L'Expression: Comment est né votre intérêt pour l'écriture et l'histoire plus particulièrement?
Sid Ahmed Hamdad: Je porte cette passion pour l'histoire depuis bien avant l'entame de ma carrière professionnelle, au début des années 1980. Aussi, je n'ai jamais sacrifié, à ma vie professionnelle, mes premières passions (musique, peinture, théâtre). Cette ouverture d'esprit me permit donc de me consacrer à la lecture. Cet engouement m'entraîna, très tôt, vers l'achat d'un grand nombre de livres d'histoire de l'Afrique du Nord, notamment ceux qui traitent de l'Antiquité et du Moyen âge, deux périodes qui me fascinent. L'histoire des royaumes amazighs d'Ibn Khaldoun, et la période turque, m'intéressent au point de faire partie de mes projets d'écriture. L'épopée de l'Émir Abdelkader, et sa tentative de création d'un État, sont aussi pour moi d'un grand intérêt.
À quand remontent donc vos premiers textes dans l'écriture de l'histoire?
J'ai commencé d'abord par des articles de presse. Plus tard, mon statut de retraité me donna la latitude de m'adonner à une nouvelle passion, celle d'écrire. Aussi, j'ai décidé de partager avec mes concitoyens, sous forme de contributions livresques, ce que j'ai appris au cours de mes lectures durant des décennies. Car, ce «présent», si aléatoire par ses promesses et si fragile par son vécu, doit- il se nourrir du passé'» pour que le futur soit une fenêtre ouverte sur l'idéal de la connaissance. Un «passé», ou plutôt des tranches d'expériences vécues, que l'âge doit absorber pour en faire le meilleur don au «futur». J'ai médité sur mon expérience intellectuelle, vécue au milieu de plusieurs générations qui s'étaient succédé autour de moi, chacune me donnant une part du meilleur de son héritage sur les plans spirituel, social et culturel. Aussi, je me suis fait un devoir de transmettre cette lumière qui a éclairé mon passé, et qui éclaire mon présent. Ainsi, l'acte d'écrire, en plus d'une passion, est devenu un devoir qui s'inscrit dans une nouvelle tâche que je me suis assignée, celle de tenter de visiter l'histoire de l'Afrique du Nord.
Et c'est ainsi qu'est né votre premier livre au titre très évocateur «Amazigh». Parlez-nous de ce livre et dites-nous pourquoi avoir choisi ce thème plus particulièrement?
Il était essentiel pour moi d'écrire ce livre, tant que j'avais les documents pouvant me permettre de brosser une fresque historique, s'étalant sur 4000 ans, et qui définit historiquement ce peuple amazigh. Ses accointances ou ses oppositions, avec les autres peuples qui l'ont approché, et mettre l'accent sur les rivalités de ses souverains, sans omettre les mérites de ces derniers, d'avoir su reconstituer leurs royaumes, dits «Royaumes maures du 6ème siècle».
À quelle période commence votre récit historique?
Ainsi j'ai écrit ce premier livre où l'histoire des Amazighs avait débuté avec les écrits hiéroglyphiques laissés par les Égyptiens, qui marquèrent le début de leur entrée dans l'histoire. Ceux - la seront suivis par ceux des auteurs grecs et latins de l'Antiquité. Ces derniers, historiques et plus concrets, sont traités avec rigueur, et permirent l'élaboration de l'ouvrage que j'ai rédigé avec le souci de l'indication de la référence, qui crédibilise la recherche de tout historien qui se respecte. Autrement dit, je n'ai pas négligé d'éclairer mes lecteurs sur la pertinence des sources de l'information. Pas moins de 33 titres de livres, avec leurs auteurs, furent mentionnés en bibliographie. Pas moins de 46 sites électroniques se rapportant à ma recherche furent répertoriés en biblionet. Ainsi, la référence de l'information historique a tenu une place indispensable dans le développement de mes commentaires. Ma formation scientifique (Ingénieur d'État) m'ayant aidé à la traiter avec la rigueur qui sied à tout raisonnement logique. J'ai donc organisé ma recherche selon une présentation discursive de toutes les périodes historiques. «Amazigh - le peuple d'Afrique du Nord, de 3500ans av J.- C.; au VIIe siècle ap J.-C.», publié en mars 2020 (Éditions El AMEL - Tizi Ouzou), un livre de 550 pages qui se présente comme un argument supplémentaire, prouvant que la nation nord-africaine existe depuis l'aube de la Protohistoire. La rédaction de ce livre, avec sa recherche et sa saisie, s'est étalée sur plus de 6 années.
Pouvez-vous nous parler des échos obtenus après sa publication?
La presse écrite a salué la parution de l'ouvrage, le qualifiant d'oeuvre monumentale, tout en mettant en exergue la rigueur remarquable de sa rédaction. Que d'autres commentaires viendront étayer pour comparer l'ouvrage «Amazigh» à une des plus grandes et des plus flamboyantes sagas, que le lecteur a l'avantage de parcourir en ses 550 pages. Des réactions aussi favorables que celle d'estimer que l'ouvrage est une implacable méditation mémorielle sur l'histoire, voire une oeuvre qui ouvre une fenêtre inédite sur les pratiques d'écrivain. Que d'autres écrits vont dans le même sens, en considérant que l'ouvrage nous réhabilite avec notre histoire et en relève les éléments qui la rendent digne de fierté. Ils mettent l'accent, à travers la lecture de l'ouvrage «Amazigh», sur l'immense passion de l'auteur pour l'histoire, et un profond attachement à son pays et à son peuple. Et de conclure que ce livre devrait être une référence dans toutes les universités algériennes. À ce titre, les bibliothèques de wilaya de Sidi Bel Abbès et de Tipaza se sont dotées d'exemplaires de ce livre. Sans omettre quelques bénévoles qui avaient acquis l'ouvrage pour l'offrir à des bibliothèques de la wilaya de Tizi - Ouzou. Les universités de Sidi Bel Abbès et de Tipaza, après m'avoir invité à donner des conférences, dotèrent leurs Bibliothèques Centrales respectives de l'ouvrage. Notamment celle de Sidi Bel Abbès, laquelle, intéressée par la profusion des livres et documents cités dans ce livre comme références, et l'aspect didactique qui caractérise sa rédaction, prit l'avantage d'un exemplaire destiné à la recherche. La presse télévisée (Emission «l'Autre Regard») m'avait permis d'en débattre le contenu avec M. Abderrahmane Khelifa (historien - archéologue) par des échanges riches et passionnés. Néanmoins, de nombreux concitoyens arabisés, très intéressés par les 4000 ans d'histoire antique de leur pays, regrettèrent que l'ouvrage ne soit pas traduit en langue arabe pour qu'ils en prennent connaissance. Aussi, mon voeu le plus cher est que ce livre soit traduit en langues arabe et amazighe. J'ai déjà saisi le secrétaire général du Haut-Commissariat à l'amazighité pour sa traduction en langue amazighe. La traduction d'un si gros livre en langue arabe exige des moyens financiers conséquents, ce qui implique le ministère de la Culture, ou quelques mécènes.
Vous êtes également auteur d'autres livres, peut-on en avoir une idée?
Reclus dans ma solitude due au confinement, dans ma retraite, j'ai pu encore peindre des toiles et écrire deux autres livres: «L'homme - De la Préhistoire à l'Antiquité» et «Djebel Robba- Mythe et réalité». Pour le premier, j'ai estimé qu'il est essentiel que je décrive le parcours de l'homme africain, depuis l'apparition des Hominidés sur Terre. En fait, c'est une succession de données, basées sur les restes d'humains étudiés par la paléontologie et l'anthropologie préhistoriques, et qui s'étale d'abord, sur des millions d'années, puis sur des milliers d'années, jusqu'à l'avènement des fresques rupestres millénaires. Celles - ci me révélèrent les premiers habitants du Sahara central et de l'Afrique du Nord, auréolés de leur civilisation du Néolithique. L'aboutissement de ma recherche fut la période paléoberbère, qui débuta la longue tranche d'histoire du livre «Amazigh». Ainsi, la nation amazighe commença par s'organiser durant cette période, en confédération avec des «rois», tel Meghiey, chef de la confédération des Lebou et contemporain du pharaon Méneptah (1224-1214 av. J.-C.), ou Mesher, de la tribu des Meshwesh et contemporain du pharaon Ramsès III (1198 - 1168 av. J.-C.), et cela bien avant le pharaon Sheshonk 1er (950-929 av. J.-C.).
Qu'en est-il de votre livre intitulé «Djebel Robba, mythe et réalité»?
Pour ce qui est du livre «Djebel Robba - Mythe et réalité», je dois avouer que la petite montagne de Djebel Robba (daïra de Sfisef - wilaya de Sidi Bel Abbès), et ses pierres mystérieuses, a excité ma curiosité depuis mon enfance. Car elle domine les terres que ma famille possède depuis l'époque ottomane. Jusqu'au jour où je découvris, au cours de ma lecture de «l'Histoire de l'Afrique du Nord» de Ch. A. Julien, le nom d'une religieuse chrétienne nommée Robba. Après avoir été certain que Djebel Robba n'a aucune relation, historique ou archéologique, avec la donatiste, je décidais d'élucider son mystère séculaire que sa légende avait amplifié. J'ai donc entamé une observation des lieux, accompagnée d'une recherche livresque qui dura quelques vingt années (2003), et dont les résultats figurent dans le livre «Djebel Robba - Mythe et Réalité». Ce document, étayé par des photos prises il y a plus de 12 années, s'inscrit dans ma volonté de faire découvrir aux institutions spécialisées, telles le Crasc d'Oran et le Cnrpah d'Alger, ce que cette petite montagne a d'essentiel pour notre patrimoine archéologique. Car elle possède des indices, voire des preuves qui confirment qu'elle est le siège d'une nécropole datant de la fin de la Préhistoire au début de l'Antiquité. Le Cnrpah d'Alger prêta un grand intérêt pour cette découverte et informa la direction de la culture de Sidi Bel Abbès (octobre 2022) qu' «une visite sur le terrain est nécessaire pour mieux documenter cette trouvaille... pour mettre en oeuvre les meilleurs moyens de sauvegarde, de protection et de valorisation de ce patrimoine». À ce jour, le Cnrpah, et moi- même, sommes toujours en attente de l'expertise souhaitée, pour éventuellement doter la wilaya de Sidi Bel Abbès de son premier site classé, parce qu'elle n'a aucun site classé!
Quelles sont les difficultés qu'on rencontre quand on écrit sur des sujets d'histoire?
Au cours de mes lectures sur l'histoire des nations et de leurs civilisations, je jetais autant mon dévolu sur les personnages historiques, femmes et hommes, qui influencèrent le cours de l'histoire de leur pays et de leur civilisation. Ma bibliothèque m'incita, une fois l'âge de la retraite atteint, à faire une synthèse de tout ce que j'avais lu.
Pour l'écriture de l'histoire de l'Algérie, les nombreux documents dont je dispose me permettent de procéder par étape, depuis la Préhistoire à l'invasion française. Aussi, en ce qui me concerne, la seule difficulté éventuellement rencontrée, c'est la classification chronologique des évènements, pour un souci de clarté et de rédaction discursive. Les carences chroniques de notre société, envisagées dans leur aspect culturel, méritent ce sacrifice et interpellent ses intellectuels à transmettre la Mémoire, et les tenants des pouvoirs sur leur devoir de la préserver, par leur soutien aux écrivains.
Etes-vous tenté par l'écriture d'un roman historique, comme le fait une partie des auteurs spécialisés en histoire?
Le seul roman que je peux écrire, c'est celui de ma vie, car ce sera mon vécu authentique et sans fioritures. Le roman historique risque de nous faire tomber dans l'anachronisme, soit par les dialogues, soit par l'intrigue en elle-- même, ou par la non-conformité des descriptions des scènes, de l'environnement et des lieux dans lesquels évoluent les personnages. Ainsi, son schéma directeur exige une documentation aussi bien fournie que celle que vous vous exigez pour l'écriture de l'Histoire elle-même. De surcroit, l'écriture du roman historique nécessite, au préalable, une autre documentation qui traite de la sociologie et l'urbanisme de l'époque du roman.
Vous avez animé il y a quelques jours, une séance de vente-dédicace à Tizi Ouzou, pouvez-vous revenir sur cet événement?
Les échanges portant sur la Préhistoire y furent riches et animés. Il était aussi question des rois amazighs qui marquèrent les premiers l'histoire des Amazighs, et qui dirigèrent des combats historiques contre les pharaons en terre d'Égypte même. La démarche classique d'une recherche archéologique sur un site, mis d'abord en évidence par une légende, fut autant évoquée. Les débats n'étaient interrompus que pour répondre à la demande des dédicaces. Cette rencontre, pour la présentation de mes livres avec vente dédicacée, comme celles de Cherchell, de Tipaza, de Saïda, d'Oran, de Sidi Bel Abbès et d'Alger, m'avait permis d'évaluer avec satisfaction, eu égard aux débats suscités, l'intérêt porté à l'histoire par mes concitoyens.
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