« Si vous voulez mettre un peuple à mort, coupez-lui la langue, saisissez ses terres. C'est précisément ce que veulent faire les sionistes avec nous. » Khalil Sakakini, Le mouvement sioniste, Al-Iqdam, Le Caire, 23 février 1914.
Toutes ces pratiques abjectes utilisées en Algérie par la France dès 1830 (Expropriations, spoliations, démolitions, cantonnement, resserrement, refoulement, séquestres comme punitions collectives, internement, exécutions sommaires, recours à une justice d'exception voire une justice militaire entièrement au service du pouvoir colonial) seront pratiquées par Israël de la manière la plus horrible depuis la Nakba de 1948 jusqu'à nos jours.
En Palestine, l'acquisition des terres de la part des Juifs commencera avant la création de l'Etat d'Israël et revêtira plusieurs formes. Cette opération sera différente du modèle colonial français extrêmement brutal et meurtrier dès 1830. En Palestine, depuis 1880, une partie non négligeable des terres palestiniennes sera vendue par les Arabes eux-mêmes ; de riches propriétaires terriens du temps de l'empire ottoman et qui vivaient ailleurs (Liban, Egypte, Syrie
). Le reste des terres en possession des Juifs provenait soit de l'administration du pays mandataire (cessions), soit des institutions religieuses charitables ou de philanthropes comme le baron français Edmond de Rothschild. Ces acquisitions des terres coïncideront avec les premières vagues d'immigration juive qui se contentaient au début d'établir des colonies agricoles telles « Les Amants de Sion » suivies par les vagues successives des « Aliyah » (1880/1939) expulsées par la terreur antisémite qui régnait en Europe (pogroms). Cette frénésie d'acquisition des terres avec des ambitions politiques inquiétantes finira par susciter une grande inquiétude et une farouche résistance du côté palestinien et arabe (Révoltes arabes 1936/1939 1, intellectuelle et politique). Youssouf Diya al-Khalidi, député au Parlement ottoman et Maire de Jérusalem écrivit en 1899, étant donné que la Palestine est majoritairement peuplée de non-juifs, « De quel droit les Juifs l'exigent-ils pour eux-mêmes ? L'argent juif ne sera pas en mesure d'acheter la Palestine. Elle ne peut être prise que par la force des canons et des navires de guerre ». Dans la presse arabophone, plusieurs intellectuels arabes 2 aborderont assez tôt l'épineuse question d'un Sionisme préoccupant obnubilé par la « conquête et le transfert de la population palestinienne ».
La maturation du projet sioniste prônant l'installation d'un Foyer national juif mettra du temps pour s'affirmer, le projet finira par s'imposer de manière urgente dans un climat défavorable et très menaçant pour tous les Juifs d'Europe, notamment avec la survenue du Nazisme. Sur les traces de Léon Pinsker et de Moses Hess surgira sur la scène politique européenne un personnage déterminé et irréductible. Théodore Herzl, avec des revendications très claires, se chargera de donner vie à ce rêve d'installation d'un Foyer national juif en Palestine. En se dotant de tous les moyens politiques et financiers, Herzl mènera son projet jusqu'au bout : création de l'OSM (Organisation Sioniste Mondiale) en 1897 qui créera à son tour en 1929 l'Agence juive (futur Gouvernement israélien), ainsi que la création du Fonds pour l'implantation juive (1899). « C'est la volonté de Dieu, écrira Herzl, que nous revenions sur la terre de nos pères, nous devrons ce faisant représenter la civilisation occidentale, et apporter l'hygiène, l'ordre et les coutumes pures de l'Occident dans ce bout d'Orient pestiféré et corrompu »3. Herzl était bien déterminé à en finir avec les Palestiniens, il écrira dans son journal intime le 12 juin 1895 : « Nous devrons essayer de faire disparaître la population sans le sou de l'autre côté de la frontière en lui procurant de l'emploi dans les pays de transit, tout en lui refusant tout emploi dans notre propre pays ».4
La période la plus violente et carrément génocidaire de l'occupation de la Palestine sera celle issue du partage de 1947 et du conflit qui en débouchera en 1948. On pouvait assez tôt entrevoir les prémices de la diabolique machination israélienne. L'expulsion, le génocide et l'effacement de la Palestine étaient déjà programmés. 5 Évidemment, l'historiographie sioniste propagera une vérité mystifiée. Fort heureusement, suite à l'ouverture en 1978 des archives d'Etat israéliennes et britanniques, la nouvelle historiographie post-sioniste (Simha Flapan, Avi Shlaim, Benny Morris, Ilan Pappé
) ainsi que les brillantes recherches plus anciennes effectuées par d'éminents Historiens palestiniens (Walid Khalidi, Nur Masalha, Elias Sanbar ) 6 confirmeront l'épuration ethnique. Affichant un mépris assumé à l'égard de l'ONU, dès 1937, David Ben Gourion, futur Premier ministre d'Israël, expliquait : « Après la formation d'une armée importante dans le cadre de l'établissement de l'État [juif], nous abolirons la partition et nous nous étendrons à l'ensemble de la Palestine. »7 Quant à son alter égo Yossef Weitz, chef du département colonisation de l'Agence juive en 1940, il déclarait déjà : « Il doit être clair qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Nous n'atteindrons pas notre but si les Arabes sont dans ce pays. Il n'y a pas d'autres possibilités que de transférer les Arabes d'ici vers les pays voisins - tous. Pas un seul village, pas une seule tribu ne doit rester. » 8 Plus de 700.000 Palestiniens seront expulsés de leurs terres dans des conditions inhumaines, plus de 400 villages seront détruits, avec comme bonus 25% de terres palestiniennes qui iront grossir les 56% de la Palestine déjà acquises à Israël lors du partage de 1947. Ainsi, on estime qu'entre le 15 mai 1948 et la fin de 1951, plus de 684.000 Juifs ont immigré en Israël et se sont installés sur une partie non négligeable des terres abandonnées par les Palestiniens.9
En dépit de la véhémente condamnation de l'ONU (Résolution 194 du 11 décembre 1948), aucun Palestinien n'y remettra plus jamais les pieds dans sa terre natale. Tel sera le décompte de ce premier dépeçage. Sur ces terres palestiniennes désertées, Israël installera de facto entre 1948 et fin 1951, plusieurs centaines de milliers de Juifs immigrés. Plus de 300 colonies essaimeront sur ces terres outragées. Le sort qu'elle réservera aux tribus bédouines du Néguev et de Galilée sera terrible. Eclatées, atomisées, resserrées à proximité d'une zone militarisée qui abritera illégalement des colonies qui à leur tour limiteront la liberté de circuler de ces tribus bédouines. Mettre fin à leur mode de vie millénaire et les priver de leurs terres qui constituaient leur seul moyen de subsistance, entérinait leur extinction, leur effacement, leur disparition, à moyen ou à long terme. Vulnérabilisées par cette satanique opération de cantonnement, refoulement, déplacement, démolition, ces tribus s'étiolent et se rabougrissent sans que personne ne se rende compte.
L'une des armes les plus redoutables de la politique israélienne, identique aux méthodes nazies appliquées dans les camps de concentration, sera de tenir au secret ce qui s'y tramait sur ces malheureux territoires. Des Palestiniens incarcérés dans des réserves où nul ne peut y accéder en toute liberté pour éclairer le monde sur la condition inhumaine de ces tribus anachroniques que l'on faisait disparaitre à la manière des Américains avec leur « Indian Removal Act » (« loi sur le déplacement des Indiens ». Il leur faut toujours une Loi pour justifier et légaliser les génocides. Les Américains procéderont à la déportation d'une cinquantaine de tribus entre 1831 et 1838. Cette opération légendaire surnommée la « Piste des Larmes », particulièrement brutale, s'effectua à marches forcées et coûtera la vie à des milliers d'Amérindiens. La Palestine sera le jouet exclusif d'un Etat israélien psychopathe conforté dans ses délires par toutes les puissances occidentales. Suite à l'épuration ethnique10 de 1948, les Militaires confisqueront immédiatement les territoires palestiniens des zones frontalières en invoquant la question sécuritaire.
Le Pouvoir qui leur sera dévolu sera sans commune mesure. Au moyen d'Ordonnances successives (1948/1949)11, ils géreront le foncier palestinien à leur guise. Ces Ordonnances militaires israéliennes serviront à autre chose qu'à neutraliser et sécuriser l'espace conquis, elles permettront à l'Etat de tirer profit et de fructifier par tous les moyens possibles les terres et biens immobiliers spoliés. Dans l'illégalité la plus complète, la colonisation israélienne sera gérée et organisée durant plusieurs années par des institutions aux prérogatives considérables : «The Custodian of Absentee Property », « The Development Authority » et le « Fonds National Juif ». Israël bricolera des lois pour légaliser toutes ces opérations de dépossession des terres palestiniennes. La loi de mars 1950, « The Absentee Property Law » (Loi sur la propriété des absents) permettra à Israël de s'approprier et de gérer, par l'intermédiaire de ses différentes institutions, préalablement créées à cet effet, des milliers de biens meubles et immeubles palestiniens (des terres, des maisons, des actifs, des entreprises, etc.).
En 1953, le Knesset (Parlement israélien), adoptera une nouvelle loi « The Land Acquisition Law » (La loi sur l'acquisition de terres), Loi très importante qui allait clore définitivement la question juridique des biens palestiniens spoliés (terres, propriétés et autres biens abandonnés par les Palestiniens après les opérations militaires de 1948). Israël pouvait désormais gérer comme bon lui semblait cet immense patrimoine foncier palestinien. La loi sur l'acquisition de terres a été promulguée pour garantir la « légalité » de la confiscation des terres pendant et après 1948. Cette légalisation rétroactive permettra la saisie de terres sur la base des impératifs de « Sécurité » et de « Développement ». Le deuxième dépeçage foncier s'effectuera, toujours de la manière la plus illégale, suite à la guerre des six jours. C'est principalement la déroute des armées arabes de 1967 qui a permis à Israël de s'approprier une fois de plus un territoire qui n'était pas le sien ( l'Égypte perdit la péninsule du Sinaï/60 000 km2 et la bande de Gaza/360 km2, la Jordanie, toute la rive occidentale du Jourdain, y compris Jérusalem-Est /5 600 km2, la Syrie, le plateau du Golan/160 km2), de s'agrandir et de s'installer dans la durée avec pour conséquence inévitable de cette frénésie colonisatrice, l'effacement de la ligne verte (La ligne d'Armistice de 1949). « L'objectif suprême du sionisme a été et reste toujours la création d'un État qui englobe toute la Palestine (Eretz Israël ou Terre d'Israël), entièrement débarrassée des Arabes ».12
Notes
1_ Mazin B. Qumsiyeh, Popular Resistance in Palestine : A History of Hope and Empowerment, Londres-New York, Pluto Press : Palgrave Macmillan, 2011, p. 41-42 - Rashid Khalidi, Palestinian Identity : The Construction of Modern National Consciousness, New York, Columbia University Press, 1997, p. 99-100.
2_Rashid Khalidi, Ibid., p. 120-144.
3_ Theodor Herzl, The Complete Diaries of Theodor Herzl, New York et London, Herzl Press and T. Yoseloff, 1960, I, p. 343
4_ Ibid.
5_ Walid Khali, « Plan dalet: The Zionist Master Plan for the conquest of Palestine », Journal of Palestine Studies, 1961.
6- Mazouzi Mohamed, « Palestine : L'effacement, Le poids de l'historiographie », Le Quotidien d'Oran du 20/04/2024
7_ Simha Flapan, « The Birth of Israel, Myths and realities », Pantheon, New York, 1987. P.22.
8_ Benny Morris, « 1948 and After, Israel and Palestiniens », Oxford : Clarendon Press ; New York : Oxford University Press, 1990.
9_ Peretz, Don « Israel and the Arab Refugees », Document publié sous les auspices des Nations Unies: UNX. 325.254 (569), pp. 437, 231
10_ Ilan Pappé, « Le nettoyage ethnique de la Palestine », Fayard, 2006, p.8
11_ « The Abandoned Areas Ordinance », « The Defence Regulations (security) », « The Emergency Regulations (security zones) », « The Emergency Regulations (cultivation of waste lands) ». Acquisition des terres en Palestine, Nations Unies, New york 1979 https://www.un.org/unispal
12_ Fayez A.Sayegh, Le colonialisme sioniste en Palestine, Paris, Éditions Cujas, 1968 [1965], p. 37.
l est essentiel de préciser que l'Etat d'Israël n'aurait jamais vu le jour sans l'indéfectible intervention de certaines institutions mises en place avant la naissance même de l'Etat d'Israël : « The Palestine Land Development Company » ( 1909) , « The Jewish National Fund » (1901), « The Keren Hayessod » (1920), « The Palestine Jewish Coloniatior Association » (1924).
Ces institutions se répartiront les tâches essentielles qui serviront à fabriquer Israël : Acheter les terres, organiser et financer l'opération d'immigration et d'installation des juifs, créer des colonies et avec le temps, comme ce sera le cas pour l'indétrônable « Fonds National Juif », devenir une organisation maffieuse qui se chargera des spéculations foncières les plus répréhensibles.
On constatera une similitude frappante entre la politique coloniale de l'occupant français en Algérie et celui israélien, notamment dans la légalisation des opérations de dépossession et d'extermination, il s'agira toujours d'invoquer les mêmes motifs qui serviront d'alibis à leurs crimes : Sécurité, Développement, Utilité publique, Terres mortes et incultes, Absence de titre de propriété, Séquestre comme punition collective pour avoir participé à des actes insurrectionnels.
Sur les décombres des centaines de villages et sites séculaires complètement rasés en Palestine occupée, Israël utilisera comme procédé final la technique de l'Afforestation à outrance. On plantera des millions d'arbres, on fera pousser des forêts, on installera des parcs, on essayera piteusement d'hébraïser les lieux et les sites en mobilisant archéologues et cartographes gagnés pour la cause. La Palestine sera désormais méconnaissable, invisible et retranchée de toutes les mémoires, de l'historiographie sioniste, des programmes scolaires. On mettra sur place une structure appelée « Comité des noms de lieux d'Israël » qui se chargera de cette opération de relookage. Le Mémoricide se mettra en place pour une durée indéterminée. Le sociologue israélien Baruch Kimmerling, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem, publiera un livre remarquable 1 à travers lequel il décrira le processus de ce « Politicide » «qui a pour but ultime la disparition du peuple palestinien en tant qu'entité sociale, politique et économique légitime. » Les principaux instruments de ce que l'auteur qualifie de « Politicide » auront pour fonction la destruction physique des institutions et des infrastructures publiques, la colonisation des terres, l'isolation sociale et politique, les transferts de population, les meurtres, les massacres localisés, l'élimination de la tête de l'élite. Un processus machiavélique et méthodique que l'auteur n'hésitera pas, lui aussi, à qualifier, à juste titre, de purification ethnique. La militarisation des territoires (guerre des 6 jours) et la fragmentation de la Cisjordanie en zones (Accords d'Oslo 93) créeront une confusion telle que l'Etat d'Israël au pouvoir décisionnaire majoritaire, opérationnel, sur les plans militaire et administratif, grignotera imperceptiblement chaque jour une portion de la Cisjordanie occupée. Le sociologue Alain Dieckhoff 2 expliquera de manière exhaustive l'ingénierie sioniste en matière de «Stratégie territoriale » .3 Israël construira son mur d'Apartheid , transgressera la ligne d'Armistice de 1949 , construira un lacis de 700 km de routes , fragmentera les terres palestiniennes de la Cisjordanie si bien qu'il deviendra littéralement impossible pour les Palestiniens de communiquer entre eux, dans le cadre d'une continuité territoriale rationnelle et susceptible de former un Etat. Israël laissera pousser des colonies illégales dont l'extrémisme de la plupart, au moyen de leurs milices, essayent chaque jour de reproduire la Nakba de 1948 : terroriser, agresser, démolir et expulser. L'Exécutif israélien instrumentalise une Cour Suprême qui refuse systématiquement de rendre justice à toutes les victimes palestiniennes dépossédées. L'Exécutif israélien utilise un système judiciaire d'exception avec des tribunaux militaires où les accusés palestiniens n'ont pas la moindre chance d'avoir un procès équitable. Une Justice identique à celle utilisée par la France coloniale en Algérie, sujet qui sera amplement étudié par les Historiens français Sylvie Thénault et Olivier Le Cour Grandmaison4. Les tortures et mauvais traitements sont la règle dans ces lieux de détentions inhumains. Avec la Loi du 19 juillet 2018, Israël parachèvera, (ceci étant l'acte le plus important mais néanmoins éminemment dangereux, ségrégationniste, raciste et totalement antinomique avec l'esprit d'une démocratie 5), son armature juridique et idéologique. Au sein de cette bulle juive hermétique, les minorités arabes qui vivent en Israël comme citoyens de seconde zone seront condamnées à résider ad vitam aeternam sur leurs anciennes terres, presque comme des touristes constamment menacés de reconduction aux frontières et d'expulsion à la moindre crise israélo-palestinienne.
C'est enfin le rêve inespéré de tous les Sionistes fêlés et du nouveau courant hybride néo-sioniste mystique qui fantasme sur la réinstallation de l'Israël biblique « Eretz Israel » où aucun arabe n'aura le droit d'y séjourner. Ce qui restera des opérations de dépossessions et d'épuration ethnique (1948/1967) et des Accords d'Oslo de 1993 (Le «Versailles palestinien » pour reprendre les termes d'Edward.W.Saïd), Israël est en train de l'achever en 2024, face aux cameras du monde entier, par le génocide de Gaza et l'effacement de la présence palestinienne en Cisjordanie. Depuis le 07 Octobre 2023, avec ses tanks , ses bulldozers et sa logistique militaire sophistiquée , Israël extermine aveuglement, indistinctement, quasiment toute créature humaine (Vieillards , femmes , enfants , personnels de santé publique, membres d'organisations humanitaires , journalistes ) 6 . Depuis le 07 Octobre 2023 , Israël détruit toutes les infrastructures de base à Gaza , renvoyant les Palestiniens à la préhistoire, errant avec leurs bivouacs , leurs guenilles , leurs gamelles , leurs blessures béantes, leur deuil abyssal et soumis au plus grand désespoir qu'un peuple puisse supporter. L'entité sioniste espère lâchement mettre en place la stratégie de 1948 ; détruire compétemment les lieux de vie, les rendre irrécupérables et empêcher quelque hypothétique retour des Palestiniens. Israël reproduira en Palestine la même stratégie coloniale française mis en œuvre en Algérie : Refouler, resserrer, cantonner, pousser vers les voisins, vers la mer ou vers le néant, peu importe. Depuis Février 2013, fort de sa longue expérience en matière de sécurisation de l'espace par la destruction totale des infrastructures, par le déploiement et le réaménagement à des fins sécuritaires l'ensemble du territoire, Israël s'attèlera à reconfigurer complètement la bande de Gaza7.
Agissant dans l'opacité et l'im-punité la plus totale sur l'enclave de Gaza qui lui appartient depuis 1948, elle prive la population gazaouie des besoins les plus élémentaires pour sa survie (eau, gaz, électricité, soins, nourriture). Cet état de siège qui dure depuis des années 8 avec son blocus inhumain, tournera rapidement à la catastrophe humanitaire, aux crimes de guerre, au génocide lorsqu'Israël interdira aux organisations humanitaires de sauver Gaza de l'extinction, des épidémies, de la famine, du chaos destructeur. En essayant de discréditer le travail de l'Unraw et autres missions analogues, Israël met en place la disparition programmée de la population gazaouie. Face à ce génocide que plus personne ne peut nier, avec des vidéos et des images d'apocalypse qui tournent en boucle depuis 7 mois, l'indignation submerge la planète, dans les grandes avenues, à l'intérieur des campus universitaires, face aux ambassades, sur les débats télévisés.
En décembre 2023, une plainte sera déposée par l'Afrique du Sud à la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Israël de génocide. Depuis 2024, on verra s'élargir la liste des pays qui reconnaissent la Palestine comme un État souverain. Le lundi 20 mai 2024, Le procureur général de la Cour pénale internationale a requis des mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de Benyamin Netanyahou, le chef du gouvernement israélien, et de son ministre de la Défense Yoav Gallant, pour «crimes de guerre» à Gaza. En octobre 2021, L'ambassadeur israélien auprès de l'ONU déchire le rapport du Conseil des Droits de l'homme qu'il juge comme « un parti pris anti-israélien obsessionnel ». Il y a quelques semaines, suite au vote massif par l'Assemblée générale de l'ONU en faveur d'une adhésion pleine et entière d'un État palestinien aux Nations unies, le même ambassadeur israélien Gilad Erdan déchirera, à la tribune, un exemplaire de la Charte des Nations unies. Israël fulmine et se met à menacer tout le monde. On est face à un scenario inédit dans l'histoire de ces démocraties, de leur civilisation, de leur Justice : les résolutions de l'ONU jamais respectées 9, le soutien indéfectible des Etats-Unis qui imposent systématiquement et invariablement leurs vétos au bénéfice d'Israël et au mépris du Droit et du bon sens les plus élémentaires, les condamnations des organisations des Droits de l'homme, les ruptures diplomatiques engagées par certains pays. En dépit de cet anathème mondial, Israël continue d'exercer ses menaces et intimidations, adressées quasiment au monde entier, là où le lobby juif peut intervenir et sévir. Israël impose l'omerta et l'inquisition intellectuelle, depuis le début du conflit au moyen de pressions sur les medias, les recteurs universitaires.
On ira jusqu'à intimider et menacer La Cour pénale internationale et ses membres « Cette indépendance et cette impartialité sont toutefois mises à mal lorsque des individus menacent de prendre des mesures de représailles contre la Cour ou contre le personnel de la Cour » et constituent sérieusement une « atteinte à l'administration de la justice ».10 Cette pratique maffieuse s'est déjà déroulée en 2021 et à l'encontre de la même institution.11 En 2024, en pleine guerre, le terrible Fonds National Juif, créé en 1901, continue ses opérations d'achats, de dépossessions et de spéculations foncières ignominieuses, sordide tâche dont il s'acquitte religieusement depuis plus d'un siècle. Israël annoncera la saisie de 800 ha de terres en Cisjordanie occupée, la saisie de terres la plus importante en territoire palestinien depuis les Accords de paix d'Oslo en 1993. Avec cette démence de l'Etat sioniste conjuguée à l'incroyable léthargie du monde arabe, nul ne saura de quelle manière s'achèvera le génocide palestinien ni d'où viendra le salut.
Notez
1- Baruch Kimmerling « Politicide: les guerres d'Ariel Sharon contre les Palestiniens »Ed. A. Viénot, 2003
2- Alain Dieckhoff , « Les espaces d'Israël , Essai sur la Stratégie territoriale israélienne » Fondation pour les études de défense nationale, Coll. « Les 7 épées , Paris, 1987.
-Alain Dieckhoff ,« Les trajectoires territoriales du sionisme »Vingtième siècle, n°21, janv-mars1989.
3- Mazouzi Mohamed , « Que restera-t-il de la Palestine ? », Le Quotidien d'Oran du 04/05/2024
4- Sylvie Thénault , «Une drôle de justice : Les Magistrats dans la guerre d'Algérie » Ed.La Découverte , Paris, 2001. « Violence ordinaire dans l'Algérie coloniale : Camps, internements, assignations à résidence » , Odile Jacob, Paris, , 2012.
- Olivier Le Cour Grand Maison , « De l'indigénat ,Anatomie d'un « monstre « juridique : le droit colonial en Algérie et dans l'Empire français » , Ed.La Découverte , Paris, 2010
5- L'une des lois fondamentales adoptée le 19 juillet 2018 par la Knesset dispose que le droit à l'autodétermination en Israël et dans les territoires palestiniens occupés « est propre au peuple juif » et encourage la ségrégation raciale et la discrimination à l'encontre des Palestiniens. « L'État d'Israël est le foyer national du peuple juif dans lequel il satisfait son droit naturel, culturel, religieux et historique à l'autodétermination ; La capitale d'Israël est Jérusalem entière et unifiée » - « L'État voit le développement de l'implantation juive comme une valeur nationale, encouragera et promouvra son développement et sa consolidation »
6- Ce Génocide qui dure depuis plus de sept mois aura des incidences inimaginables :
Près de 200 humanitaires tués en 6 mois à Gaza, près d'une centaine de journalistes tués.
Selon l'UNICEF, 35 800 personnes auraient été tuées, dont plus de 14 100 enfants et 9 000 femmes. Plus de 80 000 personnes auraient été blessées, dont 12 300 enfants. Des milliers d'autres sont portées disparues et seraient probablement sous les décombres. Un enfant est blessé ou tué toutes les 10 minutes. Les femmes et les enfants représentent 70 % des victimes. La totalité des infrastructures de base sont détruites. Dans la bande de Gaza, les familles déplacées vivent un dénuement total. Sans eau, sans nourriture, sans médicaments : les conditions de vie sont indescriptibles. Selon l'IPC, organisme mondial d'analyse de l'insécurité alimentaire, 95% de la population est au bord de la famine. Plus de 220 jours après l'escalade des hostilités, la bande de Gaza est sans aucun doute un des endroits les plus dangereux au monde pour un enfant. https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre
« Israël-Palestine : des milliers d'enfants usés par la guerre », le 27 mai 2024.
7- Journal « Le Monde » du 03 mai 2024, « Comment Israël remodèle la bande de Gaza »
8- « Palestine : L'État de siège » , Noam Chomsky, Ilan Pappé, Frank Barat, Éd. Galaade Collection Conversation, Février 2013.
9- Depuis 1947, Israël a fait l'objet de plus de 50 résolutions et condamnations de l'ONU, qui n'ont pas été respectées ni prises en compte. En 2022 seulement, Israël a battu tous les records en faisant l'objet de 15 résolutions de l'ONU, alors que seulement 6 concernaient la Russie, et ce, malgré la guerre entre cette dernière et l'Ukraine qui a commencé la même année.
10- Journal « Le Monde » du 03 mai 2024. « La Cour pénale internationale affirme faire l'objet de menaces » 11_ Journal « Le Parisien » du 28 mai 2024, « Israël : quand le chef du Mossad faisait pression sur la Cour pénale internationale pour éviter une enquête »
par Mazouzi Mohamed
Jeudi 6 juin 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5330259
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