1943) ; par le siège de Leningrad (8 septembre 1941 – 27 janvier 1944) ; par la bataille de Koursk (5 juillet 1942 – 23 août 1943) ; par l’opération Bagration (22 juin – 19 août 1944) ; et par la bataille de Berlin (16 avril – 2 mai 1945).
Aucun autre peuple n’a réalisé ce qu’a réussi le peuple soviétique en libérant l’Europe de la tyrannie du fascisme
Un homme qui a compris le rôle de l’Armée rouge dans l’écrasement du géant fasciste était le chef de guerre britannique Winston Churchill. Dans son discours à la Chambre des communes en août 1944, il a souligné : «C’est l’armée russe qui a fait le principal travail pour arracher les entrailles de l’armée allemande. Dans l’air et dans les océans, nous pouvions conserver notre place, mais il n’y avait pas de force dans le monde […] capable d’écraser et de battre l’armée allemande jusqu'à ce qu'elle soit soumise à la puissance des troupes russes et soviétiques.»
Aucun peuple n'a enduré ce que le peuple russe a subi entre 1941 et 1945. Et aucun autre peuple n’a réalisé ce qu’il a réussi en libérant l’Europe de la tyrannie du fascisme.
Pourquoi Poutine n'a-t-il pas été invité au 75e anniversaire du débarquement ? L'Elysée répond
Interrogé par l'agence de presse russe RIA Novosti sur la non-invitation de Vladimir Poutine aux célébrations du 75e anniversaire du débarquement, l'Elysée a fait savoir qu'elles seraient dirigées cette année par les chefs de gouvernement.
Alors que certains commentateurs s'étaient émus de la non-invitation en juin prochain du président russe, Vladimir Poutine, aux célébration en France du 75e anniversaire du débarquement de Normandie, la présidence française a répondu aux sollicitions de l'agence de presse russe RIA Novosti. L'Elysée, par la voix de son service de presse, a ainsi fait savoir que les célébrations seraient présidées cette année par le Premier ministre, Edouard Philippe, et non par Emmanuel Macron. Le Palais n'a pas précisé si des invitations avaient été adressées à d’autres responsables russes.
Le président américain, Donald Trump, qui sera à ce moment en tournée diplomatique en Europe, sera en revanche bien présent, selon le service de presse de la Maison Blanche.
En 2014, le chef de l'Etat russe avait été invité et a assisté aux célébrations organisées à l’occasion du 70e anniversaire du débarquement. Il s’était alors entretenu à deux reprises avec le président américain de l’époque, Barack Obama, dans le cadre d'entretiens bilatéraux. C'est également à cette occasion que les dirigeants français, allemand, russe et ukrainien, avaient, le 6 juin 2014, mis en place le Format Normandie conçu pour régler le conflit dans l'est de l'Ukraine.
Pour retrouver des Maghrébins dans les listes des Brigades internationales, les chercheurs ont dû consulter les listes des Français car l’Algérie et le Maroc sont alors colonie et protectorat français et ceux qui se sont engagés sont ainsi recensés. Avant de présenter le seul roman consacré à un brigadiste algérien et, en contrepoint, la seule nouvelle consacrée à un des 100.000 Moros de Franco, il n’est pas inutile de faire un rappel de l’Histoire.
En 2010 est édité Nouveaux regards sur les Brigades internationales, ouvrage de Rémi Koutelsky qui avait fait paraître, en 1998, L’espoir guidait leurs pas : les volontaires français dans les brigades internationales. En 2016, l’article de Denis Gasquez dans le tome I de l’Encyclopédie de la colonisation française (sous la direction d’A. Ruscio) : « Brigades internationales (les colonisés…) » s’appuyait sur des articles de presse en France et en Algérie et diverses études en Espagne ou au Maroc. L’objectif était de faire sortir de l’invisibilité ces oubliés. La même année, Georges Gonzalez faisait paraître son étude très précise, L’Algérie dans les brigades internationales (1936-1939) et ses lendemains. On y trouve, en particulier une liste des brigadistes arabes établie, en 2004, par Salvador Bofarull.
On sait que la légende dorée des Brigades Internationales a été écorchée par l’essai de Sygmund Stein, Ma guerre d’Espagne. Brigades internationales : la fin d’un mythe(2012). Le film de Ken Loach, Land and freedom (1995), montrait les dissensions souvent meurtrières entre anarchistes et communistes et le dilemme dans lequel se trouve David, ce combattant britannique internationaliste venu se battre aux côtés des Espagnols contre le fascisme. Le film repose sur la recherche du passé de son grand-père par une petite fille qui veut savoir (comme dans les romans dont nous avons parlé précédemment de l’après-Franco). S’il n’hésite pas à montrer les zones d’ombre, le film demeure un beau témoignage de cet engagement international. Car cette participation internationale reste un grand moment de solidarité assez unique en son genre, comme le souligne le résumé du livre de Rémi Skoutelsky : « Qui furent ces 105.000 brigadistes ? Une armée d’intellectuels ? L’armée de Staline ? Les travailleurs manuels, souvent antimilitaristes mais tous antifascistes, y dominent. Certains rêvent de rébellion, mais la plupart sont des militants communistes ou anarchistes. Que devinrent-ils ? Après avoir connu, en 1939, lors de la Retirada, les camps de concentration du Sud de la France, beaucoup rejoindront la Résistance. Les Cubains se battront aux côtés de Castro. Les Yougoslaves poursuivront leurs rêves révolutionnaires dans leur pays d’origine. Mais un grand nombre atterriront, comme en URSS, dans des prisons. Ce livre éclaire, comme jamais encore, l’engagement de femmes et d’hommes ayant lutté pour un monde meilleur ».
Quelques données historiques
Les forces rebelles à la République, dont celles sous les ordres de Franco, sont constituées de militaires de métier, de la guardia civil, du tercio (la légion étrangère), de milliers de Regulares (soldats berbères du Maroc espagnol), d’intégristes, de monarchistes, de carlistes et de la Phalange, l’organisation fasciste. Elles ont l’appui de 20.000 volontaires portugais, d’Irlandais, de 50.000 Italiens motorisés, de 16.000 Allemands (dont 6000 dans l’aviation Condor), de 500 Français. Dès le début donc, Mussolini et Hitler prêtent main forte au coup d’état par l’envoi d’hommes et de matériel important et moderne. Franco disposait des troupes espagnoles rebelles et de soldats de carrière marocains engagés, les « Moros », dont le nombre grossira avec l’élargissement de la guerre pour atteindre 70.000 et plus. La misère sévissait au Maroc et leur enrôlement s’en trouvait fortement facilité par ce besoin basique de pain. L’image dominante du « Moro » est celle du coupable de tous types d’atrocités : pillage, viols, assassinats…
Une nouvelle, écrite par Mohamed Leftah (1946-2008), écrivain marocain de premier ordre, évoque l’un d’entre eux. Elle est intitulée « Un guerrier amoureux » dans le recueil de 2007, Un martyr de notre temps. Le narrateur dresse le portrait tout en positivité d’un artisan qui lui déclare, au cours de l’une de leurs conversations, qu’il a fait partie de la Division Azul : « Avec quelle fierté il prononça ce nom éclatant comme un ciel d’azur, que tout oustaz que j’étais, j’entendais pour la première fois, et dont Bba Ahmed allait m’apprendre la terrible signification». Il raconte son parcours : venu d’une famille de paysans sans terre, il s’est déplacé dans tout le Maroc pour arriver à Tanger et vivre de différents larcins qui le conduisent en prison. « Dans sa prison, il entendit la nouvelle du soulèvement d’un général éloigné par le toute jeune république espagnole dans ces îles. Un gardien qui l’avait pris en sympathie, lui dit qu’il pouvait être libéré s’il s’engageait dans le Tercio, la légion espagnole inspirée du modèle français et qui avait été créée au Maroc en 1920. Le Tercio, et le contingent de soldats marocains, constituaient les unités d’élite que le général rebelle comptait faire passer en Espagne pour abattre la jeune république ». Le jeune homme de 18 ans signe un engagement de huit ans et suit un « entraînement intensif et impitoyable » pour faire de ces engagés « des machines à tuer, des « chiens de guerre » féroces ». Sans état d’âme particulier Bba Ahmed revendique d’avoir combattu « avec les fascistes » à Bilbao, Barcelone, Madrid. Et il prend alors, dans son récit, la tangente de l’Andalousie : « A Madrid, il avait retrouvé Grenade, et toute l’Andalousie arabe, personnifiées dans le corps et les yeux d’une gitane qui vivait dans une minable pension, mais vers laquelle il courait le jour de sa sortie hebdomadaire de la caserne comme vers un palais des Mille et une nuits ».
Ainsi s’achève l’évocation littéraire furtive d’un vétéran marocain franquiste… dont nous n’avons pas trouvé d’autres occurrences dans la littérature francophone. La littérature ne leur a pas fait beaucoup de place. La participation des Moros aux côtés de Franco dans sa croisade contre les rouges a été largement étudiée, tant leur rôle militaire que leur importance pour Franco : il confiera sa sécurité jusqu’aux années 1960 à sa Garde Maure !
Après cette parenthèse littéraire, reprenons nos précisions historiques. Des pourparlers sont engagés entre la République espagnole et la France et l’Angleterre pour avoir des armes. Mais un traité de non-intervention est signé par ces pays, les 7 et 8 août que, bien entendu, l’Italie et l’Allemagne ne respecteront pas. L’Algérien Messali Hadj, dirigeant de l’Étoile Nord-africaine, se solidarise dès le 10 août 1936 avec le peuple espagnol mais n’est pas favorable à l’envoi de volontaires. Le Néo-Destour tunisien n’encourage pas le départ de volontaires, donnant une priorité à la lutte pour l’indépendance. Toutefois un grand meeting à Tunis pour soutenir le peuple espagnol a lieu début septembre 1936. Ce qui explique que trois Tunisiens seulement aient pu être dénombrés parmi les brigadistes. Quant au Maroc, Franco y a fait un travail de propagande très habile contre la République espagnole et fait des promesses politiques et économiques qu’il ne tiendra jamais, pour recruter ces milliers de mercenaires.
Devant l’afflux de volontaires des États-Unis, d’Europe et d’autres pays, le 22 octobre 1936, le gouvernement républicain a officialisé la création des brigades internationales. Les premiers, une centaine, étaient venus pour les spartakiades à Barcelone (réponse aux jeux olympiques organisés alors à Berlin sous Hitler) et sont restés dans le pays après l’annulation de ces jeux et le coup d’état militaire de Franco. Parallèlement, à l’automne 36, les forces républicaines se regroupent. Ainsi plus de 40.000 hommes et femmes quittent leur pays et leur vie pour aider la République. Ils ont entre 16 et 55 ans et, au plus fort de l’engagement, on comptera 51 à 53 pays représentés. Ils sont regroupés à Albacete pour être répartis dans les bataillons. En juin 1937, l’estimation des Brigades internationales est la suivante : 25.000 Français, 5.000 Polonais, 5.000 Anglo-Américains, 3.000 Belges, 2.000 « Balkaniques » et 5.000 Germano-Italiens. Dans cette guerre, en ce qui concerne les non-nationaux dans les deux camps, le rapport est donc totalement en défaveur des Républicains.
En septembre 1938, le gouvernement républicain, dont le Président du conseil est Juan Negrin, décide de mettre fin aux brigades, en espérant, en retour, le retrait des Allemands et des Italiens sous la pression de la SDN, du côté des putschistes. Sur le contingent italien, quelques milliers seulement repartiront. Franco ne peut se passer des fantassins, des tanks et des avions des deux pays étrangers.
Le 28 octobre 1938, deux ans après leur constitution, le défilé des derniers brigadistes à Barcelone est chargé d’émotion. Une partie des brigadistes sera évacuée entre novembre 1938 et janvier 1939. Le 11 novembre 1938, 1500 volontaires français sont accueillis triomphalement à Paris. 5.000 brigadistes (allemands et italiens) ne pourront pas rentrer.
En octobre 1996, pour le 60e anniversaire de leur venue en Espagne, des centaines d’hommes et de femmes (la majorité a plus de 75 ans…) défilent à Madrid devant plus de 50.000 personnes. A la même période, les Cortes accordent le titre d’anciens combattants aux éléments des brigades internationales.
Concernant les Maghrébins, Georges Gonzalez précise : « L’origine algérienne des combattants est multiple (Arabes, Berbères, Juifs, Européens). La remarque se retrouvera concernant les pays arabes où se distingueront parmi les volontaires, des Palestiniens juifs, des Irakiens juifs, ou européens, des Egyptiens grecs, des Syriens arméniens ». Le dénominateur commun de ces volontaires est la lutte contre le fascisme. D’après les documents dépouillés, les volontaires algériens ont plus de 20 ans et ont déjà forgé leur conscience politique au sein de partis (L’Étoile nord-africaine, le PCF, le parti socialistes) et les syndicats (essentiellement la CGT).
Un autre point doit être précisé concernant André Malraux dont l’escadrille ne fait pas partie des Brigades internationales mais témoigne de l’aide des antifascistes à la République. Au lendemain de la révolte de Barcelone, il s’est envolé pour Madrid où il est mis en contact avec les milieux républicains. Les quelques pilotes et leurs avions restés fidèles à la République sont tombés entre les mains des putschistes franquistes, base très rapidement renforcée par les escadrilles de Mussolini et d’Hitler. Il faut donc aux Républicains de nouveaux avions pour enrayer l’avancée vers Madrid de leurs adversaires. C’est la mission de Malraux. Mais, en France, il ne parvient pas à trouver d’aide officielle puisque le gouvernement français est en train de signer un pacte de non-intervention. Malraux parvient à réunir quelques appareils qui formeront l’escadrille de combattants étrangers, « España ». Il faut rappeler que les pilotes sont plus des mercenaires que des antifascistes convaincus. Ce n’est pas le cas de Mohamed Belaïdi, le héros de Malraux dans le film qu’il tournera alors, socialiste algérien qui dit être venu se battre par conviction et qui fut tué par des avions de chasse allemands le 27 décembre 1936 dans le ciel de Téruel. Il avait déclaré : « Quand j’ai su que des Arabes combattaient pour Franco, j’ai dit à ma section socialiste qu’on devait faire quelque chose, sinon que diraient les camarades ouvriers des Arabes ? » Sanchez Ruano souligne que dans les films consacrés à cette guerre civile espagnole, on ne verra qu’une seule image, dans le film réalisé par A. Malraux, projeté à Paris en 1937, celle du « cercueil du milicien algérien recouvert d’un drapeau frappé du croissant musulman, une mitrailleuse posée sur le cercueil ».
«Je suis ici parce que je suis volontaire et je donnerai, s’il le faut, jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour sauver la liberté de l’Espagne et la liberté du monde entier » : Telle était la déclaration signée par chaque volontaire qui rejoignait les brigades internationales exprimant une solidarité inédite, un internationalisme aux accents puissants. Parmi les Maghrébins, les Algériens sont les plus nombreux, entre 500 et 800 volontaires selon les différentes estimations. M’hammed Elmansouri donne le chiffre de 500 Algériens ayant combattu au sein des Brigades (Le Soir d’Algérie, 7 mai 2009). Ils viennent de France ou directement d’Algérie. D’Oran, ils rejoignent Alicante en bateau. Ils sont surtout communistes mais il y a aussi des socialistes, des anarchistes et, à titre individuel, des nationalistes comme Sadek Zenad, garçon de café lyonnais. Denis Gasquez cite Améziane Ben Améziane, militant anarchiste, mécanicien de profession, qui a combattu sous les ordres du leader anarchiste espagnol Durruti. Dans un « Appel aux travailleurs algériens », Améziane, cité par Sanchez Ruano, écrit : « Nous sommes 12 de la CGT dans le groupe international face à la canaille fasciste. Miliciens si, soldats jamais ! Durruti n’est ni général ni caïd mais un milicien digne de notre amitié ».
On cite aussi Lakir Balik, ancien de l’armée française et comptable du Gouvernement général de l’Algérie, membre de la CGT, commandant d’une compagnie de Brigades et qui a adhéré au Parti communiste d’Espagne. Il déclara lors d’un meeting en févier 1937 : « Le peuple de mon pays est aussi opprimé que le peuple espagnol par le Grand Colon qui l’exploite et le ruine… Je donnerai jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour que Algériens, Tunisiens et Marocains puissent un jour secouer leur joug et retrouver leur liberté. »
Approfondir la documentation, creuset de futures fictions
Les brigadistes algériens ne sont pas devenus personnages de fictions. Pourtant, leurs profils se prêteraient au récit de ces parcours singuliers dans l’Algérie coloniale d’alors, qu’ils soient d’origine berbère, arabe ou européenne. Ces toutes dernières années, on commence à sentir naître un intérêt pour leur engagement. Nous en présentons quelques exemples, susceptibles de donner naissance à des personnages de fiction, porteurs de l’espoir d’alors, annonce de la lutte anticolonialiste.
Dans Le Soir d’Algérie du 26 octobre 2014, le journaliste et écrivain, Arezki Metref mentionne l’existence d’un brigadiste, nommé Amar né en 1908 dont la fille a retrouvé les documents dans une malle, dont une tentative d’autobiographie. Originaire de Taksa en Kabylie, il fait le récit de sa vie en France, de son entrée dans une cellule du PCF et de son engagement dans les Brigades internationales. Il donne ses motivations. Il parle ensuite peu de ses compagnons de lutte mais évoque certains camarades illustres : « Aujourd’hui, j’ai rencontré un compatriote algérien, Maurice Laban, un communiste. Il m’a dit qu’il y avait dans les rangs républicains d’autres Algériens ». Est noté encore le rapport qu’Amar établissait entre le combat des Républicains contre le fascisme et le combat de Don Quichotte contre les moulins à vent, rapport perçu sous l’angle philosophique et pas du tout sous un angle péjoratif. C’est aussi un lecteur de la littérature espagnole et de Borgès. La chronique sur Amar s’arrête là.
Mme. Mechenet Oumassed a adressé une lettre, au début des années 2000, à l’Association des Volontaires/Amis combattants en Espagne républicaine (ACER) pour informer de l’engagement de son mari, Mechenet Essaïd Ben Amar. Il s’est engagé dans la colonne Durruti dès l’été 1936. Il quitte ensuite les unités anarchistes pour intégrer les brigades et participe aux batailles de Madrid, de la Guadalajara, de la Jarama, de Teruel, de Belchite, de l’Ebre. C’est là qu’il est blessé et évacué dans un hôpital à Barcelone. Il est décoré. Le consulat français lui redonne des papiers d’identité qu’il avait perdus. Il est ensuite transféré en France où il rejoint le parti communiste à Marseille puis à Alger. Mobilisé après le débarquement anglo-américain il participe à la campagne d’Italie et est blessé. Il perd la vue en décembre 1950 et meurt le 18 décembre 1986 à Alger.
La famille Carmona d’Oran a eu trois des sept frères qui sont partis en Espagne : deux y laissent la vie ; leur sœur, Joséphine, fera partie pendant la guerre de libération algérienne des Combattants de la Libération et subira une longue incarcération. La figure sans doute la plus connue est celle de Maurice Laban, né à Bisbra en 1914. Après une tentative d’études d’ingénieur à Marseille, il revient en Algérie et lutte contre le régime de Vichy ; il participe, en 1936, à la fondation du Parti Communiste Algérien. Très vite il s’engage pour l’Espagne : au cours de la guerre, il est blessé grièvement par deux fois. A son retour en Algérie, en 1940, il combat le régime de Vichy, est arrêté et condamné aux travaux forcés à perpétuité par la section spéciale du Tribunal militaire d’Alger. Il est libéré le 15 mars 1943. Conseiller municipal à Biskra, il devient membre du Comité central du PCA en 1947 malgré les réticences du parti qui le trouve trop « nationaliste » et lui signifie un blâme. Un de ses camarades, Ahmed Akkache a témoigné de sa profonde intégration à la vie des Algériens avec lesquels il était en plein accord. Lorsque le 20 juin 1955, le comité central du PCA décide de l’engagement des militants communistes dans la lutte armée, il rejoint le maquis de l’Ouarsenis qui est anéanti le 5 juin 1956. Un des survivants a écrit à son propos : « De l’Espagne aux Beni-Boudouane, ça a été toujours le même homme qui n’a pas cédé d’un pousse, qui aimait les hommes droits et méprisait les fausses hiérarchies ». Georges Raffini (1916-1955) a connu une trajectoire semblable à celle de Maurice Laban : de l’Espagne à la résistance française puis à la lutte armée en Algérie.
Lisette Vincent (1908-1999) était institutrice. Elle s’engage dans les brigades internationales à Barcelone, en 1938. En 1942, elle est condamnée à mort par le régime de Vichy. Elle fait partie des communistes exclus en 1944 pour sa trop grande proximité avec les aspirations nationales algériennes. Elle est arrêtée le 31 mai 1956 puis expulsée. De France, elle rejoint le FLN au Maroc et rentre en Algérie à l’indépendance. Jean-Luc Einaudi lui a consacré un livre-enquête.
Hemingway, Teruel, 1937
Roman d’un brigadiste algérien
Il y a pourtant un premier et seul roman (à notre connaissance) consacré à un brigadiste algérien, écrit par Rénia Aouadène en 2015 : Un maure dans la Sierra. Cette écrivaine est originaire d’Aokas et a grandi dans la banlieue marseillaise. Elle a fait des études de Littérature et civilisations hispano-américaines et en sciences de l’éducation à l’université d’Aix-en-Provence. Ensuite elle part pour Cordoue et Grenade comme assistante de français où elle se passionne pour l’Espagne arabo-berbère-musulmane.
La romancière s’est inspirée de la vie de Rabah Oussidhoum né à Darna dans un village de Kabylie. Ayant eu connaissance de son histoire, Rénia Aoudène décide de tenter un roman inspiré de cette histoire méconnue, estimant n’avoir pas assez de matière pour une étude strictement historique. Elle constate : « J’étais surprise que cette histoire ne soit pas connue en Algérie. On la découvre en ce moment. En Kabylie, on m’a parlé d’un anarchiste algérien, qui a combattu en Espagne. Les langues se délient à peine. Pour certains, mon livre a servi de catharsis pour en parler. De plus, il faut savoir que la plupart des engagés maghrébins pendant la guerre d’Espagne sont rentrés en France. Seuls 10 à 15 % d’entre eux sont morts sur le champ de bataille. Ils sont retournés en tant qu’immigrés et n’en ont pas parlé. Il existe potentiellement énormément de témoignages à découvrir sur ce pan d’histoire ».
Rabah Oussidhoum est un des premiers à intégrer les Brigades ; c’est un soldat remarqué puisqu’il a déjà servi dans l’armée. En Espagne, il combattit sur différents fronts et capitaine, il co-dirigea le 12e bataillon. Il déclara que « toute la presse parle des volontaires marocains dans les rangs des rebelles franquistes : moi, personnellement je suis venu combattre avec les Brigades internationales, démontrant ainsi que tous les Arabes ne sont pas fascistes ». Après sa mort en 1938 sur le front d’Aragon, une compagnie porta son nom.
La romancière rappelle les étapes de sa vie : son enfance et sa jeunesse en Kabylie, son exil à l’intérieur du pays pour venir en aide à sa famille, son engagement dans l’armée : « il a décidé de s’engager dans une harka afin d’obtenir la citoyenneté française et fuir ce pays pour aller en France ». Il entre à l’école des sous-officiers. Libéré de l’armée, il réalise son rêve d’émigrer en France. Observateur, il prend son temps pour apprécier la vie ouvrière et finit par adhérer au Parti Communiste. Cette adhésion a son aboutissement provisoire dans les brigades internationales. Auparavant, il retourne dans son village pour voir sa mère et rejoint l’Espagne par Oran pour arriver à Alicante, sur le Jaime II. Avec ses camarades, il se retrouve dans le sud de l’Espagne, formé par des instructeurs soviétiques. Ayant une bonne formation militaire antérieure, Rabah Oussidhoum devient responsable au sein d’un bataillon. Il part dans la région de Cordoue, où il participe à la bataille de Lopera. Il se rend ensuite à celle de Ségovie, où il prend le commandement du 12e bataillon ‘Ralph Fox’, du nom d’un écrivain anglais qui était mort à Lopera. Interviewé sur sa présence pour les brigades internationales, il répond : « Tous les journaux parlaient des Moros qui luttent avec les rebelles de Franco. Je suis venu me battre avec les travailleurs contre la canaille fasciste ». Sur le plateau de Miraflores, au bord de la rivière Guadalope, il se retrouve face aux soldats moros de Franco : « En ce 25 mars 1938, au milieu du brouhaha causé par les bombes, les tirs des mitrailleuses, les grenades lancées par l’ennemi, Rabah armé de son fusil tire dans tous les sens. Il sait qu’il n’y a pas de temps à perdre car les franquistes, remontés à bloc par les batailles gagnées, sont prêts à tout pour en découdre avec ce bataillon. Un tir atteint la poitrine de Rabah qui s’écroule à terre, se vidant de son sang. (…) Rabah ignore que les politiciens qui gouvernent ne sauront jamais que des afro-arabo-musulmans ou chrétiens se sont battus. Ils deviendront des soldats de l’ombre car l’histoire ne retiendra que ce qui l’arrangera ».
L’intérêt de ce roman dans sa mise en relief de ce destin singulier est de nourrir les informations recueillies d’inventions au plus près de ce que l’écrivaine connaît ou recherche sur la Kabylie, l’Algérie coloniale, l’émigration en France et l’Espagne. Elle invente aussi le personnage d’Amalia, en rupture avec les traditions et donc avec sa famille et introduit une histoire d’amour et de passion, nécessairement éphémère en ces temps de guerre. La construction du roman ne rend pas arbitraire l’invention de la possibilité de ce couple car elle a alterné ce que l’on pourrait nommer le récit algérien (sur Rabah) et le récit espagnol (sur Amalia). Quand la jonction se fait sur le front, elle s’impose avec un certain naturel.
Tout au long des deux récits, les informations sur les sociétés et leur histoire sont données avec, sans doute, une présence un peu trop marquée de la voix de la narration qui laisse peu de liberté d’interprétation au lecteur. Mais ce roman est un roman de conviction et on n’est pas étonné qu’il soit, en même temps, un hymne à la civilisation berbère et à ses composantes : les êtres qui la font vivre et qui ont une mémoire historique profonde de ses capacités de résistance, ses manifestations culturelles, son attachement à la terre et à ses paysages. Il est aussi un hommage à une certaine Espagne : celle d’êtres libres qui, comme Amalia, inventent leur vie sans renier les valeurs essentielles de l’humanité.
En ouverture, un extrait d’un poème de 1961, écrit par Bachir Hadj Ali, poète algérien de renom, montre que le protagoniste choisi habite déjà la parole poétique algérienne :
« (…) Alfarez des Brigades, Rabah Oussidhoum, rêvait Comme on va à la fontaine pour n’avoir jamais de rides Son cœur a éclaté sur le cœur de Madrid (…) Il y a vingt cinq ans, comme une grenade mûre. Un cheval hurle la mort dans la gorge percée de Lorca Épouses noires de Guernica vos enfants ont grandi Nous sommes entourés d’orphelins. Épouses noires de Guernica (…) »
Si le cinéma s’emparait de ce personnage, sans doute pourrait-il lui donner le relief du brigadiste américain de Pour qui sonne le glasd’Hemingway. Peut-on dire que Robert Jordan doit autant à Gary Cooper qu’à Hemingway ? Le choix du romancier américain s’est porté sur un jeune internationaliste, professeur d’espagnol qui s’est engagé au sein des brigades internationales. Un documentaire serait en préparation de l’autre côté de la Méditerranée sur « ces Algériens qui ont fait la guerre d’Espagne », à partir des recherches d’Andreu Rosés, avec Marc Almodovar à la réalisation. Une équipe de tournage a séjourné dans la wilaya de Béjaïa à la recherche des descendants de ces héros oubliés.
On ne pouvait rêver meilleure coïncidence. Alors que le peuple algérien est dans la rue pour manifester contre la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, les éditions Dupuis publient Le Dernier Atlas, une BD qui imagine une histoire alternative de l’ancienne colonie française. Prévue en trois tomes et conçue comme une série TV, cette uchronie met en scène des robots géants, responsables d’un désastre nucléaire dont l’Algérie ne cesse de payer le tribut.
Lorsque ces robots découvrent, bien avant 1956, comme dans la réalité, du pétrole dans le sol algérien, le général de Gaulle décide de conserver coûte que coûte la colonie en lui cédant plus de droits. En agissant de la sorte, le Grand Charles décale l’Histoire et la guerre d’Algérie d’une quinzaine d’années. Dans Le Dernier Atlas, « les événements d’Algérie » éclatent ainsi en 1968, portés par les révoltes estudiantines du mois de mai, et se terminent en 1976.
« C’est une bonne manière de montrer que l’on ne parle pas vraiment de la guerre d’Algérie telle qu’elle s’est passée dans le cadre historique », indique le scénariste Fabien Vehlmann, qui a imaginé son récit avec Gwen de Bonneval (scénario), Hervé Tanquerelle (dessin), Fred Blanchard (design) et Laurence Croix (couleur). Leur récit, qui se déroule de nos jours, suit de Nantes à Alger Ismaël, un voyou mélancolique embarqué dans une affaire qui le dépasse et charrie les non-dits de l’histoire.
Traumatisme « par écho »
La guerre d’Algérie, pour l’équipe du Dernier Atlas, est en effet une affaire personnelle. Le père de Fabien Vehlmann, pilote d’avion, y a participé: « Il n’était pas en lien avec les pires horreurs, mais il s’est rendu compte de l’usage de la torture. C’est un des rares trucs qu’il m’a dit: qu’il n’était pas fier de ça. » Sinon, il n’en parlait jamais, arguant: « Je n’en parle pas parce que tu ne pourrais pas comprendre ».
Raconter cette histoire, c’est aussi gérer ce traumatisme “par écho” – et cette culpabilité – en transformant les non-dits en récit national. Tanquerelle, dont le père a été envoyé sur place, mais n’a pas été directement touché par les événements, a lui aussi ressenti “presque un sentiment de culpabilité” en s’informant sur le sujet. Pour eux, il s’agit aussi de comprendre:
“Ce sentiment de silence et d’angle mort sur ces événements me semble partagé amplement par une bonne partie de la population française”, dit Fabien Vehlmann. “On sait que beaucoup d’appelés ne voulaient pas parler de ce qu’ils avaient vécu là-bas. À la fois parce que c’était indicible de parler du trauma et parce que les gens restés en métropole n’avaient pas envie d’en entendre parler.”
Malgré l’échec cuisant de la Guerre du Vietnam, le cinéma américain a réussi à produire, en direct différé, une multitude d’œuvres sur le sujet, portée notamment “par une jeunesse contestataire, ce qui était moins le cas en France”, précise Tanquerelle. La France a eu un peu moins de facilité à aborder la question – malgré quelques œuvres fondatrices comme Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier et La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier. Des titres qui évoquent le conflit d’un point d’un point de vue réaliste.
« Un déchirement fratricide »
« Le risque », estime Fabien Vehlmann, est ainsi « de ne parler qu’à des convertis, des gens qui veulent entendre parler de la guerre d’Algérie, c’est-à-dire une poignée de lecteurs ». Il poursuit: « Nous voulons en parler à des gens qui d’habitude ne se seraient pas intéressés à ce sujet, de manière à créer un début de dialogue. Cela implique de bien connaître le sujet et surtout de ne pas en faire le sujet central de l’histoire. »
Dupuis 2019 – Le Dernier Atlas
Si la France a souvent été réticente à évoquer en fiction la Guerre d’Algérie, c’est en partie lié à sa proximité géographique. « Ce n’est pas faute de bonne volonté, c’est juste trop près, trop à vif », confirme le scénariste. D’autant que la France compte une forte communauté algérienne. « Il fallait du temps surtout parce qu’on était les méchants de l’histoire », poursuit le scénariste: « On s’est créé [après la Seconde Guerre mondiale] la mythologie nationale d’un peuple résistant face à l’oppresseur et là on a découvert que les Français étaient aussi les tortionnaires. » En abordant ce sujet, Fabien Vehlmann voulait parler du « problème de fond » de la Guerre d’Algérie:
« C’est une guerre civile qui n’a pas dit son nom. Les Algériens étaient présentés comme des Français jusqu’à ce que l’on perde la guerre. A partir de quoi, ils sont devenus des Algériens et c’est tout. Or, avant, on les considérait comme des Français. Et si ce sont des Français, c’est une guerre civile et il n’y a rien de pire qu’une guerre civile. C’est un déchirement fratricide. Ça fait penser à ces non-dits dans les familles. Je pense que l’islamophobie ambiante, un peu larvée est en partie issue de cet angle mort. »
La BD, pour Fabien Vehlmann, est ainsi l’outil parfait pour parler de ce sujet dans un pays encore traumatisé par ce sujet. L’objet du Dernier Atlas est ainsi d’éviter tout manichéisme, d’instaurer le doute chez le lecteur en le poussant à vérifier ce qui appartient ou non à la grande histoire et à dire: « c’est constitutif de notre histoire ».
Le Dernier Atlas, Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval (scénario), Hervé Tanquerelle (dessin), Fred Blanchard (design) et Laurence Croix (couleur), Dupuis, 232 pages, 24,95 euros.
C’est le thème d’un roman de Christian de Moliner [Interview]
Agrégé de mathématiques et enseignant en classe préparatoire, Christian de Moliner publie La guerre de France aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Un thriller mettant en scène une guerre civile opposant islamistes et nationalistes sur fond de partition du territoire.
Présentation de l’éditeur :
La guerre civile fait rage en France entre islamistes et nationalistes, au rythme d’attentats quotidiens et sanglants. Le gouvernement est totalement impuissant. À l’initiative des Russes pro-nationalistes et des Saoudiens pro-islamistes, une conférence de paix s’ouvre à Chisinau, la capitale de la Moldavie. Il s’agit de créer une zone interdite aux fidèles du Prophète tout en accordant l’autonomie aux enclaves musulmanes. L’Élysée, soutenu par les Américains, s’oppose, cependant, à ce plan de partage. Mauréan, homme de l’ombre, entre alors en contact avec Djamila Loufi, étudiante à Science Po, qui se destine au journalisme. Un terrible secret pèse sur ses origines : sa mère, avant de mettre fin à ses jours quatre ans auparavant, a eu le temps de lui confesser qu’elle était le fruit d’un viol. Mauréan lui apprend que l’homme n’est autre que François Bavay, le charismatique mais sanguinaire leader des nationalistes. Et lui propose de le tuer. Djamila acceptera-t-elle cette mission ? Un thriller mené à cent à l’heure.
La guerre de France – éditions Pierre-Guillaume de Roux.
Entretien avec l’auteur :
Breizh Info : Votre roman évoque une future guerre civile entre islamistes et extrémistes européens. Pensez-vous que c’est une hypothèse réaliste ?
Christian de Moliner : Malheureusement oui ! Il n’y a qu’à voir la tuerie du vendredi 15 mars 2019 en Nouvelle-Zélande et les nombreux attentats provoqués par des musulmans fanatiques. À mon avis « la guerre de France » a déjà commencé. Reste à savoir qu’elle sera son intensité, si les heurts resteront limités, comme actuellement, ou si nous passerons d’un rythme d’un attentat par mois à celui d’un ou plusieurs par jour. Même si plusieurs dizaines de morts lors de chaque tuerie peuvent sembler des pertes élevées, malheureusement le pire risque d’être à venir.
Breizh Info : Pourquoi utilisez-vous le terme « guerre de France » ? Est-ce par analogie avec la guerre d’Algérie ?
Christian de Moliner : Tout à fait : certains extrémistes européens racistes commettront des attentats pour chasser les musulmans hors de l’Hexagone, de la même façon que le FLN mettait des bombes pour forcer les pieds-noirs à retourner en métropole.
Breizh Info : Vos prédictions font froid dans le dos. Pensez-vous que le sang va vraiment couler à flots ? Que la situation va devenir tragique ?
Christian de Moliner : Il y a de bonnes chances pour que la violence reste contenue, que les attentats de l’un ou l’autre bord se comptent chaque année sur les doigts d’une main. Si c’est le cas, tant mieux ! La violence restera alors supportable, même si elle empoisonnera la vie des Français. Cette hypothèse est de loin la plus probable. Mais il suffira de peu de choses pour que tout dérape. La guerre d’Algérie de novembre 1954 à octobre 1955 était d’ampleur limitée. Les heurts entre soldats et maquisards de FLN étaient relégués dans les pages intérieures des journaux d’Alger. Les nationalistes algériens, voyant que la sauce ne prenait pas, ont organisé la tuerie de Philippeville et fait volontairement assassiner dans des conditions horribles des femmes et des enfants. Les exécutions sommaires pratiquées en représailles par les soldats français ont révolté les musulmans d’Algérie. Après cette orgie de sang, les choses n’étaient plus les mêmes et une solution pacifique impossible. La guerre s’est continuée jusqu’à la victoire finale et totale du FLN.
Breizh Info : Quelle forme avez-vous donnée à votre livre ?
Christian de Moliner : Celle d’un thriller mené à cent à l’heure. J’espère que le lecteur sera emporté par mon roman et qu’il voudra connaître la fin. Ai-je réussi ? À ceux qui ouvrent La guerre de France de le dire !
Breizh Info : Décrivez-vous la genèse du conflit ? Son déroulement ?
Christian de Moliner : Non, juste sa fin. Après 20 ans de violences. Chaque camp s’aperçoit qu’il ne peut pas l’emporter et les négociations s’ouvrent. Aboutiront-elles ? Et si oui sur quel résultat ? Le suspense est, je l’escompte, total !
Alger, le contrebas de la Grande Poste, entre les arcades du boulevard Che Guevara et la mer. L’arrêt d’autobus est adossé à un petit square appelé Sofia où quelques hommes et de vieux bananiers dorment dans la touffeur de juillet. L’autocar qui mène à Aïn Benian est déjà plein lorsqu’il arrive ‒ d’où vient-il ? Il ne va pas n’importe où, s’arrête Place des Martyrs (qui s’appela Place du Gouvernement), longe la Casbah puis le quartier de Bab-el-Oued par le sud, traverse Saint-Eugène, qui se nomme Bologhine, les Deux Moulins, où mon oncle tenait un entrepôt de vieux métaux, franchit le Cap Caxine, suit l’avenue du Président Ho-Chi-Minh, et file au long de la corniche vers Aïn Benian, l'ancienne Guyotville. Le cimetière grimpe depuis le bord de mer. J’ai, dans un livre avec moi, plusieurs photos de la tombe de Jean Sénac. Sénac disait Notre chemin procède par énigmes. La porte du cimetière tient seulement par un cadenas ouvert. Dans les allées reprises par la végétation, les tombes portent des noms et dates déjà anciens, Mazella, Franzoni, Chazot, Sintès, 1947, 1956, 1951, 1922. Il faut monter un peu. Au dernier flanc, au fond, une tombe ovale, la seule du genre, légèrement à l’écart des autres. La matière dont elle est faite aussi est différente, de pierre brute. La tombe dessine un œuf sur le sol, le petit muret tout autour monte à 60 centimètres. La tête semble avoir été relevée. Dans le document que j’ai apporté avec moi, je lis : « Le 29 novembre, jour de son anniversaire, Mireille, avec Hamid Nacer Khodja, a planté la tombe, absinthes, petits iris bleus, thym, romarin, géranium… dessus, entre les pierres, et en prolongement, ainsi qu’un petit figuier. J’ai demandé à Denis Martinez, peintre ami de Jean, de faire une plaque de terre cuite carrée que nous mettrons au pied, scellée… ». Je suis devant cette tombe, la tombe de Jean Sénac construite sur le modèle des tombes kabyles du petit cimetière musulman tout près. Un large espace vide descend devant elle. Il y a bien un figuier, des plantes en terre, plantes roturières surtout, mais de plaque aucune, avec le nom Jean Sénac où j’aurais dû lire, comme sur la photo : Beni-Saf 29 novembre 1926 - Alger 1er septembre 1973. Il n’y a qu’un minuscule jardin sauvage entre des pierres sèches sur un terrain en pente, devant la mer. Jean Sénac est le poète qui un jour écrivit : Cet homme était juste comme une main ouverte on se précipita sur lui pour le guérir pour le fermer alors il s’ouvrit davantage il fit entrer la terre en lui Jean Sénac, poète dans la cité, dans la lumière exacte et brouillonne d’Alger, qui n’eut pas toujours raison et travailla dans la ferveur et une franchise toujours plus dangereuse. D’ailleurs, il n’y eut pas, tout au long de la vie de cet homme-là, de compagnon plus constant que le danger. Danger des solitudes et des enfers, danger des libertés et des ruptures, danger de la confusion, de la « guerre dans le cœur » et des lyrismes exorbitants. Ainsi, Jean Sénac, te voilà, toi, une fois encore sans nom, sans personne ! Quelqu’un aura volé cette plaque. Un ballon l’aura cassée. Des coups de pieds ? Des coups de haine sur la terre cuite ? Et même ? Ou rien. Le vent, du rien qui aura fendu le nom. Liquidé les mots, les chiffres, les repères. Ce que je pensais alors me sortit par des frissons sur les avant-bras. Sans doute surgirent-ils à la deuxième syllabe du mot repère en même temps que l’écho de la mince existence de Jean Sénac, de ses combats considérables et du vide inhabitable, soudain, tout autour de nous. L’autocar qui me ramena d’Aïn Benian était presque aussi plein que celui de l’aller. Mères et grands-mères à couffins, vieux en turbans, le clin d’œil preste à l’Européen qui revient, adolescents nombreux, étonnamment calmes, jeunes filles au front studieux, discrets garçons aux pensées invisibles. Il y eut aussi une pénible attente dans les bouchons sur la route, Alger débordant de voitures plus encore que de gens. Je trouvai un graveur et chez lui un modèle de plaque d’une matière synthétique mais revêtue d’une fine couche de métal doré. On aurait pu afficher cela à la porte d’un bureau dans quelque administration ou pour indiquer une direction sur un site, sur un chantier. Au graveur, je donnai consigne du texte suivant, le même qu’à l’origine mais avec la modification de date qu’avait proposé Jean de Maisonseul : « Ici est enterré le poète Jean Sénac… Alger 30 août 1973 - le corps de Jean Sénac, assassiné dans-descirconstances-jamais-élucidées, a été découvert par la police le 31 août, dans son appartement d’Alger. » Je récupérai la plaque sans faute. Le petit soleil avait été reproduit à l’ordinateur, un peu raide, avec six branches au lieu de cinq dans les signatures de Sénac et même sur la plaque de terre cuite, mais au moins était-il là. Le lendemain, je repris la route d’Aïn Benian. Alger et ses faubourgs étaient pris dans une grisaille chaude. J’avais avec moi la plaque percée de quatre trous et quatre mètres de fil de fer souple pour la fixer (je verrai bien !) entre les pierres. Un petit homme avait l’air de m’attendre, c’est ce que j’imaginais. Il habitait la maison près de la route, presque à l’entrée du cimetière, le logement du gardien, à ceci près qu’il n’y avait plus de gardien depuis longtemps, comme si à part Sénac les morts étaient bien trop anciens : on n’avait plus besoin de les garder. Mais, l’homme en quelque sorte les protégeait, c’est lui qui m’avait conduit à la porte la veille en attendant discrètement une pièce. Il était là aujourd’hui encore. Dans son esprit, ma parole, j’étais devenu un habitué ! Je lui montrais ce que j’avais apporté. Il me suivit jusqu’à la drôle de tombe kabyle, réfléchit puis me proposa d’aller chercher un marteau et des clous. Bizarrement, le temps me parut très long. L’homme revint, s’agenouilla. Tous les deux nous avons choisi l’emplacement, tous les deux nous avons vérifié que tout était droit. Il a planté l’un après l’autre les clous, tandis que je tenais la plaque. C’était un petit travail important. Un petit bricolage qui voulait dissiper les malentendus. Une fois la plaque posée, l’homme s’est retiré. Il voulait me laisser seul. J’ai regardé la terre sur le dessus. Un tas de choses vibrait. Je crois avoir vu des abeilles, des escargots, des insectes qui sautaient, je ne sais pas. Il me semble qu’un rayon de soleil est venu se coucher sur tout cela. J’ai posé ma main sur la pierre sèche. Un court instant, j’ai laissé ma main l’envelopper. Le gardien m’avait attendu à la porte du cimetière. Il n’y avait personne d’autre que lui. Alors, tandis que je le saluais, une femme venue d’on ne sait d’où passa devant nous, seule, âgée, un petit voile sur son nez, le laadjar, comme souvent les Algériennes. Je vis à peine ses yeux mais ils pétillaient de malice. Le gardien me fit comprendre que je devais l’aider aussi. La vieille saisit la pièce et continua à descendre vers la route principale, celle des véhicules et de mon autocar, la Corniche. Sans se retourner, elle eut cette phrase, lancée telle quelle, dans un semblant de Français mais comme en une langue multiple: « Que Dieu le repose ! » ► Il y a de cela des années, je trouvais chez un bouquiniste parisien un livre que je garde sous les yeux. Son titre est on ne peut mieux simple : Poèmes. L’éditeur est Gallimard, le directeur de collection se nomme Albert Camus et René Char en a signé la préface. Le recueil porte un envoi manuscrit de Jean Sénac à Jean Négroni, comédien au TNP de Vilar et lui aussi né en Algérie. Comme à son habitude, Sénac a dessiné sous sa signature un soleil échevelé (avec toujours cinq rayons, pas plus !). L’envoi date de septembre 1954, mais Sénac a retouché son texte huit ans plus tard : en février 1962, il a rectifié lui-même à la main un mauvais accord de participe passé. Curieux hasard, car à quelques semaines près les deux dates marquent l’une le début, l’autre la fin de la guerre d’Algérie. Celui qui sait, Sa vie devient un bois d’épines Nous étions vers 1975 lorsque j’achetais le livre. Il y avait là une musique qui d’évidence avait des tonalités du plus grand Char (« Ah! Les tyrannies bienfaisantes de Char et d’Éluard », avait lancé le linguiste Georges Mounin à Sénac). Mais, l’histoire était différente. Au-delà du recueil Poèmes, j'avais découvert en Jean Sénac le fier culot d’un poète mystérieusement assassiné à Alger, qu’il avait refusé de quitter, le défi d’assumer son homosexualité au sein d’une société qui la tait et souvent la frappe dur, un lyrisme aux multiples sources, un enthousiasme politique à la Maïakovski… Voilà que j'entends Sénac réciter comme à l’église le nom des Pères historiques du Front de Libération Nationale algérien, clamant, convoquant Ben Bella, Aït Ahmed, Boudiaf, Krim Belkacem, Khider, Didouche, Ben M’Hidi, Rabah Bitat. J’écris, dit-il, sous l’avalanche des noms. Il écrit sa guerre, ou plutôt la leur. Il dit apporter sa pierre, baroque et délirante avant, soudain, d’implorer le pardon : Parler de soi est comme une indécence. Sent-on la complexité des choses et celle de l’homme ? On doit les imaginer un peu plus qu’infinies. Et Sénac, ses yeux en amande, sa couronne de cheveux autour de la calvitie, la barbe qu’il appellera son maquis, Genêt et Ginsberg, Cavafy et Whitman, ses compagnons. En juin 1947, du sanatorium de Rivet où il soigne une pleurésie, Sénac a écrit à Albert Camus, de 13 ans son aîné. Camus est déjà largement reconnu comme écrivain, journaliste et homme de théâtre. En 1942, a paru L’Étranger, et au début 1947 La Peste. Depuis deux ans, Camus dirige une collection nommée Espoir, aux éditions Gallimard. La première lettre de Sénac est celle d’un admirateur ému, empêtré dans sa propre ferveur, mais chargée de sa propre ambition. Bien sûr, Camus ne sait rien de Sénac à l’époque, mais les conseils qu’il lui donne en retour de courrier ‒ conseil de vie davantage que d’écriture ‒ sont éminemment fraternels. Il y a entre eux un vrai faisceau de ressemblances, à commencer par cette passion pour l'Algérie. L’un et l’autre sont issus de familles pauvres. Ils n’ont pas connu leur père (Lucien, le père de Camus, est une victime de la Bataille de la Marne en 1914) et ont été élevés par une mère d’origine espagnole. La même maladie les a touchés aux poumons. Ce qui plus tard les séparera ne sera pas de l’ordre de l’amour pour l’Algérie. Sénac connaît-il le mépris de Camus pour la mentalité coloniale et ses révoltes contre les injustices ? Sait-il l’engagement camusien à Alger Républicain, organe du Front Populaire, à Combat et ailleurs ? Bien sûr. Une amitié puissante va naître. Camus écrit à Sénac : « Il y a en vous comme une naïveté (comme Schiller parlait de l’admirable naïveté grecque) qui est irremplaçable ». L'été 1950, Sénac a déjà senti ce qui se prépare, il fréquente les milieux nationalistes, le Parti Communiste ou Parti du Peuple algérien, qui maintenant dénoncent ouvertement le système colonial. Bientôt, il note que « tout le monde a pris conscience du fait raciste et colonialiste » et l’artiste, lui, doit « entrer dans la lutte quoi que ce choix lui en coûte ». Déjà, il a commencé à mettre en garde les Européens d’Algérie, les dormeurs, contre leur aveuglement. Il y a longtemps qu’il a donné parole aux humiliés. Après avoir vu des policiers pourchasser rue de Chartres des petits mendiants qui dormaient dans la rue, il a crié : « On a lâché sur eux les nerfs de bœufs du monde »… Sénac écrit en péril. Le 1er novembre 1954, le Front de Libération Nationale déclenche la guerre d’Algérie. Rapidement, il prend contact avec la Fédération de France du FLN. Il rédige des tracts, s’occupe de faire imprimer le bulletin de la Fédération, assure les liaisons entre le FLN et le MNA, le Mouvement National Algérien de Messali Hadj, parti rival du FLN. Il veut aider. Fin 1954, Krim Belkacem lui transmet ce message à Paris: « Cher Jean, nous n’avons pas besoin de vous dans nos montagnes, mais nous aurons besoin de vous dans le Verbe ». À mesure que le temps passe et que brûle l’Algérie, les relations entre Camus et Sénac se compliquent, les deux en viennent bientôt aux invectives. Tandis qu’à Alger, Camus lance son Appel à la Trêve Civile (1956), Sénac répète « la partie est perdue pour les maîtres ». Le différend s’aggravera encore. Sénac lui dédie un poème : Entre les hommes et vous le sang coule et vous ne voyez pas. Tantôt publiquement, tantôt dans ses carnets intimes, tantôt sans doute dans une correspondance encore inédite aujourd’hui, Jean Sénac condamne Camus pour des positions qu’il juge trop humanistes. La rupture est consommée début 1957, mais Sénac ne retirera jamais à son aîné une « profonde et dramatique affection ». En décembre 1957, devant des étudiants de l’Université de Stockholm où il vient de recevoir le Nobel, Albert Camus a déclaré « Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice ». Sénac lui transmets une lettre de trente pages et note dans un brouillon non daté : « Camus a été mon père. Ayant à choisir entre mon père et la justice, j’ai choisi la justice ». En avril 1958, dans un courrier, Sénac traitera Camus de « Prix Nobel de la Pacification ». Les deux hommes ne se reverront plus. Mais gare aux contresens, ou pire ! Certains en sont encore à régler des comptes sur le dos de l’un et de l’autre. Qu’on sache donc cet aveu du hijo rebelle : « Chaque fois que je dirai un mot contre vous, c’est un coup de couteau que je me donnerai ». 1965 : Le nouveau pouvoir arrivé par un coup d’État (« redressement révolutionnaire » de Houari Boumediene succédant à Ben Bella) veut parfaire les instruments de la souveraineté algérienne. L’Algérie des années 1970 connaîtra trois évolutions : l’agraire, l’industrielle et la culturelle. Ce dernier domaine est confié de préférence à des élites formées en langue arabe (le mot d’ordre est : toujours moins de France) aux missions progressiste et nationaliste avec deux valeurs uniques, l’islam et l’arabité. Au nom du discours idéologique officiel et de l’engagement révolutionnaire, de nombreux livres et auteurs (algériens et étrangers) sont interdits, des idées sont réprimées, tandis que, sous le manteau, circulent des publications clandestines. Sénac ne peut se retenir de hurler contre le conformisme des fonctionnaires de la politique. Et voici qu’avec le temps, il tente de séparer de plus en plus nettement ses activités politiques et son rôle d’écrivain. Commence une succession de déceptions, de démissions, de lâchages. « Quelle Algérie mythique avait-il construit en son cœur ? » demande, sans condescendance, Jamel Eddine Bencheikh. Je rêve d’assembler, comme dans la vie, poésie, érotisme et politique, sordide et pureté, vice et vertu, grandeur et mesquinerie. Surtout ne pas oublier les poubelles. Elles sont précieuses. Nos frontières. Je marche dans Alger, aujourd’hui. Je me rappelle la rue Michelet, le Parc de Galland, j’avais oublié le Sacré Cœur. Après un petit tournant, la rue Élisée Reclus croise Didouche Mourad (ex-Michelet). Elle s’appelle aujourd’hui Omar Amimour. C’est ici, au numéro 2, que Jean Sénac s’installa, l’été 1968, tout près de l’escalier au-dessus du quartier Messonier, au fond de cette rue courte, des plus banales, dans laquelle je lis seulement : Fédération algérienne des Échecs. Je me sais condamné par le rire des foules À des heures sans pain Il a signé un recueil du pseudonyme Yahia El Ouahrani (Jean l’Oranais), comme pour imiter les authentiques chefs de guerre algériens. Il travaille pour le ministère algérien de l’Éducation, dans la presse, à la radio, mais reste un gaouri, un étranger. Des intellectuels, tels Mostéfa Lacheraf, lui reprochent de ne pas prendre assez de recul vis-à-vis du pouvoir. Personnalité connue, notamment de la jeunesse étudiante, il revendique sans honte le droit à un érotisme minoritaire et débridé. Il fréquente sans prudence des marginaux, des voyous, sûrement des traîtres aussi. Il évoque des déceptions, des impatiences et affirme sa fidélité aux éblouissements. Longuement et sans ménagement, il analyse la situation politico-culturelle de l’Algérie dans un article L’Algérie, d’une libération à l’autre, que Le Monde Diplomatique publie en août 1973. Comme d'habitude, il critique à haute voix. Et le voilà bientôt lâché, Sénac, peu à peu sans soutien aucun. Il vit dans un dénuement presque total et date ses courriers d’Alger-Reclus. Il appelle son logement sa cave-vigie. Il poursuit ses chasses nocturnes qui le laissent seul et saccagé moralement et parfois physiquement lorsqu’à plusieurs reprises il est agressé. Depuis 1971, il a dit à ses proches : Ils me tueront ou bien ils me feront assassiner. Ils feront croire que c’est une affaire de mœurs. Mais je ne quitterai jamais en lâche ce pays où j’ai tant donné de moi-même. Ils feront de moi un nouveau Garcia Lorca. L’heure est venue pour vous de m’abattre, de tuer En moi votre propre liberté, de nier La fête qui vous obsède Dans un essai lumineux, l'écrivain Rabah Belamri cite un texte de Sénac d’août 1972 : Cette nuit, dans ma minuscule cave, après avoir franchi les ordures, les rats, les quolibets et les ténèbres humides, à la lueur d’une bougie, dix ans après l’indépendance, interdit de vie au milieu de mon peuple, écrire. Tout reprendre par le début … Le 30 août 1973, dans les petites heures de la matinée, Jean Sénac est assassiné dans sa cave-vigie. Le médecin légiste constate un décès suite à une blessure au crâne suivie de cinq coups de couteau portés à la poitrine. Les rapports de police sont imprécis, ambigus. On ne saura jamais si le crime a eu lieu sur place ou si le corps a été déplacé. Parmi les journaux, seul El Moudjahid, organe du FLN, annonce le 5 septembre la nouvelle puis quelques jours après l’arrestation d’un jeune délinquant, Mohammed Briedj. Plusieurs amis de Sénac rencontrent le jeune homme. « Ils eurent tous la conviction qu’il avait lui aussi été une victime » (J.P. Péroncel-Hugoz). D’un coup monté s’entend. Briej fut rapidement libéré et le dossier classé. Sénac au jour, espiègle et dénudé, dressé contre les impostures (les siennes comprises, assurément), les morales tièdes, le mensonge qui tue. Sénac à la nuit, amant du mystère et désirant, dévasté, double douloureux de lui-même. Fous rires, folles larmes. Et, du jasmin pour le regard.
Éric Sarner est né en 1943 à Alger. Vit entre Paris, Berlin et Montevideo (Uruguay). Poète, écrivain et documentariste, auteur d'une douzaine d'ouvrages de genres différents, dont récemment : en poésie, 22 Figures au passage (Les Venterniers, 2015), Cœur chronique (Le Castor astral, 2013- prix Max-Jacob 2014) ; en prose, Un voyage en Algéries (Plon, 2012), Sur la Route 66, petites fictions d’Amérique (Hoëbeke, 2009). Comme cinéaste, il a signé une vingtaine de documen
Poète illuminé des hauts remparts d’Icosium , comédien majestueux sur les planches du TNA, tribun de la cinémathèque d’Alger, écrivain mémorialiste, auguste acteur des films réalistes, champion du monde de plongée en Apnée, qui est Himoud Brahimi , tendrement surnommé Momo le philosophe de la Casbah ?
Une enfance artistique
Mohamed Brahimi dit Himoud a vu le jour le 18 mars 1918 au cœur de la Casbah d’Alger, rue des frères Bachagha (ex- Klébert). Sa mère, Doudja Bouhali Chekhagha , héritière de traditions artistiques d’une ancienne lignée d’artisans kabyles d’Azeffoun, et son père, El Hadj Ali Brahimi, descendant d’une famille de poètes de Tablat , commerçant lettré , lui donnèrent une éducation moderne enracinée dans l’authenticité de la petite bourgeoisie d’Alger. Il était l’unique enfant de cette famille aisée. Comme tous les enfants de son épo-que il suivit une instruction entre l’école coranique et l’école coloniale française. Une ruelle séparait les nattes d’alfa et les planches de bois de Djamaâ Safir et les lourdes tables à encrier de céramique et le tableau noir de l’école communale Mathès. C’était L’univers enfantin de Momo. Très studieux , bien élevé , c’est tout naturellement qu’il obtint son certi-ficat de fin d’études primaires en 1931, grand privilège pour un enfant indigène, même issu d’une famille aisée porteuse de mémoires anciennes et acquise à la modernité française. Momo avait surtout de la chance d’avoir un père avec des prédispositions particulières pour les choses de l’art et une mère dépositaire des reflexes culturels de sa lignée. Momo baignait dans cette atmosphère familiale fleurant la culture et l’enracinement civilisationnel. Son père lui répétait souvent : « La liberté est en toi mon fils ! Ce n’est pas l’arme à feu qui fera de toi un homme libre. Ne te fies pas au drapeau, mais apprends le français, prends en le meilleur et reste toi-même. » . Voilà en une phrase du père –poète, résumé le destin du jeune Momo, acquérir la modernité sans renoncer à ses racines. Son univers culturel s’élargira avec l’entrée au lycée Bugeaud et la découverte des films muets au cinéma La Perle. Il dira un jour « C’est le cinéma qui m’apprit les meilleures leçons de la vie ». Son adolescence sera ponctuée par un drame : la perte de sa maman. Il projettera toute sa frustration dans la Casbah, sa nouvelle mère, son refuge, son giron affectif et son berceau de chaleur humaine, toute son affection, son amour inassouvi pour sa vraie mère artiste sensible et tendre disparue sans avoir eu le temps de le voir grandir. C’est sans doute de cette séparation inattendue, cette déchirure aigué qu’il eut sa vocation de poète au regard mélancolique et parfois distant. Momo se formera par la force des neurones durant ses séjours parisiens et ses incessants va et vient de la Casbah à Saint-Germain des près, les lieux privilégiés de Momo où soufflait l’esprit de sa géniale poésie. Il s’installera à Paris pour se cultiver et apprendre. Il connaitra de grandes figures de l’art et de la littérature « je me suis plongé dans toutes les lectures possibles et imaginables. Spinoza, Kant, Nietszche et même Bronski… » Il reviendra pourtant à la Casbah , s’immerger la culture locale et les profondeur de sa civilisation multimillénaire.
Plus fort que Tarzan
Il ne fréquentera pas longtemps encore le Lycée Bugeaud, où Albert Camus fut son meilleur ami. Sa vie basculera à la mort de sa mère, alors qu’il avait 15 ans. Il finira son adolescence avec sa grand-mère et rejoindra tôt le monde du travail. Elancé, bien musclé, Himoud avait un corps d’athlète. Il voulait gagner son autonomie et faire de sa vie, comme le lui avait recommandé son père, un parcours créatif dans l’honneur et la dignité. Son premier job sera dans une imprimerie où une minerve lui broya une partie de la main droite. Il sera opéré par un médecin féru de plongée sous marine et des prouesses de l’apnée tout comme lui. Ils deviendront amis et se retrouveront régulièrement au bout du Môle. Toute la jeunesse de Momo passera entre les ruelles de la casbah et la mer dans laquelle la vieille cité plongeait ses orteils. Momo était passionné d’apnée, il restait sous l’eau jusqu’à faire peur à ses amis. « C’est dans le fond des eaux que je m’approchais le plus de mon être éternel ». Ecrivit-il dans l’un de ses textes. « On le voyait nager. La jeunesse de l’époque était sur la jetée, Mesli le peintre, Galiero, des sportifs et Momo nous subjuguait par ses exploits sous l’eau. » dira son ami enseignant de Français Naceur Abdelkader qui joua avec lui dans le film culte « Tahya Ya Didou ». Momo le plongeur , était tellement aimé dans la Casbah , que ses amis créèrent cette légende selon laquelle il aurait battu en 1956 à Paris le record du monde de plongée en apnée, effaçant l’américain Johnny Weissmuler, cinq fois médaillé en or aux jeux olympiques, celui-là même qui interpréta au cinéma le fameux personnage de Tarzan, l’homme singe ,film qui marqua le cinéma mondial durant des décennies. Dans un élan de sincérité, Momo, démentira l’information rapportée en 1947 par le journal « Alger Républicain ». Ce démenti viendra un an avant sa mort en 1997, lors d’un entretien accordé à Radio Alger Chaine 3. La légende aura vécu une cinquantaine d’années.
Momo dénoncera vigoureusement et dans la douleur les massacres du 8 mai 1945, perpétrés par l’armée coloniale contre des civils sans armes, qui croyaient par leurs manifestations pacifiques rappeler à l’occupant ses promesses d’indépendance contre la participation des algériens à la seconde guerre mondiale. Il écrira : « Face à la formidable participation des indigènes dans la guerre contre le nazisme, le colon nous récompensa par la tuerie… »
Personnage insolite
Il frisait l’insolite, le fantasque Rais aux cheveux bouclés noués en queue de cheval ! Original presque irréel, barbe en pointe, Momo était impressionnant de fragilité. Seule la puissance du regard pénétrant nous donnait de la distance sur la profondeur de son être. Le verbe haut, le port altier presque ostentatoire, il en imposait comme un acteur de théâtre avec son gilet et son saroual paysans rehaussé de son « Asarou » un « Hzem » de laine hérité de sa maman artiste d’Azeffoun. Il était dans son personnage de conteur mythique de légendes, d’aède porteur de récits fondateurs sorti tout droit d’un souk constantinois du moyen-âge. Son allure parlait de son parcours de poète affecté par la décrépitude continue de la Casbah, sa mère, sa génitrice, son univers. Une solitude tenace rongeait ses yeux malicieux et sa face burinée par les embruns du Mole. J’entends encore le malicieux poète avec sa voix sacerdotale, au printemps de l’année 1978, déclamer à un auditoire fidèle de la cinémathèque d’Alger, son poème-cantilène ‘’Architecture’’ . Sa voix montait et flottait comme une brise matinale, elle en appelait aux esprits de la Casbah :
« Ville incomparable, jolie comme une perle, Splendide à souhait, au bord de la mer Les mouettes au port, les bateaux ancrés Les iles reliées, le mole qui les suit Vision d’une coupole, la Casbah colline Maison séculaires, cèdres renforcés Habitat mystère, les murs patinés terrasses gouailleuses, ruelles clairières Céramiques claires, colonnes torsadées Marbre le parterre, patios ombragés Alger El Djazair, comptoirs phéniciens Hercule y vécut, Mezghenna aima L’andalou maçon traça le schéma Le soleil selon, un gite à la lune Un peuple pour époux, épouse dulcinée Casbah solitaire, joyau de mon cœur Casbah de mémoire, aux histoires citées Le voile qui te sied, ne peut plus cacher Les rides séniles, rongeant toute ta peau A chaque jour nouveau l’agonie te guette Et toi toute muette, dans les yeux ta vie Gaieté des enfants, l’œuvre des mamans Dans ce monde nouveau, tu es matriarche Je sais ce que racontent, les tournants des rues
Les pavés qui chantent, les pas des partants Du sang sur les murs, linceuls dans les tombes Je me dois de dire à ceux qui ne sont plus Qu’ils sont avec nous et Toi avec eux Nous sommes leur Casbah et toi notre aïeule !
La charité culturelle de Momo
Nous etions nombreux à traquer le verbe majestueux du Poète de la Casbah, à glaner, à ramasser, à recueillir et sauvegarder jalousement les poèmes de Momo, des paroles suintant comme des goutes d’or d’entre ses lèvres en colère, des écrits tombant de ses poches encombrées, des secrets murmurés à des moments de perte de soi ! Il était l’idole d’une génération, cinéphiles, poètes, artistes, musiciens et mélomanes, nous l’attendions dans la petite ruelle qui menait à la cinémathèque d’Alger, sur les escaliers du TNA, sur les terrasses de café à la croisée des ruelles encaissées de la Casbah, sur les marchés grouillant de monde dans le ventre de la vieille cité. Il était attendu, non comme le messie, mais comme le prince illuminant les dédales ombrageux de la citadelle imprenable .Son aura imposante, son verbe caustique, son front haut faisait de lui le Pharaon de la Casbah. Il veillait sur ses trésors immatériels, ses lumières, ses odeurs, ses parfums, ses saveurs. Point d’ors ,point de bijoux , mais des voiles blancs de féminité immaculée, des murailles fêlées , des fleurs fanées , des fontaines murmurant des histoires anciennes, où des êtres veillent , invisibles sentinelles tutélaires sur le nombril de la cité magique . Momo était le chantre de la charité culturelle. Il offrait ses poèmes comme des présents porteurs d’amitié et de reconnaissance tel un vieil aède qui déclamait ses poésies dans les Souks. Ses offrandes n’attendaient pas de retour .Il donnait et partait. Momo ne disait pas, mais écrivait et distribuait ses textes. Lui ne conservait rien. On retrouvera ses poèmes éparpillés chez ses amis, le Docteur Mohamed Madani, l’artiste Mohamed Zinet, son fils Mohamed et ses trois autres enfants, même chez le Cheikh Omar Chalabi, un de ses admirateurs. C’est avec beaucoup de peine que l’écrivain mémorialiste Omar Belkhodja à qui l’on doit un travail remarquable sur l’œuvre de Momo , en récupérera l’essentiel . Il écrira dans son livre « Momo le poète béni » : ‘’ ce fut une quête improbable d’aller à la recherche – à la conquête- d’éléments qui aient pu servir, à reconstituer, ne serait-ce qu’une partie de l’œuvre de celui dont la personnalité recouvrait des aspects plus intéressants les uns que les autres. »
La casbah est une femme
Momo avait un rapport charnel à la Casbah, il connaissait son corps, ses membres, sa bouche, ses yeux, ses jambes tentaculaires, ses chutes de rein, son nombril. Il était dans un flirt perpétuel. Il aimait ses colonnades, ses balcons ajourés, ses alcôves chaulées, ses ruelles étroites encaissées, ses placettes suspendues, ses terrasses dérobées, ses minarets en équilibre instable, ses clochers aux pleurs lointains. Pour Momo, la casbah n’est pas une cité, une ville, mais une femme. La casbah est une femme, territoire de l’amour et de la perte de soi ! C’est ainsi qu’il voyait sa haute citadelle avec ses dédales érotiques qui de leurs marches de pierre pénètrent avec fougue les maisons, unissent les balcons, ouvrent la voie aux terrasses, caressent la peau intérieure des foyers chauds et font se toucher et s’entrelacer les murailles, les lourdes portes, et les fontaines ruisselantes de vie. Amoureux jaloux et conquérant, Momo, veille et surveille et “Chaque matin le soleil salue son amour et la Casbah ravie lui ouvre toutes ses couches”.
Sa vie fut un attachement physique à cette cité et souffrait de la voir vieillir trop vite. Il aimait la Casbah d’un amour total, corps et âme au point où il déniait à tout autre d’appro-cher sa dulcinée. Il se disait, dans un élan possessif de folie amoureuse, l’époux de la casbah :
« T’a-t-on dit mienne Casbah ?
T’a-t-on dit l’amour ?
Je t’aime comme l’épouse
Qui pose son regard apaisé sur les prunelles paisibles de l’époux »
Quelle déclaration d’amour ! Qui est l’époux, qui est l’épouse dans ce couple fusionnel d’ êtres symbiotiques. Momo le fou est amoureux des lumières, des odeurs, des bruits, des paroles des murailles qu’il est seul à entendre et à interpréter. Rhapsode illuminé, il entendait les mots inaudibles des disparus, l’appel des âmes vagabondes qu’il transmettait comme un legs historique, un viatique de bonheur, par le dire, le chant, le poème. Il voyait en la Casbah, la cité du Soleil !
« Comme un cygne paré de sa blancheur laiteuse,
La Casbah s’apprête à recevoir le soleil arqué à l’horizon.
Paraissant immobile, le soleil avance,
et la Casbah en révérence ailée, le salue.
Et toi, baie d’El Djazaïr,
Comme une vierge de Botticelli qui attend tout de l’amour
tu drapes ta nudité en baissant pudiquement les paupières. »
Momo le Soufi
« Sur la terrasse de l’Institut du Monde Arabe, par un dimanche de canicule, le narrateur a rendez-vous avec un homme à qui il voue un grand respect : Momo, le poète ésotérique de la Casbah d’Alger. Il l’a rencontré là-bas il y a plus d’un quart de siècle. Ce personnage qu’il attend tarde à venir et le lecteur apprend… qu’il est mort. Il a pourtant fixé ce rendez-vous, lui-même, la veille. Ces derniers jours, la présence de Momo s’est faite insistante. Le narra-teur a repris la lecture des textes qu’il lui a légués pour tenter d’en approcher enfin le sens, Le poète de la Casbah se dit “métaphysicien” et à l’écoute de messages qui lui donnent l’inspiration. Il cite Ibn Arabi, Hallaj et René Guénon. Vénère le Coran et Jésus. Les textes et les paroles de Momo sont évoqués dans les lieux qui souvent leur ont donné naissance…De Saint-Germain à la Casbah d’Alger, les lieux de Momo où soufflait l’esprit se renvoient l’un à l’autre à travers la nostalgie du narrateur. Ainsi s’esquisse le portrait de Momo, Himoud Brahimi, poète du vieil Alger. “Le fou de la Casbah” disaient ceux qui n’osaient pas le comprendre. “Illuminé” ou homme éclairé, il se révèle un maître de sagesse. ». Telle est la note de présentation de l’éditeur de l’ouvrage « Une lumière dans les années sombres de l’Algérie » où l’auteur Jean René Huleu s’intéresse à la spiritualité soufie de Momo, cet incompris multidimensionnel.
Momo au cinéma
Il laissera un ouvrage immortel « Casbah lumières » où ruisselle à chaque page, en poèmes lourds parfois ésotériques, encombrés de culture ancienne, criant de modernité, l’amour des siens, de sa patrie, de sa Casbah. C’est pourtant au cinéma que Momo laissera les empruntes les plus marquantes. Il jouera dans « Les Noces de sable », puis dans « Les Puisatiers du désert » et dans « Pépé le Moko ». C’est en portant le personnage central de « Tahya ya Didou » qu’il crèvera l’écran. Le journaliste Jamel Moknachi écrira à propos de ce film en 1971 : « Sous la double signature du poète Himoud Brahimi et d’un nouveau metteur en scène, Mohamed Zinet, l’APC d’Alger présentait un film qu’elle a entièrement financé… Tahia ya Didou relate l’arrivée de touristes à Dar El Beida pour visiter Alger . Zinet a promené sa caméra sous les angles les plus inattendus, les plus insolites …et avec les touristes il nous fait découvrir Alger une capitale que nous ignorions. Il ne s’est pas attardé sur la beauté plastique de la capitale mais avec courage , il nous ballade sur las plaies d’Alger , bidonvilles ,HLM , chômage , dragueurs ,proxénètes , filles des rues , enfants perdus , insalubrité , malades abandonnés dans les rues , artisans vivants de miracles ,foule anonyme , torrents de lumière pour noctambules millionnaires …Zinet met Alger en état d’arrestation et lui fait les poches … c’est peut-être du cinéma , mais du vrai … » et d’ajouter « Son film est soutenu d’une épaule par un monstre au verbe dantesque : Himoud Brahimi, poète surréaliste , acteur , metteur en scène, tribun ,meddah , existentialiste, … Momo ne mache pas ses mots dans ce film où il tient le rôle du narrateur, du coryphée, du guide, de la conscience collective mais avant tout du chantre de la casbah :
Si j’avais à choisir parmi les étoiles pour te comparer
Le soleil ne saurait éclipser
La lumière du verbe que tu caches … »
Le poème de Momo est le fil conducteur de ce film culte, que les algériens n’ont pas la chance de voir encore parce qu’enterré dans les tiroirs de l’oubli avalé par les méandres de l’anti-culture.
Mélange d’images d’archives et de scènes de fiction, le film est un hommage à la ville d’Alger, qui est à l’origine du projet. Au hasard des promenades et des rencontres, Simon et sa femme, un couple de touristes français, découvrent Alger. Simon reconnaît dans un bistrot un Algérien qu’il a autrefois torturé. L’homme le fixe. Pris de panique, Simon s’enfuit.
Thèmes : Alger, ville cinématographique , Guerre d’indépendance algérienne
Réalisateur(s) : Zinet, Mohamed
Pays de production : Algérie
Type : Long métrage
Genre : Fiction
Edition du festival : Maghreb des films juin juillet 2012 , Maghreb des films novembre 2010
Autre titre Alger Insolite !
Année : 1971
Durée : 76’
Scénario : Mohamed Zinet, Himoud Brahimi
Image : Ali Marok, Bruno Muel, Pierre Clément
Son : A. Oulmi
Musique : Mohamed El-Anka
Production : Mairie d’Alger
Distribution : Centre National du Cinéma et de l’Audiovisuel (CNCA) Algérie
Avec : Himoud Brahimi, Mohamed Zinet, Georges Arnaud, N. Drais, Suzie Nace
Le commentaire de Wassyla Tamzali
Publié en mai 2013 dans Le Quotidien d’Oran (ultérieurement dans les Temps Modernes), aux côtés de 6 autres commentaires (Yasmina de Lakhdar Amina, Nouad’Abdelaziz Tolbi, La Nouba des femmes du Mont ChenouadeAssia Djebar, Nahla de Farouk Beloufa, Inland de Tariq Tegia, Demande à ton ombre de Lamine Ammar-Khodja)
Tahia Ya Didou de Zinet, Le premier film urbain. De quelle année est Tahia Didou ? L’année où il a été réalisé ou 1973 l’année où il a été pour la première fois montré à la Cinémathèque dans une projection privée ? Un film existe-il sans son public aussi clairsemé soit-il ? La question mérite d’être posée tant nombreux sont les films réalisés et jamais distribués de part le monde. Avez vous remarquez la manière particulière d’un cinéaste qui parle de son film jamais montré ? Un air de deuil en quelque sorte. Ou de mystère. À toutes les raisons connues dans tous les pays s’ajoutent dans notre pays, mais pas uniquement chez nous, les films censurés sans être censurés. Les pratiques occultes autour des films sont multiples et jalonnent le Cinéma algérien écrivant ainsi de petits scénarios qui ne demanderaient qu’à être tournés. Ainsi pour les candidats, « Libération » de Farouk Beloufa. Produit par le ministère de l’information en 1972, qui furieux de voir que le réalisateur faisait le lien entre la Révolution d’Octobre et notre guerre de libération (l’insolent !), charcuta le film tant et si bien que Beloufa demanda qu’on enleva son nom. Le titre même fut changé en « La guerre de libération ». Voilà un film qui a changé de titre, qui n’a plus de réalisateur et qui pour dernier avatar à disparu de la circulation.
Nous avons eu plus de chance avec Tahia Ya Didou. Là aussi nous avons frôlé la disparition corps et âme d’un des meilleurs films du Cinéma Algérien. Ouf ! Il restera dans l’histoire de la Ville. Savez vous que les escaliers derrière la Place Emir Abdelkader sont appelés par les gens du quartier les escaliers Tahia Ya Didou en souvenir de cette scène d’anthologie charlinchapplinesque des enfants qui montent en courant, et qu’une des dernières salles de cinéma qui peut revendiquer cette qualification s’appelle Zinet ? C’est l’administration de la Ville d’Alger qui avait commandé à Zinet ce film. Le tournage commença en 1969, se poursuivit en 1970. Quand les responsables de la ville virent le film ils le rangèrent au fond d’un tiroir avec le mépris pour les artistes, connue de l’administration, obtuse, autoritaire et très souvent inculte. Il faut reconnaître à leur décharge qu’il était difficile de faire de Tahia Ya Didou un dépliant touristique. Le réalisateur s’était laissé submerger par des souvenirs douloureux de la bataille d’Alger qu’il ne pouvait dissocier du petit peuple héroïque de la Casbah. La Cinémathèque batailla pour l’avoir. La Ville assez mercantile pour ça exigeait d’être payée en retour ignorant tout du statut de la Cinémathèque. - Langlois et la Cinémathèque Française piratait et envoyait les films à Alger gratuitement.
Tahia Ya Didou est un film précieux à notre mémoire, irremplaçable. Il filme un peuple (le petit peuple d’Alger comme on dit), une culture, il rend compte d’un langage, de mœurs, de gens, de lieux à jamais disparus. Où est la gouaille du petit peuple de la Casbah ? Ce petit peuple magnifié par la voix de Hadj El Anka, ce petit peuple courageux, frondeur, insolent qui nargue les projets mégalomanes de l’État socialiste aujourd’hui tous démantelés par le libéralisme sauvage, avec bon sens et intelligence. Ce petit peuple enfoui aujourd’hui sous des couches de bigoterie, de fausse religion quand il n’est pas terrorisé par la violence de ses enfants à qui on n’a laissé aucun espoir, voyous, waabistes et Salafistes de tous poils. Si, comme je le pense, le sujet principal du cinéma est le temps et la mémoire alors Tahia Ya Didou est un objet parfait de cinéma. Et de nostalgie. Avant de le voir nous savions déjà que c’était un film précieux. Parce que c’était Zinet. À 9 ans Zinet était monté sur les planches, acteur il alla poussé par la Guerre d’Algérie à travers le monde, 1962 le trouvera en Scandinavie dans le rôle d’Amédée de Ionesco. En 1963 il présenta au public d’Alger sa pièce « Tibelkachoutine ». En 1964 il est assistant sur la Bataille d’Alger de Ponte Corvo. Il est aussi journaliste, humoriste, dessinateur mais ce qu’il y a de plus important pour le cinéma et pour nous dans les bagages du petit homme de la Casbah c’est la liberté. Cette liberté que nous ne connaissions pas nous les Enfants I de l’Algérie pétris par les Grandes causes nationales. Zinet vivait aussi difficile soit-elle sa liberté d’homme. Cette liberté fit de lui un paria dans la société de la Révolution nationaliste et socialiste, souterrainement islamiste. On le retrouva mort sur un trottoir, un matin gris à Paris. Il me disait, « Tous ceux que je rencontre veulent m’offrir à boire, personne ne m’offre à manger. » Quelle est triste la Révolution quand elle laisse mourir ses poètes, et qu’elle empêche ses femmes de danser !
Commentaires de Marion Pasquier
Tahia Ya Didou est l’unique film du comédien Mohammed Zinet. Né d’une commande de la ville d’Alger, qui attendait qu’il soit un documentaire touristique, il ne fut pas du goût des autorités et il n’y eut aucune sortie en salles. Devenu malgré tout un film culte, Tahia Ya Didou est bien plus qu’un documentaire promotionnel. Hommage à la ville d’Alger, à ses habitants, il est doté d’un ton inclassable, cohabitation de comique burlesque et de tragiques réminiscences du passé douloureux du pays.
Du marché au port, des rues aux cafés, la caméra de Mohammed Zinet déambule dans la ville dont elle capte le pouls. Variant les angles, les échelles de plans et les mouvements d’appareil, c’est avec fluidité qu’elle observe les Algérois, sur le visage desquels elle prend souvent le temps de s’attarder. Certains apparaissent plusieurs fois et deviennent ainsi personnages (une ribambelle d’enfants poursuivis par un gendarme bienveillant, un suisse insolite tout juste arrivé en avion, en short, et dépourvu de passeport, un pêcheur de crevettes...). Les portraits esquissés sont souvent drôles, les êtres captent l’intérêt, nous sommes bien immergés dans le mouvement de cette ville.
Fil conducteur de ce tableau d’Alger, les déambulations d’un couple de touristes français. Lui (Simon) a fait la guerre et méprise les algériens (sur des images où ces derniers s’échinent sur des chantiers, le Français explique à sa femme qu’ils sont des fainéants, que tout ce qu’ils savent, ils le doivent aux Français). Elle, émerveillée, est le porte-parole de tous les clichés (elle écrit sur une carte postale combien les enfants sont mignons, la nourriture délicieuse...). Mais la magie du voyage est soudainement rompue, lorsque Simon reconnaît en un homme aveugle l’un de ceux qu’il a torturés pendant la guerre. Tahia Ya Didou date de 1971, et l’on sent des plaies encore ouvertes. Les gens semblent avoir besoin d’évoquer l’occupation et la guerre d’indépendance, ces souvenirs font encore partie de leur quotidien. Capture du temps présent reconvoquant le passé, Tahia Ya Didou est aussi empreint d’une dimension intemporelle, véhiculée par les apparitions récurrentes du poète illuminé Momo. Ses paroles, hymnes à Alger, ne sont pas sous titrées au moment même où il les prononce mais répétées juste après, en français. Nous avons ainsi le loisir de nous imprégner des sonorités de la langue arabe dont on ne comprend pas le sens.
Mêlant avec aisance l’approche documentaire et fictionnelle, la comédie et la tragédie, Mohammed Zinet a donné vie à un film atypique, très vivant, dans lequel on se délecte d’être immergé. Il est ainsi extrêmement regrettable que le négatif de cet opus ait été perdu.
Engagé volontaire dans la guerre d'Algérie, ensuite appelé au Secrétariat général de la Défense nationale par le général de Gaulle puis officier instructeur dans la Légion étrangère et au Royal Étranger, Henri d'Orléans, après avoir quitté l'armée, avait fait carrière dans la banque et dans l'assistance aux entreprises cherchant à s'exporter. "Prince aux nombreuses qualités humaines, pétri de traditions chrétiennes, il avait dû batailler pour gagner sa vie, relève encore Stéphane Bern, avec pour seul viatique un nom qui oblige plus qu'il n'ouvre de portes."
Décédé le 21 janvier à l'âge de 85 ans, le défunt chef de la maison royale de France recevra un ultime hommage et reposera pour l'éternité en la nécropole des Bourbon-Orléans. Quelques jours avant sa mort, il accordait chez lui, dans son appartement parisien, une interview et parlait de sa grande passion.
Orpheline de celui qui était son chef de file (orléaniste) depuis près de vingt ans et la mort de son père, la maison de France se prépare à rendre les derniers hommages dus à Monseigneur le comte de Paris, duc de France : près de deux semaines après sa mort survenue au matin du 21 janvier 2019 à l'âge de 85 ans, les obsèques d'Henri d'Orléans "seront célébrées le samedi 2 février 2019 à 15 heures, en la chapelle royale Saint-Louis de Dreux", a fait savoir mercredi soir par le biais d'un communiqué son fils Jean d'Orléans, duc de Vendôme, désormais nouveau détenteur du titre de comte de Paris.
"Une chapelle ardente sera ouverte à la chapelle royale, du mercredi 30 janvier au vendredi 1er février de 13 heures à 17 heures", indique en outre le texte, laconique, diffusé sur les réseaux sociaux et sur le site officiel du prince Jean de France.
Descendant de Philippe de France (frère de Louis XIV, duc d'Anjou puis d'Orléans) et de Louis-Philippe d'Orléans dit Philippe-Égalité, qui avait voté la mort du roi Louis XVI, Henri d'Orléans s'est éteint le jour anniversaire de l'exécution de ce dernier, le 21 janvier 1793. Quelques minutes avant d'annoncer avec tristesse la mort de son père, Jean d'Orléans avait d'ailleurs publié sur les réseaux sociaux un message inspiré par ce fait de l'Histoire de France et de l'histoire de la dynastie. Dans la notice nécrologique qu'il a rédigée pour Le Figaro du 22 janvier, Stéphane Bernsoulignait que le défunt comte de Paris allait chaque année à cette date anniversaire prier à la mémoire du roi guillotiné à Saint-Germain l'Auxerrois, paroisse des rois de France.
Engagé volontaire dans la guerre d'Algérie, ensuite appelé au Secrétariat général de la Défense nationale par le général de Gaulle puis officier instructeur dans la Légion étrangère et au Royal Étranger, Henri d'Orléans, après avoir quitté l'armée, avait fait carrière dans la banque et dans l'assistance aux entreprises cherchant à s'exporter. "Prince aux nombreuses qualités humaines, pétri de traditions chrétiennes, il avait dû batailler pour gagner sa vie, relève encore Stéphane Bern, avec pour seul viatique un nom qui oblige plus qu'il n'ouvre de portes."
De son premier mariage, célébré le 5 juillet 1957 en la chapelle Saint-Louis de Dreux sur fond de réconciliation franco-allemande, avec la duchesse Marie-Thérèse de Wurtemberg, il eut cinq enfants : Marie, François (lourdement handicapé après avoir souffert de toxoplasmose pendant la grossesse de sa mère et décédé le 31 décembre 2017 à 56 ans), Blanche (handicapée comme son frère), Jean et Eudes d'Orléans. La séparation légale du couple avait été prononcée en 1977 et son divorce en 1984, Henri d'Orléans épousant la même année en secondes noces à Bordeaux Micaela Cousino y Quinones de Leon, rencontrée dix années plus tôt. Un remariage qui l'avait exposé à la vindicte de son père et éloigné de ses enfants.
Durant ses dernières années, le prince Henri s'adonnait à sa passion de toujours pour la peinture et plus particulièrement l'aquarelle, "peignant sans relâche dans sa petite maison de Palma de Majorque et pratiquant aussi l'escrime et l'équitation", relate aussi Stéphane Bern. Il sera resté actif et en prise avec le monde contemporain jusqu'au bout, suivant avec intérêt, dernièrement, le mouvement des Gilets jaunes, lui manifestant via Twitter une certaine solidarité. Quelques jours avant sa disparition, il avait également accordé, comme l'a remarqué le blog Noblesse & Royautés, un entretien à la radio LCF, son ultime témoignage (à découvrir ci-dessous). Recevant chez lui dans son appartement parisien, il y revenait brièvement sur sa jeunesse en exil et, plus longuement, sur sa passion pour la peinture, soulignant au passage le rôle de la comtesse de Paris, sa femme Micaela, dans l'épanouissement de ce talent : "J'ai commencé à peindre vraiment sérieusement quand j'ai connu ma seconde épouse. C'est grâce à elle que je fais des progrès en peinture, en écriture", confiait-il notamment.
Communiqué officiel :
« Les obsèques de Monseigneur le comte de Paris seront célébrées le samedi 2 février 2019 à 15 heures, en la chapelle royale Saint-Louis de Dreux.Une chapelle ardente sera ouverte à la chapelle royale, du mercredi 30 janvier au vendredi 1er février de 13 heures à 17 heures. »
François Gaston Michel Marie d'Orléans, « Fils de France » et « duc d'Orléans » à titre posthume, est né le 15 août 1935 au Manoir d’Anjou, à Woluwé-Saint-Pierre, en Belgique, et est mort pour la France le 11 octobre 1960" à Touariat Ali Ou Nasseur, en Algérie.
Le 11 octobre 2015, Monseigneur le Comte de Paris François d’Orléans avait rendu hommage à son frère le prince François, duc d’Orléans, mort il y a 55 ans en Algérie. Nous reproduisons ci-dessous le texte lu par le Prince en la Chapelle Notre Dame de la Compassion (Porte des Ternes). « Aujourd’hui nous célébrons le 55° anniversaire de la mort du Sous- Lieutenant François d’Orléans, mort pour la France. Nous étions trois frères à nous être engagés volontairement pour l’Algérie, comme tant d’autres Français, pour ce que l’on appelait pudiquement une pacification, alors que nous savions bien que c’était la guerre avec toutes ses horreurs. Mais nous étions jeunes, nous nous pensions immortels. Nous y avons connu l’amitié, la souffrance et pour certains la peur face au spectre de la mort ! nous étions responsables de la vie ou de la mort de notre peloton, de nos hommes, nous les aimions et ils nous le rendaient bien… Ce 11 octobre 1960, à mon bureau du SGDN, tôt le matin, je fus convoqué par le Ministre de la Défense. Il m’annonça le décès de François lors d’un affrontement avec des fellagas. Quelques instants après je téléphonais à mes parents qui se trouvaient au Portugal, ce fut bref mais dramatique. Un avion m’attendait à Villacoublay pour me rendre en Algérie, puis un hélicoptère afin de rejoindre le cantonnement du 7° Bataillon de Chasseurs Alpins en Grande Kabylie; ce Bataillon fut créé par notre ancêtre Ferdinand Philippe d’Orléans, Prince Royal, fils du Roi Louis-Philippe. Ma soeur la Princesse Hélène de France en fut longtemps la marraine. Je tenais à me rendre sur place, connaissant par expérience les horreurs de cette guerre sauvage et implacable. L’hélicoptère me déposa en plein « djebel », près de l’endroit où il fut frappé… alors on me raconta… François avait presque fini son temps légal. Certains me dirent qu’il voulait rempiler pour trois autres années. Le Commandant du 7° BCA désirait le prendre à ses côtés dans un poste administratif. Mon frère avait déjà fait ses adieux à son peloton, lorsqu’il apprend qu’une bande de fellagas avait été localisée dans le secteur et que son peloton devait participer à l’affrontement. Il supplia le Commandant de pouvoir, une dernière fois, accompagner ses hommes. Au cours de l’accrochage, un de ses harkis est blessé. Il se précipite pour lui porter secours. Il est lui-même frappé par deux décharges de chevrotines. Son peloton met en fuite l’adversaire pour le secourir… et… ses derniers mots furent : « comment va le blessé ? » Le 7° BCA avait érigé une chapelle ardente pour le veiller sous une grande tente de l’Armée. Il était là, couché sur un lit de campagne, beau et calme. Il avait accompli son devoir de Prince de France, son devoir de Français. On allait le déposer dans son cercueil qui resterait ouvert, car ses adversaires l’avaient respecté. Mes Parents purent le voir dans la cour de l’hôpital de Bab El Oued à Alger...
François d'Orléans (1935-1960)
François d'Orléans en uniforme de chasseur
François Gaston Michel Marie d’Orléans, deuxième fils du Comte de Paris (Henri VI de jure pour les Orléanistes), est né le 15 août 1935 au Manoir d’Anjou, à Woluwe-Saint-Pierre, en Belgique où son père était en exil. Il est Mort pour la France au champ d'Honneur le 11 octobre 1960 en Algérie. Il était titré Fils de France.
Une enfance en exil
La loi d’exil du 22 juin 1886 ayant interdit le territoire national au chef des maisons royales ou impériales ayant régné en France, ainsi qu'à leur fils aîné, c’est en Belgique que le prince François naît au foyer de son père, le Comte de Paris.
Ses études se poursuivront au Maroc, en Espagne et au Portugal. Il ne reviendra en France qu’en 1949 pour terminer ses études secondaires au collège des Oratoriens de Saint Martin de Pontoise. Il fera ensuite un diplôme d’ingénieur agronome à l’Institut agricole de Beauvais (1958).
Un prince soldat
Effectuant son service militaire à Mont-de-Marsan et à Pau avec un stage de parachutisme à Bordeaux, il intègre l’École d’officiers de Cherchell, en Algérie. Avec la grade de sous-lieutenant il prend part aux opérations militaires du 7e bataillon de chasseurs alpins. Corps fondé par son trisaïeul le duc d'Orléans (1810-1842).
Le 15 mars 1960, reçoit une Citation à l’ordre de la brigade avec attribution de la Croix de la valeur militaire avec étoile de bronze : Chef de section ardent et dynamique au combat. Vient de se distinguer à plusieurs reprises par son courage et son sang-froid au cours d'accrochages successifs en Grande Kabylie.
Le 11 octobre 1960, dans une embuscade à Taourirt–Ali-ou-Nasseur prés de Fort-National, il est tué au combat en tentant de dégager un de ses harkis (soldat musulman au service de la France).
La Citation à l'Ordre de l'Armée fera mention du commentaire suivant: Jeune officier animé du plus haut idéal et accomplissant avec simplicité les missions les plus difficiles. A remarquablement réussi comme chef de poste dans les villages kabyles qu’il a grandement contribué à pacifier par le rayonnement de sa personnalité. Toujours volontaire pour les actions de commando de chasse, s’est particulièrement distingué le 16 juin 1960, dans les Aït-Ouabane, où sa section a mis hors de combat 7 rebelles armés. Le 11 octobre 1960, a trouvé une mort glorieuse près du village de Taourirt Ali Ounasseur (Grande Kabylie) en conduisant une manœuvre hardie pour dégager un de ses harkis blessé''.
Il sera inhumé le 17 octobre 1960 à Dreux dans la Chapelle royale.
Hommages posthumes
Général de Gaulle : Le sacrifice du jeune prince François, mort glorieusement pour la France, ajoute un service exemplaire à tous ceux que sa race a rendus à la patrie et qui sont la trame de notre histoire. Que Dieu, maintenant, l’ait en sa garde. Télégramme du 11 octobre 1960.
Nommé Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume.
Titré Duc d’Orléans par son père, le comte de Paris en 1960.
Promotion d'officiers (1960) de l'École militaire de Cherchell porte son nom.
Depuis 1962, le 7e bataillon de chasseurs alpins a pris l'habitude d'associer son nom lors leur challenge annuel.
'Le Vent des Aurès'(arabe : ريح الاوراس Rih el-Aouras) est un film algérien réalisé par Mohammed Lakhdar-Hamina, sortie en 1966.
Avec Le Vent des Aurès, Mohammed Lakhdar-Hamina signait un chef-d'œuvre réaliste aux accents épiques traversée par l’interprétation muette de Keltoum. le film compte parmi les classiques de la cinématographie algérienne.
Synopsis
Dans une Algérie colonisée par la France, au fin fond de la campagne (aux Aurès), une mère cherche désespérément son fils raflé par l’armée française et incarcéré depuis plusieurs semaines dans un camp. Avec courage, elle défie les soldats français pour le trouver, allant d'un camp à l’autre, son obstination l’amène à trouver le camp dans lequel se trouve son fils, et d'y revenir jour après jour, indifférente aux menaces et aux intimidations des soldats français, animée par le plus pur et le plus fort des sentiments humains : l’amour d’une mère.
Le film "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb : les guerres de mémoires sont de retour, par Yasmina Adi, Didier Daeninckx...
Plusieurs personnalités issues de milieux différents expriment, dans une tribune au Monde.fr, leur soutien au film "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb contre des milieux nostalgiques de la colonisation.
Les vérités officielles et les dénonciations de l'"anti-France" qui ont sévi à l'époque des guerres coloniales sont-elles de retour ? Le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, qui va être présenté au Festival de Cannes et sera sur les écrans en septembre 2010, a déjà donné lieu à de surprenantes réactions, qui ne peuvent rester sans réponse.
Le film raconte les parcours de trois frères, témoins des massacres de Sétif en mai 1945 et qui vivent ensuite en France, où ils seront plongés dans les excroissances en métropole de la guerre d'indépendance algérienne. Symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale dans certains secteurs de la société française, avec la complicité des gouvernants, un député a lancé une campagne contre ce film avant même son achèvement, campagne relayée – ce qui est plus grave – par un secrétaire d'Etat.
A l'automne 2009, fâché de la manière dont le scénario évoquait les massacres de Sétif et l'aide apportée par des Français aux militants indépendantistes algériens, le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, vice-président du conseil général de ce département, a discrètement saisi le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants Hubert Falco, par ailleurs maire de Toulon. Et dans une lettre à ce dernier du 7 décembre 2009, il dénonçait le concours financier apporté par le Centre national du cinéma (CNC) à ce film qu'il n'avait toujours pas vu : "On peut s'interroger sur cette volonté d'encourager une repentance permanente que le président de la République a plusieurs fois condamnée. A défaut de pouvoir intervenir sur le CNC, je vous saurais gré de bien vouloir veiller à ce que la sortie du film ne puisse être cautionnée par les officiel
Précisant le sens de sa démarche, Lionnel Luca a déclaré le 23 avril 2010 à Paris-Match : "J'ai saisi le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants dès que j'ai eu connaissance du scénario. Celui-ci l'a transmis au service historique du ministère de la Défense (SHD), qui a confirmé que de nombreux faits sont erronés et réinterprétés. Ce que je voulais avant tout, c'est que le film ne soit pas dans la sélection officielle française. Le projet me dérange. Il ne représente pas la France mais l'Algérie, cela me convient." A ses yeux, en somme, le financement de la création devrait dans ce domaine être soumis à un label d'Etat définissant ce qui est ou non "historiquement correct".
Fruit d'une coproduction franco-algéro-tuniso-italo-belge, ce film est d'abord une œuvre libre qui ne saurait se réduire à une nationalité, ni à un message politique et encore moins à une vision officielle de l'histoire. Œuvre d'un cinéaste à la fois français et algérien, son producteur pouvait le présenter à la sélection officielle du Festival de Cannes en tant que film algérien ou film français. Il a choisi la première option (à l'inverse d'Indigènes, présenté comme film français à Cannes et algérien aux Oscars), les films français de qualité étant déjà nombreux à prétendre figurer dans une sélection nécessairement limitée. Et contrairement à ce qu'avance M. Luca, il n'y a rien de choquant à ce que l'essentiel du financement de Hors-la-loi vienne de France (parmi ses financeurs, figurent France 2 et France 3, Canal+, Studio Canal, Kiss Films – la société de Jamel Debbouze –, la région PACA, l'ACSE, Ciné-cinéma et le CNC). L'apport venant d'Algérie ne représente qu'environ 20 % du budget, dont une bonne part en prestations valorisées. Un apport qui, en l'occurrence, n'a été assorti d'aucune pression ni demande particulière.
Dans un courrier adressé le 15 janvier 2010 au député, Hubert Falco a affirmé que son ministère avait en fait saisi dès le 18 juin 2009 – donc avant l'intervention du député – le service historique de la défense "pour analyser le contenu historique du scénario" : "[Le SHD] confirme qu'un certain nombre d'erreurs et d'anachronismes en parsème l'écriture. Ces invraisemblances, parfois grossières, montrent que la rédaction du scénario n'a été précédée d'aucune étude historique sérieuse. Elles ne manqueront pas d'être relevées par les spécialistes lors de la sortie du film en salles. Au vu de ces éléments, et sous réserve que la version définitive du film n'y apporte aucun correctif, il semble difficile que les pouvoirs publics puissent soutenir un film qui livre de notre histoire une version aussi peu crédible. Je veillerai pour ma part, au nom de la défense de la mémoire qui relève de mes attributions, à ne pas cautionner ce film."
En septembre 2009, le général de division Gilles Robert, chef dudit service, avait en effet rendu un avis critique sur le scénario, répondant à la commande officielle. Nos réactions ne portent pas sur le contenu de cet avis, mais sur son principe même. D'ailleurs, ceux d'entre nous qui ont été invités comme historiens à voir le film ont aussi des réserves précises sur certaines de ses évocations du contexte historique de la période. Mais le travail d'un réalisateur n'est pas celui d'un historien et n'a pas à être jugé par l'etat. Personne n'a demandé à Francis Ford Coppola de raconter dans Apocalypse Now la guerre du Vietnam avec une précision "historique".
L'évocation d'une page d'histoire tragique peut aussi bien passer par la fiction, avec ses inévitables raccourcis, que par les indispensables travaux des historiens.
Dans le cas du film de Bouchareb, le problème de fond est ailleurs : des pressions ont été exercées sur les chaînes de France Télévisions pour ne pas coproduire le film et sur les responsables de la sélection officielle du Festival de Cannes pour qu'il ne soit pas sélectionné. Tandis que le producteur a été l'objet de demandes inhabituelles venant de la présidence de la République et du secrétariat d'Etat à la défense et aux anciens combattants pour visionner – dans quel but ? – le film avant la date de sa présentation officielle aux jurés et au public du Festival de Cannes.
En même temps, des associations extrémistes appellent à perturber le Festival en protestation contre la sélection de ce film. Et la réaction de M. Luca – rejoint le 29 avril par le député UMP de Béziers Elie Aboud, président du groupe parlementaire d'études sur les rapatriés, qui n'admet pas "qu'on utilise de l'argent public pour insulter la République" – est révélatrice : des milieux nostalgiques de la colonisation continuent de chercher à faire obstacle à la liberté de la création et à la nécessaire reconnaissance du passé colonial de la France. Ces députés déclarent espérer que la "Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie", prévue par l'article 3 de la loi du 23 février 2005, qui présentait comme positive l'"œuvre de la France outre-mer", sera rapidement mise en place, "afin de mieux approcher la vérité". Le pire est à craindre quand le pouvoir politique veut écrire l'histoire que nos concitoyens iront voir demain sur nos écrans.
Signataires : Yasmina Adi (réalisatrice), Didier Daeninckx (écrivain), François Gèze (éditeur), Guy Seligman (président de la SCAM) et Pascal Blanchard, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Jean-Pierre Peyroulou, Benjamin Stora, Sylvie Thénault (historiens).
Puisqu’au final, nous avons chacun nos nuages à portée de main, j’aimerais donc éclater les miens afin de voir tomber sur vous, à la manière d’une pluie furieuse, des torrents infinis de joies, de délices et de douceurs et que la beauté comble, de ses jets sonores et lumineux, l'étendue de votre regard. Dans la beauté, les aléas défavorables s’évaporent comme des bulles de savons pour renaître en bulles pétillantes, annonciatrices de réussites et des succès. Je vous souhaite donc une errance sans répit, sans limite dans la beauté afin de jouir pleinement de sa splendeur séductrice que rien ne ternit, ni la lenteur dans l’activité de l’esprit ni la promptitude dans son mode d’action. Dans la beauté, quand une idylle prend fin, une autre sort du néant armée des sourires d’un tournesol féroce pour illustrer les nuits de puretés et d’estimes. Dans la beauté, chacun s’offre une semblance de lui-même, véridique et réelle, sans réciprocité affreuse envers sa nature.
Je vous souhaite un retour à l’enfance avec la détermination d’adulte qui est la vôtre et de chavirer très logiquement dans un océan de jasmins où les vagues, d’élégies heureuses, chanteront pour vous l’envoûtement des jours florissants à venir.
Je souhaite à la femme sa place sacrée parmi les fleurs et à l’homme l’honnêteté de les nommer afin d’y trouver son affection et sa sensitivité dans l’émancipation de chacun quand il est en quête de l’autre car ainsi, le bonheur ne connaîtra point l’agonie. Je vous souhaite la force de triompher sur toutes les raisons de la haine et les seigneuriaux dédains et vous souhaite surtout de l’indifférence devant les richesses à profil bas, connaitre des hauts et des bas est une bénédiction du Ciel et toute souffrance est un germe de vie. Je vous souhaite du pep à repousser d’instinct toutes les valeurs et les mérites qui n’ont pas le prétexte du bon goût pour que s’effritent les préjugés et les clichés de lubricité accolés aux femmes qui chantent et qui dansent. Je souhaite la déclinaison vers l’authenticité de toute image infidèle que l’on se fait de nous-mêmes, car, à la base, elle donne corps au leurre auquel nous nous accrochons pour de tristes avantages. Je vous souhaite jour après jour, des instants productifs de poésies et un éclat immense d’espoir pour aider à remettre d’aplomb vos esprits à chaque déception, à chaque douleur et à l’ébauche de chaque chagrin. Je vous souhaite des étreintes en pagaille dans une prose séduisante avec celles et ceux que vous aimez et de regarder autrement celles ou ceux qui vous répugnent, car probablement, une senteur agréable flotte autour de leur aura, il vous faudra juste l’effleurer.
À chaque masse d’obscurité qui viendrait entraver votre chemin, je vous souhaite une masse de lumière cent fois plus résistante qui vous aidera à la faire reculer. Je vous souhaite de l’entrain pour élargir votre cercle d’amitié et du cœur pour l’entretenir. Je vous souhaite au plus fort, des arcs en ciel dans vos rêves et des volts puissants dans votre faculté d’aimer car l’amour quand il mord le ciel, peut reformer les destins.
Santé et bonheur. Que la vie vous ouvre ses sentiers les plus lumineux.
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