Livres
Taxis. Roman de Aïmen Laïhem. Editions Barzakh, Alger 2023, 165 pages, 900 dinars.
Un citoyen d'Alger qui, dans l'anonymat, raconte Alger. Mais il la raconte de manière assez originale, encore introuvée dans notre littérature contemporaine. A partir d'un «taxi». Facile, tant il est vrai que le moyen de transport dénommé «taxi» a pris, depuis peu, une importance... quantitative... c'est-à-dire disponible à tout moment et en tous lieux, alors qu'il y a moins d'une décennie, il fallait vraiment ramer pour avoir un «taxi».
Notre citoyen n'est pas fainéant et bien que travaillant à quelques minutes de marche de son domicile, il préfère emprunter le... taxi. Pour mieux regarder sa ville. Pour mieux jauger la vie et les propos de ses concitoyens ayant emprunté «son» taxi. Pour mieux juger une société dont il fait partie mais où il se sent, quelque part, étranger. Il n'est pas le seul... tant il est vrai que la clientèle des taxis ainsi que le monde de «taxieurs» sont multiples et variés : des véhicules bien entretenus, des tacots, des taxi-compteurs, des clandestins, des pleins, des à moitié vides, des vides... des chauffeurs ronchons, des chauffeurs muets, des chauffeurs accueillants, des chauffeurs religieux, d'autres j'memfoutistes, des nationalistes, des rêveurs d'ailleurs... et, des prix qui jouent au yo-yo.
Finalement, un sociologue de la vie urbaine qui s'ignore qui a voulu, nous dit-il, voir la société d'un nouvel œil, «plus aiguisé et bienveillant» (pas tant que çà !), à analyser, à visualiser, à cerner et essayer de mieux comprendre les gens, «mais, surtout, à mieux apprécier ce peuple».
L'Auteur : Né en 1998 à Alger. Architecte (Epau/Alger). Premier livre.
Extraits : «Tchoutchou maleh est le nom que donnent les Algérois au goéland. Cet oiseau emblématique de la ville porte un nom composé de deux mots : «tchoutchou» qui, en kabyle, sert à désigner la viande pour les enfants et «maleh», terme arabe signifiant «salé».Traduit littéralement, tchoutchou maleh voudrait donc dire «viande salée».Il en est ainsi en référence peut-être, à son environnement marin, iodé...» (p33), «Des oiseaux. Des mouettes, encore et toujours. Ici, elles sont légion. Ça rajoute de la blancheur au tableau. Toujours mieux que les pigeons» (p 50), «Parfois, c'est ça un taxi : quelque chose vous rattrape alors que vous le fuyez (p55)», «Quel cauchemar ! Il se fait tard et les taxis se font rares dans le noir. Le jour, une voiture sur cinq est un taxi. La nuit, toutes les voitures d'Alger deviennent des taxis. Clandestins, bien sûr» (p 80), «Il ne vente que très rarement sur Alger. Mais quand il arrive au vent de se lever, oubliez la douce ville côtière de la Méditerranée, c'est l'océan qui prend place, c'est l'Atlantique Nord, l'Arctique ! Alger devient infernale. Bourrasques sous les palmiers/Tornades de déchets. Tourbillons d'eau sale et salé.» (p 121)
Avis - Étonnante forme de récit... A lire ne serait-ce que par curiosité... et, pour encourager l'auteur et l'éditeur.
Citations : «Alger sous la pluie n'est plus Alger. Elle n'est plus la même ville. Elle n'est plus. C'est Venise sans les gondoles. Un cauchemar» (p14), «Cette ville (note : Alger) est une montagne russe. Si mal nommée d'ailleurs. Cette ville est plutôt une montagne algérienne (pp 50-51), «Taxi» est le nom donné à une drogue qui ravage la société algérienne.
On l'appelle ainsi du fait de sa couleur jaune et blanc. A long terme, le «taxi» a les mêmes effets que la cocaïne ou toute autre drogue dure : une dépendance qui tue à petit feu...» (p150), «C'est surtout ça un taxi : un siège sur lequel s'adosser quand on n'arrive plus à avancer par soi-même» (p153).
Ils ont dit Alger : Alger en toutes lettres. Essai et recueil de Aïcha Kassoul (Préface de Rachid Boudjedra). Editions Régie Sud Méditerranée (Rsm Communication), avec le concours du Commissariat général de l'Année de l'Algérie en France, Alger 2003. 117 pages, 1 200 dinars (mais 500 dinars en librairie ambulante)*
Alger, capital de l'Algérie. Au nord de l'Afrique, à l'ouest de l'Orient, au sud de l'Europe. Rond-point et carrefour de la mer Méditerranée. Alger, «ville audacieuse», «ville au large rapide à l'aventure» (Anna Greki).Alger... El Djazair, mélange de plusieurs civilisations. Alger presque insaisissable mais toujours fascinante et captivante... point de rencontre d'aventuriers, de poètes et, hélas, de prédateurs. Aujourd'hui encore, dans l'Algérie indépendante, Alger est, pour beaucoup de jeunes et de moins jeunes du pays profond, un rêve, un objectif, un fantasme. A chacun sa «harga» !
Aïcha Kassoul, spécialiste des belles lettres d'ailleurs et d'ici, a choisi la voie royale, celle littéraire, pour démonter tout cela (...). Rachid Boudjedra, le préfacier, avait annoncé la couleur : «Présence, alors, et à profusion, du signe algérois qui devient le lien géométrique du monde, le nombril de l'univers. A juste titre. Parce que Alger est indicible»
L'Auteure : Née à Blida, professeure de littérature française et francophone à l'Université d'Alger. Consule d'Algérie à Besançon (France) de 2010 à 2015. Puis, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (Arav). Elle a publié déjà plusieurs ouvrages (...)
Table des matières : Table des matières/L'aube/ Le matin/ Midi/ Le crépuscule/ Un autre jour/Une autre nuit/Notes bibliographiques /Bibliographie des illustrations/ Biographie des peintres.
Extraits : «Ville fortifiée. Ville sanctifiée, regroupant les maisons autour de Djamaâ el Kebir, Alger ne renonce pas à ses attaches marines. Les années passent et la gréent mieux qu'un mât de misaine» (p23)
Avis - Des lectures diversifiées et judicieuses. L'empreinte littéraire de Aïcha Kassoul qui a fourni un récit historique concernant Alger presque «poétisé».
Citations : «Il est des lieux qui ressemblent aux hommes. Ils s'affichent dans la gloire du soleil et se réveillent un jour dans les ténèbres. Pour les uns comme pour les autres, terrible sera la chute» (p70), «En 1830, la civilisation avait débarqué sous la forme d'une guillotine que l'on installe dans les cours des prisons, en prévision de la répression inévitable» (p72), «A partir de la baie, la vision d'Alger est toujours mystérieuse mais seulement pour celui qui se laisse prendre au jeu de l'imagination» (p 86), ««Alger, la paresseuse tourne dos à la mer, enfermant dans ses murs casaniers des être désœuvrés. Ils ont beau être nombreux, ils ressentent tous un étrange sentiment de solitude quand vient le soir» (p 96), «Triste jeunesse en effet, qui se réfugie dans le passé, faute d'avenir. Quant au présent, c'est celui qui se conjugue en s'appuyant sur les murs fidèles comme une ombre» (p 99).
*(Fiche de lecture déjà publiée le 17 mai 2023 www. almanach-dz.com/bibliotheque dalmanach/habitat. Extraits, pour rappel)
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Dimanche 2 juin 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5330146
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