INFO LE FIGARO - L'artiste-interprète, né en Algérie en 1959, est arrivé ce mercredi 1er février en Algérie. Après une visite à Tlemcen, la ville de son enfance, il visitera Alger.
« L'avion va bientôt atterrir, tu caches tes larmes dans un sourire. J'avais quel âge? Trois ans à peine. Et nous voilà tous les deux à Tlemcen. » Je reviens, chanson figurant sur son dernier album, Encore une fois, sortie en novembre 2022 était prémonitoire.
Patrick Bruel est arrivé ce mercredi 1er février en Algérie, « là où il a laissé un bout de cœur caché » pour cinq jours avec sa mère, Augusta. Tous les deux vont visiter leur terre natale, Tlemcen, dans l'ouest de l'Algérie.
C'est là que l'artiste interprète aux millions de disques vendus et aux multiples récompenses, aussi comédien et grand joueur de poker, est né le 14 mai 1959. Patrick Bruel, qui s'appelle encore Patrick Benguigui n'y restera que trois ans.
Pendant que j'écrivais cette chanson (Je reviens), j'ai reçu un coup de téléphone m'informant que les autorités algériennes souhaitaient que je revienne en Algérie et qui plus est avec ma maman. C'était un signe pour moi
Patrick Bruel
Patrick Bruel.
En 1962, alors que l'Algérie accède à son indépendance, il s'installe avec sa mère à Argenteuil, dans la banlieue parisienne. Jusqu'à aujourd'hui, Patrick Bruel n'était jamais revenu en Algérie.
En novembre 2022, il témoignait sur RTL : « Pendant que j'écrivais cette chanson (Je reviens), j'ai reçu un coup de téléphone m'informant que les autorités algériennes souhaitaient que je revienne en Algérie et qui plus est avec ma maman. C'était un signe pour moi. Donc on est en train de préparer ce voyage que j'ai fantasmé, que j'ai imaginé. J'espère le rendre réel dans les semaines qui viennent. Français, juifs, Berbères. C'est beau. »
Lors d'une rencontre avec les lecteurs du Parisien en novembre 2022, Patrick Bruel a affirmé que parents et ses grands-parents l'avaient toujours élevé « dans l'amour de l'Algérie, sans mots de haine ou de revanche concernant son pays de naissance ».
Après la visite à Tlemcen, qui comprendra notamment un retour dans le quartier et l'école de son enfance, Patrick Bruel viendra visiter Alger.
Ses interprétations d’Esmeralda, de la reine de Saba ou d’Adeline dans Fanfan la Tulipe ont élevé au rang de sex-symbol l’actrice italienne Gina Lollobrigida, morte lundi à 95 ans, une beauté mythique qui regrettait de n’avoir jamais trouvé l’âme sœur.
Alger, capitale, au commencement des « sixties » Les pieds-noirs quittent le navire, les colons dératisent 1961, période estivale, c'est la guerre d'Algérie et son festival Et son lot de discrimination, de tortures, d'exactions tout un ramassis d'ordures Quelques degrés au Nord de l'équateur Je quitte l'Algérie française, un pincement dans le coeur Voici mon parcours Ahmed, fils de Mohamed Gangrené du corps par la misère du Maghreb Par les meurtres les soirs de couvre-feu, par la peur du soldat français qui ouvre le feu Ouvre les voiles petit paquebot libérateur Emmènes moi au pays des employeurs Loin de l'inactivité beur algéroise Loin de ceux qui transforment nos mosquées en paroisses Basilique de Notre-Dame d'Afrique s'éloigne de mon regard lorsque les mouchoirs s'agitent Verse une larme dans la méditerranée Une goutte d'eau dans la mer contient la peine de ma terre damnée .
Accoste a Marseille, port autonome, Citée Phocéenne un étranger parmi les autochtones Direction Saint Charles gare ferroviaire embarquement quai 7, voiture 6, wagon fourrière Croise le regard des îlotiers me foudroyant le cœur comme un tir de mortier Reçoit la flèche de la haine par les appelés du « Contingent » "Tes papiers ! - Je suis français missié l'agent " Chemin de fer, terminus Paris Gare de Lyon La métropole et son peuple par million Quelques dizaines de francs serrés dans un poing Serviront de premier contact au café du coin Moi qui cherchait de la chaleur j'eu le sang glacé Quand mes yeux rencontrèrent les leurs couleur iceberg bleuté Bluffé par leur manque d'hospitalité ainsi sont-ils ? Moralisateurs sans moralité Démoralisé je reprends le chemin lequel me conduira dans les quartiers maghrébins Nanterre, monticule de bidonvilles habitation précaire pour mon entrée en vie civile
"Je ne laisserais pas les cœurs du FLN faire la loi dans Paris ! A partir de maintenant pour un coup reçu … vous en rendrez 10 ! "
Ici rien de bon pour les ratons m'a dit le commissaire sanguinaire de mon canton Après m'avoir uriné sur les mains, le gardien de la paix casse du cru au quotidien 17eme jour du mois d'octobre, le FLN a décidé de mettre fin a l'eau propre En effet, le journal de la veille titrait : "COUVRE-FEU RECOMMANDÉ POUR LES IMMIGRÉS" Non ! La réaction ne s'est pas faite attendre Algériens de France dans les rues nous allons descendre Protester contre leurs lois discriminatoires Investissons leurs ponts et leurs centres giratoires Embarqué dans un cortège pacifique, nous réclamons justice pour nos droits civiques Mais la police ne l'entend pas de cette oreille En cette période nous sommes un tas de rats rebelles Marchons en direction du pont Saint-michel Nous verrons bien quelle sera l'issue de cette querelle Une fois sur la berge j'aperçois le cortège d'accueil Qui souhaite faire de ce pont notre cercueil Les camps s'observent et se dévisagent Un silence de mort s'installe entre les deux rivages Puis une voix se lève, scande " A bas le couvre-feu " et ouvre le feu La première ligne s'écroule et commence la chasse à l'homme Je prends mes jambes à mon cou, comme un pur-sang je galope Mais le pont est cerné, nous sommes bernés Dans une prison sur pilotis nous sommes enfermés Pas une, pas deux mais une dizaine de matraques viennent me défoncer le crâne Et mes os craquent sous mon anorak Ma bouche s'éclate bien sur le trottoir Leurs bouches s'esclaffent bien grandes de nous voir " Nous allons voir si les rats savent nager Au fond de la Seine vous ne pourrez plus vous venger " Inconscient, gisant dans mon propre sang Les brigadiers en chef par tous les membres me saisissant Amorce ma descente là où passent les péniches S'assurent de ma mort frappant ma tête sur la corniche Je tombe comme un déchet au vide-ordure Dans la chute violemment ma nuque a touché la bordure Liquide poignardant tout mes orifices, le fleuve glacial un bûcher chaud pour mon sacrifice Monsieur Papon a jugé bon de nous noyer Aucun pompier pour étouffer le foyer On n'éteint pas des braises avec un verre de GASOLE Sans penser aux tirailleurs et combattants zouaves Mon cadavre emporté pas le courant Seras repêché dans les environs de Rouen.
D'étranges nénuphars flottent sur la Seine Séquence long métrage les yeux plongés dans la seine Dégât des eaux pour les gens des humans-zoo Déshumanisés les basanés ne font pas de vieux os
D'étranges nénuphars flottent sur la Seine Séquence long métrage les yeux plongés dans la Seine Dégât des eaux pour les gens des humans-zoo Déshumanisés les basanés ne font pas de vieux os Un sceau de pisse dans lequel on nois des rats Octobre noir, ratonnade sur les boulevards Ici rien de bon pour les ratons m'as dit le commissaire Maurice Papon 4 mois plus tard on ratonne a Sharon Les "crouilles" et les "cocos" qui aident les "bougnoules" 132 ans d'occupation française ont servis à remplacer nos cœurs par des braises Algérie en vert et blanc, étoile et croissant Devoir de mémoire grandissant. Jezzaïre.
J'ai l'sang mêlé, un peu colon un peu colonisé Un peu colombe sombre ou corbeau décolorisé Médine est métissé, Algérien-français Double identité, je suis un schizophrène de l'humanité De vieux ennemis cohabitent dans mon code génétique A moi seul j'incarne une histoire sans générique Malheureusement les douleurs sont rétroactives Lorsque ma part Française s'exprime dans le micro d'la vie Pensiez-vous que nos oreilles étaient aux arrêts ? Et que nos yeux voyaient l'histoire par l'œil d'Aussaresses ? Pensiez-vous que la mort n'était que Mauresque ? Que le seul sort des Arabes serait commémoré ? On n'voulait pas d'une séparation de crise De n'pouvoir choisir qu'entre un cercueil ou une valise Nous n'voulions pas non plus d'une Algérie française Ni d'une France qui noie ses indigènes dans l'fleuve de la Seine Pourtant j'me souviens ! du FLN qu'avec Panique et haine Garant d'une juste cause aux méthodes Manichéennes Tranchait les nez de ceux qui refusaient les tranchés dévisagé car la neutralité fait d'toi un étranger tout les français n'étaient pas Homme de la machine praticiens de la mort, revanchards de l'Indochine Nous souhaitions aux algériens ce que nous voulions 10 ans plut tôt Pour nous même, la libération d'une dignité humaine Nous n'étions pas ! Tous des Jean Moulin mais loin d'être Jenfoutistes proches de Jean Paul Sartre et des gens jusqu'auboutiste tantôt communiste, traitre car porteur de valise tantôt simple sympathisant de la cause indépendantiste j'refuse qu'on m'associe aux généraux dégénérés mes grands parents n'seront jamais responsables du mal généré du mal a digéré que l'histoire en soit a gerbé qu'des deux côtés de la méditerranée tout soit exacerbé
Alger meurt / Alger vie Alger dort / Alger crie Alger peur / Alger prie Alger pleure / Algérie
J'ai l'sang mêlé un peu colon un peu colonisé Un peu colombe sombre ou corbeau décolorisé Médine est métissé Algérien-Français Double identité, je suis un schizophrène de l'humanité De vieux ennemis cohabitent dans mon code génétique A moi seul j'incarne une histoire sans générique Malheureusement les douleurs sont rétroactives lorsque ma part Algérienne s'exprime dans le micro d'la vie Pensiez-vous qu'on oublierait la torture ? Que la vraie nature de l'invasion était l'hydrocarbure ? Pensez t-il vraiment que le pétrole était dans nos abdomens ? Pour labourer nos corps comme on laboure un vaste domaine On ne peu oublier le code pour indigène On ne peu masquer ca gène, au courant de la gégène Electrocuter des Hommes durant six ou sept heures des corps nus sur un sommier de fer branché sur le secteur on n'oublie pas ! les djellabas de sang immaculé la dignité masculine ôtée d'un homme émasculé les corvées de bois, creuser sa tombe avant d'y prendre emplois on oublis pas les mutilés à plus de trente endroit les averses de coup, le supplice de la goutte les marques de boots, sur l'honneur des djounnouds on n'oublie pas ! les morsures du peloton cynophile et les sexes non circoncis dans les ventres de nos filles on n'omet pas ! les lois par la loi de l'omerta main de métal nationale écrase les lois Mahométane et les centres de regroupement pour personne musulmane des camps d'concentration au sortir de la seconde mondiale on n'oublie pas ses ennemis les usines de la mort, la villa Sesini épaule drapée -- vert dominant sur ma banderole ma parole de mémoire d'Homme les bourreaux n'auront jamais l'bon rôle
Alger meurt / Alger vie Alger dort / Alger crie Alger peur / Alger prie Alger pleure / Algérie
J'ai l'sang miellé, au trois quart caramélisé Naturalisé, identités carbonisés Médine mais qui c'est ? Méditerranée ou mer du nord salé ? Tamponné Made in terre damné le plus dur dans une guerre c'est de la terminer que la paix soit une valeur entérinée les vieux ennemis nourrissent une rancœur pour l'éternité si l'Algérie s'enrhume c'est que la France a éternué alors ont dialogue en se raclant la gorge en se rappelant les morts avec le tranchant du bord on marque le score à chaque nouvelle écorche recompte les corps à chaque nouvel effort du martyr au harki du colon jusqu'au natif qui s'battirent pour sa patrie ? et qui pour ses actifs ? du pied noir au maquisard ont est tous en mal d'histoire Alger la blanche - Alger la noire
Alger meurt / Alger vie Alger dort / Alger crie Alger peur / Alger prie Alger pleure / Algérie
Son destin aura fait rêver plus d’une. Celui d’une femme de chambre qui est propulsé dans une vie de femme célèbre et célébrée à travers son art : celui d’écrire, mais aussi celui de chanter. Linda de Suza, la chanteuse portugaise de variétés, est décédée aujourd’hui mercredi à 74 ans en France. Elle possédait un don pour narrer sa vie, un conte de fées moderne dont elle avait tiré un livre, La valise en carton. Sa célébrité sera pourtant éphémère.
En 1984, la jeune femme crève l’écran de " Champs-Elysées ", en racontant à Michel Drucker comment elle a clandestinement franchi la frontière franco-espagnole à pied en 1969, son petit garçon João sous le bras, avec pour seul bagage une valise en carton, pour fuir " une famille tyrannique " dans le très conservateur Portugal de Salazar, où les filles-mères comme elle n’étaient pas tolérées. Dès le lendemain, les téléspectateurs bouleversés se précipitent chez leur libraire pour réclamer " le livre de la chanteuse qui est passée chez Drucker ".
Déjà populaire avant l’émission, Linda de Suza, de son vrai nom Teolinda Joaquina de Sousa Lança, née le 22 février 1948 à Beringel, au sud du Portugal, change de dimension. Les ventes de son autobiographie explosent : deux millions d’exemplaires. Elle écrit comme elle parle, un style sincère et extatique, sans épargner aucun détail au lecteur. Son enfance où elle s’occupe de ses sept frères et sœurs, sous l’autorité d’un père alcoolique et d’une mère malveillante.
Puis le pensionnat, la rencontre à 16 ans avec le père de son enfant, qu’elle refusera d’épouser, l’exode. " Mes copines avaient reçu l’interdiction de me parler. J’étais la honte du hameau… ". En France, c’est le bidonville d’Ivry-sur-Seine, le travail dans une conserverie du Kremlin-Bicêtre, puis comme femme de chambre à Paris.
En échange d' "un bol de soupe ", si l’on en croit la légende, elle chante Chez Louisette, un bistrot des puces de Saint-Ouen, où elle reprend Amalia Rodrigues, reine du fado. " Un jour, un compositeur passe par là et séduit par ma voix, me fait enregistrer une chanson intitulée Le Portugais, raconte-t-elle. Premier passage chez Drucker en 1978 : 400.000 ventes.
Entre variété française et chansons sentimentales portugaises, elle vendra, essentiellement en France, des millions de disques tout au long de sa carrière, conduite par son producteur, Claude Carrère, le pygmalion de Sheila.
Sa recette ? Des rengaines entêtantes -comme le refrain reggae de Tiroli Tirola– et des textes où elle s’identifie à son public : " Comme vous j’ai ma vie, j’ai mes joies et mes peines. Et de petits soucis, moi aussi, comme vous. " Elle remplit l’Olympia pour deux séries de concerts en 1983 et 1984, puis enchaîne les émissions pour promouvoir son autobiographie.
Les fans affectionnent son sens de la formule, elle qui répète à l’envi, être passée " de l’aspirateur au micro " ou " de femme de chambre à femme du monde ". En 1986, La valise en carton devient une comédie musicale avec Jean-Pierre Cassel, sous la houlette de Maritie et Gilbert Carpentier. Mais malgré une intense campagne de presse, le Casino de Paris sonne vide. La chanteuse multiplie les malaises pour surmenage, qui contraignent le producteur Jean-Claude Camus, furieux, à mettre fin aux représentations.
Sa famille l’accuse parallèlement d’avoir volontairement noirci sa vie. Première traversée du désert. C’est Michel Drucker, encore lui, qui lui redonne sa chance en 1988 et l’invite à défendre un nouveau disque et son dernier livre, Je vide ma valise, où elle critique l’industrie du spectacle. La même année, sa vie est à nouveau adaptée, avec succès, dans un feuilleton télévisé en six épisodes.
Mais le public la boude et n’achète plus ses disques. " Il n’y a plus un franc dans ma valise en carton ! ", révèle-t-elle en 1997. " Tout le monde m’a dépouillée… ". Jusqu’à la fin de sa vie, elle assurera avoir été victime d’escroqueries, d’usurpations d’identité et d’erreurs administratives. Elle fera partie entre 2015 et 2017 de la tournée " Âge Tendre ", rassemblant des chanteurs à succès des années 1980.
L’UNESCO a inscrit le raï au patrimoine culturel immatériel de l’humanité le 1er décembre. Son ancrage dans un territoire, des pratiques culturelles, une histoire politique et sociale ne laisse aucune ambiguïté sur son identité algérienne.
Le président français Emmanuel Macron visite Disco Maghreb, le label mythique de la musique raï, devant son propriétaire, Boualem Benhaoua (à droite), à Oran le 27 août 2022 (AFP/Ludovic Marin)
Il signifie « opinion » ou encore « bon sens » dans le langage vernaculaire algérien, aussi bien arabophone que berbérophone.
Le raï, qui a été inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO le jeudi 1er décembre 2022, est profondément enraciné dans la culture des populations rurales et nomades de l’ouest algérien.
Vieux d’au moins 200 ans , ce genre de chant populaire était pratiqué à l’origine par des chioukha (pluriel de cheikh qui veut dire anciens et maîtres) et des cheikhate (pluriel de cheikha, féminin de cheikh).
Elles et ils chantaient des textes du melhoun, poésie populaire maghrébine, accompagnés par deux instruments, le gallal (tambourin tubulaire fait avec les racines de l’agave) et le gasba (flûte en roseau). Ce genre originel appelé bedoui (ou encore raï traditionnel depuis l’apparition du raï modercne avec instrumentation musicale) vient du mot arabe badia, qui signifie « la campagne » et que l’on retrouve auss dans le mot « bédouin ».
Le raï proprement dit, héritier du bedoui, a pris la forme qu’on lui connaît aujourd’hui au début du siècle dernier dans les milieux ruraux autour des villes de Saïda, Sidi Bel Abbès, Tiaret, Mascara, Relizane et Mostaganem qui constituent « le rectangle originel du raï », selon une expression utilisée par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH).
Les cheikhate dans les groupes exclusivement féminins appelés medahate (celles qui font des louanges) « vont donner une orientation moins soumise aux langages convenus en imposant des codes transgressifs : elles chantent la liberté d’aimer, le désir, tout en glorifiant Dieu et les saints », indique encore sur son portail le CRNPAH, chargé des dossiers de classements aux listes du patrimoine de l’UNESCO.
L’exode rural après l’indépendance en 1962 et durant les années 1970 va introduire ce chant populaire de l’Oranie progressivement, presque par infraction, dans les villes jusqu’à la capitale régionale, Oran.
Relégué au départ dans des milieux clos (bars, cabarets, maisons closes) par le conservatisme puritain heurté par « les références sans tabou ni censure à l’amour cru, à l’ivresse » (CNRPAH), le raï va finir par s’échapper et envahir rapidement l’espace public.
Une sorte de rébellion soft par la chanson
« L’esprit raï » était né, aux forceps, et il faudra toutefois attendre une décennie pour que la radio publique, devant la renommée des vedettes du raï à l’international, diffuse des morceaux jugés « soft pour la morale ».
« L’esprit raï », c’est la parole libérée sur les interdits de la société, notamment le sexe et l’alcool. C’est une vision des choses de la vie qui s’exprime par des opinions à contrecourant du discours officiel dans un pays figé par le centralisme politique et le conservatisme d’essence religieuse.
Une sorte de rébellion soft par la chanson. Une version rajeunie de celle des anciens des années 1930, qui dénonçaient les affres de l’occupation française.
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C’est également l’emploi exclusif de la langue des Algériens dans la vie de tous les jours : l’arabe dialectal, avec des emprunts au français et des expressions codées bien comprises par les jeunes, employé par rejet surtout de l’emploi de l’arabe officiel classique des institutions et des médias que, tout compte fait, peu de gens comprenaient et parlaient correctement.
Avec l’avènement de la cassette audio et l’introduction d’instruments tels que la guitare électrique, la trompette, l’accordéon et le synthétiseur, le raï prendra avec les Cheb (jeune génération de chanteurs, terme employé par opposition aux chioukha) la forme nouvelle et moderne qui le propulsera à l’échelle mondiale.
Une modernisation que l’on doit avant tout à Messaoud Bellemou avec l’ajout de la trompette et du saxophone dans son groupe, ainsi qu’aux producteurs Rachid et Fethi Baba Ahmed, qui perfectionnent les arrangements musicaux.
Messaoud Bellemou est le premier, dans les années 1970, à avoir l’idée de remplacer la traditionnelle gasba par la trompette. On raconte qu’elle lui est venue de la sonnerie de trompette, style corrida espagnole, qu’on lançait à l’entrée des joueurs sur le terrain du célèbre club de foot oranais le Mouloudia Club d’Oran (MCO).
Innovation au succès instantané, la trompette va se généraliser dans les orchestres jusque chez les baladins qui se promènent dans les rues avec un tambour (tabbla) et une cornemuse traditionnelle (chekkoua) et qu’il deviendra banal de voir entassés à l’arrière d’une camionnette dans un cortège de mariage.
Avec la trompette, Messaoud Bellamou ouvre la voie aux autres instruments de musique modernes : le violon, le synthétiseur, les percussions, etc. pour donner ce qui a été appelé le « pop raï », le raï moderne.
Cheb Khaled à Oran se distinguera avec l’accordéon, et le groupe rock Raïna Raï de Sidi Bel Abbès, avec les guitares électriques et les percussions, va faire des centaines d’émules.
À partir de la fin des années 1980, la déferlante des Cheb et Chebba trouvera son apogée avec Cheb Khaled et Cheb Mami, respectivement sacrés roi et prince du raï, la chanteuse Chebba Zahouania ou le groupe précurseur du pop raï Raïna Raï.
Cheb Hasni et Fadéla, et d’autres encore, perceront et sortiront de l’anonymat à partir de 1985 avec le festival annuel du raï d’Oran.
Moins connus en dehors du pays, Houari Benchenet, Messaoud Bellemou, Cheikha Djenia (décédée en 2004) auront pour leur part fait la soudure avec les cheikhate et chioukha de la première moitié du XXe siècle, parmi lesquels il faut citer la diva du raï Cheikha Rimitti (disparue en 2006), qui compose et interprète ses chansons, et Cheikha El Wachma (morte en 2009), ou encore, chez les hommes, l’illustre Cheikh Hamada (décédé en 1968), chantre du genre bedoui, et Cheikh El Khaldi (mort en 1964).
Alger conquis, l’est résiste
Dans les années 1990, le chant moderne oranais fait face aux foudres de l’intégrisme islamiste obscurantiste qui s’attaque aux vedettes durant la guerre civile. Cheb Hasni, Rachid Baba Ahmed et Cheb Aziz, chanteur de Constantine, paieront de leur vie leur popularité.
Cheb Hasni, assassiné le 29 septembre 1994 par le Groupe islamique armé (GIA), est aujourd’hui une icône. Surnommé le « rossignol du raï », il est remarqué dès son jeune âge et commence dans un cabaret à Oran.
C’est avec le festival du raï de 1985 que le grand public le découvre. Adulé par la jeunesse, il chante un amour sentimental expurgé des allusions aux mœurs réprouvées par la morale dominante et inaugurera ainsi le « raï love » mieux accepté par la société.
Prolifique, il enregistre plus de 150 cassettes et deviendra l’idole des jeunes au Maghreb et dans l’émigration jusqu’à prendre la place de Khaled, qui vit à l’étranger coupé des inspirations locales et a changé de style en l’occidentalisant sans pour autant renouveler son répertoire.
Mais avant de gagner l’international, le raï va d’abord partir à l’assaut du centre du pays et prendre sans difficulté sa capitale, Alger.
L’est du pays, plus conservateur, restera fermé aux chanteurs irrévérencieux mais le pop raï et le love raï vont s’enrichir d’un raï sétifien et d’un raï chaoui (de la région des Aurès, dans l’est) avec des rythmes et des intonations vocales propres à ces régions du sud et de l’est constantinois.
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En dehors des frontières du pays, c’est au sein de la communauté maghrébine établie à l’étranger, où l’engouement pour les cheb et chebba est quasi immédiat, que le raï va durablement s’implanter en Europe, et en France particulièrement, où il va produire ses propres célébrités comme Faudel et Rachid Taha, décédé en 2018.
Un emballement très lucratif aussi qui n’échappera pas aux milieux d’affaires plus professionnels qui boosteront ce nouveau genre musical et en faire un phénomène planétaire.
Au Maroc, voisin de l’Oranie avec lequel elle partage des pratiques culturelles communes, le raï se répand à la charnière des décennies 1980 et 1990 via les communautés d’émigrés.
La ville d’Oujda, près de la frontière entre l’Algérie et le Maroc, organisera un premier festival raï en 2006. Les grandes vedettes algériennes sont présentes et reviendront.
Un dossier qui aura mis six ans pour aboutir
Une rivalité s’installe au début des années 2000 sur la paternité du raï revendiquée par le Maroc et qui ne prendra définitivement fin qu’avec l’inscription du chant populaire algérien au patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Le raï continue d’évoluer en styles presque aussi nombreux que ses centaines d’interprètes. Il va gagner et emplir les espaces publics et privés en s’accommodant à tous les publics, mais « l’esprit raï », qui a profondément imprégné la société maghrébine, va survivre et réapparaître vingt ans plus tard avec une nouvelle génération.
La contestation contre l’ordre établi par des chants collectifs aux accents de raï reprendra dans les stades en 2018-2019 et sera le prélude aux hiraks, gigantesques manifestations pacifiques, dans le Rif marocain et durant deux ans dans les villes d’Algérie.
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Le patrimoine culturel immatériel (PCI) est une catégorie de patrimoine issue de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée par l’UNESCO en 2003.
Il ne doit pas être confondu avec le patrimoine mondial qui désigne un ensemble de biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité.
Le dossier de classement du raï a été introduit une première fois en mars 2016 au nom de l’Algérie par le CNRPAH. À l’examen du dossier par l’organe d’évaluation de l’UNESCO en décembre 2020, des réserves avaient été émises, relatives à la faible participation de la société civile pour témoigner, à l’insuffisance des mesures de sauvegarde et, plus généralement, au renseignement des fiches d’inventaire du dossier d’inscription.
La préparation du dossier a ensuite été confiée à une équipe de chercheurs du CNRPAH et à des experts nationaux qui ont travaillé sur le terrain à Oran, Aïn Témouchent, Sidi Bel Abbes et Saïda avec des associations culturelles.
Six ans se sont écoulés entre le dépôt du premier dossier de candidature en 2016 et l’inscription du raï sur la liste du PCI en 2022.
« Partout dans le monde, lorsqu’un label représente une manne financière importante, des pays essayent de se l’approprier », a rapporté l’APS, agence de presse officielle algérienne. « Une ‘’logique’’ qui expliquerait que l’inscription du raï n’avait pu aboutir jusqu’à ce jour. »
Le raï algérien est entré, jeudi 1er décembre, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. C’est une énorme consécration pour ce genre musical séculaire, rendu célèbre à travers le globe dans les années 1990 grâce à des artistes algériens comme Cheb Khaled, Cheb Hasni ou encore Cheb Mami. Pour Tarik El-Kébir, cogérant du mythique studio de musique Disco Maghreb, le label décerné par l’institution onusienne est une « récompense méritée ». « Le raï a toute sa place dans le classement du patrimoine culturel mondial. Il a traversé les années et les frontières et a su fédérer un très grand nombre de personnes grâce aux thématiques abordées dans les chansons comme l’amour impossible », se réjouit le producteur de musique, heureux de voir le genre musical décrié pour ses textes crus, voire vulgaires, enfin réhabilité. « Pendant longtemps, le raï était interdit sur les ondes de radio et les antennes de télévision. Voilà que l’Etat algérien défend cet art populaire. C’est un juste retour des choses », se félicite-t-il.
Dans son dossier de candidature, l’Algérie a rappelé que le raï, qui signifie littéralement « mon opinion » en arabe, est apparu à la fin du XIXe siècle. Pratiqué à l’origine « au milieu des populations paysannes et de pasteurs nomades des hautes plaines steppiques et de l’atlas saharien à l’ouest du pays », il s’est épanoui après l’indépendance en 1962. Au cours de l’important exode rural vers les centres urbains qui a suivi, Oran en est devenu la capitale. La note de présentation précise aussi que le raï « s’est imposé au niveau international grâce à la communauté algérienne installée à l’étranger, principalement en France ».
Nasreddine Touil, directeur artistique et cofondateur du festival de raï à Oran dans les années 1980, espère que l’inscription au patrimoine culturel mondial de l’Unesco apportera un nouveau souffle à un genre musical mis à mal depuis le début des années 2000 par le piratage massif. La production est artisanale et les représentations en public sont confinées dans les cabarets. « Cette reconnaissance mondiale du raï va permettre non seulement de préserver ce patrimoine, mais aussi de restructurer l’industrie musicale et de relancer la production, en faisant revenir sur le devant de la scène les anciens compositeurs, en rouvrant des studios d’enregistrement et en accompagnant la nouvelle génération de chanteurs », souhaite ce membre actif de l’association Art-cultures et protection du patrimoine musical oranais (ACPPMO), qui a participé à l’élaboration du dossier de candidature.
« Dossier commun »
Ironie du sort, le comité du patrimoine culturel de l’Unesco, qui examine depuis lundi une cinquantaine de candidatures, parmi lesquelles la harissa tunisienne et la baguette de pain française, est présidé pour cette dix-septième session par le Maroc. Depuis longtemps, le voisin de l’Est, grand rival politique, diplomatique et culturel, dispute à l’Algérie la paternité du raï. Au point d’avoir laissé planer le doute sur une éventuelle candidature en 2020 avant d’y renoncer. La même année, les autorités algériennes avaient déposé leur dossier de candidature auprès de l’institution onusienne, après une première tentative inaboutie en 2016, suscitant une polémique au royaume chérifien.
La démarche continue de faire grincer des dents au Maroc. L’ambassadeur marocain auprès de l’Unesco, Samir Addahre, a ainsi regretté de ne « pas avoir pu présenter un dossier commun » avec l’Algérie étant donné la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. En 2020, Rabat et Alger s’étaient entendus pour déposer une candidature conjointe, avec la Tunisie et la Mauritanie, pour inscrire le couscous, plat emblématique du Maghreb, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Du côté algérien, on espère que la décision prise jeudi mettra un terme à la querelle « inutile » sur l’origine de ce genre musical. « Le débat est clos. De grands artistes marocains reconnaissent eux-mêmes que le raï est 100 % algérien », estime Nasreddine Touil. « La polémique doit prendre fin, car il est indiscutable que le raï est né dans l’ouest de l’Algérie. Mais cela n’empêche pas les artistes marocains d’exceller dans ce genre musical et de continuer à produire des chansons que nous prendrons plaisir à écouter », avance Tarik El-Kébir.
Avant l’entrée du raï dans la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco, qui rend hommage aux pratiques, traditions et savoir-faire à conserver, l’Algérie avait déjà fait inscrire six « éléments culturels » : l’Ahelil du Gourara (en 2008), pratiqué notamment lors des mariages berbères, le costume nuptial féminin de Tlemcen (en 2011), le pèlerinage du Rab de Sidi Cheikh (en 2013), l’Imzad, sorte de violon touareg (en 2013), la fête de la Sbeiba à Djanet (en 2014) et les cérémonies de commémoration du Sbouh à Timimoun (en 2015).
Par Célia Zouaoui(Alger, correspondance)
Publié le 01 décembre 2022 à 14h17https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/12/01/le-rai-algerien-entre-au-patrimoine-immateriel-de-l-humanite_6152533_3212.html.
Elle a compilé 3700 heures de leur vie, filmée au long court pendant leur mariage. Et Laeticia Hallyday veut montrer une autre facette de son défunt mari, Johnny Hallyday, au public. Le 8 décembre prochain, l'idole des jeunes a droit à un documentaire "Johnny par Laeticia", qui raconte leur histoire et leurs épreuves.
Et la veuve du Taulier raconte en particulier les derniers mois de sa maladie... A l'époque où elle apprend qu'il a un cancer, elle n'ose lui dire la vérité, dit-elle sur M6, et elle lui cache qu'on lui a laissé trois mois à vivre. Le chanteur doit remonter sur scène pour une dernière tournée, avec ses amis Eddy Mitchell et Jacques Durtonc pour les "Vieilles Canailles". Et pour qu'il y parvienne, toute une équipe est mobilisée.
Comme elle le montre, avec des images inédites, Johnny Hallyday était en chaise roulante, lorsqu'il ne chante pas. "Il était sur scène mais les gens ne peuvent pas imaginer tout ce qu'il se passait derrière" dit-elle. Et d'ajouter : "Il faut organiser presque un hôpital derrière la scène avec de l'oxygène, des médecins qui lui font des piqûres dans le ventre quand il fait une pause entre deux chansons, pendant l’intermède au milieu du concert".
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