Avis sur le livreL'homme de Césarée
Françoise Chandernagor
Thème
Françoise Chandernagor déroule un nouveau chapitre de la vie de Cléopâtre-Séléné, fille de Cléopâtre et Marc-Antoine, née à Alexandrie en 40 av. J.-C. et seule survivante de sa lignée. Après avoir évoqué l'enfance de Séléné en Egypte (Les Enfants d'Alexandrie) puis sa jeunesse prisonnière à la cour d'Auguste-Octave à Rome (Les Dames de Rome), Françoise Chandernagor reprend ici son héroïne à ses 20 ans, lors de son mariage avec Juba II roi berbère de Maurétanie, né vers 52 av. J.-C à Hippone. La Maurétanie (''le pays des Maures'' qui correspond au Maroc et à l'Algérie d'aujourd'hui) était sous domination romaine. Il s'agit donc d'un mariage décidé par Octave. Juba est, comme Séléné, orphelin et dernier d'une lignée détruite par Rome où il a grandi dans une captivité dorée.
À son arrivée à Césarée de Maurétanie (actuelle Cherchell en Algérie), Séléné découvre que Juba est beau, intelligent, cultivé, riche et puissant. Malgré une nuit de noces désastreuse, les jeunes mariés s'apprivoisent petit à petit et l’amour est au-rendez vous. Ils sont, tous deux, au confluent des cultures grecque, égyptienne, romaine et berbère et souhaitent recréer une lignée, construire une dynastie pour préserver la souveraineté de la Maurétanie au sein de l'Empire Romain. Séléné, soutenue par Juba, s'attache à développer les arts et la culture en son royaume.
Points forts
Le bagout de Françoise Chandernagor : son écriture vivante, ses pointes d'humour.
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Les descriptions des paysages, des monuments, de la bibliothèque de Juba à Césarée.
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Le personnage de Juba : premier encyclopédiste avant Pline, explorateur, constructeur, guerrier.
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Le canevas historique rigoureux (dates, batailles, complots, personnages).
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La liste des principaux personnages à la fin du volume pour situer chacun dans leur rôle et comprendre les liens familiaux extraordinairement complexes des Julio-Claudiens. L'auteur elle-même dit qu'en dessiner un arbre généalogique lisible est impossible.
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Points faibles
Certes en l'absence d'écrits historiques avérés, de journaux intimes, de confidences qui auraient traversé les siècles, « pourquoi n'aurait-il pas été permis à l'historienne de laisser rêver la romancière ?» (F.Chandernagor). D'accord. Mais, ici, en ce qui concerne les sentiments amoureux de Séléné, l'imagination de la romancière est un peu envahissante.
En deux mots...
En fait, ce roman historique, qui parfois me lassait un peu, m'a finalement séduite grâce aux vingt dernières pages (Note de l'auteur) qui approfondissent les sources, les questionnements de l'auteur et ses choix de présentation des personnages et des situations historiques. Après ces explications circonstanciées et intéressantes, j'ai décidé “d'oublier” les passages qui -sans en être- frôlent le roman de gare.
Un extrait...
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« La Région est en paix. Les domaines royaux sont florissants, les Musulames restent tranquilles, les Massaesyles silencieux, et les Gétules, invisibles. Avec l'aide des affranchis venus de Grèce qui occupent le bâtiment administratif construit devant le théâtre, sur la placette qu'on appelle pompeusement « le Forum », la reine peut gouverner. Juba lui a délégué tous ses pouvoirs sur la partie orientale du royaume. Pour la première fois, elle émet une monnaie à son seul nom - avec son profil d'un côté, et le petit temple d'Isis de l'autre. Basilissa Kleopatra...Sitôt régente, elle entreprend de nouveaux travaux. Elle veut faire de Césarée la perle de l'Afrique. » (p.253)
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[Retour de Juba à Césarée après son exploration de la côte atlantique]
« Les navires maurétaniens reprirent la route du nord : Agadir, les îles Purpuraires, puis Sala, récupérant au passage les soldats et les vaisseaux que le roi n'entendait pas laisser à demeure. À Migdol-Essaouira, Juba maintint cependant une forte colonie d'artisans pour produire de la pourpre qu'il voulait vendre en Europe. Partout, il élevait des autels aux Dieux Maures, Dii Maures, ou à Hercule, deus patrius, « dieu de la patrie », affirmant ainsi clairement la souveraineté maurétanienne sur la côte nouvellement découverte. Le reste du temps, sur le pont de sa trirème, il dictait des notes de voyages qu'il remettrait en ordre à Césarée : il comptait publier ses découvertes dans un livre qu'il intitulerait simplement Libyca, « De l'Afrique ». » (p.287)
L'auteur
Françoise Chandernagor, vice-présidente de l'Académie Goncourt, a quitté la magistrature en 1993 pour se consacrer entièrement à l'écriture. Elle a publié une pièce de théâtre, deux essais et dix-sept romans dont L'Allée du Roi, Julliard, 1981; L'Enfant des Lumières, De Fallois, 1995; La Première épouse, De Fallois, 1998; La Chambre, Gallimard, 2002; aux éditions Albin Michel, La Reine oubliée: Les Enfants d'Alexandrie, 2011, t.1, Les Dames de Rome 2012, t.2, L'Homme de Césarée 2021, t.3, Le Jardin des Cendres, t.4 à paraître sans date précise, clôturera cette tétralogie.
Anne Jouffroy
https://culture-tops.ouest-france.fr/livres/lhomme-de-cesaree-5110/
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